Sur un plateau

Comédie de Jean-Pierre Martinez

7 à 14 comédiens

2H/5F, 3H/4F, 4H/3F, 5H/2F, 6H/1F
2H/10F, 3H/9F, 4H/8F, 5H/7F, 6H/6F, 7H/5F, 8H/4F, 9H/3F
2H/11F, 3H/10F, 2H/12F, 3H/11F, 4H/10F

L’animateur d’une obscure chaîne du câble reçoit un homme politique dont il doit assurer la promotion. Mais l’interview ne va pas se dérouler comme prévu…


Ce texte est offert gracieusement à la lecture. Avant toute exploitation publique, professionnelle ou amateur, vous devez obtenir l’autorisation de la SACD.


TÉLÉCHARGER
PDF GRATUIT
TÉLÉCHARGER
EBOOK GRATUIT
ACHETER
LE LIVRE
 

qqq

Cet ouvrage peut être commandé en impression à la demande sur le site The Book Edition, avec des réductions sur quantité (5% à partir de 4 exemplaires et 10% à partir de 12 exemplaires), livraison dans un délai d’une semaine environ.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


TEXTE INTÉGRAL

Sur un Plateau

14 personnages :

Marc-Antoine (ou Marie-Chantal) : Président(e)
Donald (ou Daisy) : Vice-Président(e)
Gégé : Technicien ou technicienne
Momo : Technicien ou technicienne
Bruno : Animateur
Delphine : Assistante
Charles : Homme politique
Claud(in)e : Invité(e)
Philippine : Invité(e)
Cassandra : invitée
Ramirez : Commissaire (homme ou femme)
Sanchez : Inspecteur ou inspectrice
Samantha : Stagiaire
Dominique : Spectateur ou spectatrice

Distribution possible (premier acte seulement)

2H/5F, 3H/4F, 4H/3F, 5H/2F, 6H/1F

Distribution possible (prologue et deux actes)

2H/10F, 3H/9F, 4H/8F, 5H/7F, 6H/6F, 7H/5F, 8H/4F, 9H/3F
2H/11F, 3H/10F,2H/12F, 3H/11F, 4H/10F

***

ACTE 1

La scène figure le plateau de tournage d’une improbable chaîne du câble dont le nom figure sur un panneau contre le mur du fond : Canal Direct Plus. Le plateau est pour l’heure vide, à l’exception d’une table basse sur laquelle sont posés trois micros. Un technicien arrive en bleu de travail. Il porte un fauteuil. Il inspecte rapidement les lieux pour vérifier qu’il est au bon endroit.

Gégé – Momo !

Momo (off) – Ouais ?

Gégé – Une Volonté, Un Destin, c’est bien le plateau numéro 2 ?

Momo – Ouais.

Gégé – Ben faudrait s’affoler le minou là, on est à l’antenne dans un quart d’heure.

Gégé pose le fauteuil d’un côté de la scène. Momo, également en bleu de travail, arrive avec un autre fauteuil. Selon les besoins de la distribution, Gégé et Momo pourront indifféremment être des hommes ou des femmes (au look un peu masculin).

Momo – Eh, je ne suis pas Dieu, moi, je ne peux pas être partout. (Il pose le fauteuil en face de l’autre) Et puis il n’y a pas le feu au lac. L’invité de l’émission est encore au maquillage…

Gégé – Elle est où, la caméra ?

Momo (désignant la régie) – Là bas.

Gégé interpelle la régie.

Gégé – Ça va les fauteuils ? Plus au centre ?

Momo et Gégé rapprochent un peu les fauteuils.

Gégé – C’est qui l’invité, aujourd’hui ?

Momo – Un politicien.

Gégé – Qui ça ?

Momo – Je ne sais plus…

Gégé – À droite ou à gauche ?

Momo – Au centre, il me semble. Mais bon, maintenant, la droite, la gauche…

Gégé – Je te parle des fauteuils, abruti. Il va s’asseoir à gauche ou à droite, ton centriste ?

Momo – C’est ça le problème avec les centristes. On ne sait jamais d’avance de quel côté ils vont siéger…

Gégé – Tu crois vraiment qu’on a le temps de rigoler ?

Momo – D’habitude, l’invité du jour s’assoit là. Et les autres trous du cul s’asseyent en face de lui à tour de rôle.

Gégé – Et l’animateur ?

Momo – T’as raison, il manque un fauteuil.

Gégé – Ben ouais, il me semble…

Momo sort.

Gégé – Il est con, lui.

Momo revient avec un fauteuil qu’il pose au centre entre les deux autres.

Momo – Et voilà.

Gégé – Tiens, assieds-toi là.

Momo s’assied à la place de l’invité et Gégé sur le siège de l’animateur.

Momo – Ok. Je fais l’invité, alors.

Gégé interpelle à nouveau la régie.

Gégé – Tu nous entends, là ? Ok. On fait un essai de micro. (À Momo) Alors, Monsieur Ducon de la Tronche en Biais, vous nous aviez promis pendant votre campagne électorale que les impôts allaient baisser et que les salaires allaient augmenter. Or c’est exactement le contraire qui s’est passé. Comment osez-vous encore montrer votre tête de nœud à la télévision ?

Momo – Cher ami, il ne faut pas voir les choses d’une façon aussi simpliste et caricaturale. En réalité, au-delà des apparences parfois trompeuses, la situation de la France est loin d’être aussi catastrophique que l’opposition voudrait nous le faire accroire…

Gégé – Bon ben on dirait que ça marche.

Momo – Ouais…

Gégé – Le spectacle va pouvoir commencer…

Momo – Quand les clowns seront sortis du maquillage…

Gégé – Et l’animateur, c’est qui, pour Une Volonté, Un Destin ?

Momo – Ben c’est l’autre crétin, là. Celui qui vient d’arriver.

Gégé – Celui qui s’est fait virer de France 2 ? Je pensais qu’il en profiterait pour prendre sa retraite anticipée du côté de Saint-Rémy-de-Provence…

Momo – Qu’est-ce que tu veux ? Le câble, maintenant, c’est la retraite chapeau du service public.

Gégé – Ouais. Aujourd’hui, même les anciens ministres se recasent en animateur télé.

Momo – Regarde Roselyne Bachelot.

Gégé – Du temps de l’ORTF, c’était le contraire.

Momo – Le contraire ?

Gégé – C’est les présentateurs télé qui se recasaient dans la politique. Regarde Noël Mamère !

Momo – C’est sûr que Roselyne Bachelot, elle n’aurait jamais pu faire présentatrice du temps où la télé était encore en noir et blanc.

Gégé – Tiens, voilà le présentateur vedette, justement…

Bruno, l’animateur arrive, genre vieux beau, aimable comme un animateur.

Bruno – Alors Messieurs, ça va comme vous voulez, j’espère. Parce qu’on n’est pas en avance, là…

Gégé – La faute à qui ? On n’a même dû faire la balance nous-mêmes. Il a fini de se faire belle, votre centriste ?

Bruno – Je ne suis que présentateur… Et il y a des clients qui demandent un plus de maquillage que d’autres pour être présentables… Les caméras sont en place ?

Momo – Ouais, ouais, ça baigne.

Bruno – Qu’est-ce qu’on ferait sans les caméramans ?

Gégé – De la radio, probablement.

Bruno – Ah, ah, ah ! Excellente… Ça me rappelle ma jeunesse, quand je faisais mes débuts sur une radio périphérique. Je vous ai déjà raconté la première fois où j’ai rencontré Michel Drucker ?

Gégé (le coupant) – Bon excusez-nous, mais on a du boulot, nous.

Gégé et Momo sortent.

Bruno – Du boulot… Quel bande de branleurs. Un qui bosse et deux qui regardent, oui… (Appelant en direction des coulisses) Delphine ? (Sortant son portable) Qu’est-ce qu’elle fout encore, cette dinde ?

Son assistante Delphine arrive, jeune et jolie, vêtue d’une façon plutôt provocante.

Bruno – Ah Delphine ! Ça roule ma poule ? Justement, j’allais vous biper…

Delphine (aguicheuse) – Je suis là, Docteur. Prête à satisfaire tous vos désirs…

Bruno – Et l’invité, il est prêt ?

Delphine – Oui, oui, il arrive…

Bruno – Les politiciens, je te jure. Question maquillage, c’est pire que les gonzesses.

Delphine – Surtout que là, il y a du boulot…

Bruno – Il m’a même fait jurer de le faire asseoir à droite parce que c’était son meilleur profil. Vous voyez le tableau…

Delphine – Moi, en tout cas, je ne peux pas l’encadrer…

Bruno – Ce n’est pas un cadeau, je sais, mais bon… Ce sera peut-être notre prochain président ! Figurez-vous qu’on était à Sciences Po ensemble. Il avait déjà les dents qui rayaient le plancher.

Delphine – Il est d’une prétention ! Et d’un machisme !

Bruno – Ah, ça ce n’est pas bien… Il ne vous a pas manqué de respect, au moins ?

Delphine – Il a demandé à la stagiaire de lui apporter une tisane au miel pour s’éclaircir la voix avant l’émission. Et vous savez quoi ? Il l’a renvoyée parce qu’elle n’était pas assez chaude !

Bruno – Pas assez chaude ? Qui ? La tisane ou la stagiaire ? (Il rit bruyamment) Il faut dire que je l’ai croisée ce matin, Samantha, elle est plutôt… (Devant le regard réprobateur de son assistante) Bon… Il nous reste une minute. On voit les derniers détails ensemble ?

Delphine – J’allais vous le proposer…

Bruno – Et les prolos qu’il a convoqués pour faire son apologie, ils sont tous là ?

Delphine sort une liste.

Delphine – Oui… Enfin, justement, je voulais vous en parler…

Bruno – Oui ben on n’a plus le temps là, ma chérie. Faites voir… (Bruno lui prend la liste des mains et y jette un regard rapide). J’imagine que dans le tas, il y a la maîtresse d’école qui lui a procuré ses premiers émois amoureux, son copain d’internat qui lui a appris comment s’astiquer le manche et l’amie de sa mère qui l’a dépucelé… Je déconne…

Charles, l’homme politique, arrive, une tasse à la main.

Bruno – Charles ! Comment vas-tu ?

Charles – Mais très bien Bruno, et toi ?

Bruno – Désolé, je n’ai pas pu venir te saluer au maquillage, mais on est un peu à la bourre… On t’a proposé un café ?

Charles – Jamais de café, ça noircit les dents… J’ai aussi arrêté de fumer et je fais un petit régime.

Bruno – Ah oui, ça se voit.

Charles – Mon conseil en communication me dit que quand on a des ambitions politiques, il vaut mieux avoir les dents blanches et ne pas avoir l’air trop bien nourri.

Bruno – C’est clair.

Charles – Euh… Non… C’est Pierre.

Bruno – Pierre ? C’est qui Pierre ?

Charles – Mon conseil en communication.

Bruno – Ah, oui… C’est clair.

Charles – C’est curieux de se retrouver ici, non ? Ça fait des années…

Bruno – C’est ce que j’étais en train de dire à Delphine, justement. On était encore étudiants à Sciences Po.

Charles – Moi, c’était l’ESSEC.

Bruno – C’est ça. On était encore jeunes et beaux. C’était le bon temps !

Charles – Et oui…

Bruno – En tout cas, elles ne t’ont pas loupé, hein ? Tu es maquillé comme une voiture volée !

Charles – Je compte sur toi pour éviter ce genre de blagues quand on sera à l’antenne. Déjà que les politiques sont un peu mal aimés…

Bruno – Tu sais ce qu’on dit : Mieux vaut être mal aimé que mal bai… (Il s’interrompt en croisant le regard de Delphine) Au fait, tu connais Delphine ? C’est mon assistante…

Charles – Oui, oui, on s’est croisé, mais… Je ne savais pas que c’était ton assistante…

Bruno – Pour moi, c’est beaucoup plus qu’une assistante, crois-moi… Mais ne t’avise pas de me la piquer, hein ?

Charles – Tu n’as pas changé, toi…

Bruno – Bien sûr à l’antenne on se vouvoie.

Charles – Sinon on va encore parler des relations incestueuses entre le politique et le médiatique.

Bruno – Si tous les hommes politiques n’épousaient pas des femmes journalistes aussi !

Delphine – Le jour où ce sera le contraire, on aura fait un grand pas vers l’égalité des sexes…

Bruno – Ah… Elle est bonne celle-là ! Vous imaginez Martine Aubry remariée avec Laurent Delahousse ! (Les deux autres ne rient pas) Bon assez rigolé, il va falloir y aller mon vieux… On passe à l’antenne dans cinq minutes…

Charles – Tout est prêt alors ?

Bruno – Oui, oui, ne t’inquiète pas… Delphine m’a donné la liste de tes invités-surprise, soigneusement préparée par ton dircom.

Delphine – Justement, je voulais vous en parler…

Bruno lui prend la liste des mains.

Bruno – Voyons voir… Alors, qui on a en premier… Madame Carpentier…

Charles – Madame Carpentier ? C’est qui ça ? Je n’ai jamais donné ce nom là sur ma liste d’invités-surprise !

Delphine – C’est à dire que… Avec cette épidémie de gastro, en ce moment, on a eu pas mal de désistements et… Il a fallu remplacer quelques-uns de vos invités…

Charles – Comment ça remplacer ? Vous en avez parlé avec Pierre ?

Bruno – C’est qui Pierre ?

Charles – Pierre ! Mon conseil en communication, bordel !

Delphine – C’est à dire que… On a du faire ça au dernier moment…

Bruno – Ne t’inquiète pas Charles, tout est sous contrôle… On a l’habitude, tu sais… On gère… Et puis comme ça, au moins, ce sera vraiment des invités-surprise !

Charles – Je déteste les surprises… Si je suis arrivé là où j’en suis aujourd’hui, figure-toi, c’est parce que je n’ai jamais rien laissé au hasard…

Bruno – Cool… Détends-toi… Tu veux que j’appelle la stagiaire pour te faire un petit massage avant l’émission ? Elle est très douée, tu sais…

Charles – Parlons-en de la stagiaire. Cette tisane qu’elle m’a donnée, ça me donne envie d’aller aux toilettes… J’ai encore le temps, non ?

Bruno – Oui, oui, vas-y… C’est par là… Mais dépêche-toi quand même…

Charles pose sa tasse sur la table et sort.

Bruno – Mais qu’est-ce que vous avez foutu, bordel ? Vous auriez pu m’en parler !

Delphine – J’ai essayé, mais…

Bruno – Bon, de toute façon, on n’a plus le temps…

Delphine fait un signe de tête discret en direction du public.

Delphine – Euh… Il faudrait peut-être que vous leur disiez un petit mot avant de commencer…

Bruno – Ah oui, c’est vrai, je les avais oubliés, ceux-là…

Bruno s’adresse au public avec un grand sourire.

Bruno – Mesdames et messieurs, bonjour. Et bienvenue dans les studios de Canal Direct Plus. Comme vous le savez, vous allez assister à la diffusion en direct de notre émission Une Volonté, Un Destin sur notre chaîne du câble. Donc, vous pouvez applaudir de temps en temps si vous voulez, et c’est même recommandé (Delphine montre une pancarte sur laquelle est inscrit « applaudissements »). Mais autrement, vous ne faites pas trop de bruit, d’accord ?

Delphine – Alors si vous voulez vous moucher, ou tousser, ou vous étrangler avec votre pop corn, c’est maintenant.

Bruno – Pas de bébés asthmatiques dans la salle ? Ou de personnes âgées qui respirent avec un appareil trop bruyant ? Ou de belles-mères trop bavardes ? Sinon, c’est le moment d’aller les déposer à l’accueil. On vous les rendra à la sortie.

Assistant – Pour les téléphones portables, c’est pareil.

Bruno – N’oubliez pas de mettre une petite étiquette dessus pour éviter les erreurs quand on vous les rendra.

Delphine – Bruno parlait des portables, bien sûr.

Bruno – Vraiment, pas de regrets ?

Delphine – Alors c’est parti !

Charles revient.

Bruno – Ah, Charles, ça y est ? On a fini son petit pissou ? Bon alors on va pouvoir lancer l’émission…

Charles semble découvrir la présence du public .

Charles (à voix basse) – C’est qui tous ces gens ?

Bruno – Ben c’est le public.

Charles – Le public ? Pour quoi faire le public ?

Delphine – L’émission est en public.

Charles – Je ne savais pas que c’était en public…

Bruno – Ce sont tes électeurs, Charles ! C’est important qu’ils soient là…

Charles – Mes électeurs ? Vous avez bien vérifié avec mon conseil en communication qu’ils avaient tous voté pour moi ?

Bruno – Je voulais dire des électeurs en général. Si tu veux être le prochain président, mon vieux, ce sont ces gens-là que tu dois convaincre ! Le peuple de France ! C’est à eux que tu dois t’adresser ! Et Canal Direct Plus est là pour t’y aider !

Gégé revient.

Gégé – Bon, je ne voudrais pas vous bousculer, mais on passe à l’antenne dans trente secondes là, alors si vous pouviez vous asseoir à vos places et arrêter de jacasser…

Bruno – Ok… Si la technique est prête, alors on y va…

Ils prennent place dans les fauteuils. Delphine, en retrait du champ des caméras, fait le compte à rebours avec les doigts : cinq, quatre, trois, deux, un, zéro… Générique de l’émission. Puis elle donne le signe du départ en pointant du doigt le présentateur pour lui dire que c’est à lui.

Bruno – Cher public fidèle, et toujours plus nombreux, bonjour ! Très heureux de vous accueillir à nouveau sur le plateau de Une Volonté, Un Destin. Notre invité du jour, vous le connaissez, c’est l’un de vos élus, et un homme politique qui monte : Charles Dalencourt. Monsieur Dalencourt bonjour !

Charles – Bonjour Bruno, et bonjour à tous. Merci de m’avoir invité sur ce plateau…

Bruno – Monsieur Dalencourt, vous êtes actuellement Député des Français de l’Étranger, une circonscription injustement méconnue, mais il est vrai plus difficile à situer sur une carte que la Corrèze ou le Calvados…

Charles – Il est pourtant essentiel que ceux de nos compatriotes qui participent au rayonnement de la France dans le monde soient dignement représentés au Parlement.

Bruno – Et cher public, il est nécessaire de préciser que Monsieur Dalencourt, en parlant de nos compatriotes de l’étranger, ne fait pas seulement référence à Charles Aznavour, Gérard Depardieu ou Yannick Noah, mais aussi à tous ces ingénieurs français anonymes qui exportent de par le monde ce que l’industrie française a de meilleur à proposer en matière d’avions militaires ou de centrales nucléaires…

Charles – Je considère en effet tous ces anonymes comme les soldats inconnus de la mondialisation.

Bruno – Belle formule, Charles, et qui me fournit une transition facile. Ce n’est un secret pour personne que l’on parle de vous pour le Ministère des Armées ou le Ministère de l’Intérieur, et vous ne cachez pas vos ambitions pour la prochaine présidentielle.

Charles – Chaque chose en son temps, Bruno. Et je n’ai pour l’instant qu’un seul but : servir la France du mieux possible à la place qui est la mienne aujourd’hui.

Bruno – Cette modestie vous honore, Monsieur Dalencourt. En tout cas, cette émission permettra sans doute au grand public de vous connaître un peu mieux. En effet, si les Français de l’Étranger qui vous ont élu ont une image assez précise de votre parcours politique, les autres découvrent peut-être aujourd’hui votre visage.

Charles – J’espère qu’ils ne seront pas déçus…

Bruno – À vous de leur montrer votre meilleur profil, Charles ! Quoi qu’il en soit, si les Français connaissent le personnage politique, ils ignorent tout de l’homme. Qui est assez discret, il faut bien le dire…

Charles – En effet, je n’aime pas beaucoup parler de moi. Mais je crois que c’est une nécessité de nos jours de savoir se mettre un peu en avant. Et mes concitoyens, qui m’ont placé aux responsabilités que j’occupe aujourd’hui, ont le droit de savoir qui je suis…

Bruno – Sans plus tarder, Monsieur Dalencourt, nous recevons le premier de nos invités-surprise. Invitée qui, n’en doutons pas, nous permettra d’éclairer votre personnalité sous un jour un peu plus personnel… puisqu’il s’agit de votre ancienne maîtresse !

Le visage de Charles se décompose.

Charles – Ma maîtresse…

Entre une dame d’âge mûr, éventuellement avec un accent du terroir. Depuis le côté de la scène, Delphine montre au public la pancarte sur laquelle est inscrit « applaudissements ». Bruno jette un regard à sa fiche.

Bruno – Bonjour Claudine, et bienvenue dans notre émission Une Volonté, Un Destin !

Charles semble surpris, mais prend sur lui.

Bruno – Charles, j’imagine que vous reconnaissez Claudine… même si quelques années ont passé depuis la dernière fois où vous vous êtes vus…

Charles – Oui, oui, bien sûr… Enfin, non… C’est à dire que… Claudine ?

Bruno – Depuis toutes ces années, elle a un peu changé, elle aussi. Elle est maintenant à la retraite. Mais oui, Charles, c’est bien votre maîtresse d’école ! Claudine ! Que vous avez connue à l’époque où vous usiez vos fonds de culotte sur les bancs de l’École Jules Ferry de Fontenay-aux-Roses…

Charles – Ah oui, bien sûr… Madame Carpentier, évidemment… C’est pour ça que le nom de Claudine…

Bruno – Tout d’abord, Claudine, est-ce que Charles était un élève brillant ?

Claudine – Brillant ? Mon Dieu… Non, je dirais plutôt… Moyen. Voilà, c’était un élève juste dans la moyenne. Un peu en dessous, peut-être.

Bruno – Et bien dites-moi, Claudine, on dirait qu’il s’est bien rattrapé, n’est-ce pas ? Comme quoi tous les cancres à l’école primaire conservent une bonne chance de devenir Président de la République un jour dans notre beau pays…

Claudine – Oui…

Bruno – Alors Claudine, décrivez-nous un peu comment était Charles quand il était enfant. Quel adjectif vous vient d’abord à l’esprit pour qualifier le jeune garçon qu’il était à l’époque ?

Claudine – Un adjectif ?

Bruno – Oui… Ou plusieurs, si vous préférez.

Claudine – Ce n’est pas facile…

Bruno – Essayez quand même… Sans trop réfléchir…

Claudine réfléchit.

Claudine – Sournois.

Bruno – Pardon ?

Claudine – Oui… Je ne dirais pas qu’il était méchant, ça non. Mais sournois, vous voyez ?

Bruno – Oui, enfin…

Claudine – Faux cul, si vous préférez.

Bruno essaie de le prendre avec humour pour dédramatiser.

Bruno – Je ne sais pas ce que Charles préférera, en effet…

Charles – C’est vrai que je n’étais pas un enfant très sage, je le reconnais volontiers… Comme tous les garçons de mon âge, j’imagine…

Claudine – Disons que… Quand il faisait une bêtise, il se débrouillait toujours pour que quelqu’un d’autre porte le chapeau à sa place, vous voyez ?

Bruno – Je vois, Claudine… Et bien merci pour ce premier témoignage qui n’en doutons pas…

Claudine – Une fois, je me souviens, il avait cassé le bras d’un nain en jouant au ballon pendant la récréation…

Bruno – Un nain ? Monsieur Dalencourt étudiait dans une école pour nains ?

Claudine – Non, mais pas un vrai nain. Un nain en porcelaine. Un nain de jardin, si vous préférez. Il était juste au milieu du parterre de fleurs, dans la cour de récréation.

Bruno – Ah, oui… Je me disais aussi… Une école pour nains. Vous n’avez rien de Blanche Neige, n’est-ce pas Claudine ?

Claudine – Bref, Monsieur Charles avait cassé le nain. C’était Joyeux, mon préféré. Je me demande si ce petit salaud ne l’avait pas fait exprès. Et bien il s’est arrangé pour faire accuser un de ses camarades à sa place…

Bruno – Allons, Claudine, nous n’allons pas accabler davantage ce pauvre Charles… Il est humain de ne pas vouloir payer les pots cassés… Et après tout, il y a prescription, n’est-ce pas ? D’ailleurs, je suis sûr que Charles a sincèrement regretté plus tard ce fâcheux incident… Et cela nous montre surtout que c’est un homme comme tout le monde, parfaitement normal, avec ses défauts et surtout ses qualités.

Claudine – En tout cas, il n’a pas changé…

Bruno – Et bien merci Claudine pour ce témoignage…

Claudine – Je me souviens d’une autre histoire…

Bruno – Une autre fois Claudine… Nous avons encore beaucoup d’autres invités, et…

Claudine s’en va, emmenée presque de force par Delphine, sous le regard courroucé de Charles, qui tente cependant de faire bonne figure. Depuis le côté de la scène, Delphine montre au public la pancarte « applaudissements ».

Bruno – Et bien Charles, ce sont les joies du direct ! Au moins on ne pourra pas nous accuser d’avoir trié les invités sur le volet !

Charles – Tout à fait, Bruno…

Bruno – Alors, un peu d’émotion en revoyant votre chère maîtresse, tant d’années après ?

Charles – Bien sûr, c’est très émouvant pour moi de revoir Claudette…

Bruno – Claudine…

Charles – Je crains malheureusement que cette pauvre femme n’ait plus toute sa tête.

Bruno – Et bien sans plus tarder, Charles, nous recevons notre deuxième invité.

Depuis le côté de la scène, Delphine montre au public la pancarte « applaudissements ». Entre une femme plutôt jeune, avec un accent étranger. Le rôle de Philippine peut aussi être joué par un homme à la sexualité ambiguë.

Charles – Philippine ?

Bruno – Ah, celle-ci au moins, vous la reconnaissez…

Charles – Oui, enfin…

Bruno – Alors, Philippine ? Vous étiez la colocataire de Charles lorsqu’il était étudiant, je crois.

Philippine – Philippine, en fait, c’est un surnom… Parce que je viens des Philippines… Et que Monsieur Charles n’arrivait pas à prononcer mon vrai nom…

Bruno – Dans ce cas, quel est votre véritable prénom ?

Philippine – Zasstermadmarmo. C’est un prénom d’origine tibétaine qui désigne la Déesse de la Richesse.

Bruno – Zasster… Et bien je crois que nous continuerons à vous appeler Philippine, n’est-ce pas ? Alors Philippine, quel genre de colocataire Charles était-il ?

Philippine – Très soigneux.

Bruno – Le goût de l’ordre, c’est plutôt un bon point pour un futur Ministre de l’Intérieur…

Philippine – Je dirais même qu’il était un peu… maniaque.

Bruno – Maniaque ?

Philippine – Il fallait que ses pantalons soient toujours impeccablement repassés. Avec le pli juste au milieu. Pour que ça tombe exactement sur le pompon de ses mocassins.

Bruno – Parce que c’était vous qui lui repassiez ses pantalons ? Eh bien dites-moi, Philippine, j’aurais rêvé d’avoir une colocataire comme vous lorsque j’étais étudiant…

Philippine – J’étais plutôt sa femme à tout faire, en réalité…

Bruno – À tout faire ? Dans ce cas, Philippine, vous n’êtes pas seulement la colocataire parfaite, vous êtes la femme idéale !

Philippine – Comme j’étais sans papier, je ne pouvais même pas louer une chambre de bonne à mon nom… Alors Monsieur Charles m’a recueillie chez lui…

Bruno – Ce qui prouve sa générosité…

Philippine – En échange, j’effectuais quelques tâches ménagères…

Bruno – Je vois… De petits arrangements entre amis, somme toutes…

Christelle – Monsieur Charles avait aussi recours à mes services lorsqu’il se sentait un peu seul, vous voyez ce que je veux dire…

Bruno – Bien sûr, vous lui faisiez la lecture le soir au coin du feu… Ou bien un petit massage de temps en temps pour le déstresser avant de passer un examen important…

Philippine – Oui, enfin…

Bruno (la coupant) – Alors justement, quel genre d’étudiant était-il ? J’imagine que Charles était tout aussi consciencieux en ce qui concerne ses études que maniaque sur ses plis de pantalons, non ?

Philippine – Je ne devrais pas le dire, mais c’est moi qui lui ai tapé son mémoire de maîtrise…

Bruno – Encore un petit service en matière de secrétariat, donc. C’est qu’à l’époque, on l’a trop vite oublié, les traitements de texte n’existaient pas encore. Donc, il vous donnait ses brouillons, et vous les tapiez à la machine…

Philippe – Oui, c’est moi qui ai tapé son mémoire à la machine. Mais en fait… Il ne m’a jamais vraiment donné de brouillon. En fait, c’est moi qui ai entièrement rédigé son mémoire à sa place.

Bruno – Vraiment ? On peut dire que par là, il vous a donné une grande marque de confiance, n’est-ce pas ?

Philippine – En échange, il m’a fait obtenir un titre de séjour provisoire par son père, qui était préfet.

Bruno – Et bien Mesdames et Messieurs, voilà qui nous montre que Charles peut aussi être un homme de cœur. Merci Philippine pour cet émouvant témoignage.

Philippine – D’ailleurs, Monsieur Charles, si vous pouviez encore faire quelque chose pour moi. Mon visa arrive à expiration à la fin du mois, et… Je ferai tout ce que vous voulez, je vous jure…

Bruno – Mon assistante va prendre vos coordonnées, et je suis sûr que Monsieur Dalencourt, quand il sera Ministre de l’Intérieur, étudiera votre dossier avec bienveillance… N’est-ce pas, Charles ?

Charles – Bien sûr…

Bruno – Quelqu’un peut raccompagner Mademoiselle Philippine à la frontière… Je veux dire dans les coulisses…

Gégé et Momo arrivent et entraînent de force Philippine vers les coulisses. Depuis le côté de la scène, Delphine montre au public la pancarte « applaudissements ».

Philippine – Mais lâchez-moi, bande de brutes…

Ils sortent.

Bruno – Eh bien Charles ? Un dernier commentaire avant que nous passions à l’invité suivant…

Charles – J’ai d’abord cru reconnaître cette personne, Bruno, mais je suis à peu près sûr maintenant qu’il s’agit d’une usurpatrice…

Bruno – C’est aussi mon avis, Charles. Et je suis vraiment désolé pour cet incident. Mais que voulez-vous ? Ce sont les aléas de la télévision ! Sûrement une intermittente du spectacle qui avait un message à nous faire passer…

On entend des bruits de luttes et d’altercations en coulisses. Moment de flottement.

Bruno – Une émission pleine de surprises, donc ! Que va nous apprendre encore sur vous notre troisième invité…? (Regardant sa liste) Qui n’est autre, si je ne m’abuse, que la baronne Cassandra Von Kronenbourg, votre belle-mère…

Depuis le côté de la scène, Delphine montre au public la pancarte « applaudissements ».

Bruno – Ah, on me dit dans l’oreillette que cela ne va pas être possible…

Une femme tente de pénétrer sur le plateau, mais elle est aussitôt embarquée par Gégé et Momo (si seul le premier acte est joué comme une comédie courte, ces bruits de lutte et le personnage de la baronne pourront rester off afin de ne pas ajouter une figuration inutile).

Cassandra – Mais enfin, laissez-moi passer ! J’ai des choses à dire…

Bruno – Hélas, nous sommes pris par le temps. Nous devons rendre l’antenne et nous ne pourrons pas recevoir notre dernier invité.

Charles – C’est dommage, celle-là figurait bien sur ma liste d’invités-surprise…

Bruno – Mesdames et Messieurs, le temps passe trop vite, et nous sommes malheureusement contraints de rendre l’antenne. Demain, nous recevrons sur ce plateau la Présidente de l’Association de Défense des Usagers des Réseaux Sociaux de France, en remplacement de Mark Zuckerberg qui s’est désisté au dernier moment à cause d’une grève des contrôleurs du ciel à Roissy. Merci de votre fidélité à Une Volonté, Un Destin, et très bonne soirée à vous…

Générique de l’émission. Sourire de circonstances.

Charles – Non mais quel calvaire… Il faut que je file aux toilettes… Ça doit être le stress pendant l’émission… Toi, je te retiens, Bruno !

Delphine – Un peu moins fort… Il reste encore quelque personnes dans la salle…

Charles – Vous, la dinde, on ne vous a rien demandé ! Si vous n’aviez pas changé la liste de mes invités au dernier moment sans m’en parler !

Bruno – Allez, on va tous se calmer… Après tout, ça ne s’est pas si mal passé que ça, non ?

Charles – Tu trouves ? Enfin, on coupera tout ça au montage…

Bruno – Au montage ? Mais Charles, c’était en direct…

Charles – En direct ? Je ne savais pas que c’était en direct…

Delphine – Allez, ce n’est pas si grave que ça.

Bruno – L’important, tu sais, c’est de passer à la télé.

Charles – Tu crois ?

Bruno – Et puis entre nous, si tu veux mon avis, en matière de politique, les Français préfèrent les tricheurs et les magouilleurs…

Charles – Tu crois ?

Bruno – Mais oui ! Les gens ont horreur des hommes politiques honnêtes. Ça leur fait peur. Quelqu’un d’honnête, qu’est-ce que tu veux, ils n’ont pas confiance.

Delphine – Ils préfèrent quelqu’un qui leur ressemble.

Bruno – Là ils vont se sentir plus proches de toi.

Delphine – Regardez Mitterrand, Sarkozy ou Chirac.

Charles – Ouais, évidemment.

Bruno – Mais bien sûr !

Delphine – C’est qui les gentils ? Rocard ? Chaban-Delmas ? Delors ? Pour un premier ministre, à la rigueur. Mais pour un président, ils veulent Super Menteur.

Delphine – Mais attention ! Avec un côté terroir, quand même. Corrézien de préférence.

Bruno – Les Français, ils votent au centre. Et au centre de la France, qu’est-ce qu’il y a ?

Delphine – Le Massif Central.

Bruno – Et au Centre du Massif Central ?

Delphine – La Corrèze

Bruno – Chirac et Hollande.

Delphine – Tous les deux anciens députés de la Corrèze.

Bruno – Moi je suis député des Français de l’Étranger…

Delphine – Mais vous êtes centriste !

Bruno – Et cette émission a bien fait ressortir ton côté auvergnat.

Charles – Tu es sûr que la Corrèze, c’est en Auvergne ?

Bruno – On ne va pas chipoter, non plus.

Delphine – Pour être président, dans ce pays, il faut montrer qu’on serait capable de vendre un cheval de trait pour un pur sang arabe.

Bruno – Les Français, pour l’Elysée, ils aiment bien ce côté maquignon.

Delphine – Sinon comment espérer vendre un Rafale au Qatar.

Bruno – Ou un paquebot à la Suisse.

Charles – Tu crois ?

Bruno – Mais bien sûr !

Charles – Donc à ton avis, on ne coupe rien.

Delphine – Il faudrait tout couper, sinon.

Bruno – Et puis de toute façon, c’était en direct.

Charles – Eh ben tu vois, tu m’as presque convaincu.

Bruno – Je te dis que c’était une bonne émission.

Charles – Dis donc, Bruno, ça te dirait de remplacer Pierre ?

Bruno – C’est qui Pierre ?

Charles – Mon conseil en communication !

Bruno – On déjeune, et on en parle ?

Ils sortent.

Pour les compagnies qui chercheraient un texte court (une petite demi-heure) avec sept personnages, la pièce peut s’arrêter là. Pour les autres, deuxième acte, avec l’introduction de cinq nouveaux personnages.

ACTE 2

Gégé et Momo, les deux techniciens, reviennent sur le plateau pour y mettre un peu d’ordre.

Gégé – C’est quoi, maintenant, sur le plateau numéro 2 ?

Momo – Téléachat.

Gégé – Qu’on nous vende des lessives ou des politiques, de toute façon… Ils nous promettent toujours de laver plus blanc… La télé, c’est toujours du téléachat, non ?

Ils passent un coup de balai par terre, nettoient la table et remettent en place les micros.

Momo – Alors, qu’est-ce que tu en as pensé du centriste ?

Gégé – Ben tu vois, il m’a plutôt déçu en bien.

Momo – Oui, moi aussi.

Gégé – On enlève les fauteuils ?

Momo – Il faut faire de la place pour les produits.

Gégé – Qu’est-ce que c’est comme produits ?

Momo – Des urnes.

Gégé – Non ? Après nous avoir vendu le candidat, ils nous vendent les urnes ?

Momo – Des urnes funéraires !

Gégé – Ah ouais…

Momo – L’après-midi, il n’y a plus que le quatrième âge qui regarde la télé. Il faut reconnaître, ce n’est pas toujours évident de trouver des produits qui les font encore rêver.

Gégé – Tu as raison, juste après la sieste, une bonne promo pour la crémation…

Momo – Vivement la retraite, tiens. Que nous aussi on se la coule douce devant la télé au lieu de bosser dedans.

Gégé – Qui est-ce qui va le présenter, ce téléachat ?

Momo – C’est Samantha, la stagiaire, qui va s’y coller. Je l’ai fait un peu répéter son rôle tout à l’heure. Rien que de la voir serrer une urne funéraire contre sa poitrine, ça donne envie de se faire incinérer.

Gégé – Ah ce point là ?

Momo – C’est de la bombe, je te dis. Tu ne l’as pas encore aperçue ?

Gégé – Je ne crois pas.

Momo – Tu t’en souviendrais, crois-moi… Tiens, la voilà justement…

Samantha, la stagiaire, arrive, paniquée.

Gégé – Ben qu’est-ce qui vous arrive, mon petit ?

Samantha – Oh mon Dieu ! Vous avez vu Delphine ?

Momo – Elle était là tout à l’heure… Qu’est-ce qui se passe ?

Samantha – Je viens de trouver Charles Dalencourt dans les toilettes pour hommes.

Gégé – Les toilettes pour hommes ? Et c’est si grave que ça ?

Delphine – Il est mort !

Samantha repart.

Momo – Dalencourt ? Mort ?

Gégé – Apparemment, ton centriste ne sera jamais Président de la République…

Momo – Oui, ça devient très improbable, en effet. On dirait que dans ce pays, le centre est frappé d’une malédiction. Tout de même, c’est bizarre…

Gégé – Quoi ?

Momo – Qu’est-ce qu’elle faisait dans les toilettes pour hommes…

Gégé – Qui ?

Momo – La stagiaire !

Gégé – Un candidat aux présidentielles est mort, et c’est tout ce qui te paraît bizarre dans cette histoire, toi ?

Momo – Tu crois qu’ils vont maintenir le programme de téléachat.

Gégé – Tu as raison, on ferait mieux d’aller se renseigner. Pas la peine de se fatiguer pour rien…

Ils sortent. Samantha arrive avec Delphine.

Delphine – Mort ? Vous êtes sûre ?

Samantha – J’ai déjà vu des morts à la télé, et croyez-moi, il a l’air très mort.

Delphine – Ce n’est pas vrai ! Il nous aura tout fait, celui-là ! Il faut prévenir Bruno tout de suite.

Samantha – Vous avez raison, je vais aller le chercher…

Mais Bruno arrive.

Bruno – Je suis déjà au courant… Bon sang, il ne manquait plus que ça ! Pour mon premier jour à l’antenne avec Une Volonté, Un Destin, mon invité qui meurt presqu’en direct ! Tu parles d’un baptême du feu. Plus personne ne va vouloir venir dans l’émission…

Delphine – D’un autre côté, l’audience était en chute libre. Ça pourrait relancer l’intérêt du public…

Bruno – Vous croyez ?

Delphine – Quoi qu’il en soit, pour l’instant, il faut appeler la police.

Bruno – C’est déjà fait. Ils seront là dans un instant.

Delphine (à Samantha) – Mais il est mort comment ?

Samantha – Je ne sais pas moi !

Bruno – Pas de vieillesse en tout cas. (À Delphine) Et si vous alliez voir ?

Delphine – Je ne sais pas si… Il vaudrait mieux que personne n’entre dans ces toilettes pour l’instant. C’est la scène de crime…

Samantha – Vous pensez qu’il s’agit d’un crime ?

Delphine – Non, je veux dire… Je n’en sais rien… Mais c’est là qu’on a retrouvé le corps. Il vaut mieux ne toucher à rien avant l’arrivée de la police, non ?

Bruno – Samantha, mon petit, allez mettre un panneau sur la porte des toilettes pour éviter que quelqu’un les utilise avant que ce petit problème ne soit résolu.

Samantha – Et qu’est-ce que je marque dessus ?

Bruno – Je ne sais pas, moi… Improvisez !

Samantha sort.

Bruno – Quelle gourde…

Delphine – C’est vous qui l’avez recrutée…

Bruno – Il faut bien donner sa chance à la jeunesse.

Delphine – Si c’est une œuvre humanitaire alors…

Le Commissaire Ramirez et son adjoint Sanchez (indifféremment hommes ou femmes) arrivent.

Ramirez (montrant sa carte) – Commissaire Ramirez, et voici mon adjoint, Sanchez.

Bruno – Ah, bonjour Commissaire, nous vous attendions. Bruno Cascaldi, présentateur de cette émission Une Volonté, Un Destin. Et voici mon assistante Delphine Lambal.

Ramirez – Très bien. Alors j’ai une première question à vous poser Monsieur Cascaldi.

Bruno – Je vous écoute.

Ramirez – Vous connaissez Michel Drucker ?

Delphine – Vous pensez qu’il a quelque chose à voir avec le décès de Charles Dalencourt ?

Ramirez – Rien ne permet de le supposer pour l’instant. Je voulais seulement savoir si vous étiez intime avec Michel Drucker. Ma belle-mère l’adore. Si vous pouviez m’avoir un autographe. C’est un de vos amis ?

Bruno – Ma foi… J’ai eu l’occasion de le rencontrer, oui… Dans le métier, vous savez, on se connaît tous. Et puis il a une maison en Provence pas très loin de la mienne.

Sanchez – Vous jouez aux boules avec Michel Drucker ?

Bruno – Euh… Non. Pas que je me souvienne… On a peut-être pris un pastis ensemble une fois ou deux…

Delphine – Le corps est dans les toilettes, Commissaire.

Ramirez – Ah oui, le corps… Sanchez, allez jeter un œil sur le cadavre, voulez-vous ?

Sanchez – Oui, Commissaire.

Delphine – C’est par là, je vais vous accompagner…

Ramirez – J’ai horreur de voir des cadavres. Je sais, dans mon métier, je devrais avoir l’habitude, mais non. Je n’arrive pas à m’y faire… Quand il n’y a pas de sang, ça va encore. Il est dans quel état ?

Bruno – Je ne l’ai pas vu non plus, à vrai dire. C’est la stagiaire qui a découvert le corps, et… je vous avoue que moi non plus, je ne suis pas fan de ce genre de spectacle.

Ramirez – Le pire, c’est l’odeur. Les corps en décomposition, c’est une horreur…

Bruno – Aucun risque de ce côté là, Commissaire, je parlais encore avec lui il y a à peine un quart d’heure. Son cadavre est encore chaud, je vous le garantis.

Ramirez – Vous me rassurez, Bruno… Donc il s’agit de Charles Dalencourt, c’est bien ça.

Bruno – Oui, tout à fait.

Ramirez – Son nom me dit quelque chose…

Bruno – Il est député, et on parle de lui pour le Ministère de l’Intérieur… Si vous ne l’aimiez pas, vous avez de la veine, a priori, il n’y plus guère de chance qu’il soit un jour votre patron…

Ramirez – Vous savez, nous, la politique… Depuis Pétain jusqu’à Mitterrand et encore aujourd’hui, les gouvernements passent, la police reste… Il était de gauche ou de droite, celui-là ?

Bruno – Centriste…

Ramirez – Qui pourrait bien en vouloir à un centriste… Enfin, je veux dire au point de le tuer…

Bruno – Vous pensez qu’il s’agit d’un meurtre, Commissaire ?

Ramirez – Tant qu’à faire, je préférerais. Au moins, je ne me serais pas déplacé pour rien… (Il jette un regard vers le public) Mais dites-moi, c’est qui tous ces gens qui nous regardent, là ?

Bruno – C’est… le public, Commissaire !

Ramirez – Le public ? Je pensais que la télé, on la regardait tout seul dans son salon…

Bruno – L’émission était diffusée en direct, et en public.

Ramirez – Je vois… Bon, et bien vous leur dites de rester à la disposition de la police, hein ?

Bruno – Vous voulez dire qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux ?

Ramirez – J’en ai peur, cher ami. Après tout, il y a peut-être là des gens qui depuis des années rêvent d’assassiner un centriste.

Bruno – Dans ce cas, Mesdames et Messieurs, je vais vous demander de rester assis à vos places jusqu’à nouvel ordre. Si cette situation venait à se prolonger trop longtemps, bien sûr, nous vous ferons apporter de l’eau minérale et des couvertures. Merci pour votre compréhension, et encore désolé pour cet incident aussi regrettable qu’imprévu.

Ramirez – Et oui, qu’est-ce que vous voulez. Il y a des jours comme ça. C’est la faute à pas de chance… C’est comme au théâtre. On ne peut pas se barrer avant la fin de la représentation. Vous allez au théâtre de temps en temps, vous ?

Bruno – Rarement, à vrai dire.

Ramirez – Vous avez bien raison. Dimanche dernier, ma femme m’a traîné voir une pièce en matinée. Croyez-moi, si j’avais pu m’échapper à l’entracte…

Bruno – On vous en a empêché…

Ramirez – Pire… Il n’y avait pas d’entracte !

Bruno – Les pièces sans entracte, ça devrait être interdit.

Ramirez – Bon, alors qui d’autres étaient présents dans ce studio lorsque la mort de Monsieur Dalencourt est survenue ?

Bruno – Voyons voir… Les témoins qu’on avaient invités à participer à cette émission pour parler de lui, les techniciens de plateau…

Ramirez – Dans ce cas, personne ne doit sortir d’ici, n’est-ce pas ?

Bruno – Très bien Commissaire.

Ramirez – Vous étiez intime avec la victime ?

Bruno – Charles ? Mon Dieu, pas plus qu’avec Michel Drucker.

Ramirez – Mais vous l’appelez quand même par son prénom.

Bruno – Vous savez, dans ce milieu, on s’appelle tous par son prénom et on se fait la bise. Parfois même on couche ensemble. Ça ne veut pas dire qu’on est intime pour autant… Enfin, nous avons étudié ensemble à HEC il y a quelques années…

Ramirez – Vraiment ? Quel genre d’étudiant était-il ? Bon élève ? Bon camarade ?

Bruno – Déjà un peu fayot, à vrai dire… Mais vous êtes sûr que cela peut faire avancer l’enquête ?

Ramirez – Probablement pas. D’ailleurs, il faudrait d’abord savoir si la mort de Monsieur Dalencourt n’est pas naturelle. Ah, voilà Sanchez qui revient justement…

Sanchez arrive avec Delphine.

Ramirez – Alors, ce cadavre, qu’est-ce qu’il dit ?

Sanchez – À première vue pas grand chose, Commissaire. Pas de sang. Pas de trace de coups. Pas de marques de strangulation. Mais bon, j’ai préféré ne toucher à rien avant l’arrivée du légiste.

Delphine (ravie) – C’est dingue ! J’ai l’impression d’être dans une série policière…

Ramirez – Apparemment, le décès de la victime ne vous perturbe pas plus que ça…

Delphine – C’était la première fois que je le voyais… et il est vrai qu’il n’était pas particulièrement sympathique. Je pense que notre stagiaire vous le confirmera…

Ramirez – Votre stagiaire… C’est elle qui a découvert le corps, je crois. J’aimerais l’entendre, en effet.

Bruno – Je vais la chercher, Commissaire…

Le portable de Sanchez sonne.

Sanchez – Oui… D’accord, j’arrive… Le légiste vient d’arriver, je m’en occupe.

Ramirez – Asseyez-vous là, Mademoiselle.

Delphine s’assied dans un des fauteuils et Ramirez dans l’autre.

Delphine – C’est amusant. J’ai l’impression d’être l’invitée de l’émission…

Ramirez – Ça tombe bien, j’ai toujours rêvé d’être animateur télé. Vous n’avez qu’à considérer qu’il s’agit d’une interview et que je suis Laurent Delahousse…

Delphine – Je peux vous offrir un café, Commissaire.

Ramirez – Non, merci, jamais de café. Après je n’arrive pas à dormir de toute la journée. (Il aperçoit la tasse encore à demi remplie laissée là par Charles) Mais ça qu’est-ce que c’est ?

Delphine – C’est… de la tisane. Celle que Monsieur Dalencourt avait demandé qu’on lui serve pour s’éclaircir la voix avant l’émission.

Ramirez – Je vois… Un truc du métier quand on passe à la télé…

Delphine – Apparemment il n’en a bu que la moitié. Mais ça doit être froid, maintenant…

Ramirez toussote un peu.

Ramirez – Ça ira très bien. Moi aussi, j’ai un chat dans la gorge.

Ramirez vide la tasse de tisane sous le regard interdit de Delphine. Bruno revient.

Bruno – Samantha arrive tout de suite…

Ramirez – Très bien. Alors à nous deux.

Delphine – Je suis prête à répondre à toutes vos questions, Commissaire.

Ramirez – Nom, prénom, âge, qualités…

Delphine – Lambal Delphine. Pour mon âge c’est une information que je ne vous révélerais qu’après avoir reçu quelques coups de bottin sur la tête. Quant à mes qualités, je dirais le courage et la ténacité.

Bruno – Par qualité, je crois que Monsieur le Commissaire pensait plutôt à votre état civil et votre métier.

Delphine – Je suis célibataire, sans enfants à charge, et je suis l’assistante personnelle de Monsieur Bruno Cascaldi.

Ramirez fait un geste vers la régie. Un projecteur est braqué vers Delphine.

Ramirez – Alors, Delphine ? Parlez-moi un peu de vos relations avec Monsieur Cascaldi. J’ai lu dans la presse que votre histoire avec lui n’était pas seulement professionnelle…

Delphine – Vous savez, on raconte tellement de choses dans les journaux…

Ramirez – Vous n’allez pas vous en tirer avec une telle pirouette, Delphine. Le public est là, il vous écoute. Et lui aussi, il a envie de savoir…

Delphine – Ah, le public, c’est vrai… On devrait peut-être les libérer, non ?

Ramirez – Ne vous occupez pas d’eux, ma chère. Ils n’avaient qu’à rester tranquillement chez eux à regarder la télé, comme tout le monde. Mais vous n’avez pas répondu à ma question… Alors, si vous deviez choisir un statut Facebook pour décrire votre relation avec Monsieur Cascaldi ? En couple ? En partenariat domestique ? Dans une relation libre ?

Delphine – Disons plutôt… C’est compliqué.

Ramirez – Je vois… Enfin non, je ne vois pas du tout, en fait…

Sanchez revient avec Samantha, la stagiaire. Elle porte un sac à main contenant quelque chose d’assez volumineux.

Sanchez – Je vous ramène la stagiaire, Commissaire. Elle s’apprêtait à partir, mais j’ai réussi à l’intercepter…

Ramirez – Alors Mademoiselle ? Vous ne vous plaisez pas avec nous ?

Samantha – Mais pas du tout ! J’allais juste…

Ramirez – Nous allons voir ça tout de suite. Des nouvelles du légiste ?

Sanchez – D’après lui, cela ressemblerait à une intoxication, Commissaire.

Ramirez – Une intoxication… volontaire, vous voulez dire ? Un empoisonnement ?

Bruno – Mais qui aurait bien pu vouloir empoisonner Charles Dalencourt ?

Sanchez – Le labo nous en dira sûrement un peu plus tout à l’heure.

Ramirez – Très bien, alors à nous, Samantha.

Samantha (involontairement provocante) – Je suis à l’entière disposition de la police, Commissaire…

Ramirez – Et croyez bien que nous sommes très sensibles à votre désir de coopérer. (Ramirez, cependant, se tortille un peu sur sa chaise) Sanchez, occupez-vous d’elle, je reviens tout de suite. J’ai un truc à faire aux toilettes.

Delphine – C’est à dire que… C’est là où se trouve le cadavre.

Ramirez – Bon, ben j’en profiterai pour jeter un coup d’œil sur le corps au passage.

Sanchez – Posez votre sac, et asseyez-vous là.

Delphine – Je vais vous accompagner, Commissaire.

Ramirez et Delphine sortent. Samantha pose son sac et s’assied.

Samantha – Merci…

Sanchez – Comment vous appelez-vous ?

Samantha – Samantha Roubiniac.

Sanchez – Alors, Samantha ? Que faisiez-vous dans les toilettes pour hommes quand vous avez découvert le corps sans vie de Monsieur Dalencourt ?

Samantha – Eh bien, je…

Sanchez – Convenez que la place d’une dame est plutôt dans les toilettes pour dames… Alors ?

Samantha semble très embarrassée.

Bruno – Elle était avec moi.

Sanchez – Ah oui ?

Bruno – Je suis un gentleman, je ne peux pas laisser Mademoiselle dans l’embarras.

Sanchez – Une chose m’échappe, Monsieur Cascaldi… En quoi un gentleman tel que vous avait-il besoin de donner rendez-vous à sa stagiaire dans les toilettes pour homme ?

Bruno – Je ne vais pas vous faire un dessin…

Sanchez – Nous verrons plus tard si c’est nécessaire. Mais je peux vous poser une question, Monsieur Cascaldi ?

Bruno – Oui…

Sanchez – Entretenez-vous une relation amoureuse avec Mademoiselle Roubiniac ?

Bruno – Euh… C’est ce que je viens de vous dire, non ?

Sanchez – Ah, pardon, je n’avais pas compris… Ah, d’accord… Mais dans ce cas, Monsieur Cascaldi, pourquoi ne pas avoir dit tout de suite que vous étiez là lorsque votre stagiaire a découvert le corps de Monsieur Dalencourt ?

Bruno – Nous étions tous les deux enfermés dans une cabine des toilettes pour hommes ! Vous comprenez que c’était assez embarrassant…

Sanchez – Embarrassant pour qui ?

Ramirez revient avec Delphine.

Sanchez – Ah ! Du nouveau, Commissaire ?

Ramirez – Je n’ai pas pu utiliser les toilettes pour hommes, il y avait un panneau sur la porte indiquant qu’elles étaient momentanément inutilisables à cause d’un chantier de désamiantage.

Les regards de Bruno et Delphine se tournent vers Samantha.

Samantha – Je me suis dit que c’était l’argument le plus efficace pour éviter que quiconque pénètre dans ces toilettes pendant que le corps s’y trouve toujours…

Ramirez – Quoi qu’il en soit, d’après les premières analyses du légiste, Charles serait mort d’une overdose.

Bruno – Une overdose ? Je ne savais pas qu’il était toxicomane.

Sanchez – Une overdose de quoi, Commissaire ?

Ramirez – Une overdose de tisane, selon l’hypothèse la plus probable.

Bruno – Si c’est votre hypothèse la plus probable, commissaire, j’avoue que je serai assez curieux de savoir quelle serait pour vous la moins probable des hypothèses.

Delphine – Une overdose de tisane ? Je ne savais pas que la tisane pouvait être toxique à ce point…

Ramirez – D’après le légiste, à très haute concentration, si. Apparemment, Monsieur Dalencourt aurait absorbé en une seule tasse une dose massive de tisane Nuit Tranquille. Ce qui l’aurait plongé dans un sommeil profond, proche du coma.

Samantha – Il n’est donc pas mort ?

Ramirez – Pas encore, mais rien ne dit qu’il se réveillera un jour.

Sanchez saisit la tasse vide qui se trouve sur la table et l’examine, songeur.

Sanchez – Et quand vous dites tisane, Commissaire, il pourrait s’agir d’une tisane comme celle que cette tasse vide semble avoir contenu ?

Delphine – Oui, je vous le confirme, c’est bien la même tisane que Monsieur Dalencourt a bu avant son décès. Mais…

Ramirez se sent soudain plutôt mal.

Ramirez – On ne va donc pas tarder à connaître les effets toxiques de ce violent poison…

Sanchez – Mais qui aurait bien pu empoisonner ce breuvage, commissaire ?

Ramirez se tourne vers le public.

Ramirez – Et ceux-là, vous les avez interrogés ?

Sanchez – Euh… Non, pas encore…

Ramirez – Le coupable pourrait tout aussi bien se trouver parmi eux… Allez faire un tour dans le public Sanchez, et si vous en voyez un qui n’a pas l’air d’avoir la conscience tranquille… Et je ne parle pas de ceux qui ont réussi à se glisser dans la salle sans payer leur billet…

Sanchez descend dans la salle et passe en revue les spectateurs avec un regard soupçonneux. Il y aura place ici pour une petite improvisation selon la nature du public, ses réactions et selon l’inspiration du moment. Sanchez finit par s’arrêter devant un spectateur (ou une spectatrice) qui est en réalité un comédien.

Sanchez – Vous pouvez me suivre, s’il vous plaît ?

Spectateur – Pourquoi moi ?

Sanchez – Disons… contrôle au faciès. Mais rassurez-vous, on vous signera un récépissé après vous avoir tabassé et on vous tatouera sur les deux fesses nos numéros matricules, ça vous va ?

Le spectateur le suit à contrecœur.

Ramirez – Fouillez-le.

Sanchez fouille le spectateur façon palpation. Il semble toucher quelque chose de suspect, qu’il retire de la poche de l’imperméable du spectateur avant de l’exhiber sous les yeux de son collègue..

Sanchez – Bingo, Commissaire. Une boîte entière de tisane Nuit Tranquille.

Ramirez – Alors, qu’est-ce que vous avez à dire pour expliquer ça ?

Spectateur – C’est pour ma consommation personnelle, commissaire !

Sanchez – Ils disent tous ça…

Ramirez – Il faudra vérifier la provenance de cette saloperie. Pour éviter d’autres victimes innocentes. Même si c’est de la bonne à l’origine, elle a pu être coupée avec des substances beaucoup plus toxiques.

Sanchez (lisant sur la boîte) – Tilleul, verveine, camomille… Vous avez raison, commissaire, il y a aussi des colorants et des additifs…

Ramirez – Asseyez-vous là.

Le spectateur s’assied.

Ramirez – Vous avez de la chance, mon vieux. C’est votre quart d’heure de célébrité… On va vous interviewer !

Spectateur – Mais je n’ai rien fait, je vous jure !

Sanchez – C’est ça, vous allez au théâtre après avoir absorbé de la tisane Nuit Tranquille, alors que tout le monde se bourre de café pour ne pas s’endormir, et vous pensez qu’on va vous croire ?

Ramirez – Va chercher le bottin, Sanchez.

Le spectateur a l’air terrorisé.

Bruno – Tout de même, vous n’allez pas maltraiter un de nos spectateurs… On a déjà du mal à les faire venir… Imaginez les critiques désastreuses dans la presse et sur Billetreduc…

Ramirez – Rassurez-vous, c’est juste pour trouver les coordonnées d’un livreur de pizza. J’ai les crocs, moi, pas vous ?

Samantha – Je vais vous trouver ça, commissaire.

Samantha revient avec un bottin qu’elle tend à Sanchez.

Sanchez – Voyons voir… Pizza, pizza… Ça devrait faire l’affaire… (Il compose un numéro) Comme d’habitude, commissaire ?

Ramirez – On ne change pas une équipe qui gagne.

Sanchez – Oui, ce serait pour faire livrer deux pizzas… Une Margarita avec un supplément de fromage et une Napolitaine. L’adresse ? (Fièrement) Alors nous sommes actuellement en tournage dans les studios de Canal Direct Plus. Oui, la chaîne de télé, c’est ça… Ah, vous savez où c’est ? Très bien. Merci.

Il range son portable.

Ramirez – Bon alors où on en était, nous…

Sanchez – Qu’est-ce qu’on va boire avec ça ?

Ramirez – Tu n’as pas commandé nos bières ?

Sanchez – Ça m’est complètement sorti de l’idée, commissaire.

Ramirez s’adresse au spectateur.

Ramirez – Bon, va nous chercher deux canettes, toi.

Spectateur – Moi ?

Sanchez – Oui, toi !

Le spectateur sort.

Delphine – Vous n’avez pas peur qu’il ne revienne pas ?

Sanchez – Pas avec ça.

Bruno – Un bracelet électronique ?

Sanchez – Combiné avec un taser. On a bricolé ça nous même. C’est imparable.

Bruno – Ah, oui… J’ai un truc assez similaire pour dresser mon berger allemand…

Ramirez – Oui, c’est un peu de ça qu’on s’est inspiré, c’est vrai.

Il met à la cheville du spectateur un bracelet électronique.

Bruno – On devrait généraliser le système pour les spectateurs de théâtre. Ça limiterait les risques d’évasion pendant l’entracte.

Sanchez – Allez, va chercher, toi !

Le spectateur sort.

Ramirez – Revenons à nos moutons…

Sanchez – Donc la stagiaire se tape l’animateur dans les toilettes…

Delphine – Pardon ?

Sanchez – Désolé, si je comprends bien, vous n’étiez pas au courant…

Ramirez – Je crains qu’en ce qui concerne votre statut Facebook, vous ne deviez bientôt passer de la mention « c’est compliqué » à la mention « C’est très compliqué »…

Delphine jette un regard haineux vers la stagiaire.

Delphine – Traînée !

Samantha – Garce.

Sanchez – Allons, mesdames, un peu de tenue. Je vous rappelle que cet interrogatoire est enregistré en direct et en public…

Ramirez – Tentative d’assassinat par administration massive de tisane Nuit Tranquille… C’est curieux, ça me rappelle étrangement une autre affaire.

Sanchez – Vous pensez que nous pourrions avoir à faire à un serial killer ?

Ramirez – À moins qu’il ne s’agisse tout simplement d’un crime crapuleux.

Delphine – Mais pourquoi ?

Ramirez – C’est vrai qu’on n’a pas le mobile…

Bruno – Il rêvait de devenir président, mais il faut bien avouer que ses chances étaient assez minces.

Samantha – Ce n’était pas Kennedy, c’est clair.

Delphine – Un centriste, ça ne dérange personne.

Sanchez – Un centriste dans le coma, encore moins.

Bruno – Même si la différence avec un centriste qui n’est pas dans le coma n’est pas toujours parfaitement perceptible à l’œil nu.

Silence perplexe.

Ramirez – Amenez-moi les invités, on va les cuisiner aussi.

Samantha – Je vais les chercher.

Sanchez – À propos de cuisine, je meurs de faim moi. Pas vous, commissaire ?

Ramirez – Je ne sais pas ce que j’ai, je n’ai pas d’appétit. J’espère que ce n’est pas les premiers effets de cette infusion toxique que je viens d’avaler.

Sanchez – C’est curieux… Moi quand je fume un pétard, ça me donne faim…

Samantha revient avec Claudine.

Ramirez – Alors la petite dame. Assez perdu de temps comme ça. Vous avouez tout de suite, ou vous préférez que je vous passe un peu à tabac avant ?

Claudine – C’est vrai, quand je l’avais pour élève à l’École Primaire Notre Dame de la Bonne Espérance, je le détestais. C’était ma tête de turc. Mais commissaire, vous imaginez bien que la charité chrétienne m’interdit de céder au désir de la vengeance.

Ramirez – C’est ça, mémé, à d’autres, hein ? Passe moi le taser, Sanchez, ça va lui rafraîchir un peu la mémoire à cette vieille bigote.

Claudine – D’accord, autrefois, j’ai pensé à le noyer pendant la récréation en lui maintenant la tête dans la cuvette des toilettes. Mais je n’ai pas eu le courage…

Sanchez – Ça a été la seule fois ?

Claudine – Je lui ai mis aussi un peu de mort au rat dans son goûter, mais ça n’a pas vraiment marché. Et puis c’était il y a des années, commissaire. Il y a prescription, n’est-ce pas ?

Sanchez – Mais bien sûr, mémé, ne vous inquiétez pas… Si une maîtresse d’école ne peut pas se débarrasser des gosses les plus bruyants de sa classe, comment faire régner un peu d’ordre dans l’école de la République ?

Ramirez – J’espère que personne dans la salle n’a confié ses enfants à une baby sitter du même genre pour venir assister au spectacle… Bon, qu’est-ce qu’il fout, lui, avec nos bières ?

Sanchez – Je vais accélérer un peu le mouvement, commissaire.

Il sort une sorte de télécommande et appuie dessus. Le spectateur apparaît aussitôt, les cheveux dressés sur la tête comme s’il venait de recevoir une décharge de haute tension. Il tend deux cartons de pizzas et deux canettes de bières aux policiers.

Ramirez – Eh ben voilà !

Spectateur – J’ai croisé le livreur de pizzas en revenant…

Ils ouvrent les cartons et Sanchez commence à manger assez salement.

Sanchez – Vous en voulez ?

Delphine – Non, merci…

Sanchez – Vous avez tort, elle est très bonne.

Ramirez – Bon allez, la vioque, tu peux te casser. Au suivant…

Delphine – À l’accueil, on vous remettra une urne en guise de dédommagement pour tous ces petits tracas.

Bruno – Histoire que vous ne gardiez pas un trop mauvais souvenir de votre passage dans notre émission.

Delphine – De toute façon, on a dû annuler notre session de téléachat et on ne sait pas quoi faire des produits.

Claudine – Une urne ? Merci, c’est très gentil…

Claudine s’en va. Philippine arrive.

Ramirez – Bon, alors vous aussi vous détestiez la victime, j’imagine ?

Philippine – Mais pas du tout, je l’adorais ! Je lui vouais même un véritable culte…

Ramirez – Fouille-la, elle a une tête qui ne m’inspire pas. Et tu sais qu’en terme de délit de faciès, je me trompe rarement.

Sanchez la fouille et sort de sa poche une figurine à l’image de Charles avec une écharpe tricolore, et des aiguilles plantées dedans.

Sanchez – Et vous aviez encore raison, commissaire…

Ramirez – Cette poupée avec des aiguilles plantées dans les yeux… Elle ressemble beaucoup à la victime, non ? Alors c’est ça, le culte que vous lui réserviez ?

Philippine – D’accord, j’ai essayé de lui lancer un sort. Mais ça n’a jamais marché, je vous jure !

Sanchez – Jusqu’à aujourd’hui, en tout cas…

Ramirez – Bon allez, qu’elle se barre aussi. On ne va pas se mettre à faire tourner les tables, non plus… On fait dans la police scientifique, nous. On n’est pas des exorcistes…

Philippine s’en va. On entend des bruits de lutte et la baronne Cassandra Von Kronenbourg débarque sur le plateau malgré les efforts de Gégé et Momo qui tentent de l’en empêcher.

Cassandra – Lâchez-moi, bande de brutes ! Moi aussi, j’ai des choses à dire !

Momo – Allons, soyez raisonnable…

La baronne se débat pour échapper aux deux gorilles.

Cassandra – Mais enfin, laissez-moi passer !

Ramirez – C’est qui cette folle ?

Delphine – C’est la belle-mère de la victime, commissaire.

Ramirez – La belle-doche ? Sachez Mademoiselle que dans 10% des affaires criminelles d’ordre familiale, c’est la belle-mère qui assassine son gendre. Ou l’inverse… Laissez-la passer, on va l’interroger.

Gégé et Momo lâchent la baronne.

Ramirez – Asseyez-vous, chère Madame.

Cassandra – Ah, quand même… Merci monsieur… Vous au moins, vous êtes un vrai gentleman…

Cassandra remet un peu d’ordre dans sa tenue et sa coiffure et s’assied avec coquetterie.

Cassandra – Alors ça y est ? On peut commencer ? (Comme si elle passait à la télé) Bonjour à tous. Je suis la Baronne Cassandra Von Kronenbourg.

Ramirez – Et donc, vous connaissez très bien Charles Dalencourt…

Cassandra – Si je le connais ? C’est mon gendre ! Et sans flagornerie, contrairement à tous les témoignages malveillants que j’ai pu entendre jusque là, je dois même dire que Charles est le gendre idéal !

Ramirez – Le gendre idéal ? Vous voulez dire, du fait de l’état où il se trouve en ce moment ?

Cassandra – Il est certain que pour moi, savoir que ma fille est mariée avec un homme qui fera peut-être d’elle la Première Dame de France… C’est une fierté. Car de ce fait, n’est-ce pas, je deviendrai automatiquement, si je puis dire, la première Belle-Mère de France. J’en profite d’ailleurs pour saluer ma fille, qui nous regarde sans doute en ce moment…

Elle fait un discret petit signe de la main.

Ramirez – Donc, selon vous, vous n’aviez aucune raison de vouloir l’assassiner ?

Cassandra – Assassiner mon gendre ? Mais enfin, c’est ridicule ! (À Delphine en aparté) Mademoiselle, vous pourriez m’indiquer où se trouve la caméra ? Je ne la vois pas…

Delphine – La caméra ? Mais il n’y a pas de caméra. Enfin, je veux dire…

Cassandra – Pas de caméra ? Mais enfin, je suis bien sur le plateau de l’émission Une Volonté, Un Destin, non ? Et ce monsieur qui me pose des questions, c’est bien le célèbre animateur Bruno Cascaldi ?

Ramirez – Qu’est-ce qu’elle dit ?

Delphine – Elle vous prend pour Cascaldi…

Bruno – Je crois que Madame a cru qu’elle était interviewée dans le cadre de l’émission…

Ramirez émet un soupir de lassitude.

Ramirez – Bon, allez, embarquez-moi ça.

Sanchez emmène Cassandra vers les coulisses.

Cassandra – Mais enfin, c’est insensé ! On veux me faire taire ! C’est un complot !

Ramirez – Faites venir les techniciens. Il n’y a qu’eux qu’on n’a pas encore interrogés.

Delphine fait entrer Gégé et Momo, toujours en bleus de travail. Sanchez revient.

Ramirez – Salut les siamois. Alors qu’est-ce que vous aviez à lui reprochez, vous, à Dalencourt ? Puisque tout le monde avait l’air de le détester…

Gégé – Lui reprocher ?

Momo – Rien du tout.

Ramirez – Il était homophobe, c’est ça ?

Gégé – Homophobe ? Non. Enfin, je n’en sais rien.

Sanchez – Il militait contre le mariage gay ?

Momo – Mais qu’est-ce que cela aurait à voir avec nous, de toute façon ?

Sanchez – Allez, les gars, on ne nous la fait pas. Ne me dites pas que vous deux…

Ramirez – La salopette, les moustaches, le look Super Mario…

Gégé et Momo approchent du commissaire, menaçants.

Momo – Qu’est-ce que vous voulez insinuer ?

Gégé – Non mais on va lui faire bouffer son micro…

Delphine s’interpose pour mettre fin à l’affrontement qui se prépare.

Delphine – Je vous en prie, messieurs, non ! Assez de violence pour aujourd’hui ! J’avoue, commissaire, c’est moi qui ai versé un sachet de laxatif dans la tisane de Monsieur Dalencourt.

Ramirez – De laxatif ? Mais pourquoi ?

Delphine – Pour lui donner une bonne leçon ! Il avait été désagréable avec tout le monde, ici… Mais je ne vois pas en quoi cela aurait pu le tuer…

Ramirez – Un laxatif ? Alors c’était seulement ça ? Vous me rassurez. Comme j’en ai bu moi aussi… Mais ça n’explique pas l’état dans lequel Monsieur Dalencourt se trouve actuellement, en effet…

Arrive Charles, titubant.

Sanchez – Ah, voilà qui va relancer l’enquête. Dans une affaire criminelle, il est très rare qu’on puisse avoir le témoignage de la victime.

Ramirez – Alors mon vieux ? Dites-nous tout. Qui a essayé de vous tuer ?

Charles – Me tuer ?

Sanchez – Vous ne vous souvenez plus de rien, c’est ça ?

Charles – Ah si, ça me revient. J’avais une envie pressante. Je suis entré dans les toilettes et… en ressortant j’ai vu Samantha. Je lui ai demandé ce qu’elle faisait dans les toilettes pour hommes, et c’est à partir de là où je perds le fil…

Samantha – Bruno venait de sortir. Monsieur Dalencourt a essayé d’abuser de la situation… Je lui ai donné un coup avec mon sac à main pour me dégager.

Ramirez – Puisque l’honneur d’une demoiselle est en jeu, alors…

Sanchez – Mais qu’est-ce que vous avez dans votre sac à main ? Une enclume ?

Sanchez prend le sac de Samantha et en sort une imprimante.

Ramirez – Qu’est-ce que vous faites avec une imprimante dans votre sac à main ?

Sanchez – C’est juste une sécurité, au cas où on viendrait à attenter à votre vertu ?

Ramirez – Vous savez qu’une bombe lacrymogène, c’est beaucoup plus léger…

Delphine – Oui, c’est d’autant plus curieux que cette imprimante ressemble furieusement à celle qui a disparu de mon bureau ce matin.

Samantha – J’avais besoin d’une imprimante, et ce n’est pas avec ce qu’on me paie ici…

Ramirez – C’est clair que de recevoir ça sur la tronche, c’est plus efficace qu’une dose de Nuit Tranquille…

Sanchez – Vous voulez porter plainte ?

Charles – Ce ne sera pas nécessaire… Dans ma position, je préférerais que cette affaire ne s’ébruite pas trop, vous comprenez. Je peux m’en aller maintenant ?

Ramirez – Mais je vous en prie…

Charles s’en va. Samantha et Delphine lui emboîtent le pas.

Bruno – Merci commissaire. Je vous suis très reconnaissant d’avoir conduit cette enquête avec une telle discrétion et une telle délicatesse.

Ramirez – À charge de revanche.

Bruno – Mais j’y pense, ça vous dirait de participer à l’émission ?

Ramirez – En tant qu’invité d’honneur ?

Delphine – Nous recevons aussi des personnes représentatives de la société civile. Et en tant que policier, vous êtes en quelque sorte un héros social…

Ramirez – Vraiment ?

Bruno – Avec tout ça, on a dû annuler le tournage du téléachat. On pourrait mettre en boîte cette interview maintenant. Puisque vous êtes là.

Ramirez – Pourquoi pas ? Alors je passerai à la télé ?

Bruno – Ce n’est que le câble, mais bon…

Ramirez – C’est ma femme qui va être contente. D’accord. Je m’assieds là ?

Bruno – Tout à fait. Et cette fois, c’est moi qui pose les questions…

Ramirez – Je n’ai pas tellement l’habitude d’y répondre, mais je ferai de mon mieux…

Bruno – On va faire une petite répétition à blanc avant de lancer la caméra, d’accord ? C’est parti… Alors Monsieur Ramirez, comme vous le savez, la police est assez mal aimée dans notre pays. À votre avis pourquoi ?

On entend des éclats de voix. Samantha et Delphine arrivent sur scène en se serrant mutuellement par le cou.

Bruno – Ah, je crois que nous allons devoir interrompre notre interview…

Ramirez – Qu’est-ce qui se passe encore ?

Bruno – Un petit différend domestique, apparemment…

Ramirez – C’est pas vrai ! Pour une fois que j’avais une chance de passer à la télé…

Il sort son taser et visent les deux filles qui se mettent à se tordre avant de s’écrouler.

Ramirez – Voilà, comme ça on va être tranquille cinq minutes. Croyez-moi, c’est plus radical que la tisane.

Bruno – Ouah… Vous pourriez me fournir un truc comme ça ? Je crois que ça m’aiderait beaucoup dans mes relations professionnelles.

Ramirez – Si vous arrivez à me trouver un autographe de Michel Drucker pour ma belle-doche…

Bruno – Je vais voir ce que je peux faire…

Bruno – Allez, on y retourne direct. Vous êtes prêts à la régie ? Générique.

Générique de l’émission.

Noir. Fin

Ce texte est protégé par les lois relatives au droit de propriété intellectuelle. Toute contrefaçon est passible d’une condamnation allant jusqu’à 300 000 euros et 3 ans de prison

Paris – Janvier 2014

© La Comédi@thèque – ISBN 979-10-90908-52-9

Ouvrage téléchargeable gratuitement.

 Sur un plateau comédie théâtre télécharger gratuit pièce

Sur un plateau comédie théâtre télécharger gratuit pièce

sacd