Un personnage arrive, tirant un chien à roulettes accrochés à une laisse. Un autre personnage arrive à son tour, un paquet de cigarettes à la main (le texte pourra être légèrement adapté en fonction du sexe des deux personnages).
Deux – Alors ça y est, vous êtes rentré ?
Un – Ah, bonjour ! Oui, oui, je suis rentré ce matin. Et vous ?
Deux – Hier soir.
Un – Pas trop de monde sur la route ?
Deux – On est parti de bonne heure, heureusement, parce que sinon…
Un – Eh oui… Fini les vacances…
Deux – Remarquez, on dit ça, mais en fin de compte, on n’est pas mécontent de rentrer chez soi, pas vrai ?
Un – Mmm…
Deux – On ne peut pas être en vacances tout le temps. À la fin, on s’ennuierait. (Il tend vers l’autre son paquet de cigarettes) Cigarette ?
Un – Merci, j’ai arrêté.
Deux – Ah oui ?
Un – Les bonnes résolutions de la rentrée, vous savez… Maintenant, je vapote…
Il sort une cigarette électronique et se met à vapoter. L’autre range son paquet de cigarettes.
Deux – Remarquez, je ferais mieux de m’y mettre aussi… (Il sort une boîte de cachets, en avale un, s’apprête à ranger la boîte mais se ravise) Oh pardon, vous en voulez un ? C’est un petit relaxant… En principe, c’est seulement sur ordonnance mais bon, ils sont très légers…
Un – Merci, j’ai aussi arrêté les médicaments…
Deux – Ouh la… On ne parle plus seulement de bonnes résolutions alors… C’est du lourd, dites-moi. Vous avez rencontré Dieu cet été, vous êtes devenu moine, et vous êtes juste passé récupérer vos affaires avant d’aller vous cloitrer dans votre monastère, c’est ça ?
Un – Vous, en tout cas, vous n’avez pas fait vœu de silence…
Deux – Remarquez, c’est vous qui avez raison. Moi aussi, je ferais mieux d’arrêter.
Un – D’arrêter… de raconter des conneries, vous voulez dire ?
Deux – D’arrêter les médocs !
Un – Ah, oui bien sûr… C’est vrai que vous n’avez pas très bonne mine. Pour quelqu’un qui revient de vacances…
L’autre accuse un peu le coup.
Deux – Et votre femme, comment ça va ?
Un – À vrai dire… J’ai arrêté aussi.
Deux – Arrêté ?
Un – On n’arrêtait pas de se chamailler, de toute façon… Alors à la place, j’ai pris… un truc qui se gonfle…
Deux – Ah oui… Oui, c’est… C’est moins de complications, c’est sûr…
Un – Je la gonfle tous les soirs. On regarde un peu la télé, et puis… Et vous ?
Deux – Moi ? Ah, non, moi je… Je suis toujours avec ma femme. À l’ancienne, quoi. Pour l’instant, c’est elle qui continue à me gonfler tous les soirs…
Un – Je vois…
Silence embarrassé.
Deux – Et le chien, comment il va ?
Un – Le chien ? Comme sur des roulettes.
Deux – Ah oui, je n’avais pas remarqué, dites donc… Alors vous avez aussi arrêté le chien…
Un – Celui-là n’aboie pas, et au moins, je ne suis pas obligé de ramasser les crottes derrière lui.
Deux – Évidemment… Mais alors pourquoi vous continuez à le sortir pour la promenade ?
Un – L’habitude, j’imagine… Mais vous avez raison, je crois que je vais arrêter aussi d’aller faire pisser le chien… Ça m’évitera les mauvaises rencontres…
Nouveau silence.
Deux – Je vous proposerais bien d’aller prendre une bière, mais je me doute un peu de ce que vous allez me répondre…
Un – J’ai arrêté l’alcool…
Deux – Et voilà.
Un temps.
Deux – Un café, peut-être ?
Un – J’ai arrêté la caféine.
Deux – Un déca ?
Un – Bon… Avec une sucrette, alors. Et à condition que vous me promettiez de la fermer un peu.
Deux – C’est ce que je dis toujours à ma femme. Tout serait tellement plus simple si les gens arrêtaient de parler pour ne rien dire.
Un – À qui le dites-vous…
Deux – Il y a des fois…
Un – On voudrait tout simplement ne plus en entendre parler.
Deux – Ça, je ne vous le fais pas dire… Et avec votre… truc gonflable, vous…
L’autre lui lance un regard agacé.
Deux – Ok, je ne dis plus rien.
Ils s’en vont.
Un – Allez viens, le chien.
Deux – Il s’appelle le chien ?
Un – Vous ne m’aviez pas promis de la mettre un peu en veilleuse ?
Deux – Pardon…
Un – Je crois que je vais aussi arrêter les voisins…
Noir.