Un homme et une femme arrivent.
Gina – Tu ne fumes plus.
Alain – Non, j’ai arrêté.
Gina – C’est bien.
L’autre se prépare une ligne de coke et la sniffe.
Alain – En revanche, je me suis remis à la coke.
Alain sort. L’autre reste là. Arrive une autre femme.
Brigitte – Salut.
Gina – Salut.
Brigitte – Je n’arrive pas à décrocher.
Gina – Moi non plus.
Brigitte – C’est le boulot. Ça me stresse, alors je fume pour décompresser.
Gina – C’est le boulot, qu’il faudrait arrêter.
Brigitte – C’est sûr. Mais je me demande si n’aurais pas encore plus de mal à arrêter le boulot.
Gina – Le boulot, c’est une drogue dure. Ça devrait être interdit.
Brigitte – Oui. Vous êtes dans quoi, vous ?
Gina – Contentieux.
Brigitte – Contentieux ?
Gina – Recouvrement de créances, ce genre de trucs.
Brigitte – Cool. Ça vous plaît ?
Gina – Depuis que je suis toute petite, je rêvais de harceler de pauvres gens surendettés et de leur extorquer leurs dernières économies pour payer leurs crédits sur des produits dont ils n’ont pas besoin.
Brigitte – Je vois…
Gina – Et vous ? Vous travaillez aussi pour faire le bonheur de l’humanité.
Brigitte – Conseillère bancaire… Ça devrait être interdit par la loi d’appeler conseillers bancaires des gens qui sont des commerciaux. On n’est pas là pour dispenser des conseils, on est là pour vendre des produits.
Gina – Oui… Mon conseiller Veolia m’appelle tous les soirs pour savoir si je n’ai besoin de rien… C’est bien le seul, d’ailleurs…
Brigitte – Vous avez vu le nombre de boîtes de service à la personne qui fleurissent maintenant à côté des magasins de cigarettes électroniques.
Gina – C’est quoi, les services à la personne ?
Brigitte – Ménage, cuisine, conversation…
Gina – Alors maintenant, pour parler à quelqu’un, il faut payer.
Brigitte – Rassurez-vous, avec moi c’est gratuit. Pour l’instant.
Gina – Vous vous souvenez de l’époque où les banques étaient nationalisées, où Gaz de France était une entreprise d’état et Renault une régie ?
Brigitte – J’étais trop jeune, mais on m’a raconté.
Gina – Il paraît même qu’il y avait un Ministère du Plan.
Brigitte – C’était avant la chute du Mur de l’Atlantique, non ? Du temps où la France était un pays communiste.
Gina – Avec à sa tête un Général.
Brigitte – Même les autoroutes à péages étaient des services publics. Au moins on savait par qui on se faisait entuber.
Gina – On vit une drôle d’époque…
Brigitte – Allez, il faut que je retourne bosser. Merci, ça m’a remonté le moral de discuter un moment avec vous.
Elles partent.