Alban fait les cent pas devant Ève, assise, avant de se décider à parler.
Alban – Tu sais quelque chose ?
Ève – Non.
Il marche à nouveau en long et en large, avant de s’arrêter encore une fois devant elle.
Alban – Si tu savais quelque chose, tu me le dirais.
Ève – Bien sûr… Et toi ? Tu sais quelque chose ?
Alban – Rien. Je ne sais rien.
Un temps.
Ève – Ne rien savoir, comme ça, c’est insupportable…
Alban – Mais si on savait, est-ce que ce ne serait pas pire.
Ève – Va savoir.
Alban – Tu as raison, après tout, il vaut peut-être mieux ne pas en savoir trop.
Ève – Oui… Mais de là à ne rien savoir du tout.
Alban – C’est pourtant vrai… On ne sait rien.
Ève – Absolument rien
Alban – On ne sait même pas nager.
Ève – Non…
Alban – Et on ne sait pas marcher sur l’eau.
Ève – On ne sait pas lacer nos chaussures.
Alban – On n’en a pas.
Ève – On ne sait pas quelle heure il est.
Alban – On ne sait pas quel jour on est.
Ève – On ne sait pas lire.
Alban – À quoi ça nous servirait ? On n’a pas de livres.
Ève – Si on voulait des livres, il faudrait les écrire nous-mêmes.
Alban – Et on ne sait pas écrire.
Ève – Et puis tout ça pour n’avoir qu’un seul lecteur.
Un temps.
Alban – Qu’est-ce qu’on sait au juste ?
Ève – On doit bien savoir quelque chose, quand même…
Alban – Laisse-moi réfléchir… Ah si… On sait compter.
Ève – Ah oui, c’est vrai. On sait compter.
Alban – On recompte ? Pour voir si on n’a pas oublié ?
Ève – Ok. Vas-y, commence.
Alban – Un.
Ève – Plus un.
Alban – Ça fait deux.
Ève – C’est vrai.
Un temps.
Alban – Et après deux, qu’est-ce qu’il y a ?
Ève – Je ne sais pas.
Alban – Deux… Ça suffit, non ?
Ève – Oui. Pour l’instant.
Elle se lève et on voit qu’elle est enceinte.
Alban – Tant qu’on n’est que deux…
Noir