Avenir

Cécile et Alice sont assises et prennent un café.

Alice – Tu vas en Normandie pour l’anniversaire de Vincent ?

Cécile – Oui. Je peux t’emmener, si tu veux. Ma mère me prête sa voiture.

Alice – Super. (Un temps) Max m’a dit qu’il y serait, je crois.

Cécile – OK… (Un temps) Mais pourquoi tu me dis ça ?

Alice – Quoi ?

Cécile – Pour Max.

Alice – J’ai dit comme ça…

Cécile – Allez… J’ai entendu…comme un petit sous-entendu dans ta voix.

Alice – Pas du tout.

Cécile – On sera une centaine à cette fête. Pourquoi tu me parles de Max ?

Alice – Je ne sais pas… Max et toi…

Cécile – N’importe quoi. Qui est-ce qui t’a dit ça ?

Alice – Personne. Mais tout le monde sait qu’il est amoureux de toi, non ?

Cécile – Tout le monde ?

Alice – Sauf toi, apparemment. Il ne te plaît pas ?

Cécile – C’est lui qui t’a demandé de m’en parler ?

Alice – Pas du tout, je t’assure… (Un temps) Enfin, si, un peu…

Cécile – D’accord… Je pensais qu’on avait passé l’âge.

Alice – Eh ben pas lui, tu vois. (Un temps) Alors ?

Cécile – Je l’aime bien mais… c’est juste un copain.

Alice – Je vois.

Cécile – Oui, évidemment, j’ai bien remarqué que…

Alice – Quoi ?

Cécile – Qu’il me regardait bizarrement.

Alice – Il est plutôt mignon, non ?

Cécile – Mais il est tellement sérieux. Si je couche avec lui un soir, j’ai l’impression que le lendemain matin, il va m’apporter mon petit déjeuner au lit et me demander en mariage. Et qu’un mois après on sera en train de commander des meubles à la CAMIF.

Alice – Et…

Cécile – Je n’arrive à me projeter là-dedans.

Alice – Je comprends.

Cécile – Et puis franchement, un type qui n’a même pas le courage de te demander en face si tu veux sortir avec lui.

Alice – Il avait peur de prendre une veste, j’imagine.

Un temps.

Cécile – Et toi ?

Alice – Moi ?

Cécile – Il te plaît, Max ?

Alice – Je ne sais pas… Pourquoi pas…

Cécile – D’accord…

Alice – Non mais j’ai juste dit… pourquoi pas.

Cécile – Et lui il t’envoie me parler à sa place…

Alice – Il faut croire que tu l’impressionnes.

Cécile – Malheureusement, ce n’est pas réciproque. Vous vous voyez souvent ?

Alice – On révise le CAPES ensemble, parfois.

Cécile – Je vois… Je lui dis que tu as envie de sortir avec lui ?

Alice – Ce serait assez drôle…

Cécile – Oui.

Alice – Mais un peu cruel.

Cécile – Il l’a un peu cherché, non ?

Elles rient.

Alice – Et toi, qu’est-ce que tu fais l’année prochaine ?

Cécile – Je ne sais pas… Je ne sais déjà pas ce que je vais faire cet été.

Alice – Tu ne vas pas arrêter la fac, quand même ? Comme Fred…

Cécile – Fred ?

Alice – Il part aux États-Unis à la fin du mois.

Cécile – Ah oui… Il part pour longtemps ?

Alice – Je ne sais pas.

Cécile – C’est un drôle de type, Fred.

Alice – Plus drôle que Max, en tout cas.

Cécile – Non, je veux dire… il est toujours en train de déconner, mais…

Alice – Quoi ?

Cécile – Je ne sais s’il est aussi gai qu’il veut le faire croire.

Alice – Tu crois qu’il est gay ?

Cécile – Mais non… Enfin, je n’en sais rien. Tu crois qu’il est gay ?

Alice – Je ne sais pas… Tu n’as qu’à essayer, tu verras bien…

Cécile – En tout cas, il a bien raison de se barrer d’ici.

Alice – Ouais… Tu es déjà allé aux États-Unis, toi ?

Cécile – Je crois que le plus loin où je suis allée, dans ma vie, c’est l’Ardèche.

Alice – Non ? Tu n’as jamais pris l’avion ?

Cécile – Si… pour aller en Ardèche.

Alice – Tu déconnes ?

Cécile – Non, je t’assure. Et toi ? Tu as beaucoup voyagé ?

Alice – En tout cas, j’ai beaucoup déménagé. Jusqu’à l’âge de dix ans. Mon père était militaire. Mais déménager, ce n’est pas vraiment voyager, tu sais. J’ai vécu en Allemagne, et dans plusieurs pays d’Afrique. Je ne sais même plus lesquels. Pour moi, déménager, c’était surtout quitter mes copines. Quand j’arrivais quelque part, je savais qu’il ne fallait pas que je m’attache. Parce que six mois après, ou deux ans maxi, je partirais. Et je ne les reverrais plus jamais.

Cécile – Et après ?

Alice – Après mon père est mort, et on n’a plus déménagé. C’est terrible à dire, mais je crois que la mort de mon père, ça a été pour moi un soulagement… La possibilité, enfin, de pouvoir me fixer quelque part (Elle a l’air au bord des larmes) Tu ne vas pas déménager, toi ?

Cécile – Mais non, rassure-toi… Je reste là.

Cécile pose sa main sur celle d’Alice pour la rassurer.

Noir