Cadeau

Un personnage est assis à une table. Sur la table une bouteille de champagne dans un seau, et deux coupes. Un autre personnage arrive.

Un – Tu es là depuis longtemps ?

L’autre se lève.

Deux – Cinq minutes. Ça va ?

Ils se font la bise, avant de se rasseoir.

Un – Très bien. Et toi ?

Deux – Ça va.

Un – Du champagne ? En quel honneur ?

Deux – Tu ne devines pas ?

Un – Évidemment… Alors, ça fait quel effet d’avoir un an de plus ?

Deux – Tu y as pensé… C’est gentil.

Un – Mieux que ça… (Il sort une enveloppe de sa poche et lui tend.) Tiens, je ne savais pas quoi t’offrir, alors…. voilà.

Lautre semble un peu sur la défensive.

Deux – Une enveloppe ? Qu’est-ce que c’est ?

Un – Ouvre, tu verras…

Deux – On va trinquer d’abord, pendant qu’il est bien frais.

Il remplit les deux coupes. Ils trinquent.

Un – Allez ! Bon anniversaire !

Deux – Merci ! À la tienne !

Ils boivent.

Un – Alors, tu l’ouvres, cette enveloppe ?

Lautre nest toujours pas très emballé.

Deux – Ah oui, c’est vrai… Alors là, tu m’intrigues… Qu’est-ce que ça peut bien être ?

Il ouvre lenveloppe.

Un – Je ne savais pas ce qui te ferait plaisir, alors je me suis dit que ça, au moins, c’était un cadeau original.

Deux – Ne me dis pas que c’est encore un bon pour un saut en parachute ou quelque chose comme ça…

Il sort un papier de lenveloppe et le regarde.

Un – Alors ?

Deux – Un avoir… chez un tueur à gages.

Un – Je te l’avais dit… c’est original.

Deux (lisant toujours) – Supprimez qui vous voulez…

Un – Il faut juste inscrire le nom du bénéficiaire dans la case vide.

Deux – Le bénéficiaire…?

Un – La personne dont tu rêverais de te débarrasser !

Deux – Ah oui…

Un – Après, pour être sûr qu’il n’y aura pas d’erreur, tu peux aussi mettre l’adresse et joindre une photo.

Deux – D’accord…

Un – Ça te plaît ?

Deux – Ah oui, c’est… C’est vrai que c’est original, comme cadeau.

Un – Et… tu as déjà une idée ?

Deux – Une idée ?

Un – Le nom de la personne que tu vas inscrire dans la case !

Deux – Ah, je… Non, pas encore… Il faudra que je réfléchisse…

Un – Attention, tu n’as droit qu’à un seul nom. Et tu ne pourras jamais recommencer. C’est bien précisé dans le contrat.

Deux – Ah oui…

Un – Après, ça pourrait devenir suspect, tu comprends.

Deux – Bien sûr. Bon ben… Oui, je vais y penser…

Un – Pas trop longtemps, hein ? Tu as vu, c’est valable pendant un an seulement.

Deux – D’accord…

Un – Ils s’engagent à exécuter le contrat dans les six mois qui suivent la remise du formulaire. Satisfait ou remboursé !

Deux – Non, non, c’est… C’est un super cadeau.

Un – Tu as bien une petite idée… Si tu devais supprimer une seule personne sur cette terre…

Deux – J’ai bien un nom qui me vient mais…

Un – Bon, c’est bien spécifié que ça doit être une personne ordinaire, hein ? Pas un président en exercice, un animateur télé ou une célébrité quelconque. Non, quelqu’un de la famille, par exemple. Un ami ou…

Deux – Un ami ?

Un – Un ami qui t’aurait trahi.

Deux – Trahi ?

Un – Un type qui aurait couché avec ta femme, par exemple.

Deux – Tu es en train de me dire que ma femme me trompe ?

Un – Mais pas du tout ! C’est juste un exemple. Ça peut être… Je ne sais pas moi… Ta belle-mère, ton patron, ton percepteur… Ou ta femme, tiens.

Deux – Parce qu’elle me trompe ?

Un – Parce que tu ne la supportes plus ! Tu veux retrouver ta liberté, mais tu n’as pas non plus envie de lui payer une pension alimentaire jusqu’à la fin de ta vie.

Deux – Je m’entends très bien avec ma femme.

Un – Ne me dis pas qu’il n’y a personne dans ton entourage sans qui ta vie serait plus agréable.

Deux – Au point de le tuer ? Non, je ne vois pas…

Un – Ce que tu peux être agaçant, parfois… Je ne sais pas, moi… Quelqu’un qui t’énerves, tout simplement.

Lautre commence à sortir de ses gonds.

Deux – Quelqu’un qui m’énerve… parce qu’il m’offre tous les ans des cadeaux à la con pour mon anniversaire, par exemple ?

Un – Tu trouves que je t’offre toujours des cadeaux à la con ?

Deux – L’année dernière, c’était un bon d’achat pour dix séances d’essai chez un psychanalyste ! Et l’année d’avant, c’était pour organiser ma propre disparition !

Un – D’ailleurs, celui-là, tu ne l’as même pas utilisé.

Un temps.

Deux – Je vais mettre ton nom…

Lautre le regarde griffonner sur le papier, avec un air inquiet.

Un – Non, mais tu peux encore réfléchir un peu… Je te ressers ?

Noir