Les compagnies amateurs s’étonnent (pour ne pas dire s’offusquent) parfois de devoir payer des droits d’auteurs pour des représentations gratuites. S’il semble normal, en effet, que les compagnies professionnelles s’acquittent de ces droits avec le prix de leurs entrées, pourquoi « taxer » les spectacles d’associations à but non lucratif jouant principalement devant leurs familles et amis ? Une petite comparaison, cependant, fera apparaître les limites de ce raisonnement. Au restaurant, il semble évident que le patron doive payer ses fournisseurs avec le prix du menu. Mais quand vous invitez des amis à dîner chez vous, si le service est gratuit, le maraîcher vous fait-il pour autant cadeau de ses haricots et le boucher de son gigot ? À moins de cultiver chez soi un potager côté jardin, et d’élever des moutons côté cour… Plus sérieusement, rappelons que les compagnies professionnelles, comme les restaurateurs, doivent faire face à des charges que les amateurs n’ont pas à supporter. Elles doivent notamment louer à prix d’or les salles dans lesquelles elles se produisent, et engager des frais de communication substantiels pour espérer les remplir au-delà des deux premières représentations auxquelles la famille, les amis et les professionnels de la profession, assistent avec d’autant plus d’enthousiasme qu’ils sont invités… Sans parler bien sûr du cachet des comédiens professionnels, lorsqu’ils prétendent vivre de leur métier (ou du moins survivre à leur art). Pour que les représentations des compagnies amateurs ne fassent pas l’objet d’une perception de droits, donc, il faudrait supposer que les auteurs qu’elles mettent en scène sont également des auteurs amateurs. Il y en a, notamment au sein même de ces compagnies, lorsque le spectacle qu’elles jouent a été écrit par un ou plusieurs des comédiens de la troupe. Mais pour faire éclore les Molière ou Shakespeare du 21ème siècle (qui une fois morts seront libres de droits) il faut aussi que vivent aujourd’hui les auteurs pour lesquels l’écriture de théâtre est (en partie) le métier. Au moins jusqu’au jour où chacun pourra cultiver son jardin…