Kidnapping

Kidnapping

En ouvrant la porte de chez elle, de retour d’une dure journée de travail, Laurence fut surprise de ne pas voir Léa, sa fille, courir vers elle pour l’accueillir, comme à son habitude. Peut-être avait-elle traîné un peu sur le chemin de l’école… C’est en revenant vers l’entrée qu’elle vit le mot qu’on avait glissé sous la porte. Elle le ramassa et le parcourut fiévreusement : « Si vous voulez revoir votre fille vivante, rendez-vous ce soir à la Renardière avec votre mari, et 300.000 euros. Je vous conseille de ne pas prévenir la police ». Laurence sentit son sang se glacer dans ses veines.

En arrivant à la villa située dans les environs de Senlis, Laurence fut d’abord frappée par l’état d’abandon du parc. Puis elle remarqua le panneau « A vendre », symbolisant l’échec de son mariage avec Vincent. Elle sut, en apercevant la lumière du vestibule, que son mari était déjà là. Elle ne l’avait plus revu depuis ce fameux soir où elle avait découvert qu’il la trompait avec son assistante. Quelques heures plus tôt, elle avait dû faire un effort pour composer le numéro du cabinet d’ophtalmologie. A présent, par delà l’angoisse qui la tenaillait depuis la disparition de sa fille, elle éprouvait une immense appréhension à l’idée de revoir l’homme qu’elle avait aimé.

Lorsqu’elle pénétra dans le salon, elle aperçut Vincent, de dos, parlant au téléphone. Il raccrocha au moment où elle entrait dans la pièce, et se tourna vers elle. Il n’avait pas vraiment changé, mais semblait fatigué. Etait-ce sa maîtresse qui l’épuisait à ce point ? « Tu as l’argent ? » demanda-t-elle pour rompre le silence. « Oui, ne t’inquiète pas ». Ne pas s’inquiéter ! Il en avait de bonnes. On avait kidnappé leur fille, et c’est tout ce qu’il trouvait à dire ?

Laurence s’efforça de recouvrer son sang froid. « Le ravisseur a appris que nous venions de vendre la villa, et il en aura profité pour exiger une rançon » lâcha-t-elle. Vincent, mal à l’aise, ne répondait rien. Elle poursuivit ses réflexions. « Mais pourquoi nous avoir donné rendez-vous ici ? La maison est vendue, tu ne devrais plus avoir les clefs… ». Un doute surgit dans l’esprit de Laurence. « Comment es-tu entré ? ». Vincent sortit de sa réserve. « J’avais gardé un double ! De quoi me soupçonnes-tu encore ? ». Elle soupira. « Il y a bien des choses dont je ne te croyais pas capable… ».

Leur aimable conversation fut interrompue par la sonnerie du téléphone. Vincent décrocha, écouta quelques instants en silence, puis raccrocha. « C’était le ravisseur » déclara-t-il. « Il veut s’assurer que la police n’est pas dans le coin avant de se manifester. Il nous recontactera ». Laurence sentit l’air lui manquer. « Ne me dis pas que nous allons passer la nuit ici ! ».

Ce fut pourtant ce qui arriva. L’attente était insupportable. Heureusement qu’ils n’avaient pas prévenu la police, car le ravisseur semblait sur ses gardes. D’après Vincent, sa voix, au téléphone, était masquée. Comme s’il parlait à travers un foulard. Impossible de savoir s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme. « Je t’ai renvoyé les papiers du divorce » lâcha Vincent. « Je sais », répondit-elle laconique. « Tu les as signés ? » poursuivit-il sur un ton détaché. « Pas encore » lâcha-t-elle la gorge serrée. « Tu es tellement pressé de te remarier avec ton assistante ? ». Il la regarda d’un drôle d’air. « Je ne vois plus Mélanie… Mais toi ? Tu as sûrement trouvé quelqu’un pour te tenir compagnie… ». Elle n’était pas mécontente de constater la jalousie de Vincent, et décida de ne pas le détromper. « Tu te crois irremplaçable ? ».

Ayant fait le tour des amabilités que peut échanger un couple en instance de divorce, ils finirent par se taire et Laurence, épuisée par toutes ces émotions, ne tarda pas à s’assoupir dans son fauteuil. Quelques heures plus tard, un bruit strident la tira d’un horrible cauchemar. Le ravisseur avait pris les traits de Mélanie. Non contente de lui avoir volé son mari, cette garce voulait lui arracher sa fille, qui se débattait en poussant des cris suraigus.

Revenant à la réalité, Laurence se rendit compte qu’il s’agissait de la sonnerie du téléphone. Vincent venait de raccrocher le combiné. « C’était lui » annonça-t-il d’une voix grave. « Il veut que nous déposions l’argent sur la margelle du puits, au fond du parc ». Laurence se leva d’un bond. « Faisons ce qu’il demande. Qu’il aille au diable avec son argent, et qu’il nous rende notre fille ! ». Vincent acquiesça sans un mot, et sortit de sous le canapé une mallette que Laurence n’avait pas encore vue jusque là. « Je vais y aller seul, c’est plus prudent » dit-il d’une voix étrangement calme. Comme Vincent se dirigeait vers la porte, Laurence fut à nouveau prise d’un doute. Quelque chose clochait dans toute cette histoire. Elle se dirigea vers Vincent, lui arracha la mallette et l’ouvrit. Elle était vide !

« C’était donc ça ! » s’exclama Laurence hors d’elle. Tu as fait enlever ta propre fille pour récupérer la moitié de l’argent qui me revenait sur la vente de la maison… ». Vincent baissa les yeux, visiblement abattu, et sortit de sa poche un revolver. Laurence eut un mouvement de recul. « Non, Laurence. La vérité, c’est que j’ai annulé au dernier moment la vente de La Renardière. Je n’ai pas pu me résoudre à céder à un inconnu cette maison où nous avons été si heureux tous les trois. J’espérais encore que tu ne signerais pas les papiers du divorce… Si je t’ai menti au sujet de l’argent, c’était pour ne pas t’affoler. Je n’ai pas la somme que réclame le ravisseur ». Vincent brandit le pistolet. « La seule solution, la voilà… ». Quelque chose, dans la voix de Vincent, acheva de convaincre Laurence qu’il ne mentait pas. Elle alla vers lui et ils s’étreignirent longuement. « Pardonne-moi » dit-elle. « C’est à toi de me pardonner » répondit-il. « Mais maintenant, il faut sauver notre fille. « Je viens avec toi » lâcha-t-elle sur un ton sans appel.

Quelques minutes plus tard, Vincent et Laurence approchaient du lieu où ils devaient déposer la rançon. Le jour se levait à peine, et le brouillard était encore épais. A quelques mètres du puits, ils aperçurent une forme humaine. Vincent eut bien l’idée de tirer au jugé en direction du ravisseur. Mais Laurence l’en dissuada. En agissant ainsi, il perdait tout espoir de revoir leur enfant. Ils firent encore quelques pas en se serrant un peu plus fort par la main. Les événements dramatiques auxquels ils avaient dû faire face ensemble depuis la veille avaient fini par les rapprocher. C’est alors qu’ils distinguèrent les traits de la frêle silhouette qui les attendait. Ceux de leur fille Léa… « C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour que nous soyons à nouveau réunis » confessa-t-elle avec un sourire embarrassé.