Depuis le début de l’histoire de l’Humanité, c’est sans doute la première fois que ce qu’on a déjà coutume d’appeler la mondialisation se manifeste comme un fait social total, pour reprendre l’expression de Marcel Mauss, à travers cette croisade sanitaire contre un virus affectant le monde entier. Certes, la première et surtout la seconde guerre mondiale avaient impliqué une bonne partie du monde, mais pas l’intégralité de la planète. Ces deux « Guerres Mondiales », par ailleurs, étaient en réalité un agrégat de conflits multi-latéraux n’ayant pas grand rapport entre eux, chaque belligérant poursuivant ses propres objectifs, et les alliances n’étant souvent que de circonstances (comme celle de l’Allemagne et du Japon au sein de l’Axe). Avec cette guerre contre le coronavirus, en revanche, c’est bien l’ensemble des pays du monde qui se battent contre un même ennemi, plus ou moins avec les mêmes armes, et peu ou prou dans le même but : restaurer la santé publique et relancer l’activité économique, tout en renforçant le pouvoir politique. Les tenants des théories du complot se contentant d’inverser l’ordre de ces priorités : renforcer le pouvoir politique, au profit du pouvoir financier, en prétextant une crise sanitaire. Mais le résultat reste le même : la réalisation effective d’un fait mondial total, qui ne saurait avoir eu de précédent éventuel que dans une très lointaine préhistoire, à l’époque où l’Humanité, peut-être, n’était encore qu’une tribu primitive au sein de laquelle le sort de chacun était étroitement lié au destin de tous. Pour le meilleur et sans doute pour le pire, donc, cette crise sanitaire refait du monde un village, ou le convertit en une Métropolis. À nous de décider s’il en ressortira plus de responsabilité et de solidarité, ou plus d’infantilisme et de paternalisme. L’An 01 était, dans les années 70, le titre d’une bande dessinée de Gébé puis d’un film de Jacques Doillon, d’inspiration libertaire. Veillons à ce que cet An 01 de la mondialisation ne soit pas définitivement liberticide.