Au Théâtre des Halles, rue du Roi René à Avignon
Du 7 au 30 Juillet 2021 à 19 heures (Relâches les 13, 20 et 27)
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Par la voix du comédien Ivan Morane, c’est Joseph Kessel qui pendant plus d’une heure s’exprime à la première personne pour commenter le procès d’Eichmann, qu’il était chargé de couvrir en 1961 pour France Soir à Jérusalem. Et c’est sans doute ce qui donne une telle intensité dramatique à ce spectacle. Kessel, témoin oculaire de ce procès historique, nous transporte avec lui dans la salle d’audience pour assister en direct à l’interrogatoire par ses juges du principal organisateur de la solution finale. À travers les mots de Kessel, nous voyons apparaître comme un fantôme l’accusé dans sa cage en verre, et nous entendons les réponses hallucinantes qu’il apporte pour se justifier et pour tenter de se disculper. Une cage en verre. Transparente et blindée. Le symbole est fort pour évoquer la tragique impossibilité à comprendre et donc la difficulté à juger un tel monstre à qui on ne peut pourtant pas nier le statut d’homme, sauf à se déshumaniser soi-même. Apparente transparence car l’accusé accepte de s’expliquer sur tout et a réponse à tout. Blindage car il est à jamais enfermé lui-même dans ses mensonges absurdes. À entendre Eichmann, comme ses complices du procès de Nuremberg, il ne faisait qu’obéir aux ordres, et le seul coupable des horreurs perpétrées par le Troisième Reich était Hitler lui-même, soudain passé avec la défaite du statut de Dieu vivant pour ses adorateurs à celui de bouc émissaire post mortem. Et tous les autres seraient donc innocents. Comment les principaux dignitaires de l’Allemagne nazie ont-ils pu à ce point renier durant leurs procès leurs idéaux mortifères dans l’espoir insensé d’échapper à la mort ? Bien sûr, le spectateur ne trouvera pas la réponse dans ce spectacle. Et il sortira de la salle avec encore plus de questions. Mais en ces temps troublés, chacun sait que les réponses, surtout lorsqu’elles sont trop simples, sont beaucoup plus dangereuses que les questions, quand elles sont bien posées.
Critique de Jean-Pierre Martinez
D’après Le procès Eichmann à Jérusalem de Joseph Kessel
Adaptation, mise en scène et interprétation : Ivan Morane
Scénographie et lumière : Ivan Morane,
Son Dominique Bataille
Texte publié dans l’ouvrage Jugements derniers
Réalités/Compagnie Ivan Morane
Durée 1h20
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