Lettre d’amour

Le facteur arrive et cherche un nom sur une boîte aux lettres qu’il ne trouve pas. Une locataire arrive.

Facteur – Excusez-moi, Mademoiselle Lelièvre, vous connaissez ?

Locataire – Lelièvre ? Non… Enfin, si… C’était mon nom de jeune fille. Mais plus personne ne m’appelle comme ça… Et je suis mariée depuis vingt ans…

Facteur – Pourtant, c’est la bonne adresse…

Locataire – Faites voir…

Le facteur lui tend l’enveloppe.

Locataire – C’est curieux, on dirait un timbre de collection… Mais regardez, le cachet de la Poste indique le 21 mars 1985… Il y a près de trente ans !

Le facteur regarde l’enveloppe.

Facteur – Ah oui, dites donc… C’est incroyable.

Locataire – Qu’est-ce que ça pouvait bien être ?

Facteur – Vous n’avez qu’à l’ouvrir, puisque c’est pour vous.

Locataire – Vous croyez ?

Facteur – Mademoiselle Lelièvre, c’est bien vous ?

Locataire – Oui… Enfin c’était…

Elle ouvre l’enveloppe et la parcourt du regard.

Facteur – Alors ?

Locataire – C’est une lettre de mon petit ami de l’époque… Mon premier amour.

Facteur – Qu’est-ce qu’il dit ? Si ce n’est pas indiscret, bien sûr…

Locataire – Il s’excuse de ne pas avoir pu venir à notre dernier rendez-vous, mais il s’est cassé la jambe. Il est bloqué à l’hôpital…

Facteur – Ce sont des choses qui arrivent, je sais de quoi je parle. Et ben ça, Mademoiselle Lelièvre !

Locataire – Et moi qui croyais qu’il m’avait posé un lapin…

Facteur – C’est vrai qu’à l’époque, il n’y avait pas encore internet. Il n’y avait même pas de téléphone portable. Et qu’est-ce qu’il dit d’autre ?

Locataire – Il dit qu’il m’aime… Vous vous rendez compte ? Si j’avais su…

Facteur – C’est incroyable ! Cette lettre a mis 30 ans à vous parvenir…

Locataire – Oui… Et je ne vous félicite pas !

Facteur – Pardon ?

Locataire – Si cette lettre m’était parvenue à temps, ma vie aurait pu être très différente !

Facteur – Oui, bien sûr, mais…

Locataire – J’aimais beaucoup ce garçon… Je suis sûr qu’il a dû devenir quelqu’un dans la vie…

Facteur – Peut-être, mais…

Locataire – Vous savez que je pourrais porter plainte contre vous ?

Facteur – Contre moi ?

Locataire – Contre la Poste !

Facteur – C’est le destin, non ?

Locataire – En tout cas, je serais curieuse de savoir ce qu’il est devenu…

Facteur – Comment s’appelait-il ?

Locataire – C’est marqué au dos de l’enveloppe, non ?

Le facteur regarde.

Facteur – Non ? Ce n’est pas vrai !

Locataire – Quoi ?

Facteur – Mais c’est moi qui vous ai envoyé cette lettre ! Je ne m’en souvenais plus du tout !

Locataire – Vous ? Vous êtes certain ?

Facteur – Absolument ! C’est mon nom, et c’est l’adresse de mes parents. Là où j’habitais à l’époque…

Locataire – Je ne vous aurai pas du tout reconnu, dites donc…

Facteur – Ça fait quand même trente ans… Je n’ai pas oublié ton prénom, bien sûr, mais ton nom de famille…

Locataire – Alors comme ça, vous êtes devenu facteur.

Facteur – Oui… J’étais tellement déprimé que tu n’aies pas répondu à ma lettre… En y repensant, je crois que c’est pour ça que je suis devenu facteur. Pour avoir le bonheur d’apporter aux autres les réponses que je n’ai jamais reçues.

Locataire – Et votre jambe, ça va mieux ?

Facteur – On peut se tutoyer, non ?

Locataire – C’est à dire que… Là, je suis un peu pressée. Mon mari m’attend dehors avec la voiture.

Facteur – Bien sûr…

Il la regarde partir presque en courant.

Facteur – Mademoiselle Lelièvre…

Noir.

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