Message in a bottle

Deux personnages, qui restent un instant silencieux.

Un – Tu te souviens de cette sonde qu’on a lancée il y a une cinquantaine d’années, pour franchir les limites du système scolaire…

Deux – Tu veux dire solaire. Du système solaire.

Un – C’est ça… Avec un message destiné aux extra-terrestres ?

Deux – Et alors ?

Un – Je me demande toujours si c’était une bonne idée.

Deux – Ah oui ?

Un – Imagine que quelqu’un tombe dessus.

Deux – Quelqu’un ?

Un – Des extra-terrestres !

Deux – Il y a quand même peu de chances…

Un – Peut-être, mais si on l’a lancée, c’est qu’il existe une infime possibilité, non ? Les bouteilles à la mer, il arrive que quelqu’un les trouve.

Deux – Ouais… Et ?

Un – Tu lancerais une bouteille à la mer, toi, avec à l’intérieur ton nom, ton adresse, et ton numéro de carte bleue ?

Deux – Pourquoi je lancerais une bouteille à la mer ?

Un – Voilà ! C’est justement la question : pourquoi ?

Deux – Et alors ? Pourquoi ?

Un – Parce qu’on a la naïveté de penser que les extra-terrestres nous veulent du bien ! Et nous feront généreusement profiter sans aucune contrepartie des pouvoirs immenses liés à une civilisation plus avancée que la nôtre.

Deux – Pourquoi pas ?

Un – Je ne sais pas… Quand on a découvert l’Amérique, c’est ça qu’on a fait, nous, avec les Indiens ? Oui ou non ?

Deux – Non…

Un – On a commencé par les massacrer avec des armes qu’ils ne connaissaient pas, à baptiser de force les derniers survivants, à leur refiler des tas de maladies et du whisky à gogo. Et les quelques alcooliques qui restaient on les a parqués dans des réserves.

Deux – Vu comme ça, évidemment…

Un – Imagine que ces extra-terrestres tombent sur notre message, et qu’ils nous répondent.

Deux – Qu’est-ce qu’ils pourraient bien nous répondre ?

Un – Imagine qu’ils nous répondent : On arrive.

Deux – Ah oui… Ça fout les jetons…

Un – C’était une grosse connerie de leur refiler notre adresse, en leur disant que s’ils n’avaient rien de mieux à faire, qu’ils passent donc boire un verre à la maison.

Deux – Et il n’y a pas moyen de rattraper ça ?

Un – Aucun.

Deux – Et on ne peut pas déménager non plus.

Un – Pas encore.

Deux – Tu as raison… On est vraiment dans la merde.

Un – Bon, mais avec un peu de chance, ils ne trouveront jamais notre message.

Deux – Ou alors, ils n’existent pas.

Un – En attendant, on ferait mieux de ne pas trop se faire remarquer.

Deux – C’est sûr.

Un – Pour vivre heureux, vivons cachés.

Deux – J’éteins la lumière…

Un – Bonne nuit.

Deux – Fais de beaux rêves. (Un temps) Tu n’as pas prononcé le mot papillon.

Un – Non… Cette fois, je n’ai vraiment pas réussi à le placer…

Noir

Minute, papillon !