Vincent est là. Il n’a pas l’air bien. Cécile arrive, un peu affolée.
Cécile – Ça y est, j’ai réussi à les avoir.
Vincent – Alors ?
Cécile – Ils envoient une ambulance. Ça va ?
Vincent – Je ne sens plus mon bras…
Cécile – Ça va aller. Ils seront là dans quelques minutes. Enfin j’espère…
Vincent – Un infarctus, à mon âge… Décidément… Il n’y a que pour ça que j’aurais été précoce…
Cécile – Ne dis pas de bêtise. Et puis ce n’est peut-être pas une crise cardiaque. Mais bon, il vaut mieux ne pas prendre de risque.
Vincent – Je suis vraiment désolé pour toi… Devenir veuve le jour de son anniversaire de mariage, ce serait vraiment un comble…
Cécile – Ne plaisante pas avec ça. On va tout faire pour que tu t’en sortes.
Vincent – Bien sûr… (Un temps) Mais si par malheur je ne m’en sortais pas, il faut que je te dise quelque chose.
Cécile – Je t’en prie. Je sais mieux que toi où sont tous les papiers, c’est moi qui les range. Si tu te reposais, plutôt.
Vincent – Je ne parlais pas des papiers, mais… le temps que l’ambulance arrive, on peut parler, non ?
Cécile – Bien sûr… Mais si c’est pour m’avouer que tu m’as trompé avec ma meilleure amie, réfléchis bien. Si tu sors de l’hôpital dans deux heures, demain tu pourrais regretter de m’avoir fait ce genre de confidences…
Vincent – Je ne t’ai jamais trompée, Cécile.
Cécile – Alors je t’écoute…
Vincent – D’abord, il faut que tu saches que je t’aime.
Cécile – Je le sais, Vincent. Tu me le dis tous les jours.
Vincent – Et tu me réponds que tu m’aimes aussi.
Cécile – Parce que c’est vrai.
Vincent – Mais tu ne fais que me répondre… Tu ne me le dis jamais en premier.
Cécile – Je t’aime, Vincent. Comment tu peux en douter ?
Vincent – Je sais, mais…
Cécile – Quoi ?
Vincent – Je me suis toujours demandé si j’étais vraiment l’homme de ta vie.
Cécile – L’homme de ma vie ?
Vincent – C’est un peu ridicule, mais… j’ai toujours pensé qu’au fond… tu étais encore amoureuse de Fred.
Cécile – Fred ?
Vincent – Le week-end où j’avais fêté mon anniversaire, en Normandie, tu étais sortie avec lui.
Cécile – C’était il y a très longtemps, Vincent. Toi et moi, on ne sortait pas encore ensemble.
Vincent – Bien sûr. Je ne te reproche pas de m’avoir trompé. D’ailleurs, je ne te reproche rien.
Cécile – Je ne l’ai jamais revu après ce fameux week-end. Il n’est même pas venu à notre mariage. Comment tu peux dire ça ?
Vincent – Justement. Peut-être que si tu l’avais revu…
Cécile – Tu te fais du mal inutilement, Vincent… Tu crois vraiment que c’est le moment ?
Vincent – Je n’ai jamais osé te parler de ça. Et je n’en aurai peut-être plus l’occasion.
Cécile – Mon histoire avec Fred, ça n’a duré qu’une soirée. J’avais un peu bu. C’est une histoire sans importance. J’ai connu quelques hommes avant toi, tu sais ?
Vincent – Mais Fred, c’était mon meilleur ami.
Cécile – Dis-moi plutôt comment tu te sens ?
Vincent – Mal.
Cécile – Il me semble entendre l’ambulance.
Vincent – C’est une sirène de police. Les ambulances ne font pas ce bruit-là.
Cécile – Ils ne vont plus tarder, maintenant…
Vincent – Alors ?
Cécile – Alors quoi ?
Vincent – J’étais là aussi, ce soir-là. Je t’ai fait la cour. Mais c’est avec Vincent que tu es sortie.
Cécile – Oui.
Vincent – Pourquoi ?
Cécile – Vincent partait le lendemain aux États-Unis. Il quittait la France pour longtemps. Pour toujours peut-être.
Vincent – Et c’est pour ça que tu es sortie avec lui.
Cécile – Je savais que je ne le reverrai pas. Avant longtemps en tout cas. Oui, j’étais peut-être amoureuse de lui. Mais je ne l’aimais pas. C’est toi que j’aime. Et c’est toi que j’ai épousé.
Vincent – J’aurais aimé que tu sois amoureuse de moi à l’époque.
Cécile – Je le suis aujourd’hui. Et je ne te laisserai pas partir.
Vincent – Je ne partirai pas, je te le promets.
Cécile – Je t’ai choisi Vincent. Est-ce qu’on aurait pu vivre une autre vie, toi ou moi ? Je ne crois pas. Tous les rêves d’adolescents ne sont pas faits pour devenir des réalités.
Vincent – Mon rêve, c’était toi. Et tu l’as réalisé.
Moment d’émotion.
Cécile – À mon tour de te poser une question. J’ai besoin de savoir.
Vincent – Oui…
Cécile – Tu savais que tu étais malade du cœur ?
Un temps.
Vincent – Oui.
Cécile – Mais tu ne m’en as pas parlé…
Vincent – Tu m’aurais épousé si tu l’avais su ?
Cécile – C’est une drôle de question.
Vincent – Pardon… J’avais peur que… Je ne voulais pas que tu me vois comme ça.
Cécile – Comme ça ?
Vincent – Je ne voulais pas que tu aies pitié de moi.
Elle lui serre la main.
Cécile – J’entends encore une sirène.
Vincent – Cette fois c’est bien une ambulance.
Cécile – Je vais leur ouvrir. Ça va aller, je te le promets…
Vincent – Bien sûr… Ça va aller…
Noir