Deux personnages debout les bras ballants.
Un – Tu vois, à l’heure qu’il est, on devrait être en train jouer.
Deux – Et on est planté là, et on ne sait pas quoi dire.
Un – Et on ne sait pas quoi faire, et on ne sait pas où se mettre.
Deux – Il n’a pas laissé de mots, pas même une ou deux lettres ?
Un – Ça ne le ferait pas revenir, mais on saurait quoi dire.
Deux – Et on saurait quoi faire, on saurait quoi ressentir.
Un – Il nous laisse là comme ça, juste avec un grand vide.
Deux – Pourquoi il a fait ça ? La peur de faire un bide ?
Un – Il a pensé à quoi ? Pas à tous ses amis.
Deux – Regarde, ils sont tous là, tous à attendre assis.
Un – Ils attendent nos répliques, mais qu’est-ce qu’on pourrait dire ?
Deux – Rien. On n’a rien à dire.
Un – Puisqu’on n’a pas la pièce.
Un – Puisqu’il ne l’a pas écrite.
Deux – Puisqu’il est mort hier.
Un – D’une gastroentérite.
L’autre le regarde étonné.
Deux – D’une gastroentérite ?
Un – J’ai dit ça pour la rime.
Deux – C’était une pièce en vers ?
Un – Je ne sais pas. À quoi ça rime…
Deux – On n’est pas auteurs, nous, et pas acteurs non plus.
Deux – On ne sait pas quoi vous dire, on est juste venu.
Un – Deux personnages en deuil, et des rimes orphelines.
Un temps.
Un – Maintenant on devrait saluer, et se faire applaudir.
Deux – Ou bien se faire siffler, et se faire insulter.
Un – Mais au moins on saurait.
Deux – Si c’était une bonne pièce, ou alors un navet.
Un – Un tabac ou un four.
Deux – Mais on ne saura jamais.
Un – Non, vraiment, c’est trop triste.
Deux – Les auteurs de nos jours sont vraiment des fumistes.
Noir.