Un type arrive, hésite un instant, et s’assied par terre devant les boîtes aux lettres. Il commence à somnoler. Une locataire arrive à son tour et l’aperçoit.
Locataire – Allez, réveillez-vous mon brave ? Je comprends que vous soyez fatigué, mais il ne faut pas rester, ici, hein ?
L’autre se réveille.
Homme – Et pourquoi ça ?
Locataire – Mais… parce que c’est un hall d’immeuble, pas un hôtel social. Vous ne savez vraiment pas où aller, c’est ça ?
Homme – Non… En ce moment, je suis sans domicile fixe.
Locataire – Et bien raison de plus, mon ami ! Si vous êtes sans domicile fixe, pourquoi diable vouloir vous fixer ici ?
Homme – Vous avez raison…
Le type se relève.
Locataire – Merci pour votre compréhension, mon ami. Mais vous savez quoi ? Au fond, je vous envie.
Homme – Vraiment ?
Locataire – Parfois, moi aussi, j’aimerais être sans domicile fixe. Ne pas avoir à rentrer tous les soirs chez moi. Retrouver la même personne qui m’attend à la maison.
Homme – Dans ce cas, vous pourriez peut-être m’accueillir chez vous pour une nuit ? Ça vous ferait un peu de distraction…
Locataire – Chez moi ?
Homme – Il fait tellement froid dehors.
Locataire – Oui, je sais, j’ai dû mettre mon Damart ce matin… Et malgré ça, je me suis gelée au bureau toute la journée.
Homme – Si je passe la nuit dehors, je ne suis pas sûr de me réveiller demain matin.
Locataire – Vous êtes sûr que vous ne dramatisez pas un peu là ?
Homme – Vous voudriez vraiment avoir ma mort sur la conscience ?
L’autre hésite, puis sort un billet de sa poche.
Locataire – Allez, c’est votre jour de chance. Prenez ça et allez dormir à l’hôtel.
Homme – Dix euros ? Comment voulez-vous que je trouve une chambre d’hôtel à ce prix-là ?
Locataire – Bon, en voilà trente, et vous fichez le camp, d’accord ? Je suis sûr que vous trouverez un Formule 1 ou quelque chose dans le genre. Vous ne voudriez pas dormir dans un palace, non plus ?
Homme – Ça ira. Merci Monseigneur.
Locataire – Et puis si vous ne trouvez pas d’hôtel qui veuille bien vous accueillir, vous pourrez au moins vous acheter quelques litrons pour vous réchauffer.
Locataire – Vous me sauvez la vie. Dieu vous le rendra…
Une femme arrive.
Femme – Mais qu’est-ce que tu fais ici ?
Homme – Je n’avais pas le code, et j’ai perdu ton numéro de portable. Comme je savais que tu n’allais pas tarder à arriver. Mais Madame venait de me proposer très gentiment d’attendre chez elle.
Femme – Merci, c’est très aimable à vous.
La femme accuse le coup mais n’en laisse rien paraître.
Locataire – Mais de rien. Entre voisins, c’est bien naturel…
Femme – C’est vrai qu’avec ce froid… Je vous présente mon frère. Il passe quelques jours chez moi avant de repartir à Bucarest pour un tournage. Il est comédien…
Locataire – Ravi d’avoir fait votre connaissance, alors.
Homme – Les saltimbanques ont toujours eu mauvaise réputation. Au Moyen-Age on les tenait pour des voleurs de poules et on refusait même de les enterrer dans les cimetières avec les bons chrétiens.
Femme – Heureusement, on n’est plus au Moyen-Âge… Je ne devrais pas dire ça devant lui, mais c’est un excellent acteur. Vous verrez, il fera une grande carrière…
Locataire – Je n’en doute pas…
Homme – N’embête pas Madame avec ça, voyons, elle a sûrement hâte de rentrer chez elle pour retrouver son mari.
Locataire – Bien alors je vous laisse.
Homme – Merci encore.
Locataire – Mais de rien.
Homme – Vraiment sympa, non ?
Femme – Oui, il y a une bonne ambiance, dans cet immeuble, on dirait.
Ils sortent.
Noir.