Elle et lui sont debout face au public, et ne semblent pas se voir entre eux.
Elle – Allô Mars ?
Lui – Ah bonjour la Terre !
Elle – Tu as reconnu ma voix ? Pourtant ça fait un moment qu’on ne s’est pas parlés…
Lui – Pas si longtemps que ça, tu exagères…
Elle – Attends, c’était exactement…
Lui – Il y a 110.000 ans. Au début de ta dernière glaciation. Je t’avais appelé pour prendre de tes nouvelles.
Elle – C’est vrai. Le temps passe tellement vite.
Lui – Alors ça va mieux, tu te réchauffes un peu ?
Elle – Oui, oui, ça va, rassure toi. C’était juste un petit refroidissement.
Lui – Tant mieux, tant mieux…
Elle – Ceci dit, depuis quelque temps, je crois que j’ai attrapé une nouvelle saloperie.
Lui – Encore ! Ah merde… Tu chopes vraiment tout ce qui traîne, toi. Et ça dure depuis quand ?
Elle – Oh pas très longtemps. 10.000 ans, à peu près.
Lui – C’est quoi comme maladie ?
Elle – L’humanité. C’est un nouveau virus, à ce qu’il paraît. Il n’y a pas encore de vaccin.
Lui – Et c’est grave ?
Elle – On ne sait pas encore trop comment ça peut évoluer.
Lui – Ah tu n’as vraiment pas de bol… Mais ça va ?
Elle – Pour l’instant, ça va. J’ai juste un peu de température depuis une centaine d’années…
Lui – Un réchauffement climatique… Il ne faut pas laisser traîner, tu sais. Ça pourrait s’aggraver…
Elle – Tu as raison, si ça ne s’arrange pas d’ici cinq ou dix mille ans, il faudra que je me fasse soigner.
Lui – Ouais… Fais gaffe aux effets secondaires quand même. Des fois, le remède est pire que le mal. Tu te souviens quand tu avais attrapé ce truc, là…
Elle – Les dinosaures.
Lui – C’est ça. On t’avait administré un traitement de choc et…
Elle – Ah oui, cette météorite. Tu parles d’un suppositoire. J’avais failli y rester à l’époque.
Lui – Remarque, après tu en étais définitivement débarrassée.
Elle – Oui, mais j’ai mis pas mal de temps à m’en remettre… Alors et toi, comment ça va ?
Lui – Oh, moi, tu sais… Toujours pareil… Ce n’est pas maintenant que ça va s’arranger.
Elle – Ne dis pas ça…
Lui – À mon âge.
Elle – On a le même âge !
Lui – Qu’est-ce que tu veux, c’est comme ça.
Elle – Des fois, il suffit d’une petite pluie d’astéroïdes pendant quelques millions d’années, bien chargés en eau et en sels minéraux, et c’est reparti pour un tour de soleil.
Lui – Tu as raison, il faut garder le moral.
Elle – Bon, désolée, je vais devoir m’éclipser. Mais fais attention à ce nouveau virus, il paraît que c’est très contagieux.
Lui – Tu crois que ça pourrait arriver jusqu’à chez moi ?
Elle – En tout cas, il paraît que la Lune est déjà contaminée. Allez, prends soin de toi.
Lui – Toi aussi. Et n’attends pas encore une éternité avant de me rappeler.
Elle – C’est promis.
Lui – Allez, je t’embrasse. Mais de loin…
Silence marquant la fin de la conversation, puis elle tousse et éternue.
Elle – Quelle saloperie, cette humanité. Il va falloir que je me soigne si je ne veux pas que ça dégénère. Je ne voudrais pas me retrouver dans le même état que ce pauvre Mars…
Noir