Un personnage est là, regardant avec perplexité la carte qu’il tient à la main. Un autre personnage arrive. Le premier l’interpelle.
Un – Excusez-moi… Vous êtes du coin ?
Deux – Ça dépend. De quel coin ?
Un – Non je voulais dire… je ne sais pas si vous êtes d’ici.
Deux – Oui…?
Un – Non parce que moi, je ne suis pas du coin et… je suis un peu désorienté.
Deux – Désorienté…
Un – Un peu perdu, si vous préférez.
Deux – Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
Un – Eh bien… je voudrais savoir où je me trouve, tout simplement. Vous savez où on est ?
Deux – Oui.
Un – Et vous pouvez me dire où je suis ?
Deux – D’accord… (Il jette un regard autour de lui.) Alors vous êtes à peu de choses près… entre cet arbre, là, et moi.
Un – Pardon ?
Deux – Ou si vous préférez, vous êtes… sous le soleil, exactement, puisqu’il est midi, et puisqu’on est au printemps, sur ces primevères, que vous êtes en train de piétiner.
Un – Oui, je vois bien mais… ce que j’aimerais savoir c’est où je suis… sur cette carte.
Deux – Ah pardon, excusez-moi. Votre carte, bien sûr… Faites voir…
L’autre lui tend la carte, un peu méfiant. Le deuxième examine la carte attentivement.
Un – Alors ?
Deux – Je ne vois rien… Non, vous n’êtes pas sur cette carte…
Un – Non ?
L’autre jette un nouveau regard sur la carte.
Deux – Non, je vous assure. (Lui montrant la carte) Regardez, vous n’y êtes pas. Les primevères non plus, d’ailleurs. Si vous étiez sur cette carte, on le verrait, non ?
Un – Mais ce n’est pas possible. Je n’ai pas pu aller aussi loin. Au point de ne plus être sur cette carte.
Deux – Il arrive qu’on dépasse les bornes, sans s’en rendre compte.
Un – Mais alors… où est-ce que je peux me trouver ?
Un temps.
Deux – Donc vous êtes quelqu’un qui se cherche encore.
Un – Quoi ?
Deux – Quand on se demande où on se trouve, c’est qu’on se cherche, non ?
Un – Je vous remercie beaucoup pour votre aide. Je crois que je suis encore plus perdu que je ne l’étais avant de vous rencontrer.
Deux – Vous êtes perdu parce que vous vous cherchez sur une carte, au lieu de vous chercher là où vous vous trouvez vraiment.
Un – Ah oui ? Et où est-ce que je me trouve exactement ?
Deux – Vous vous trouvez là où vous êtes, tout simplement. Ici.
Un – Le problème, ce n’est pas de savoir où je suis, c’est de savoir dans quelle direction je dois aller pour trouver ce que je cherche ?
Deux – Et qu’est-ce que vous cherchez ?
Un – Ma voiture.
Deux – Pour aller où ?
Un – Pour rentrer chez moi.
Deux – Je vous conseille plutôt de camper ici.
Un – Camper ? Mais je n’ai pas de tente ! Et puis j’ai des choses à faire…
Deux – Quoi, par exemple ?
Un – Je ne sais pas, moi… Il faut que j’aille travailler.
Deux – Travailler ? Pour quoi faire ? Pour payer le crédit de votre voiture ?
L’autre semble un peu abattu.
Un – Ou pour en acheter une autre, si je n’arrive pas à retrouver la mienne… Vous avez raison, finalement, je vais peut-être devoir dormir ici, à la belle étoile.
Deux – Les nuits sont douces en cette saison…
Un – Alors vous êtes perdu, vous aussi ?
Deux – Si on veut… J’étais d’ailleurs, moi aussi. Comme vous. Je suis venu me perdre ici. Dans ce trou perdu… J’ai fini par m’y retrouver. Et maintenant, je suis du coin, comme on dit.
Un – Oui, et ben moi j’aimerais bien ne pas y prendre racine…
L’autre lui lance un regard perplexe.
Deux – Votre voiture, c’est bien une Peugeot 107 de couleur rouge.
Un – Oui.
Deux – Elle est juste derrière vous, sur le parking en contrebas, de l’autre côté du chemin.
Un – Non ? Merci beaucoup, vous me sauvez la vie !
Deux – Vous croyez ?
Un – Mais entre nous, vous auriez pu me le dire plus tôt…
Deux – Maintenant au moins, vous savez où vous en êtes… Tenez, je vous rends votre carte.