Elle arrive, dans le plus simple appareil, un sac de peau en bandoulière. Il arrive à son tour, dans la même tenue, et également porteur d’un sac. On pourrait d’abord croire qu’il s’agit de vacanciers à la plage. Il semble vouloir l’aborder, mais n’ose pas. Il finit par se lancer.
Lui – Excusez-moi, vous avez du feu s’il vous plaît ?
Elle – Oui, bien sûr…
Elle fouille dans son sac, et finit par en sortir deux gros cailloux genre silex. Elle se met à les frapper l’un contre l’autre. Sans résultat probant.
Elle – Excusez-moi, je ne suis pas encore tout à fait familiarisée avec les nouvelles technologies…
Lui – Ce n’est pas grave, vous savez. Moi non plus, je ne suis pas très…
Sans l’écouter, elle essaie encore, en vain. Elle s’énerve et frappe les cailloux l’un contre l’autre de plus en plus fort de façon hystérique.
Elle – Putain…!
Lui – Non mais je vous assure, laissez tomber ! Je peux très bien faire autrement…
Elle reprend ses esprits, cesse de frapper les cailloux et les remet dans son sac.
Elle – Je suis vraiment désolée…
Lui – Non, c’est moi, je vous en prie… Vous auriez pu vous blesser…
Moment d’embarras.
Elle – Et le feu, c’était pour…?
Il sort de son sac un petit animal en peluche assez bien imité.
Lui – Pour faire cuire ça.
Elle – Ah oui…
Lui – Je sais, ce n’est pas très gros, mais… c’est tout ce que j’ai trouvé.
Elle – Je vois… Et donc…
Lui – Il paraît que cuit, ça se digère mieux. Enfin c’est ce qu’on dit…
Elle – Remarquez on dit tellement de choses… Jusqu’à maintenant on mangeait la viande crue, et personne n’est jamais mort.
Lui – Personne n’est mort de ça, en tout cas.
Elle – Et donc… vous êtes chasseur-cueilleur.
Lui – Oui… Enfin… plutôt tendance cueilleur, quand même.
Elle – Oui, je… J’imagine.
Lui – Je suis sûr qu’un jour on y viendra.
Elle – À quoi donc ?
Lui – On ne mangera plus de viande, vous verrez ce que je vous dis. Les fruits et légumes, c’est quand même meilleur pour la santé.
Elle – Personnellement, j’essaie d’en manger au moins cinq par jour.
Lui – En tout cas, c’est plus facile à attraper que la viande.
Elle – Oui…
Ils rient tous les deux un peu bêtement.
Lui – Bon, alors je… Je vais vous laisser…
Elle – D’accord, oui… Encore désolée pour le feu.
Ils semblent ne pas vouloir se quitter. Il tient toujours la bestiole par la queue. Il se lance à nouveau.
Lui – Et sinon, je me demandais… Vous faites quoi à midi ?
Elle – Rien de particulier… Je… regardais les nuages, là… pour passer le temps.
Lui – Ah oui, les nuages… Non, parce que je me disais… on pourrait peut-être déjeuner ensemble…
Elle – Vous croyez vraiment qu’il y en a assez pour deux…?
Il regarde la bestiole, dubitatif.
Lui – Ah non, mais… j’ai des légumes aussi.
Il sort de son sac un petit poireau et lui montre.
Elle – Ah oui… Super… Pour accompagner le…
Lui – Trop manger… ce n’est pas bon pour la santé non plus.
Elle – C’est vrai… Bon… alors d’accord.
Lui – J’habite juste à côté, si ça vous dit…
Elle – Et donc… vous êtes nouveau dans le quartier ? Comme on ne s’était jamais croisés auparavant…
Lui – Oui… J’ai trouvé une petite grotte pas très loin d’ici… Ce n’est pas très lumineux, mais il y a une très belle hauteur sous plafond.
Elle – Et puis c’est très central.
Lui – J’ai fait quelques dessins sur les parois du fond pour égayer un peu.
Elle – Ah, vous êtes aussi artiste ?
Lui – Oui, enfin, je débute… Ça vous dirait de les voir.
Elle – Quoi donc ?
Lui – Mes peintures rupestres !
Elle – Ah oui ! Pourquoi pas…? Qu’est-ce que ça représente ?
Lui – Moi, en train de me battre avec une salade.
Ils rient à nouveau.
Elle – Et… vous vous appelez comment ?
Lui – Je ne sais pas. Je ne m’appelle pas souvent. Et vous ?
Elle – Moi non plus…
Lui – Bon… Alors on y va ?
Elle – Vous avez raison, on ferait bien de se dépêcher, parce que je crois qu’on ne va pas tarder à avoir une averse.
Lui – Ah oui ?
Elle – Souvent, quand il y a beaucoup de nuages dans le ciel, après il pleut. Vous n’avez pas remarqué ?
Lui – Non, mais… maintenant que vous me le dites. Alors vous, vous seriez plutôt une scientifique, non ?
Elle – Oui, enfin… j’essaie d’observer le monde qui m’entoure. D’être à l’écoute de mon corps, aussi…
Lui – D’accord… Et… vous avez fait d’autres découvertes intéressantes ?
Elle – Vous verrez, je vais vous étonner…
Ils sortent.
Noir