Le piège

Deux personnages se font face.

Un – Alors c’est décidé, tu veux te débarrasser d’elle ?

Deux – Je ne vois pas d’autres solutions. J’ai tout essayé, je t’assure.

Un – On parle de tuer, là. Il n’y a pas de retour en arrière. C’est définitif.

Deux – Je sais.

Un – Tu te sens de vivre avec ça sur la conscience pendant le restant de tes jours ?

Deux – J’en assume la responsabilité, mais je ne suis pas capable de le faire. Tu serais d’accord pour t’en occuper ?

Un – Ce ne sera pas gratuit, évidemment.

Deux – Évidemment.

Un – Quand on ne veut pas se salir les mains, il y a un prix à payer.

Deux – Combien ?

Un – Je te ferai un prix d’ami, rassure-toi.

Deux – OK. Et comment est-ce que tu comptes t’y prendre ?

Un – Tu es sûr de vouloir le savoir ?

Deux – Je préférerais qu’elle ne souffre pas.

Un – Je vais lui tendre un piège.

Deux – Bon… Si tu crois que c’est le plus efficace…

Un – Tu pensais à quoi ? Une arme à feu ?

Deux – Je ne sais pas…

Un – J’ai mes principes, moi aussi. Avec une arme, ce serait vraiment un crime. Le piège, c’est une sorte de compromis entre l’accident et le meurtre. Entre le suicide involontaire et l’homicide hasardeux.

Deux – Pourtant le piège implique bien une intention de tuer…

Un – Oui, mais il requiert aussi le concours de la victime. Si ce n’est son approbation tacite, du moins sa participation fortuite.

Deux – Vraiment ?

Un – Quand on tire sur quelqu’un avec un revolver, on ne lui laisse aucune chance. Avec un piège, la victime a toujours la possibilité de l’éviter. Le meurtrier fait la moitié du chemin, et la victime l’autre moitié.

Deux – À son insu.

Un – En tout cas inconsciemment.

Deux – Bon… Et c’est quoi, ton piège, exactement ?

L’autre sort de sa poche une tapette à souris et lui montre.

Un – Ça.

Deux – Une tapette à souris ?

Un – En plus grand, évidemment.

Deux – Et c’est toi qui vas la construire ?

Un – Ce n’est pas une technologie très sophistiquée, non plus. Si tu respectes les proportions.

Deux – Bon…

Un – Évidemment, il y aura quelques frais en plus…

Deux – Et tu comptes l’attirer avec quoi ? Pas avec du fromage, j’imagine…

Un – Ça dépend… C’est quel genre de souris ?

Deux – Le genre souris de luxe.

Un – Dans ce cas, il y aura aussi un petit supplément pour l’appât.

Deux – Bon… Du moment que tu m’en débarrasses.

Pour de vrai et pour de rire