Un personnage arrive. Il regarde autour de lui, un peu perdu. Puis il se met à pleurer. Un autre personnage arrive.
Un – Eh ben alors ? Qu’est-ce qui vous arrive ?
Deux – J’ai perdu ma femme…
Un – Je suis vraiment désolé. Toutes mes condoléances.
L’autre cesse immédiatement de pleurer.
Deux – Non, mais elle n’est pas morte.
Un – Ah non…?
Deux – C’est juste que… j’étais en train d’essayer des chaussures, elle était là à côté de moi et… l’instant d’après, elle avait disparu.
Un – D’accord, donc… vous avez perdu votre femme.
Deux – Oui, c’est ce que je vous disais.
Un – Mais elle est encore vivante.
Deux – Oui, enfin je crois…
Un – Raison de plus pour ne pas pleurer.
Deux – Oui, mais… elle était là à côté de moi et… l’instant d’après, elle avait disparu.
Un – Elle ne s’est pas volatilisée, tout de même ! Les gens ne disparaissent pas comme ça.
Deux – Je vous l’ai dit ! Elle était là à côté de moi et…
Un – L’instant d’après, elle avait disparu… Oui, j’ai compris.
L’autre regarde autour de lui, complètement déboussolé.
Deux – Disparu… Elle a disparu…
Un – On va la retrouver, ne vous inquiétez pas… Vous voulez que je vous accompagne jusqu’à l’accueil ? Ils accepteront sûrement de passer un message.
Deux – Quel genre de message ?
Un – Vous vous appelez comment ?
Deux – Antoine.
Un – Genre… le petit Antoine attend sa femme à l’accueil.
Deux – Ou alors, elle a décidé de me quitter.
Un – Vous êtes mariés depuis combien de temps.
Deux – Trente ans.
Un – Et au bout de trente, ça lui prendrait subitement, comme ça, de vous quitter ? Au beau milieu d’un supermarché, elle vous plante là, et elle part avec le caddy.
Deux – Mon Dieu, le caddy, c’est vrai ! Il a disparu aussi…
Un – Il était vide ou il était plein ?
Deux – Vide, je crois.
Un – Dans ce cas, elle n’est sûrement pas partie bien loin… Quels sont les derniers mots que votre femme vous a dit ?
Deux – Attendez que je réfléchisse… Ah oui, ça y est, ça me revient. Elle m’a dit très exactement : on se retrouve au rayon surgelés.
Un – Dans ce cas, vous devriez aussi envisager une autre possibilité.
Deux – Laquelle ?
Un – Qu’elle vous attende au rayon surgelés.
Deux – Vous croyez ?
Un – Je vois mal une femme quitter son mari après trente ans de mariage et lui dire en guise d’adieu : on se retrouve au rayon surgelés. Sans avoir l’intention de s’y rendre…
Deux – Vous avez raison, je vais aller voir là-bas. Merci ! Merci, vraiment…
Il s’apprête à partir. On entend alors un message off.
Voix off – La petite Josiane attend son mari au rayon bricolage.
Deux – Vous croyez que ça pourrait être elle ?
Un – Comment s’appelle votre femme ?
Deux – Josiane.
Un – Vous devriez aller voir…
L’autre s’en va, mais revient aussitôt.
Deux – C’est où, le rayon bricolage ?
Un – Je vais vous accompagner…