Rencontre avortée

Deux personnages. L’un compose un numéro sur son portable. L’autre sort son portable qui s’est mis à sonner et prend l’appel.

Un – Allô…

Deux – Bonjour, c’est Jean-Paul Ramirez à l’appareil.

Un – Pardon ? Jean-Paul qui ?

Deux – Ramirez. On était en classe de terminale ensemble.

Un temps.

Un – C’est une blague ?

Deux – Pas du tout. Tu ne te souviens pas de moi ?

Un – Non… Jean-Paul Ramirez ?

Deux – J’ai retrouvé ton nom et ta photo sur Les Copains d’Avant…

Un – Les Copains d’Avant ?

Deux – Oui, tu sais, ce site sur lequel…

Un – Oui, oui, je sais… Les Copains d’Avant… Mais on n’était pas copains, si ? Je ne me souviens même pas de ton nom…

Deux – Rassure-toi, moi non plus, je ne me souvenais pas de ton nom.

Un – D’accord… et donc… pourquoi tu m’appelles ? Je veux dire… si on ne se connaissais pas plus que ça ?

Deux – Je ne sais pas… Ça fait six mois que je suis confiné à la campagne. Je me disais que j’allais en profiter pour reprendre contact avec des gens que j’avais perdus de vue…

Un – Ouais… mais pour reprendre contact, il faudrait encore qu’on ait été en contact à un moment donné, non ?

Deux – On était dans la même classe ! Même si on n’était pas vraiment amis, on s’est sûrement parlé une fois ou deux.

Un – Mmm… Sûrement, oui… Jean-Pierre Martinez ?

Deux – Jean-Paul Ramirez.

Un – Non, ça ne me dit vraiment rien, et donc… Je n’ai toujours pas compris la raison de cet appel. Si on se connaissait à peine…

Deux – Va savoir… on est peut-être passé à côté de quelque chose.

Un – Quelque chose ?

Deux – On aurait pu être amis.

Un – Euh… Ouais…

Deux – Peut-être qu’à l’époque, on n’a pas eu l’occasion de faire connaissance et…

Un – On a passé un an dans la même classe. J’imagine que si on avait dû être amis, on aurait eu largement l’occasion, non ?

Deux – Peut-être qu’on n’avait rien en commun. Qu’on n’avait rien à se dire.

Un – Oui, c’est… C’est un peu ce que je voulais dire, en effet.

Deux – À l’époque, oui, mais maintenant ?

Un – Maintenant ?

Deux – Le temps a passé… Peut-être que maintenant, si on se revoyait, on se rendrait compte qu’on a des tas de trucs en commun. Qu’on a des tas de trucs à se dire. (Blanc) Allô…?

Un – Oui… Non, mais… je ne sais pas quoi te dire, là… Et… rien que ça, tu vois, ce n’est pas très bon signe…

Deux – Excuse-moi, je ne vais pas te déranger plus longtemps.

Un – OK…

Deux – On se rappelle ?

Un – OK…

Deux – Va savoir… dans quelques années, on aura peut-être plus d’affinités.

Un – Peut-être…

Ils rangent leurs portables.

Brèves de confinement