Un personnage en blouse blanche en croise un autre portant la même tenue, et avec un dossier à la main.
Un – Ça va ?
Deux – Ouais…
Un – On dirait que tu viens de voir un mort.
Deux – Un mort ? Ce serait plutôt le contraire…
Un – Et c’est quoi le contraire d’un mort ?
Deux – En l’occurrence, il s’agirait plutôt d’une résurrection.
Un – Tu as vu un de tes anciens patients sortir de son tiroir à la morgue ?
Deux – Presque… Le patient de la chambre 301, il vient de se réveiller.
Un – La chambre 301 ?
Deux – Un type qui est là depuis au moins dix ans. Tu ne te souviens pas ?
Un – Je ne savais même pas qu’il y avait une chambre 301. Je pensais qu’il n’y avait que 300 chambres dans cet hôpital.
Deux – Il a été hospitalisé à la suite d’un accident. Et il n’est jamais sorti du coma.
Un – Bon… Et alors ?
Deux – Eh bien il vient de se réveiller.
Un – Ah merde…
Deux – Oui, je sais… Ça devrait être une bonne nouvelle, mais…
Un – Ouais…
Un temps.
Deux – Il y a dix ans, il a quitté un monde où on pouvait sortir de chez soi sans attestation, pour aller boire un verre au café avec des amis, pour aller voir un film au cinéma… ou simplement pour flâner sur les boulevards. Et tout ça sans masque.
Un – Oui… Le réveil va être brutal. Quand tu vas lui dire que de nos jours, tout ça n’existe plus…
Deux – Plus de cafés, plus de restaurants, plus de cinémas, plus de théâtres…
Un – Il vaut peut-être mieux ne rien lui dire…
Deux – Il va bien finir par s’en rendre compte.
Un – Ouais…
Deux – Tant qu’il est à l’hôpital, ça va…
Un – Mais quand il va sortir dans la rue…
Deux – Ça va lui faire un choc.
Un – Qu’est-ce qu’il faisait comme métier ?
L’autre jette un œil au dossier, avant de regarder à nouveau son collègue avec un air dramatique.
Deux – Intermittent du spectacle…
Un – Ah merde… Et en plus son métier n’existe plus…
Deux – Je ferais peut-être mieux de le débrancher, non ?
Un – Tu m’as dit qu’il venait de se réveiller !
Deux – Il est encore sous assistance respiratoire…
Un temps.
Un – Je ne sais pas… Écoute ta conscience…
Deux – Oui.
Un temps.
Un – Non, mais je plaisantais, évidemment.
Deux – Bien sûr… Moi aussi…
Ils ont l’air de ne pas trop savoir jusqu’où ils plaisantent ou pas.
Un – Allez… Je suis sûr que tu prendras la bonne décision.
Il donne à son collègue une tape dans le dos et s’éloigne. L’autre reste perplexe.