Réveillon au Poste
Christmas Eve at the police station – Nochevieja en la comisaría – Réveillon na esquadra |
Comédie de Jean-Pierre Martinez
6 à 10 comédiens :
Tous les rôles jouables indifféremment par des hommes ou des femmes
Le soir de Noël, deux inspecteurs sont de garde avec pour seule compagnie quelques naufragés du réveillon. C’est alors qu’un Ministre débarque pour rendre hommage au dévouement de la police. Évidemment, rien ne va se passer comme prévu…
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TEXTE INTÉGRAL
Réveillon au Poste
Personnages :
Commissaire
Flic 1
Flic 2
Flic 3
Chef de cabinet
Collabo
Clodo
Mytho
Travelo
Parano
De 6 à 10 comédiens ou comédiennes
Tous les rôles peuvent être joués indifféremment par des hommes ou des femmes.
Les cinq derniers rôles peuvent être interprétés par une ou plusieurs personnes.
***
Un bureau glauque dans un commissariat sans âge. Dans un coin, un sapin de Noël pathétique supposé apporter une touche de gaîté dans cette ambiance de film noir ou de mauvaise série télé. Deux flics un peu débraillés, portant chacun une arme dans un holster, terminent une partie de poker sur le bureau de l’un d’eux. Le premier abat ses cartes avec un air confiant.
Flic 1 – Paire de dames.
Flic 2 – Paire de rois.
Flic 1 – Et merde…
Il enlève sa ceinture et la donne à l’autre.
Flic 1 – Je m’arrête là… Je ne vais quand même pas jouer mon pantalon…
Flic 2 – Tu as raison… Si le chef arrivait et te trouvait en calbute, ça pourrait prêter à confusion…
Ils rangent les cartes.
Flic 1 – Il est quelle heure ?
Flic 2 – Tu m’as déjà demandé ça il y a cinq minutes. Il était dix heures moins cinq.
Un temps.
Flic 1 – Et alors ? Il est quelle heure maintenant ?
Flic 2 (montrant son front) – Il n’y a pas marqué horloge parlante, là !
Flic 1 – Je t’ai donné ma montre, tu peux au moins me donner l’heure !
Flic 2 – Je l’ai gagnée honnêtement… Avec un brelan d’as…
Flic 1 – Honnêtement, ça reste à voir… Et puis à quoi ça te sert d’avoir une montre à chaque poignet ?
Agacé, l’autre retire une des montres de son poignet.
Flic 2 – Tu me fais pitié, va… (Il balance la montre) Tiens, la voilà ta toquante…
Mais le premier ne parvient pas à rattraper la montre qui tombe par terre. Il la ramasse et la porte à son oreille.
Flic 1 – Et voilà, maintenant elle ne marche plus.
Flic 2 – Heure du décès ?
Flic 1 (regardant la montre) – Dix heures.
Flic 2 – Et bien maintenant, tu sais l’heure qu’il est…
Un temps.
Flic 1 – C’est calme, non ?
Flic 2 – C’est toujours calme à cette période de l’année…
Flic 1 – La trêve des confiseurs, comme on dit.
Flic 2 – Même les serial killers respectent les traditions… Ils doivent être en train de découper la dinde…
Flic 1 – Pourquoi il a encore fallu que ça tombe sur nous cette année ?
Flic 2 – On a tiré ça à la courte paille avec les collègues. Mais tu as raison, c’est louche. Ça fait quand même trois années de suite qu’on est de garde le soir de Noël…
Flic 1 –Tu crois qu’ils ont triché ?
Flic 2 – L’année prochaine on fera ça au poker.
Flic 1 – Comment on fait pour tricher à la courte paille ?
Flic 2 – Console-toi en te disant qu’à l’heure qu’il est, tu pourrais être en train d’ouvrir des huîtres pour tes beaux parents.
Flic 1 – C’est vrai que je n’aime pas trop ça, les huîtres, moi.
Flic 2 – Personne n’aime les huîtres ! Et puis c’est très dangereux, une huître…
Flic 1 – On n’a jamais vu personne porter plainte parce qu’il s’était fait attaquer par une huître.
Flic 2 – D’après les statistiques du Ministère de l’Intérieur, beaucoup plus de policiers se blessent en ouvrant des huîtres qu’en nettoyant leur arme de service.
Flic 1 – Ah, ouais…?
Flic 2 – Le jour de Noël, on se fait chier partout… C’est pour ça que les gens sont condamnés à rester chez eux à ouvrir des huîtres au péril de leur vie. Alors qu’ils détestent ça, et leurs invités aussi.
Flic 1 – Tu as raison, on est plus peinard ici.
Flic 2 – De toute façon, on n’a pas le choix. On est de garde jusqu’à demain matin huit heures.
Flic 1 – Il faut bien que quelqu’un se dévoue pour veiller sur les honnêtes gens qui picolent en famille.
Flic 2 – On est des super héros, mon vieux, il faut assumer.
Flic 1 – Même si personne ne reconnaît la valeur de notre sacrifice.
Flic 2 – Les soldats, sur les théâtres d’opérations extérieures comme on dit, tous les ans à Noël ils ont droit à la visite du Président de la République, en hélicoptère, avec dans sa hotte du champagne, du foie gras et des strip teaseuses.
Flic 1 – Du foie gras, tu crois ?
Flic 2 – Nous, les soldats de l’intérieur, on n’a même pas droit à la visite du préfet et de sa femme avec une bouteille de mousseux.
Flic 1 – Pourtant, la nuit du réveillon, il y a sûrement plus de bagnoles qui brûlent ici qu’à Bagdad ou à Kaboul.
Flic 2 – On a beau être des flics, on est des êtres humains, quand même… Nous aussi, le soir du réveillon, on a le cafard.
Flic 1 – On en a même plein, des cafards. (Il retire sa chaussure et écrase quelque chose avec) On ne sait pas comment s’en débarrasser…
Un troisième flic arrive (une femme ou un homme style gay).
Flic 3 – Vous avez de la visite…
Flic 1 – De la visite ?
Flic 3 – Même les prisonniers ont droit à des visites, le soir du réveillon. Et je crois que cette année encore, vous allez avoir droit à votre petit colis de Noël…
Un homme entre à la suite du Flic 3. Il a une bouteille à la main.
Flic 1 – Oh putain non, pas lui…
Flic 2 – Ah, bonsoir Monsieur Dumortier, comment allez-vous ?
Collabo – Bonsoir, bonsoir… Je passe en coup de vent vous souhaiter un joyeux Noël. J’espère que je ne vous dérange pas ?
Flic 1 – Mais vous ne nous dérangez jamais, Monsieur Dumortier.
Flic 1 – Justement nous parlions de vous… (Moins fort) Enfin, nous parlions des cafards en général…
Flic 2 – Heureusement qu’il existe des citoyens vigilants comme pour vous pour assister la police dans sa noble mission.
Flic 3 – S’il y avait plus de gens comme Monsieur Dumortier, c’est sûr, la municipalité n’aurait même plus besoin d’investir dans la vidéosurveillance.
Flic 2 – Alors Monsieur Dumortier, qui venez-vous dénoncer aujourd’hui ? Un polygame présumé ? Un fraudeur aux allocations familiales ? Un orphelin sans papier ?
Collabo – Simple visite de courtoise. Je viens en voisin pour rendre hommage au dévouement des forces de l’ordre, dont vous êtes le bras armé.
Flic 1 – Mais je vois que vous n’êtes pas venu les mains vides…
Collabo – Je sais ce que c’est que de passer Noël tout seul loin de sa famille, la mienne ne veut plus me voir. Alors si je peux apporter un peu de réconfort aux soldats qui protègent notre pays contre les dangers qui le menacent de l’intérieur. Tenez, vous m’en direz des nouvelles…
Il pose sa bouteille sur un bureau.
Flic 1 – Ah mais dites-moi, c’est de la fabrication artisanale, on dirait. C’est écrit à la main, comme sur les pots de confiture Bonne Maman.
Flic 2 (lisant par dessus son épaule) – Alcool de châtaignes…
Flic 3 – Je ne savais pas qu’on pouvait faire de l’alcool avec des châtaignes…
Collabo – On peut faire de l’alcool avec tout, vous savez. Pendant la guerre, mon grand-père en faisait même avec des épluchures de pommes de terre et de vieilles semelles en cuir.
Flic 3 – Ah oui, 53 degrés, quand même… Ça ne doit pas être mal… Comme antiseptique, en tout cas.
Collabo – Pépé m’en a laissé quelques bouteilles en héritage avant d’être fusillé à la Libération. Quand celle-ci a été distillée, vous n’étiez même pas encore nés…
Flic 2 – Vous savez que c’est strictement interdit de fabriquer de l’alcool chez soi, Monsieur Dumortier. Nous pourrions vous mettre en garde à vue pour infraction à la législation sur les vins et spiritueux…
Dumortier semble inquiet.
Flic 3 – Mon collègue plaisante, évidemment…
Flic 1 – D’ailleurs, il y a prescription, n’est-ce pas ? Hélas, nous ne pourrons pas trinquer avec vous. Vous savez ce que c’est : jamais pendant le service !
Collabo – Vous la boirez à ma santé pour le Jour de l’An, alors. Si vous n’êtes pas de garde encore une fois… Allez, je me sauve… Vous devez avoir des tas de gens à mettre en prison…
Flic 3 – C’est vrai que les jours de réveillon, ici, c’est comme au théâtre. On affiche souvent complet. Je vous raccompagne, Monsieur Dumortier ?
Collabo – Je connais le chemin, mais bon…
Flic 2 – Vous êtes presque de la maison, pas vrai ?
Flic 1 – Et encore merci pour la bouteille !
Dumortier s’apprête à tourner les talons, mais se ravise.
Collabo – J’en profite quand même pour vous signaler que mon voisin de palier n’a pas encore acheté son éthylotest. Vous voulez le numéro de sa plaque d’immatriculation ?
Flic 2 – Nous sommes un peu débordés pendant cette période de fêtes. Et en sous-effectif. Mais revenez donc nous voir pour les étrennes…
Collabo – Je n’y manquerai pas. Et bonne soirée quand même…
L’homme s’en va, suivi du Flic 3.
Flic 1 – Et après, on va dire que les gens n’aiment pas la police…
Flic 2 – C’est vrai, on se plaint toujours d’être mal aimés, et pourtant… On ne peut pas s’empêcher de trouver ça un peu louche, d’aimer la police à ce point.
Flic 1 – On a bien fait de ne pas trinquer avec lui, il aurait été foutu de nous dénoncer aux bœufs-carottes pour avoir picolé pendant le service.
Il débouche la bouteille, pendant que l’autre sort deux verres, aussitôt remplis. Ils trinquent.
Flic 1 – Bon ben … Joyeux Noël, alors.
Flic 2 – C’est ça, joyeux Noël toi-même.
Ils vident leurs verres cul-sec.
Flic 1 – Ah oui, quand même…
Flic 2 – 53 degrés.
Flic 1 – Ça ramone.
Flic 2 – Faudra qu’on lui demande la composition exacte.
Flic 1 – Ouais, il n’y a pas que de la prune là dedans.
Flic 2 – Il a dit que c’était de la châtaigne…
Flic 1 – Mmm…
Flic 2 – Je me demande si le grand-père ne rajoutait pas un peu de Destop pour rehausser le goût du fruit.
Flic 1 – Tu te rends compte, cette liqueur est plus vieille que nous…
Flic 2 – Le pépé devait fabriquer ça dans sa cave pendant le couvre-feu avec ce qui lui tombait sous la main.
Flic 1 – Sa façon à lui de résister à l’occupant.
Flic 2 – Allez, ressers-nous une tournée, va. C’est toujours ça que les boches n’auront pas…
L’autre remplit à nouveau les deux verres, qu’ils vident encore cul sec.
Flic 1 – Je ne sais pas s’il y a du Destop là dedans, mais c’est vrai que ça débouche la tuyauterie.
Le Flic 3 revient. Les deux flics planquent la bouteille et les verres à la hâte. Le Flic 3 traîne derrière lui un clodo en état d’ébriété.
Flic 3 – On l’a trouvé en train de montrer ses fesses juste en face du commissariat.
Flic 1 – Comme si on n’avait pas vu assez d’horreurs comme ça pendant la guerre.
Clodo – Mort aux vaches !
Flic 2 – Mort aux vaches… Un peu désuet comme expression, mon brave, non ?
Flic 3 – C’est du Brassens…
Flic 2 – Ah… Dans ce cas, moi je dis respect…
Flic 1 – Brassens, c’est indémodable.
Flic 2 – Et puis quelqu’un qui déteste les flics à ce point ne peut pas être entièrement mauvais. Je propose qu’on l’amnistie. C’est Noël, quand même…
Flic 1 – Ouais… Et puis je ne sais pas s’il est complètement mauvais, mais ce qui est sûr c’est qu’il sent très mauvais…
Flic 3 – C’est vrai qu’à lui tout seul, c’est une arme de destruction massive. Si Saddam avait pu mettre la main sur ce type à l’époque de la guerre du Golfe, il aurait sûrement gagné contre la coalition…
Clodo – Insulte à agent ! Vous n’avez pas le droit de me relâcher ! Je connais mes droits !
Flic 1 – Encore un qui ne veut pas passer le réveillon à se les geler dehors.
Flic 2 (au Flic 3) – Allez, tachez de lui trouver une cellule individuelle… Je ne voudrais pas que les autres nous accusent d’avoir voulu les gazer…
Clodo – Merci Messeigneurs… Dieu vous le rendra…
Le Flic 3 s’apprête à emmener le clodo, mais le Flic 1 l’interpelle.
Flic 1 – Attendez une minute… Donnez-moi votre ceinture…
Clodo – Pourquoi faire ?
Flic 1 – Vous êtes en garde à vue, c’est le règlement.
Le clodo s’exécute à regret et donne sa ceinture au flic.
Clodo – Vous voulez aussi mes lacets ?
Flic 1 – Merci, ça ira.
Le Flic 3 l’emmène. Le Flic 1, qui n’a plus de ceinture, met celle du clodo.
Flic 1 – Au moins, j’ai récupéré une ceinture.
Il ressort la bouteille et les verres, et ils boivent à nouveau.
Flic 1 – C’est marrant, j’ai un vieux souvenir qui me revient, je ne sais pas pourquoi…
Flic 2 – Ne te sens surtout pas obligé de me le raconter.
Flic 1 – Je devais avoir cinq ans… Mon père tenait un magasin de jouets… Au Bonheur des Enfants, ça s’appelait…
Flic 2 – Ouf… Je craignais que tu me racontes ton enfance malheureuse…
Flic 1 – Malheureusement, mon père était très avare.
Flic 2 – Ah…
Flic 1 – Le soir de Noël, ma mère m’avait fait cadeau d’un énorme ours en peluche qui trônait dans la vitrine du magasin…
Flic 2 – Quelque chose me dit que cette histoire va mal finir…
Flic 1 – Quand il a vu ça, mon père est devenu fou furieux. Il a foutu une trempe à ma mère, il m’a arraché la peluche des mains et il l’a remise dans la vitrine…
Flic 2 – Hun, hun…
Flic 1 – Je me demande si ce n’est pas pour ça que depuis, Noël, ça me fout le bourdon.
Flic 2 – Et ben tu vois, tu viens d’économiser dix ans de psychanalyse. Et moi je ne t’ai rien fait payer pour écouter tes conneries à part ce que je t’ai pris au poker…
Silence pesant. Le Flic 1 semble passablement déprimé.
Flic 2 – Je me demande si je ne devrais pas te confisquer cette ceinture aussi. Tu ne vas pas te pendre avec au porte-manteaux dès que j’aurai le dos tourné, dis ?
Le Flic 3 revient avec une prostituée de sexe ambigu (femme un peu hommasse ou homme travesti).
Flic 1 – C’est quoi ça ?
Flic 3 – Distribution variable, comme on dit au théâtre.
Flic 1 – Je ne vais jamais au théâtre, ça m’endort.
Flic 2 – Ça veut dire qu’on ne sait pas si elle en a ou pas.
Travelo – Vous voulez vérifier ?
Flic 1 – Dans le doute, on vous appellera Madame.
Travelo – Mademoiselle, je préfère.
Flic 1 – Et alors ? Qu’est-ce qui l’amène la demoiselle ?
Flic 3 – Elle faisait le tapin devant une synagogue.
Flic 1 – Vous ne respectez donc rien.
Flic 2 – Si ça se trouve, elle n’est même pas circoncis.
Travelo – Ben quoi ? Vous préférez que je racole à la sortie de la messe de minuit ?
Flic 3 – Qu’est-ce qu’on fait ? On ne peut quand même pas la coffrer pour antisémitisme.
Travelo – Vous savez ce que Arletty a répondu quand on a voulu la tondre à la Libération pour avoir fricoté avec les frisés.
Flic 2 – J’aimerai assez que vous nous le rappeliez.
Flic 3 (répondant à sa place) – Mon cœur est français, mon cul est international.
Travelo – Et ben moi, mon cul, il est œcuménique.
Flic 1 – Pardon ?
Flic 2 – Laisse tomber, c’est sûrement un gros mot.
Flic 1 – Bon, et ben on la relâchera après la messe de minuit, alors.
Travelo – Et pour quel motif vous m’arrêtez ?
Flic 2 – Trouble à l’ordre biblique, ça vous va ?
Flic 1 – Allez, tu mets Mademoiselle dans la suite royale et tu veilles à ce qu’elle ne manque de rien.
Travelo – Vous le regretterez, je vous garantis. Vous ne savez pas à qui vous parlez. J’ai des relations, moi. Et pas seulement avec des ministres du culte.
Flic 2 – S’il vous arrive d’avoir des relations avec le Ministre de l’Intérieur, vous pourriez lui glisser sur l’oreiller qu’on est en sous effectif ?
Travelo – Bande d’enculés, va !
Flic 1 – C’est ça, joyeux Noël à vous aussi.
Le Flic 3 emmène la prostituée.
Flic 1 – C’est incroyable ce que les putes peuvent être vulgaires, de nos jours.
Flic 2 – C’est à croire que leurs parents ne leur ont rien appris.
Les deux flics continuent à boire.
Flic 1 – C’est curieux, mais il y a un autre truc qui me revient en mémoire, tout d’un coup…
L’autre, inquiet, regarde l’étiquette de la bouteille.
Flic 2 – Putain, mais c’est quoi ce tord-boyaux qu’il nous a refilé ? Un sérum de vérité ? Je me demande si tu ne ferais pas mieux d’arrêter d’en boire…
Flic 1 – C’était encore à Noël, mais cette fois, je devais avoir une dizaine d’années. Mon père venait de mourir, dans des circonstances assez obscures d’ailleurs…
Flic 2 – Oh non, c’est moi qui vais me pendre…
Flic 1 – Je croyais encore au Père Noël, et ma mère m’avait dit qu’il passerait vers minuit. Alors je l’ai attendu, pour le voir…
Flic 2 – Et évidemment tu ne l’as jamais vu.
Flic 1 – Si… Vers minuit, je me réveille. Je me lève pour voir ce que le Père Noël m’avait apporté, et ç’est là que je l’ai aperçu… dans le lit de ma mère.
Flic 2 – Et après tu te demandes pourquoi tu n’aimes pas les huîtres…
Flic 1 – Je suis allé me recoucher… Mais je crois que ce jour-là, si j’avais eu un flingue comme aujourd’hui, je l’aurais buté, le Père Noël. En fait, je crois que c’est pour en avoir un gros que je suis devenu flic.
Flic 2 – Un gros quoi ?
Flic 1 – Un gros pistolet ! Pour buter le Père Noël !
Flic 2 – Je crois que tu ferais mieux d’aller consulter, finalement. Même si ça doit te coûter la moitié de ta paye.
Le commissaire arrive. Les deux flics, un peu avachis, reprennent une position plus correcte, mais n’ont pas le temps de planquer la bouteille.
Flic 1 – Commissaire…
Commissaire – Je vois qu’on a commencé à célébrer la nativité.
Flic 2 – Un cadeau d’un de nos indicateurs, Commissaire.
Flic 1 – On n’a pas pu refuser de trinquer avec lui, ç’aurait été grossier…
Commissaire – Bien sûr… Et sinon, qu’est-ce qu’on a ?
Flic 1 – Oh, comme chaque année, vous savez… Quelques naufragés du réveillon… Un clodo, une pute, un exhibitionniste, un voyeur…
Commissaire – Il ne manque plus que le bœuf et l’âne, et vous aurez de quoi faire une crèche vivante.
Flic 2 – Oui… On attend les rois mages…
Commissaire – En attendant, vous n’avez qu’à mettre l’exhibitionniste et le voyeur dans la même cellule. Au moins ces deux-là passeront un joyeux Noël. Autre chose ?
Le Flic 3 arrive avec un autre individu.
Flic 3 – Je crois que ça, ça va vous intéresser, Commissaire… Monsieur est venu ici de son plein gré pour passer des aveux spontanés et se constituer prisonnier.
Commissaire – Allons bon… Vous savez que dans la police, on n’aime pas trop les aveux spontanés, ça gâche le métier. Déjà que le Ministère ne remplace plus qu’un policier sur deux… Alors mon brave, qu’est-ce qui vous amène ? Vous avez poignardé votre conjoint avec le couteau à découper parce que le gigot était trop cuit ? Ne rigolez pas, c’est arrivé l’année dernière.
Mytho – Non, pas exactement.
Commissaire – Simples coups et blessures, alors ? Il semblerait que pour certains, balancer des marrons à sa dinde avant de la fourrer, ce soit aussi une tradition de Noël…
Mytho – La raison de ma présence ici est beaucoup plus importante, Commissaire.
Commissaire – Je vous écoute…
Mytho – J’ai assassiné Pierre Bérégovoy.
Moment de stupeur.
Flic 3 – Je vous avais dit que ça risquait de vous intéresser…
Commissaire – Tant que vous y êtes, vous êtes sûr que vous n’avez pas assassiné Jaurès, aussi, comme ça on vous ferait le tarif récidiviste…
Mytho – J’étais sûr que vous ne me croiriez pas…
Flic 3 – En même temps, c’est vrai que c’est une histoire assez sombre, qui n’a jamais été vraiment élucidée.
Commissaire – Dites donc, Sherlock Holmes, si je n’arrive pas à résoudre cette énigme tout seul, je vous demanderai votre avis, d’accord ?
Flic 3 – Bien sûr, Commissaire…
Commissaire – Bon, alors voilà ce qu’on va faire. Ces messieurs vont vous donner un crayon et du papier, vous allez nous coucher vos aveux complets noir sur blanc, et on étudiera ça demain matin à tête reposée, d’accord ?
Mytho – Très bien. Merci de m’avoir prêté une oreille attentive, Commissaire…
Le Flic 1 donne au mythomane un bloc notes et un stylo.
Commissaire (au Flic 3) – Vous accompagnez Monsieur jusqu’à sa cellule ?
Mytho – Si ce n’est pas abuser, je peux avoir du café ? Ça risque d’être assez long…
Les autres lèvent les yeux au ciel.
Flic 3 – Combien de sucres ?
Le Flic 3 s’en va en emmenant le mythomane.
Commissaire – Je vous dis que tout à l’heure, on va voir débarquer l’assassin d’Henri IV…
Flic 2 – Pour lui, au moins, on est sûr qu’il y a prescription…
Commissaire – Encore un qui ne savait pas où réveillonner…
Flic 2 – C’est fou ce que la période des fêtes est cruelle pour les gens seuls.
Flic 1 – En même temps, on n’est pas les Restos du Cœur, non plus. Il ne s’agirait pas que trop de convives se pointent sans réservation, sinon on va devoir refuser du monde…
Commissaire – Bon, allez, ce n’est pas que je m’ennuie mais… j’ai une famille moi… Je vous laisse les clefs de la boutique ?
Flic 1 – Vous pouvez compter sur nous, Commissaire…
Commissaire – De toute façon, je reste joignable sur mon portable en cas d’urgence. Ah, au fait, j’oubliais… Il y a très peu de chance que ça tombe sur vous, mais bon…
Flic 1 – Oh, vous savez, ça fait trois années de suite que ça tombe sur nous alors…
Commissaire – Non, je voulais dire, euh… Comme vous le savez, cette année, le Ministre de l’Intérieur qui vient d’être nommé a décidé d’innover. Il visitera à l’improviste un commissariat choisi au hasard pour saluer le dévouement de la police.
Flic 1 – Tiens donc…
Commissaire – Le coup du ministre qui va saluer ses troupes le soir du réveillon. Un grand classique de la Défense Nationale que notre nouveau Ministre de l’Intérieur souhaite imiter en visitant lui-même le commissariat d’un quartier sensible.
Flic 2 – Mais nous serions très sensibles à cet honneur, Commissaire…
Commissaire – Bon, quoi qu’il en soit, gardez une tenue à peu près correcte, on ne sait jamais… Et ne forcez pas trop sur la bouteille.
Flic 2 – Allez Commissaire, vous allez bien trinquer avec nous avant de partir ! C’est Noël, quand même…
Commissaire – Bon, juste un verre alors…
Le Flic 1 remplit trois verres. Le commissaire regarde l’étiquette de la bouteille.
Commissaire – C’est quoi, ce truc ?
Flic 1 – Une spécialité régionale.
Commissaire – Quelle région ?
Flic 2 – La Seine Saint Denis, je crois. Vous allez voir, c’est le petit Jésus dans une culotte de velours.
Le commissaire boit et fait la grimace. Les deux autres se marrent.
Commissaire – Ah, oui, quand même…
Flic 1 – 53 degrés.
Commissaire – Je vous déconseille de fumer après avoir bu ça…
Ils reprennent tous une gorgée.
Flic 1 – C’est marrant, ça me rappelle quelque chose…
Commissaire (le coupant) – Bon, vous me raconterez ça une fois. Il faut vraiment que je file, là… Je suis déjà en retard…
Flic 2 – Et alors Commissaire ? Vous ne vous déguisez pas en Père Noël cette année pour nous apporter nos cadeaux au pied du sapin ?
Commissaire – Si vous avez été bien sages… Allez, bon courage pour cette nuit…
Flic 1 – Joyeux Noël, Commissaire !
Le commissaire s’en va, croisant le Flic 3 qui revient, poussant devant lui un individu à l’air passablement exalté.
Flic 1 – Qu’est-ce que c’est que ça, encore…
Flic 3 – Rien de grave, rassurez-vous. Mais il semblerait que la fin du monde soit pour le 31 décembre. Monsieur va tout vous expliquer.
Parano – Je vais essayer de faire bref, car le temps nous est compté. Je suis astronome amateur.
Flic 2 – Ça commence bien…
Parano – Depuis quelques semaines, j’ai repéré dans mon télescope un objet céleste qui s’approche de notre planète à la vitesse de la lumière.
Flic 2 – Hun, hun…
Parano – D’après mes calculs, il entrera en collision avec la terre très précisément le 31 décembre à minuit, à Fontenay-sous-Bois.
Flic 2 – Et en quoi ça concerne la police ?
Flic 1 – Des météorites qui tombent sur terre, il y en a souvent, non ?
Flic 3 – C’est là où ça se corse, si je peux me permettre. D’après Monsieur, cette météorite est grande comme deux départements français. La taille de la Corse, justement.
Parano – Et le plus curieux, c’est que cette météorite a exactement la forme de l’Ile de Beauté.
Flic 2 – Sans blague ?
Parano – Évidemment, le gouvernement et les médias sont au courant, mais ils ont préféré garder cette information secrète.
Flic 2 – On nous cache tout, c’est dingue…
Flic 1 – En même temps, la Corse, ce n’est pas si grand que ça… Et puis Fontenay-sous-Bois, entre nous… Ce n’est pas la fin du monde, quand même…
Parano – Vous plaisantez ! Une météorite de cette taille lancée à la vitesse de la lumière, dégagera en entrant en collision avec la Terre une énergie équivalente à plusieurs millions de bombes atomiques.
Flic 1 – Ah, oui, quand même…
Flic 2 – Dommage que ça ne tombe pas le 14 juillet, ça aurait fait un beau feu d’artifice…
Parano – Notre planète va littéralement fondre sous le choc, et puis ce sera l’hiver nucléaire pour quelques millions d’années. Nous allons tous être exterminés ! Comme les dinosaures. Au mieux, il ne restera plus que quelques cafards.
Flic 2 – Putain… On n’en sera même pas débarrassé.
Flic 1 – C’est vrai que c’est costaud, ces bestiaux-là. Nous on a tout essayé pour en venir à bout…
Flic 2 (au Flic 3) – Bon… Et pourquoi vous nous l’avez amené, Nostradamus, exactement ? Il veut porter plainte contre Dieu, ou quelque chose comme ça ?
Flic 3 – Tentative de suicide.
Flic 2 – Pardon ?
Flic 3 – Ce zouave-là s’est jeté dans la Seine depuis le Pont de l’Alma.
Flic 1 – Ça sert à quoi de se suicider à une semaine de la fin du monde ?
Flic 3 – Un dernier acte de liberté individuelle, j’imagine. Une façon de rester maître de son destin, malgré la certitude que nous avons tous de mourir tous un jour. Vous avez lu ce que Nietzsche a écrit au sujet du suicide ?
Flic 2 – Bon et alors ? On a encore le droit de se suicider, non ? Ce n’est pas un délit !
Flic 3 – Le problème, c’est qu’un bateau mouche passait juste en dessous quand Monsieur s’est jeté du pont, et il a atterri sur une touriste américaine. Un peu enrobée, heureusement. Pour lui, ça a amorti le choc. Mais l’Amerloque, elle, elle est dans un sale état. Alors évidemment, elle a porté plainte.
Flic 1 – C’est sûr qu’elle, elle a dû croire que c’était le ciel qui lui tombait sur la tête
Flic 2 – Ok, vous nous le mettez au frais jusqu’à demain, et on verra ça plus tard avec le commissaire.
Parano – C’est la fin du monde, je vous dis ! Dans une semaine exactement. C’est le moment d’expier vos péchés !
Le Flic 3 emmène l’illuminé.
Flic 2 – La Corse qui s’écrase sur Fontenay-sous-Bois… On ne nous l’avait encore jamais faite, celle-là…
Flic 1 – Remarque, ce que raconte ce type est tout à fait possible… C’est déjà arrivé, et ça arrivera sûrement encore, une météorite qui entre en collision avec la Terre. Alors pourquoi le 31 décembre, ce ne serait pas la fin du monde…
Flic 2 – Moi je te prédis un truc en tout cas : le 31 décembre ce sera la fin de l’année…
Flic 1 – Qu’est-ce que tu ferais, toi, si la fin du monde était dans une semaine.
Flic 2 – Je ne resterais pas ici à écouter tes conneries pour un salaire de misère, en tout cas… Tu vois, c’est ça finalement qui nous pourrit la vie…
Flic 1 – Quoi ?
Flic 2 – L’avenir ! Depuis qu’on est tout petit on nous apprend à renoncer à tous nos rêves pour assurer notre avenir. Finalement, c’est ce type qui a raison. On devrait tous vivre comme si la fin du monde était dans une semaine.
Flic 1 – Ouais… Enfin lui, ça l’a surtout conduit à se jeter d’un pont…
Flic 2 – Sur une Américaine ! Il aime peut-être les femmes rondes… Moi aussi, si je croyais que la fin du monde était pour bientôt, je me jetterais sûrement sur la première fille venue. Et à défaut, peut-être même sur toi…
Le Flic 1 le regarde avec un air inquiet, puis remplit à nouveau les verres.
Flic 1 – Pourquoi tu es devenu flic, toi ?
Flic 2 – Étant petit, quand je jouais aux cow-boys et aux indiens, je faisais indien. En grandissant, on m’a dit de penser à mon avenir… Alors j’ai fait cow-boy.
Flic 1 – Résultat, on n’a même jamais eu l’occasion de sortir notre flingue de son étui à part à l’entraînement.
Flic 2 – Heureusement, tu tires comme un pied ! Tu aurais pu blesser quelqu’un…
Flic 1 – Je tire mieux que toi.
Flic 2 – Tu me lances un défi ?
Flic 1 – Tu veux faire un carton sur les cafards, pour voir qui tire le mieux ? Tiens, j’en vois un sur le mur là-bas. Je te parie que d’ici, je lui mets une balle entre les deux yeux.
Le Flic 1 enlève le cran de sécurité de son arme et fait mine de viser.
Flic 2 – C’est qu’il le ferait, ce con. Allez, range ça, tu vas tuer quelqu’un, je te dis…
L’autre fait mine de tirer avant d’éclater de rire. Puis il range son arme dans son holster.
Flic 1 (levant son verre) – À la santé des cafards !
Flic 2 – Tu as raison. Après la fin du monde, il n’y a que sur eux qu’on pourra compter pour refonder la civilisation.
Ils boivent.
Flic 2 – Bon, je vais aux chiottes vider mon chargeur, moi. C’est vrai que ça débouche bien la tuyauterie, ce truc-là.
Le Flic 2 sort. Le Flic 1, passablement éméché, s’assoupit un peu sur sa chaise, s’avachissant progressivement, à tel point qu’il finit par tomber par terre. C’est alors qu’un type arrive déguisé en Père Noël avec une hotte. Il ne voit personne dans la pièce. Le Flic 1, à la fois bourré et somnolent, se relève de derrière son bureau dans un état second et l’aperçoit.
Père Noël (voix déformée par la fausse barbe) – Joyeux Noël !
Flic 1 – Oh, putain, le Père Noël ! (Il sort son arme) Depuis le temps que j’ai envie de me le faire, celui-là !
L’autre lève les mains, surpris.
Père Noël – Mais…
Flic 1 – Tu fermes ta gueule et tu ne bouges pas, d’accord ! Ah, tu fais moins le malin, maintenant, hein, le Père Noël ? Je ne sais pas ce qui me retient de…
Le coup part accidentellement.
Flic 1 – Merde, j’avais oublié de remettre le cran de sécurité…
Le Père Noël s’écroule par terre. Le Flic 2 revient alors des toilettes. Il aperçoit le Père Noël par terre.
Flic 2 – C’est quoi, ce bordel ?
Flic 1 – Je viens de buter le Père Noël…
Flic 2 – Ah, oui, là c’est la grosse bavure. Un 24 décembre au soir. Tu imagines tous les enfants que tu vas décevoir ?
Flic 1 – Le coup est parti tout seul…
Flic 2 – Ben tu n’auras qu’à dire ça aux bœufs-carottes. Homicide involontaire.
Flic 1 – Tu crois qu’il est mort ?
Le Flic 2 prend conscience que l’affaire est sérieuse.
Flic 2 – Tu lui as vraiment tiré dessus ? Mais c’est qui, ce type ?
Flic 1 – Je te jure que je n’en ai pas la moindre idée. Il a surgi comme ça tout d’un coup…
Flic 2 – Si seulement c’était le vrai Père Noël, on pourrait toujours espérer étouffer l’affaire.
Flic 1 – Tu crois ?
Flic 2 – Mais à ton âge tu sais quand même que le vrai père Noël n’existe pas. La dernière fois que tu as vu un Père Noël, c’était dans le lit de ta mère…
Flic 1 – Merde, alors qui ça peut être… Le commissaire ! Il a dit qu’il viendrait habillé en Père Noël pour nous apporter nos cadeaux ! Je pensais qu’il plaisantait…
L’autre se penche sur le corps.
Flic 2 – Et ben on va lui enlever sa capuche, sa barbe et ses moustaches, et on va savoir ça tout de suite…
Il s’apprête à le faire quand le commissaire revient, apparemment sous pression.
Commissaire – On en dans la merde, les enfants…
Flic 1 – À qui le dites vous…
Flic 2 – Un problème, Commissaire ?
Commissaire – Le Ministre ! On vient de nous annoncer son arrivée !
Flic 1 – Quel Ministre ?
Commissaire – Le Ministre de l’Intérieur ! Il a choisi notre commissariat pour sa petite visite de Noël !
Flic 2 – Non…?
Commissaire – Je vous avoue que j’aurais préféré réveillonner tranquillement chez moi, mais bon, on n’a pas le choix. Et puis si on arrive à faire bonne impression, c’est peut-être l’occasion d’obtenir les effectifs supplémentaires que nous demandons depuis des années.
Flic 1 – Vous pouvez compter sur nous, Commissaire !
Le commissaire aperçoit alors le Père Noël gisant par terre.
Commissaire – C’est quoi, ça ?
Flic 1 – C’est à dire que…
Flic 2 – Un coma éthylique, Commissaire… On l’a ramassé devant Les Galeries Lafayette alors qu’il était en train de montrer son zgeg à…
Commissaire – Je ne veux pas en savoir plus, je n’ai pas le temps. En tout cas, vous me virez ça d’ici tout de suite, d’accord !
Flic 1 – Ne vous inquiétez pas, Commissaire, on va le mettre tout de suite en cellule de dégrisement…
Commissaire – Et vous me rangez cette bouteille, bordel ! Le chef de cabinet est en train de garer la voiture ministérielle, mais il m’a dit que le ministre était déjà dans nos murs. Je m’attendais même à le trouver ici. Je vais voir ce qu’il fout ce con…
Le commissaire s’en va. Le regard des deux autres se tourne vers le Père Noël.
Flic 2 – Apparemment, ce n’est pas le commissaire non plus…
Flic 1 – Mais alors qui ça peut bien être ?
Flic 2 – L’urgence, c’est de planquer le corps avant que le Ministre débarque ici. Parce que le Père Noël victime de violences policières le soir du réveillon, je ne suis pas sûr que ça contribue à lui faire bonne impression…
Flic 1 – On n’a plus aucune cellule individuelle… On ne va pas le mettre avec les autres, ça ferait jaser…
Flic 2 – De toute façon, on n’a pas le temps. On va le planquer derrière le bureau en attendant. Tu as entendu le commissaire ? Le ministre va être là d’une minute à l’autre.
Les deux flics planquent le Père Noël à la hâte derrière le bureau. Le Chef de Cabinet du Ministre arrive.
Chef de Cabinet – Bonsoir Messieurs, et joyeux Noël à vous !
Flic 1 – Monsieur le Ministre…
Chef de Cabinet – Je ne suis que son Chef de Cabinet… Mais je pensais le trouver ici. J’étais en train d’essayer de garer la Twingo…
Flic 2 – La Twingo…
Chef de Cabinet – Qu’est-ce que vous voulez, c’est la présidence normale… Et le pire, c’est que je suis obligé de la conduire moi-même… C’est fou ce qu’on a du mal à se garer, dans votre quartier…
Flic 2 – Comme quoi, malgré la crise, les pauvres ont encore les moyens de s’acheter des voitures.
Chef de Cabinet – Et souvent plus luxueuses qu’une Twingo, croyez-moi… Bref, j’ai dû garer la mienne en double-file. Et avec cette neige…
Flic 1 – Ne vous inquiétez pas, si un collègue vous met une amende, on vous la fera sauter.
Chef de Cabinet – Ah, mais il n’en n’est pas question, vous plaisantez ! Comme vous le savez, nous sommes pour une république irréprochable !
Flic 2 – Bien sûr…
Chef de Cabinet – Je ne comprends pas… On devait se rejoindre ici. Lui est venu en traîneau…
Flic 1 – En traîneau ?
Chef de Cabinet – Évidemment, on n’a pas pu avoir de rennes, c’était trop cher. On les a remplacés par des chiens policiers… Alors vous ne l’avez pas vu ?
Flic 2 – Le traîneau ?
Chef de Cabinet – Le Ministre ! Vous n’auriez pas pu le rater, il est déguisé en Père Noël…
Flic 1 – En Père Noël !
Chef de Cabinet – C’est un peu potache, je sais, mais c’est un geste symbolique très fort. Une façon de montrer que pour le Ministre de l’Intérieur, tous les policiers sont ses enfants, et qu’il saura vous récompenser. À condition que vous soyez bien sages, évidemment. Donc, vous ne l’avez pas vu…
Flic 2 – Il est peut-être dans un bureau à côté…
Chef de Cabinet – Je vais aller voir, je vous remercie. Et bien sûr, nous repassons vous rendre une petite visite tout à l’heure.
Flic 2 – Très bien…
Chef de Cabinet – Et ne changez surtout rien pour nous. Faites exactement comme si nous n’étions pas là, d’accord ?
Le Chef de Cabinet repart. Les flics sont anéantis. Leurs regards se tournent vers l’endroit où le Père Noël est planqué.
Flic 1 – Le Ministre de l’Intérieur…
Flic 2 – Il y a du remaniement dans l’air.
Flic 1 – Oh putain…
Flic 2 – Ah oui, comme bavure, c’est difficile de faire mieux…
Flic 1 – Qu’est-ce qu’on fait ?
Flic 2 – On va bien trouver une solution..
Flic 1 – Tu crois ?
Flic 2 – Non, je disais juste ça pour te rassurer.
Flic 1 – En attendant, on ne peut pas le laisser là. L’autre a dit qu’il revenait dans cinq minutes…
Flic 2 – On n’a pas le choix, on va le mettre en cellule…
Ils sortent le Père Noël de derrière le bureau et commence à le traîner. Le Flic 3 revient.
Flic 3 – Vous avez besoin d’un coup de main ?
Flic 1 – Ça va aller, merci…
Flic 3 – Qu’est-ce qu’il a ? Quelque chose qui n’aura pas digéré ?
Flic 2 – C’est ça, des pruneaux…
Flic 3 – La période des fêtes est propice à tous les excès…
Flic 2 – Eh oui, et après on le regrette… (Au Flic 1) Pas vrai ?
Flic 3 – Un Père Noël, en plus… Quel exemple pour les enfants…
Le Flic 3 s’en va.
Flic 2 – Tu n’as qu’à le mettre avec le mythomane.
Flic 1 – Pourquoi ?
Flic 2 – S’il raconte qu’il a vu le cadavre du Ministre de l’Intérieur, personne ne le croira.
Flic 1 – Tu as raison, les mythomanes, ça a quand même du bon…
Flic 2 – Je reste là pour occuper le Chef de Cabinet.
Le Flic 1 sort en traînant le Père Noël par les pieds. Le chef de cabinet revient accompagné du commissaire, qui tente de faire bonne figure.
Commissaire – Vous n’allez pas le croire, mais nous avons perdu le Ministre… Il n’est pas passé par ici ?
Flic 2 – Je n’ai rien vu…
Chef de Cabinet – J’espère qu’il ne lui est rien arrivé…
Commissaire (plaisantant) – Que voulez-vous qu’il arrive à un Ministre de l’Intérieur dans un commissariat ?
Chef de Cabinet – Vous avez raison…
Commissaire – Il est peut-être… là où le roi lui-même va seul. On a beau être ministre, on a les mêmes besoins que monsieur Toutlemonde, pas vrai ?
Chef de Cabinet – Mais parfaitement. C’est ça aussi, la présidence normale…
Commissaire – Tout de même, que le Ministre soit aux toilettes et que son Chef de Cabinet ne soit pas au courant, vous avouerez…
Chef de Cabinet – Très drôle… C’est important, l’humour… Surtout quand on fait un métier comme le vôtre, j’imagine…
Commissaire – Allez, je vais vous faire visiter les locaux en attendant… Vous verrez, malheureusement, c’est très vétuste. À rafraîchir, comme on dit dans les petites annonces immobilières pour dire que c’est une ruine… Si vous pouviez en toucher un mot au Ministre, quand on l’aura retrouvé…
Le commissaire s’en va en entraînant le Chef de Cabinet avec lui. Le Flic 1 revient.
Flic 2 – Alors ?
Flic 1 – J’ai dit au mytho que c’était le Ministre de l’Intérieur déguisé en Père noël et que je venais de lui coller une balle dans le buffet.
Flic 2 – Et il t’a cru ?
Flic 1 – L’avantage avec les mythomanes, c’est qu’ils sont très crédules…
Flic 2 – Ça nous donne un peu de répit.
Flic 1 – C’est vrai que pour cacher un cadavre, un commissariat… Ce n’est pas l’endroit où la police pense chercher en premier, mais bon…
Flic 2 – En même temps, ça ne va pas être évident de faire sortir le corps d’ici discrètement. Il y a des flics partout… Alors tu imagines quand la disparition du ministre aura été signalée officiellement, ce qui ne saurait tarder… On va avoir la DST et le GIGN sur les bras…
Flic 1 – Tu as raison, il faut trouver une solution, et vite…
Flic 2 – Si on ne peut pas se débarrasser du corps, il faudrait pouvoir trouver une explication naturelle à sa mort…
Flic 1 – Naturelle… Avec une balle dans le buffet…
Flic 2 – Dans ce cas, il faut trouver quelqu’un pour porter le chapeau à ta place !
Flic 1 – J’imagine que tu n’es pas volontaire…
Flic 2 – Le mytho !
Flic 1 – Quoi ?
Le portable du Flic 1 sonne.
Flic 2 – Va le chercher, je n’ai pas le temps de t’expliquer.
Flic 1 – J’y vais…
Le Flic 1 répond.
Flic 2 – Ouais… Ah, bonsoir maman… Ben oui, je sais, mais qu’est-ce que tu veux… Évidemment, je préférerais être avec vous à manger des huîtres, mais bon… Oh, ici, tu sais, c’est plutôt calme, hein ? Le soir du réveillon… Bon, il va falloir que je te laisse là, parce que j’ai un petit problème à régler… Non, non, rien de grave, je t’assure… D’accord, vous me gardez un morceau de bûche, c’est gentil… Joyeux Noël à toi aussi, maman…
Le Flic 1 revient avec le mythomane.
Flic 2 – Alors, mon vieux, ça avance, ces Mémoires d’Outre-Tombe ?
Mytho – Ça va, je vous remercie… Mais je n’en suis qu’au tout début, vous savez… Alors si ça ne vous dérange pas trop…
Flic 1 – Vous avez bien cinq minutes, quand même…
Mytho – Bon, mais cinq minutes, alors…
Flic 2 – Asseyez-vous, je vous en prie. Vous voulez boire quelque chose ? Une petite liqueur de châtaignes ? C’est une spécialité de mon pays…
Mytho – Merci, je ne bois pas…
Flic 2 – Alors voilà… Comme vous nous êtes sympathique, mon collègue et moi, nous avons une petite proposition à vous faire… Une proposition très intéressante, vous allez voir…
Le Flic 1 se demande visiblement ce que son collègue a en tête.
Mytho (méfiant) – J’espère que vous n’allez pas encore me parler de prescription…
Flic 2 – Mais non, rassurez-vous. C’est même exactement le contraire… Parce qu’avec votre Ministre du siècle dernier, la prescription… C’est ce que vous risquez, vous en avez bien conscience…
Flic 1 (commençant à comprendre) – Même avec un bon avocat…
Mytho – Où voulez-vous en venir…
Flic 2 – Ça vous dirait d’être l’assassin du Ministre de l’Intérieur, plutôt ? Il vient tout juste d’être nommé…
Mytho – Mais… il est mort. Son cadavre est dans ma cellule…
Flic 2 – Oui… Mais c’était un homicide involontaire. Ce que nous vous proposons là, nous, c’est un assassinat. Un vrai.
Mytho – Je ne peux pas le tuer, puisqu’il est déjà mort.
Flic 2 – Justement ! Avec le petit arrangement que nous vous proposons, c’est sur vous seul que rejaillirait toute la gloire d’avoir attenté à sa vie…
Flic 1 – Et nous, disons que… ça nous rendrait service aussi.
Mytho – Ah non, je suis désolé mais… ça ne va pas être possible.
Flic 1 – C’est un ministre ! Un ministre ou un autre, quelle différence ?
Mytho – D’abord, moi j’ai assassiné un Premier Ministre…
Flic 1 – On ne va pas chipoter, non plus…
Le mythomane se lève.
Mytho – Non, vraiment, j’aurais aimé vous rendre service, mais…
Flic 2 – Mais pourquoi, Bon Dieu ?
Mytho – Mais parce que je ne veux pas mentir…
Le Flic 3 passe par là.
Flic 3 – Vous êtes au courant ? On a perdu le Ministre de l’Intérieur ! Ça commence à être la panique, le Commissaire est dans tous ses états…
Mytho – Le Ministre de l’Intérieur ? Il est avec moi dans ma cellule, et il est mort. Mais je vous jure que je ne suis pour rien dans cet assassinat.
Flic 3 – C’est ça mon brave, et je parie qu’il est déguisé en Père Noël…
Mytho – Exactement.
Le Flic 3 lève les yeux au ciel.
Flic 1 – Vous nous remettez Monsieur dans sa cellule.
Le Flic 3 emmène le mytho.
Flic 1 – Putain… Il a fallu qu’on tombe sur un mythomane qui refuse de mentir…
Flic 2 – L’inconvénient avec les mythomanes, c’est qu’ils sont persuadés de dire la vérité…
Flic 1 – Il y a bien la pute, mais je ne vois pas trop comment lui mettre ça sur le dos.
Flic 2 – Même si je ne serai pas surpris que le Père Noël soit un de ses clients.
Flic 1 – C’est sûr, il couchait déjà avec ma mère…
Flic 2 – Je parle du Ministre !
Flic 1 – Ah oui, pardon…
Ils réfléchissent.
Flic 2 – Le clodo ! Il roupille dans sa cellule, complètement bourré…
Flic 1 – Et alors ?
Flic 2 – Suis-moi, je crois que j’ai une idée…
Ils sortent. Le commissaire arrive avec le chef de cabinet.
Commissaire – Je ne comprends pas ce qui a bien pu lui arriver…
Chef de Cabinet – S’il ne refait pas surface dans les cinq minutes, je vais devoir prévenir le Président… Un Ministre de l’Intérieur qui disparaît dans un commissariat, ce n’est quand même pas rien. Autant vous dire que s’il lui était arrivé quoi que ce soit, ça ne serait pas très bon pour votre avancement.
Commissaire – Et vous dites qu’il était habillé en Père Noël… Avec un signalement aussi précis, on ne devrait pas avoir trop de mal à le retrouver…
Les deux flics arrivent avec le Père Noël, capuche baissée pour qu’on ne voit pas son visage, déjà camouflé par la fausse barbe.
Flic 1 – Ça y est, on l’a retrouvé !
Commissaire – Alléluia !
Cabinet de Cabinet – Mais qu’est-ce qu’il a ? Il n’a pas l’air très en forme…
Flic 2 – J’ai l’impression qu’il a profité de sa tournée des commissariats pour faire aussi la tournée des bars…
Commissaire – Mais je l’ai déjà vu, ce Père Noël…
Flic 2 – Oui, tout à l’heure, en effet… En fait, c’est une simple méprise.
Flic 1 – Comme il était complètement bourré en arrivant ici…
Flic 2 – Et déguisé en Père Noël, en plus…
Flic 1 – On l’a pris pour un clodo, alors on l’a mis en cellule de dégrisement.
Chef de Cabinet – C’est vrai qu’il ne sent pas la rose… Je suis vraiment confus, ce n’est pas du tout dans ses habitudes… En tout cas, merci de vous en être occupé. Et bien entendu, je compte sur votre discrétion en ce qui concerne ce petit incident…
Flic 2 – Vous pouvez être tranquille. Nous serons muets comme des tombes…
Chef de Cabinet – Je vais le ramener chez lui et le mettre dans son lit, ça ira mieux demain…
Le chef de Cabinet essaie de prendre en charge le Père Noël.
Chef de Cabinet – Vous pouvez m’aider à le charger dans son traîneau ? Je veux dire dans ma Twingo ? Il pèse comme un âne mort…
Commissaire – Mes hommes vont s’en occuper, ne vous inquiétez pas.
Chef de Cabinet – Merci Messieurs. Vous n’avez qu’à l’asseoir à la place du mort. Mais n’oubliez pas de lui mettre sa ceinture…
Les deux flics emmènent le Père Noël. Le commissaire brandit la bouteille.
Commissaire – Et bien voilà ! Tout est bien qui finit bien. Une petite larme, pour fêter ça ?
Chef de Cabinet – Bon, juste une goutte alors, et après je me sauve… Ah, quelle soirée, je m’en souviendrai…
Commissaire – À la bonne vôtre !
Ils boivent.
Chef de Cabinet – Ah, oui, quand même… Si c’est ça qu’il a bu, je comprends que le Ministre soit dans cet état… En tout cas, merci pour tout, Commissaire. Au nom du Ministre, je vous félicite pour votre dévouement et votre efficacité..
Commissaire – Hélas, nous sommes en sous-effectifs, mais…
Chef de Cabinet – Pour ce qui est des effectifs, je ne peux rien vous promettre . C’est la crise, comme vous le savez. Mais le Ministre saura vous récompenser de votre discrétion sur ce qui s’est passé ici ce soir. Lorsqu’il aura repris ses esprits, je lui toucherai un mot à votre sujet pour une décoration… Ça au moins, ça ne coûte rien…
Commissaire – La Légion d’Honneur, vraiment ? Ce serait un très beau cadeau de Noël, en effet…
Chef de Cabinet – Sur ce il faut que je me sauve…
Commissaire – Je vous accompagne. On m’attend moi aussi…
Les deux flics reviennent.
Flic 1 – Ouf… Maintenant qu’ils sont partis, on va être un peu plus tranquilles.
Flic 2 – Qu’est-ce qu’on fait du corps ?
Flic 1 – On n’a qu’à le balancer dans La Seine. Il y a des tas de gens qui se noient les soirs de réveillon.
Flic 2 – Mais pas tellement de ministres. Surtout avec une balle dans le buffet.
Flic 1 – Quand on est Ministre de l’Intérieur, on a beaucoup d’ennemis, forcément…
Flic 2 – Enfin… Il aura sûrement des obsèques nationales…
Flic 1 – En tous cas, je paierais cher pour voir la tête de la femme du ministre quand elle va se réveiller demain matin avec un clodo dans son lit…
Le Chef de Cabinet revient.
Chef de Cabinet – Le type que vous avez chargé dans ma voiture vient de se réveiller. Ce n’est pas du tout le Ministre !
Flic 1 – Sans blague…
Chef de Cabinet – Ça m’étonnait aussi. C’est vrai qu’il a tendance à picoler un peu, mais d’habitude, il tient l’alcool beaucoup mieux que ça… Celui-là a vomi partout dans la Twingo ministérielle…
Flic 2 – Je ne comprends pas ce qui s’est passé…
Flic 1 – Ça doit être un malentendu.
Chef de Cabinet – La bonne nouvelle, c’est qu’on vient de retrouver le Ministre.
Flic 1 – Non…?
Chef de Cabinet – Il vient d’arriver. Il a été un peu retardé sur le périphe avec son traîneau, mais il sera là d’un instant à l’autre…
Flic 2 – Ah oui ?
Chef de Cabinet – Bon, je retourne à la porte pour l’accueillir…
Il repart.
Flic 1 – Oh putain… Alors je n’ai pas tué de ministre…
Flic 2 – Ouf… Ça s’arrose…
Ils boivent.
Flic 2 – Oui, mais alors c’est qui le type que tu as buté…?
Flic 1 – On a fait le changement de costume dans la pénombre tout à l’heure pour ne pas attirer l’attention, je n’ai pas vu son visage…
Flic 2 – Et puis on était tellement persuadés que c’était lui… Moi non plus, je n’ai même pas pensé à vérifier…
Flic 1 – Tu crois que c’est le vrai Père Noël ?
Flic 2 – On va savoir ça tout de suite.
Ils sortent, et reviennent en traînant le corps qui ne portent plus le costume de Père Noël mais celui du clodo.
Flic 2 – Oh, putain, c’est Dumortier.
Flic 1 – Il a dû se déguiser en Père Noël pour nous faire une surprise.
Flic 2 – Remarque, c’est réussi…
Flic 1 – En même temps, c’était un cafard, personne ne le regrettera…
Flic 2 – C’est bien le seul dont on aura réussi à se débarrasser. Qu’est-ce qu’il avait amené dans sa hotte ?
Le flic 1 regarde.
Flic 1 – Des huîtres !
Flic 2 – On n’a même pas de remords à avoir, on déteste les huîtres de toute façon…
Flic 1 – Ah, il y a un petit mot, aussi…
Flic2 – Ses bons vœux pour la nouvelle année, sûrement.
Flic 1 – C’est le numéro de la plaque minéralogique de son voisin. Celui qui n’a pas encore acheté son éthylotest. Il y a un portrait robot du contrevenant, aussi.
Flic 2 – Fais voir… (Il regarde le portrait) Ah, oui, il avait un sacré coup de crayon, dis donc.
Flic 1 – Un véritable artiste.
Flic 2 – Oui, mais il va quand même falloir s’en débarrasser.
Ils soulèvent le corps et prennent la mesure de sa lourdeur.
Flic 1 – L’avantage, c’est que quand on va le balancer dans La Seine, avec le poids des coquilles d’huîtres, ça le maintiendra au fond pendant quelque temps…
Ils s’apprêtent à traîner le cadavre quand dans une lumière irréelle un Père Noël arrive et s’adresse à eux avec une voix semblant venir de l’au-delà.
Père Noël – Alors mes enfants, est-ce que vous avez été bien sages cette année ?
Flic 1 – C’est qui ça encore ?
Flic 2 – Le Ministre de l’Intérieur ?
Flic 1 – À moins que ce soit le vrai Père Noël…
Flic 2 – Tu veux dire celui qui nique ta mère ?
Flic 1 – Oh putain, cette fois, je ne vais pas le rater !
Noir. Musique de Noël (genre Petit Papa Noël de Tino Rossi), entrecoupée de coups de feu.
Flic 2 – Tu aurais au moins pu attendre qu’il nous donne notre petit cadeau.
Sirène de police.
Fin.
Ce texte est protégé par les lois relatives au droit de propriété intellectuelle. Toute contrefaçon est passible d’une condamnation allant jusqu’à 300 000 euros et 3 ans de prison
Paris – Novembre 2011
© La Comédi@thèque – ISBN 979-10-90908-39-0
Ouvrage téléchargeable gratuitement.
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