Le patron essuie des verres derrière le comptoir. Un couple arrive. Ils s’asseyent. Silence. Le patron arrive.
Patron – Qu’est-ce que je vous sers ?
Elle (sur un ton sans appel) – Rien pour l’instant. On attend le troisième…
Patron – Bon…
Air étonné de l’homme. Le patron repart.
Lui – Je ne savais pas qu’on attendait quelqu’un…
Elle – Moi non plus.
Lui – Comment ça ? C’est qui ?
Elle – Je ne sais pas… Il n’a pas encore de nom…
Lui – Tu me fais marcher ?
Un temps.
Elle – Qu’est-ce que tu dirais si je te disais que je suis enceinte ?
Le temps pour lui d’assimiler la question.
Lui – Pour commencer, je te dirais… qu’il y a un problème de concordance des temps.
Elle – Pardon
Lui – Normalement, tu devrais dire « si je te disais que j’étais enceinte » et pas « si je te disais que je suis enceinte ». Après une proposition conditionnelle à l’imparfait, on utilise l’imparfait.
Elle – Ah, d’accord…
Lui – Tu es enceinte ?
Elle – Je n’ai pas dit ça…
Lui – Donc c’est une conditionnelle.
Elle – Si tu le dis…
Lui – Tu n’es pas sûre ?
Elle – Tu veux voir un tampon ?
Lui – Quel tampon ?
Elle – À ton avis ? Le tampon de la mairie !
Lui – Tu ne devrais pas plaisanter avec ça.
Elle – Je ne plaisante pas. Je voulais juste en parler. Alors ?
Lui – Un enfant… ça commence toujours par se conjuguer au conditionnel, non ?
Elle – Il ne tient qu’à nous de transformer ce conditionnel en indicatif.
Lui – Tant que tu ne le conjugues pas à l’impératif…
Elle – Tu ne m’as pas répondu…
Lui – Quoi ?
Lui – Qu’est-ce que tu dirais si je te disais que… j’étais enceinte ?
Lui – Je ne sais pas, je te répondrais… génial !
Elle – Génial ?
Lui – Génial… Mais on est bien d’accord, tu n’es pas enceinte…
Le patron revient.
Patron – On attend toujours le troisième ?
Elle pose sa main sur son ventre.
Elle – Il est déjà là… On va pouvoir commander…
L’homme lui lance un regard interloqué.
Patron – Génial.