.

Autoroute

Il se présente devant elle.

Lui – Combien ?

Elle – 30 euros…

Lui – Super ou ordinaire ?

Elle – Ça existe encore, l’ordinaire ? Je pensais qu’il n’y avait plus que du super ? (Il ne dit rien) Bon, ben mettez-moi de l’ordinaire. Pour changer un peu…

Lui – L’ordinaire, c’est plus cher.

Elle – Ah, bon ?

Lui – C’est devenu très rare, l’ordinaire. Il n’y en a pas partout…

Elle – Bon, ben mettez-moi du super, alors.

Lui – Super normal ou super plus ?

Elle – C’est quoi la différence ?

Lui – Super plus, c’est plus cher, mais ça consomme moins.

Elle – Qu’est-ce que vous me conseillez ?

Lui – Vous consommez beaucoup ?

Elle – Je ne sais pas. J’en prends toujours pour 30 euros…

Lui – Prenez du super plus.

Elle – Bon, ben… Le plein, alors… Je ne voudrais pas retomber en panne sèche…

Lui – Je vous fais les niveaux et la pression ?

Elle – C’est gratuit…?

Lui – C’est à la discrétion du client.

Elle – Mais… combien, sans indiscrétion.

Lui – Un euro, en moyenne. Deux pour les plus généreux. Cinq pour les bienfaiteurs de l’humanité. Je vous fais une carte de fidélité ?

Elle – Qu’est-ce qu’on gagne ?

Lui – Avec cinq pleins, vous avez droit à un lavage gratuit.

Elle – D’habitude, je la lave moi-même…

Lui (s’approchant) – C’est quoi, ça ? Une crotte de pigeon…

Elle – Vous croyez…?

Lui – Il ne faut pas laisser ça comme ça. C’est très corrosif.

Elle – Qu’est-ce que je peux faire ?

Lui – Prenez une carte de fidélité.

Elle – Je ne viens pas souvent par là. Je suis en vacances…

Lui – C’est valable partout.

Elle – La prochaine fois, peut-être…

Lui – Voilà, ça fait 95 euros.

Elle – Tenez, gardez le tout.

Lui – Merci.

Elle (s’en allant, puis se ravisant) – Excusez-moi, vous savez où on est ?

Lui – Vous allez où ?

Elle – Je ne sais pas encore.

Lui – De toute façon, vous ne pouvez pas faire demi-tour, alors…

Elle – Et la prochaine sortie, c’est loin ?

Lui – Ouh, là…! C’est pas tout de suite, hein…!

Elle – Bon, ben je vais continuer, alors.

Lui – Bonne route.

Elle – Merci.

Elle s’éloigne.

Lui – Ah, les femmes…

Noir.

Autoroute Lire la suite »

Amour toujours

Elle et lui, côte à côte, amoureusement.

Elle – On est bien, comme ça, non ?

Lui – Oui…

Elle – Tu m’aimes ?

Lui – Oui.

Elle – Tu m’aimeras toujours ?

Lui – Toujours ?

Elle – Je ne sais pas, moi… Est-ce que tu m’aimeras pendant 50 ans ?

Lui (effaré) – 50 ans…?

Elle – 40…? (Il a l’air dubitatif) 20…? 10…?

Il a toujours l’air dubitatif.

Elle – Est-ce que tu m’aimeras pendant un an ?

Lui – Un an ? (Convaincu) Ah, oui ! Et toi ?

Elle (sceptique) – Un an ?

Lui – Six mois ? (Elle a l’air dubitative) Quinze jours ? Une semaine ?

Elle a toujours l’air dubitative.

Lui – Est-ce que tu m’aimeras jusqu’à demain ?

Elle – Demain matin ? À quelle heure ?

Lui – Je ne sais pas, moi. Disons 9 heures ?

Elle sourit en signe d’acquiescement. Ils s’embrassent.

Elle – Je mets le réveil ?

Noir

Brèves du temps perdu

Amour toujours Lire la suite »

Travaux d’approche

Elle et lui sont assis côte à côte dans un avion. Elle dort contre son épaule, comme si c’était sa compagne. Elle se réveille peu à peu… et se rend compte qu’elle dormait sur l’épaule d’un inconnu.

Elle (gênée) – Pardon, je suis désolée… Mais vous auriez dû…

Lui – Je n’ai pas osé vous réveiller…

Elle – J’ai dormi longtemps.

Lui – On a commencé les travaux d’approche…

Elle – Pardon ?

Lui – Je veux dire, euh… Les manœuvres d’approche… Pour l’atterrissage !

Elle – Ah, oui…

Elle remet un peu d’ordre dans ses cheveux d’un geste de la main.

Lui (engageant) – Vous êtes en vacances ?

Elle (sur la défensive) – Euh… Non… (Après une hésitation) Je vais rejoindre mon mari…

Lui (déçu) – Ah… Qu’est-ce qu’il fait ?

Elle – Il… Il est médecin… Il travaille pour une ONG…

Lui – Ah, oui, bien sûr… Dans un pays pareil… À part le tourisme et l’humanitaire… La prostitution, un peu… Et le trafic de drogue, bien sûr…

Elle a l’air un peu déstabilisée.

Elle – Et vous ? Vous êtes en vacances ?

Lui – Euh, non… Je fais… dans le trafic d’armes.

Elle (surprise) – Vous voulez dire, euh…

Lui – Kalachnikov, lance-roquettes, mines anti-personnelles… Je viens de toucher un lot de chars d’assaut presque neufs. Si ça vous intéresse…?

Elle – Merci… Mon mari a déjà un quatre-quatre…

Lui – Il a raison, c’est beaucoup plus pratique. Et plus écologique ! Un tank, c’est très difficile à garer, surtout en ville, et ça consomme presque autant qu’un Airbus…

Silence embarrassé, suivi d’une secousse que les comédiens peuvent marquer par un léger sursaut.

Lui – Ah, ça y est… On vient d’atterrir… (Ils se lèvent pour partir) Bon, et bien… Enchanté d’avoir fait votre connaissance…

Elle (après un moment d’hésitation) – Vous… Vous êtes vraiment trafiquant d’armes…?

Lui – Non… C’était seulement pour que vous me détestiez… Pour ne pas avoir de regret… Une femme mariée… avec un French Doctor, c’est difficile de lutter… Regardez Kouchner… Et pourtant les gens l’adorent. Et vous ?

Elle – Moi ?

Lui – Vous êtes vraiment mariée ?

Elle – Euh… En fait, non… Pas vraiment…

Lui – Alors vous êtes célibataire, et en vacances, comme moi…

Elle – Oui… Je vais au Club… Ne me dites pas que vous aussi…?

Lui – On y va tous… C’est un charter…

Elle (innocemment) – Ah, oui…?

Ils commencent à s’éloigner ensemble…

Lui – Vous dormiez vraiment…?

Elle – Non… Heureusement… Je ronfle…

Ils se sourient.

Lui – Je vous offre un verre au bar, ce soir ?

Elle – J’ai pris la formule tout compris, avec boisson à volonté. Pas vous ?

Lui – Si… (Ils se sourient à nouveau, bêtement). Je crois qu’il est temps de descendre, sinon, l’avion va redécoller. Il fait deux rotations par jour… Après vous, je vous en prie… (Ils se dirigent vers la sortie) Vous n’étiez pas déjà venue, l’année dernière ?

Elle – Si…

Lui – Il me semblait bien aussi…

Noir.

Brèves du temps perdu

Travaux d’approche Lire la suite »

Réveil

La lumière se fait peu à peu. Un couple dort sous un drap. Brusquement, on entend un martèlement suivi des trois coups (comme au théâtre). Il émerge, en sursaut et tombe du lit. Vêtu d’un pyjama rayé (évoquant une tenue de bagnard ou de prisonnier d’un camp), il écarquille les yeux et se frotte les côtes en grimaçant, avant de jeter un regard autour de lui, semblant ne rien reconnaître. Il regarde son pyjama, étonné. Il se lève et parcourt la pièce, à la recherche d’une issue, mais ne trouve rien. Il se fige en apercevant les spectateurs qui le regardent. Secouant la tête comme pour chasser un mauvais rêve, il revient vers le lit, et tombe nez à nez avec elle, également en pyjama rayé, qui a aussi commencé à se réveiller pendant qu’il avait le dos tourné. Ils poussent ensemble un cri de terreur en se découvrant l’un l’autre.

Elle et Lui – Ah !!!

Elle met ses mains contre sa poitrine dans un geste de pudeur.

Elle – Qu’est-ce que vous faites là ?

Lui – Et vous ?

Ne pouvant répondre, elle se lève à son tour et fait à peu près le même manège que lui précédemment, pendant qu’il l’observe.

Elle – Mais… on est où ?

Lui – Aucune idée…

Elle (se tournant vers lui) – Vous savez quand même bien comment vous vous appelez ?

Lui (mimique pour dire que non) – Et vous ?

Mimique pour dire qu’elle ne sait pas non plus.

Elle (comme pour le rassurer, maternelle) – Si on est en colo, il y a sûrement un nom, cousu sur une petite étiquette, à l’intérieur de votre pyjama.

Il a l’air surpris par cette idée.

Elle – Faites voir…

Elle s’approche de lui et veut regarder derrière son col de pyjama. Il a un mouvement de recul, mais finit par se laisser faire.

Elle (victorieuse) – Ah oui, il y a bien quelque chose d’écrit ! (Elle essaie de déchiffrer, sans succès) Je n’arrive pas à lire ! Retirez ça, pour voir…

Il a une nouvelle réticence, mais accepte finalement de retirer sa veste de pyjama. Il est désormais torse nu et manifeste une certaine gêne. À moins qu’il n’ait simplement froid. Elle se penche sur l’étiquette et lit.

Elle – Adam…

Lui – Comme la brosse ?

Elle – Comme le prénom !

Il affiche une mine perplexe, en se frottant machinalement les côtes.

Elle (inquiète) – Vous êtes blessé ?

Lui – Ce n’est rien. J’ai dû me fêler une côte en tombant du lit. (Un temps) Et vous ?

Elle – Non, moi ça va…

Lui – Non, je veux dire, vous aussi, vous avez peut-être votre nom sur une étiquette cousue quelque part. Faites voir…

Il s’approche d’elle d’un pas décidé. Elle l’arrête d’un geste ferme.

Elle – On verra ça plus tard !

Il se résigne.

Lui (sceptique) – En colo, vous croyez…? Il n’y a personne…

Elle – On est peut-être les premiers…

Lui – Ou les derniers…

Ils font à nouveau le tour des lieux chacun de leur côté, et se retrouvent face à face.

Lui – On ne s’est pas déjà vu quelque part ?

Elle (ironique) – Dans vos rêves, peut-être… (Agressive) Alors vous ne voyez vraiment aucun moyen de nous sortir de là ?

Lui – Eh, oh, on n’est pas mariés, hein ? Pourquoi ce serait à moi de vous sortir de là ?

Elle (profil bas) – Excusez-moi…

Il soupire, ne sachant plus quoi faire.

Lui – Bon… Qu’est-ce qu’on fait ?

Elle (dubitative) – On est obligé de faire quelque chose…?

Lui (décidé) – Moi, j’ai horreur de rester inactif. (Joignant le geste à la parole) Je me recouche !

N’ayant rien d’autre à proposer, elle se rallie à son point de vue.

Elle – Bon…

Lui – C’est peut-être un cauchemar… Et quand on se réveillera, ça ira mieux…

Elle – Ou ce sera pire…

Ils s’apprêtent à se recoucher, un peu gênés malgré tout de partager le même lit.

Lui – Vous avez un côté préféré ?

Elle – Non…

Lui – Bon, ben je vais reprendre celui-là, alors.

Il s’allonge du même côté qu’auparavant.

Elle (ironique) – On prend vite ses petites habitudes, hein…?

Elle se couche de l’autre côté, mais n’a pas l’air d’avoir envie de dormir.

Lui – Je peux éteindre ?

Elle – J’aurais bien lu un peu, mais on n’a même pas le texte de la pièce…

Lui – J’éteins alors. (Il cherche comment éteindre) Je ne vois pas d’interrupteur…

La lumière baisse progressivement.

Lui – Ah ben voilà ! (Il se tourne vers elle) Bon ben… À un de ces jours, alors…

Elle – C’est ça… À un de ces jours…

Noir.

Elle – Je mets le réveil ?

Lui – Ce n’est pas dimanche, demain ?

Elle – Il n’y a pas de réveil, de toute façon…

Brèves du temps perdu

Réveil Lire la suite »

Sortie de secours

Lumière sur un couple dans la salle. Il remet son manteau. Elle sort une cigarette.

Elle (enthousiaste) – Alors… ?

Lui (catégorique) – Nul.

Elle (outrée) – Nul ?

Lui – Complètement nul.

Elle – T’as rien compris, alors ?

Lui – Parce qu’il y avait quelque chose à comprendre ?

Elle – Ah ouais, d’accord…

Il lui lance un regard interrogateur.

Elle – Tu te venges…

Lui – Je me venge… ?

Elle – Là j’ai aimé, alors toi tu n’aimes pas… C’est petit, hein ?

Lui – Attends, je n’ai pas aimé, je n’ai pas aimé. Je ne vais pas te dire que j’ai aimé simplement pour te faire plaisir!

Elle – Tu n’as pas dit que tu n’avais pas aimé, tu as dit que c’était nul. Ce n’est pas pareil!

Lui – Je ne vois pas trop la différence…

Elle – C’était nul, j’ai aimé, donc je suis nulle.

Lui – C’est toi qui le dis…

Elle – Ce n’est pas moi, c’est Platon.

Lui – Platon a dit que tu étais nulle  ?

Elle – Ça s’appelle un syllogisme. Toutes les femmes sont mortelles, je suis une femme, donc je suis mortelle.

Lui – Si c’est Platon qui le dit, alors… Moi, c’est ce truc que j’ai trouvé mortel. (Un temps) D’ailleurs, je ne suis même pas sûr qu’il tienne debout, ton syllogisme.

Elle – C’est ça, vas-y, continue…

Lui – Mais qu’est-ce qui t’a plu  ?

Elle – Tout !

Lui – C’est vague.

Elle – Et toi, qu’est-ce que tu n’as pas aimé  ?

Lui – Ecoute, je préfère ne pas rentrer dans les détails. Tu vas encore te vexer…

Elle – Moi, me vexer  ? Attends, je m’en fous que tu n’aies pas aimé ! Moi ça m’a plu, c’est tout. Tant pis pour toi si tu t’es ennuyé…

Silence.

Lui – On ne va pas s’engueuler pour ça…

Elle – Des fois, je me demande ce qu’on fait ensemble.

Il fait un geste vers elle.

Elle – J’espère que la prochaine fois, on aimera tous les deux…

Lui – Ou en tout cas qu’on sera du même avis…

Elle lui lance un regard interrogateur.

Lui (précisant) – Peut-être qu’on s’emmerdera tous les deux.

Elle – Oui… C’est minimaliste, comme vision de l’harmonie du couple…

Ils s’en vont.

Noir.

Sortie de secours Lire la suite »

Les meubles

Un couple. Pas de décor. Il est là, elle arrive.

Elle (regardant autour d’elle, sidérée) – Mais… Où sont passés les meubles ?

Lui (fier de lui) – Tu ne devineras jamais.

Elle le regarde, attendant une explication.

Lui – Un type a sonné à la porte, ce matin. Un antiquaire!

Elle (inquiète) – Et alors ?

Lui – Je lui ai d’abord dit qu’on avait rien à vendre…

Elle – Et après… ?

Lui – Je me suis dit que ça ne coûtait rien de faire évaluer tout ça. L’estimation était gratuite. Tu ne devineras jamais combien il m’a proposé pour toutes ces vieilleries.

Elle – Combien… ?

Lui – Largement de quoi en racheter d’autres.

Elle – Alors pourquoi tu les as vendues ?

Lui – Pour changer un peu! Tu m’as dit que tu voulais acheter un autre canapé.

Elle – Et alors… ?

Lui – Tu sais très bien que si on avait changé le canapé, on aurait dû racheter une table qui aille avec. Après, il aurait fallu changer les chaises, et ainsi de suite…

Elle – Oui, peut-être…

Lui – Ça nous aurait coûté une fortune! Et qu’est-ce qu’on aurait fait de nos vieux meubles ?

Elle ne dit rien.

Lui – Là, c’est beaucoup plus simple.

Elle – Et en attendant ?

Lui – En attendant quoi ?

Elle – Qu’on en achète d’autres…

Il regarde autour de lui la pièce vide.

Lui – Personnellement, je n’ai jamais aimé les pièces surchargées.

Elle – C’est sûr que là, ce n’est plus surchargé du tout…

Lui – Tu n’es pas contente ?

Elle – De ne plus avoir de meubles… ?

Lui – Mais c’est toi qui m’as dit que tu n’aimais pas notre vieux canapé!

Elle – Je ne t’ai pas dit que je ne voulais plus de meubles du tout. On n’a même plus de lit!

Lui – Mais je viens de t’expliquer que… Moi, je croyais te faire plaisir!

Elle (conciliante) – Ecoute, on va aller au restaurant ce soir. On dormira à l’hôtel, et demain on va racheter des meubles. D’accord ?

Lui – D’accord…

Silence.

Lui – Reste à choisir le style.

Elle – Tant qu’à changer, on ferait mieux de mettre du moderne, non ?

Lui – Oui… Mais alors là, il faudrait refaire les peintures…

Elle – Tu ne crois que tu es un peu trop perfectionniste ?

Lui – Du mobilier moderne avec ces peintures crasseuses, ça va jurer…

Elle (ironique) – On ferait peut-être mieux carrément de changer d’appartement.

Lui – Tu crois ? (Un temps) Remarque, le déménagement serait vite fait… On coupe l’eau et l’électricité en partant, on n’a même pas besoin de revenir.

Elle est soudain prise d’un doute.

Elle – Tu as bien vidé les tiroirs ?

Lui – Evidemment.

Elle – Et ton alliance ?

Lui – Mon alliance ?

Elle – Celle que tu gardais dans le tiroir de la table de nuit!

Lui – Merde…

Elle ne dit rien, mais on voit qu’elle est anéantie. Il est très mal aussi.

Lui – Elle était là depuis tellement longtemps. Je ne me souvenais même plus…

Silence.

Elle – Tu as l’adresse de cet antiquaire ?

Lui – Non… Il m’a payé en liquide, il a tout mis dans son camion et il est parti. (Un temps, n’y croyant pas) S’il la retrouve, il nous téléphonera sûrement…

Elle (amère) – Oui… Et puis si tu ne la retrouves pas, tu pourras toujours changer de femme… Tu en prendras une plus moderne, qui se marie bien avec les nouvelles peintures et le nouveau mobilier.

Lui – Je suis désolé…

Elle – Pourquoi tu ne l’as jamais mise, cette alliance ?

Lui – Je l’ai mise! (Un temps) Avant qu’on se marie… Tu te souviens ? Je les avais achetées dans un bazar au Yémen. Pour faire croire qu’on était déjà mariés. Sinon, ils ne voulaient pas nous louer de chambre, dans les hôtels.

Elle – Maintenant que tu as revendu tous nos meubles, y compris le lit conjugal, on va bien être obligés d’y aller, à l’hôtel, cette nuit…

Lui – Ne t’inquiète pas, on est en France. Ils ne demanderont pas à voir notre livret de famille…

Elle – Et après le mariage ? Pourquoi tu la laissais dans cette table de nuit, ton alliance ?

Lui – Ben… J’avais peur de la perdre.

Elle – C’est réussi…

Silence.

Lui – Tu m’en veux… ?

Elle ne répond pas.

Lui – Allez viens, on y va!

Elle – Où ?

Lui – A l’hôtel! Ce sera un peu comme un deuxième voyage de noces… Plus d’alliance, plus de meubles, bientôt plus d’appartement. On repart à zéro!

Elle – Moi, j’ai toujours mon alliance…

Lui – Tu ferais mieux de la retirer.

Elle – Pourquoi ?

Lui – Tu as l’air mariée, moi pas. A l’hôtel ils vont croire à un adultère…

Elle – J’ai le choix entre le retour au célibat et une liaison illégitime, c’est ça ?

Ils s’en vont.

Elle – Tu as une drôle de conception du mariage…

Elle et Lui, Monologue Interactif

Les meubles Lire la suite »

Cauchemar

Il entre avec une perruque blonde et un ballon de foot. Elle arrive après lui par derrière avec une veste d’homme et des moustaches façon Hitler ou Charlot.

Elle – Guten Tag…

Il sursaute en la voyant.

Lui – Mais… Vous êtes qui, vous  ?

Elle – Je suis… la baby-sitter.

Il a l’air terrifié. Elle sort un paquet de cigarettes.

Elle (lui tendant le paquet) – Vous fumez  ?

Lui (il s’apprête à en prendre une avant de se raviser prudemment) – Non, merci.

Elle – Natürlich. C’est interdit… Il y a un cendrier, mais ça ne veut rien dire ! C’est seulement pour que les contrevenants ne brûlent pas la moquette… C’est très français, ça. On fait des lois, mais on prévoit toujours un plan B au cas probable où…(Elle sort un paquet de chewing-gum) Vous voulez un chewing-gum  ?

Lui – Ça me balonne un peu…

Elle – Vous savez pourquoi les grillons du métro sont en voie de disparition  ?

Lui – Il y a des grillons dans le métro  ?

Elle – Ou des criquets, je ne sais plus. C’est parce que ces animaux se nourrissaient de mégots. Alors depuis que c’est interdit de fumer dans le métro, ils dépérissent. Vous vous rendez compte  ? C’est tout un écosystème qui a été bouleversé… Remarquez, ils pourraient se mettre à mâcher des vieux chewing-gums…

Lui – J’ai vu une expo sur la vie animale en milieu urbain, au Parc Floral. On ne le sait pas, mais il y a une faune incroyable, dans Paris. Il paraît même qu’il y a des loups. Mais des centaines, hein  ?

Elle – Des loups  ?

Lui – Non, mais ils ne sortent que la nuit, dans les parcs…

Elle – Vous voulez dire… des renards… ?

Lui – Ah, oui, peut-être… En tout cas, je n’en n’ai jamais vu…

Elle – C’est parce que les parcs sont fermés, la nuit…

Bruit d’une porte qui se ferme.

Il a l’air très inquiet.

Elle – La femme de ménage a fermé en partant… et elle a emporté la clef.

Lui – Il n’y a aucune fenêtre… On ne peut même pas appeler au secours…

Elle – Vous n’avez pas de téléphone portable… ?

Il fouille dans ses poches. Son visage s’illumine quand il en extirpe quelque chose.

Lui – Ah, si ! (Sa mine s’obscurcit en constatant que ce n’est pas un portable). Mince, c’est la télécommande que je cherchais partout…

Elle – Mais… il n’y a pas la télé !

Lui – Bon ben… Le facteur nous délivrera demain matin…

Elle – Demain… c’est Noël !

Lui – Ah, oui, c’est vrai, merde…!

Elle – Vous voulez peut-être vous allonger… ?

Il la regarde terrorisé. Elle sort un drap blanc.

Elle – Si on doit réveillonner ensemble, autant s’installer confortablement… Vous préférez quel côté  ?

Lui – Je n’ai pas de préférence.

Elle – Alors, je vais prendre celui-là…

Elle se glisse sous le drap. Il s’installe aussi. Ils s’apprêtent à dormir.

Elle – Eh ben… Joyeux Noël, alors !

Lui – C’est ça, Joyeux Noël…

Un temps. Il pousse un cri, et se réveille en sursaut. Elle se réveille aussi. Il n’a plus sa perruque et elle n’a plus sa moustache.

Elle – Ça va chéri  ?

Lui – Oui, oui, ça va… J’ai dû faire un cauchemar. J’ai rêvé que c’était Noël…

Elle (le regardant, interloquée) – Mais chéri… C’est Noël !

 

Cauchemar Lire la suite »

Coup de vieux

Elle est à jardin, prenant congé de sa fille qu’on ne voit pas. Il est un peu en retrait, observant la scène d’adieu avec un sourire sur les lèvres.

Elle – Allez, amusez-vous bien. Mais ne faites pas de bêtises. Et vous ne me la ramenez pas trop tard, hein, je vous fais confiance ?

La fille s’en va, et le couple revient au centre de la scène, en échangeant un sourire plein de sous-entendus, à la fois amusé et ému.

Elle – Sa première sortie avec un garçon…

Lui – Ça nous rajeunit pas.

Elle – Ouais… Ça me file un coup au moral.

Un temps.

Lui – Comment il s’appelle, déjà ?

Elle – Jean-Marie.

Un temps.

Elle – C’est bizarre, non ?

Lui – Quoi ?

Elle – Qu’il s’appelle Jean-Marie !

Lui – Je m’appelle bien Jean-Sébastien.

Elle – Justement ! C’est un nom de vieux…

Lui – C’est peut-être un vieux pervers déguisé en ado boutonneux. Comme on voit à la télé dans les pubs contre les dangers d’internet. À l’heure qu’il est, il doit être en train d’enlever son masque.

Elle (retournée) – Plaisante pas avec ça…

Lui – Ou alors ses parents sont au Front National. C’est pour ça qu’ils l’ont appelé Jean-Marie.

Elle – Tes parents t’ont appelé Jean-Sébastien, et ils ne jouaient pas de piano.

Il fait un geste pour la réconforter.

Lui – Allez, il va bien falloir que tu t’y fasses. Ce n’est que le début. Dans un an ou deux, on va se retrouver seuls à la maison, comme un couple de vieux cons.

Elle – Merci. C’est tout à fait ce que j’avais envie d’entendre pour me remonter le moral…

Lui (espiègle) – Je t’ai préparé une surprise pour t’aider à passer ce cap difficile.

Elle – Tu m’invites au restaurant ?

Lui – Mieux que ça.

Il sort un joint de sa poche et lui montre.

Elle (amusée, tentée, mais partagée) – Non… Tu crois…? Ça fait au moins quinze que j’ai pas fumé, même une cigarette. Tiens, la dernière fois que j’ai essayé de tirer sur une Malboro light, j’ai cru que j’allais mourir d’une overdose…

Lui – Ça nous rappellera notre jeunesse. Et puis je te rappelle que notre premier joint, on l’a fumé ensemble. Est-ce qu’on serait mariés aujourd’hui si on n’avait pas été complètement défoncés quand on s’est rencontrés ?

Elle – Sûrement pas…

Il allume le joint, tire dessus avec avidité, et lui passe.

Lui – Wouha… Ça fait du bien…

Elle tire sur le joint à son tour, et semble également aux anges. Avant que son sourire béat ne se fige soudainement.

Elle – Et si il lui proposait de la drogue…?

Lui – Si il s’appelait Djamel encore… Mais pas Jean-Marie…

Elle – Tu t’appelais Jean-Sébastien, et c’est toi qui m’a fait fumer mon premier joint.

Lui – Ça se terminera peut-être par un mariage… Allez, détends-toi un peu…

Elle – Tu as raison… On n’y peut rien, de toute façon… Il va bien falloir vivre avec…

Lui – Tu veux dire sans…

Le téléphone sonne. Elle tire une autre bouffée du joint, le passe à son mari, et répond avec nonchalance. Pendant qu’il tire à nouveau sur le joint.

Elle (barré) – Ouais… (Se reprenant soudain) Oui, ma chérie, qu’est-ce qui se passe ? Oh, tu m’as fait peur. J’ai cru que vous aviez eu un accident… Mais si, je me rends compte. Mais bon, c’est quand même moins grave qu’un accident de voiture. Tu ne veux pas aller voir le film quand même ? Ça te changera les idées… Je ne sais pas, moi, tu ne veux pas proposer à une copine de t’accompagner…? Mais si, bien sûr, viens. On va en parler. Ok, on t’attend…

Elle raccroche.

Lui – Qu’est-ce qui se passe ?

Elle – Elle s’est fait larguée par Jean-Marie…

Lui – Je ne le sentais pas, ce mec… C’est toi qui avais raison. Jean-Marie, c’est vraiment un prénom à la con…

Elle – Évidemment, elle est bouleversée… Son premier chagrin d’amour…

Lui – Bon, c’est pas si grave… Ce sera pas le dernier… (Lui tendant le joint) Tiens, tire plutôt là-dessus. C’est de la bonne, moi je te le dis…

Elle (ignorant le joint) – Elle arrive… Je suis sa mère… Il faut bien que je la console… Oh, putain, j’ai la tête qui tourne… J’ai envie de vomir… Pourquoi tu m’as fait fumer cette merde…

Il semble complètement barré et sourit comme un idiot.

Lui – Moi ça me fait un bien fou. Tu peux pas savoir…

Elle – Oh, la, la… Et puis ça sent l’herbe dans toute la maison…

Elle essaie de dissiper la fumée avec un magazine. On sonne.

Elle – Oh, non… C’est déjà elle !

Lui – Putain… Il ne pouvait pas attendre après le ciné pour la larguer, le Jean-Marie. Moi qui pensais passer enfin une soirée tranquille, pour une fois…

Elle – Ouais, ben tu vois, c’est pas encore pour tout de suite…

On sonne à nouveau.

Elle – Ouvre les fenêtres pour aérer un peu. Je vais essayer de la retenir un moment sur le palier… (On sonne encore) Oui, oui, j’arrive tout de suite, ma chérie… (Elle se retourne une dernière fois vers lui, qui a encore son joint au coin de la bouche) Et éteins-moi cette saloperie, bon sang !

Elle et Lui, Monologue Interactif

Coup de vieux Lire la suite »

Petit commerce

Elle lit. Il regarde fixement devant lui dans le vide. Elle le remarque.

Elle (surprise) – Qu’est-ce que tu regardes, comme ça  ?

Lui – La télé…

Elle – On n’en a plus !

Lui (soupirant) – Je sais, mais… C’est comme si on m’avait amputé des deux jambes et que j’avais encore des fourmis dans les pieds….

Elle écarquille les yeux, puis se replonge dans son bouquin, avant de se raviser.

Elle – Tiens, c’est bizarre, aujourd’hui, j’ai reçu un appel pour toi sur mon portable…

Lui – Ah oui, excuse-moi, j’ai complètement oublié de te prévenir. J’ai laissé ton numéro sur mon répondeur professionnel, pour qu’on puisse me joindre pendant les vacances…

Elle – Les vacances  ? Mais on ne part que dans une semaine !

Lui – Ben… Comme ça, ils l’auront.

Elle (sidérée) – Mon numéro de portable !  Et en attendant, pendant une semaine, je vais recevoir des appels de tes clients ?

Lui – Je ne sais pas, moi… Tu leur dis qu’ils me rappellent pendant les vacances…

Elle – Ça ne serait pas plus simple que tu t’en achètes un  ?

Lui – Un portable  ? Pfff… Quand je sors, c’est que je veux être un peu tranquille. Je n’ai pas envie qu’on me harcèle…

Elle – Tu préfères que ce soit moi qui reçoive tes coups de fil professionnels  ? J’étais en plein conseil de classe, un type m’appelle pour me demander quand je comptais… Enfin quand tu comptais lui livrer ton article intitulé « Faut-il Légiférer Contre le Port du String à l’Ecole »  ? Tu crois que ça ne me dérange pas, moi  ?

Lui – Tu ne coupes pas ton portable, pendant les conseils de classe  ?

Elle (ironiquement) – Excuse-moi, j’avais oublié… Ecoute, un portable, c’est quelque chose de très personnel. Ça ne se prête pas. Même entre mari et femme. Je ne sais pas, moi… C’est comme une brosse à dents !

Lui – Une brosse à dents  ? Alors là… Si tu veux te servir de ma brosse à dents pendant les vacances, il n’y pas de problème…

Elle – Un ordinateur, si tu préfères ! Tu me prêterais ton ordinateur, toi, si je n’en avais pas  ?

Son silence est éloquent.

Elle – Et après les vacances  ?

Il fait mine de ne pas comprendre.

Elle – Je continuerai à recevoir des appels pour toi ! ? Heureusement que tu n’as rien à cacher…

Lui – Après les vacances, je dirai que je l’ai perdu, ce foutu téléphone. Ou qu’on me l’a volé, tiens ! C’est très courant, les vols de portables.

Elle – Parfait ! Comme ça, si on m’appelle quand même, je me ferai traiter de voleuse… Je te rappelle qu’il est à moi, ce téléphone !

Lui – Si tu y tiens tellement, tu n’as qu’à me le laisser, ton portable. Tu t’en rachèteras un…

Elle – C’est ça ! Et ensuite, les gens qui voudront me téléphoner tomberont sur toi…

Lui – Je leur donnerai ton nouveau numéro, et puis voilà…

Elle – Tu as raison, c’est beaucoup plus simple que d’acheter directement un portable pour toi. (Un temps, soupçonneuse) Ça ne serait pas pour t’éviter cette peine que tu aurais décidé de coloniser le mien, par hasard… ?

Il hausse les épaules, avec une certaine mauvaise foi. Silence.

Lui – Tu sais comment m’a appelé le boucher, ce matin  ?

Elle n’en a visiblement aucune idée.

Lui – « Le p’tit monsieur »… (Imitant le boucher) « Qu’est-ce qui veut, le p’tit monsieur  ? ». C’est la première fois qu’il m’appelle comme ça…

Elle – Mmmm… Oui, c’est l’équivalent masculin de « Qu’est-ce que je lui sers à la p’tite dame  ? ».

Lui – Ça fait peur, non  ? Que le boucher puisse nous voir comme « le p’tit monsieur et la p’tite dame »  ? Heureusement qu’on ne fait pas les courses ensemble. Il serait foutu de nous appeler « le p’tit couple ». (Imitant à nouveau le boucher) « Qu’est-ce qui veut, le p’tit couple  ? ». Là, je crois que je deviens tout de suite végétarien.

Un temps.

Lui – La viande, ça m’a toujours un peu dégoûté, de toute façon. Pas toi  ?

Replongée dans son bouquin, elle ne répond pas. Il poursuit malgré tout.

Lui – Le poulet, à la rigueur… (Un temps) C’est vrai, c’est effrayant, une boucherie, si on y pense. Cette chair sanguinolente étalée partout. Ces carcasses d’animaux entiers dans la chambre froide. Toutes ces vaches innocentes qu’on enferme dans des camps à la campagne, entourés de fil de fer barbelé, parfois même électrifié. En attendant de les conduire à l’abattoir et de les démembrer… Pauvres bêtes. Heureusement, elles, elles ne sont pas au courant de ce qui les attend. Quand je les vois, avec cette espèce de suaire blanc sur la tête, sortir les cadavres de leurs victimes du camion frigorifique en les portant sur leurs dos…

Elle ne réagit toujours pas. Il se tourne à nouveau vers elle.

Lui – Tu savais que les sikhs étaient strictement végétariens  ?

Elle lève enfin le nez de son bouquin.

Elle – Ah, au fait, ce n’est pas la peine de passer au bazar, pour le néon de la salle de bain. J’y suis allée cet après-midi. (Un temps) J’ai croisé la voisine. Elle était en train d’acheter une valise…

Il la regarde sans comprendre. Le portable de la femme sonne.

Elle – Oui… ?

Son visage se fige.

Elle (avec une amabilité affectée) – Non, c’est sa secrétaire, mais ne quittez pas, je vous le passe tout de suite. Qui dois-je annoncer  ? (Lui tendant son portable, excédée) C’est pour toi. Ton copain Marc…

Il prend le téléphone comme si de rien n’était.

Lui – Allo !

Il ne sait pas très bien se servir de l’engin.

Lui – Comment ça marche, ce truc… ?

Elle et Lui, Monologue Interactif

Petit commerce Lire la suite »

La saison des pluies

Il est là, pas très réveillé, ni de très bonne humeur. Elle arrive, pleine d’entrain.

Elle (joyeuse, en regardant vers la salle) – Tu as vu ? Ils sont revenus !

Lui – Qui ? Les spectateurs ?

Elle – Ben oui, pas Les Envahisseurs !

Il la regarde avec un air las.

Elle – J’ai une de ces pêches, moi, ce matin.

Lui – Ah, ouais…?

Elle – J’ai super bien dormi.

Lui – Tant mieux…

Elle – Il y a des jours, comme ça… J’ai dû me lever du bon pied.

Lui – Mmm…

Elle – J’ai une de ces faims ! Pas toi ?

Lui – Non…

Elle – J’ai l’impression d’avoir bouffé des amphétamines. Ça doit être le printemps. Ça ne te fait pas cet effet là, toi ?

Lui – Je ne sais pas… Je n’ai jamais bouffé d’amphétamines…

Elle – Moi, un rayon de soleil, et hop ! Je vois la vie en rose.

Lui – T’as de la chance.

Elle – J’aurais dû naître dans un pays où il fait beau toute l’année.

Lui – Ça existe ?

Elle – Sous les Tropiques !

Lui – Il y a la saison des pluies.

Elle – Ah, ouais…

Lui – Ça dure six mois.

Elle – Tant que ça !

Lui (désignant les spectateurs) – Pourquoi tu crois qu’ils vont tous sur la Costa Brava au mois d’août ? Sous les Tropiques, c’est l’hiver, qu’il fait beau. L’été, il fait un temps pourri.

Elle – Au moins, il fait beau la moitié de l’année, et tu sais quand. C’est mieux organisé qu’ici. Là-bas, tu ne te demandes pas tous les matins si tu dois prendre ton parapluie ou pas. Et quand tu le prends, tu sais que c’est pour six mois.

Lui – En Antarctique, c’est pareil. L’année est divisée en deux. Il fait jour en été, et il fait nuit en hiver.

Elle – Tu as toujours la solution d’hiberner, comme les ours blancs.

Lui – Ouais… Mais maintenant, avec la fonte des glaces… Tu te couches fin octobre, et tu te réveilles le premier avril en train de dériver sur un iceberg au large des Canaries…

Elle soupire.

Elle – Et un pays où il y a 365 jours d’été, avec l’hiver réparti sur les 365 nuits, ça n’existe pas ? On s’en fout qu’il fasse beau la nuit. On dort.

Lui – Existe pas.

Elle – J’aurais dû naître sur une autre planète.

Lui – Parfois, je me demande si ce n’est pas le cas…

Un temps. Ils observent l’horizon.

Elle – On dirait que ça se couvre, non ?

Lui – Tu crois…?

Elle – Regarde ces gros nuages, là-bas. Le vent les ramène vers nous.

Lui – On vit dans un climat tempéré… En langage météo, ça veut dire que le pire est toujours possible. Et même probable, à court terme.

Elle – La météo… Tu as entendu leur dernière trouvaille ? Ils ne parlent plus en degrés Celsius ou Fahrenheit, mais en température ressentie… Ressentie par qui ? Par les frileuses comme moi ou par ceux qui n’ont jamais froid ? Par celles qui ont oublié de mettre un pull ou par ceux qui ont mis leur Damart… Je voudrais bien savoir quel thermomètre mesure ça, la température ressentie…

Lui – C’est comme le moral des Français… Il paraît qu’on a encore perdu deux points cette semaine.

Elle – Ça me déprime.

Lui – Ça y est, il flotte.

Elle – Je préfère ne pas voir ça… Tiens, je vais téléphoner à ma mère, pour savoir s’il fait beau à Toulouse.

Lui – Qu’est-ce que je disais ?

Elle – Quoi ?

Il mime le geste de ET le doigt pointé vers le ciel.

Lui – Téléphoner maison…

Elle et Lui, Monologue Interactif

La saison des pluies Lire la suite »