Le patron attend derrière son comptoir. Un homme genre mafieux ou dealer arrive et s’installe au bar.
Le patron – Qu’est-ce que ce sera ?
L’autre – Un déca. Allongé. Avec une goutte de lait, s’il vous plaît.
Le patron jette un regard au client, dont l’aspect ne cadre pas bien avec sa commande.
Le patron – Je vais voir ce que je peux faire…
Il lui prépare son café.
L’autre – C’est dangereux, cette rue. J’ai failli me faire écraser par un bus.
Le patron – Oui… Une femme s’est fait renverser hier…
L’autre – C’est grave ?
Le patron – Elle est morte… Enfin, c’est tout comme.
L’autre – Vous la connaissiez ?
Le patron – C’était une cliente… Elle sortait juste de chez moi, et d’après les analyses, elle avait trois grammes d’alcool dans le sang.
L’autre – Dans votre métier comme dans le mien, les clients, il vaut mieux pas trop s’attacher.
Le patron – Vous êtes nouveau dans le quartier ?
L’autre – Je suis de passage.
Le patron – On est tous de passage sur la Terre…
L’autre – J’ai peur que le mien se termine plus tôt que prévu.
Le patron – Si vous faites bien attention en traversant la route...
L’autre – Je sors de l’hôpital. J’attends une greffe de cœur…
Le patron – Ah vous aussi…
L’autre – Pardon ?
Le patron – Non rien, une histoire que j’ai entendue… J’espère que vous êtes tombé sur le bon chirurgien…
L’autre – Oui…
Le patron pose le café sur le comptoir.
Le patron – Tenez, votre déca-noisette.
L’autre – Ça marche, les affaires ?
Le patron – C’est calme. Et vous ?
L’autre – Moi aussi… C’est plutôt calme en ce moment…
Le patron – Vous êtes dans quelle branche ?
L’autre – Trafic de drogue. Héroïne, plutôt.
Le patron – Ah oui… Donc vous savez ce que c’est que de perdre un client.
L’autre – Heureusement que les dons d’organes sont anonymes, parce que je ne sais pas qui voudrait bien donner son cœur à un dealer.
Le patron – Ou à un buraliste.
L’autre – Vous avez raison. Finalement, on fait un peu le même métier, tous les deux…
Le patron – Mmm…
L’autre – Ils viennent de rentrer un donneur, à l’hôpital.
Le patron – C’est votre jour de chance, alors.
L’autre – Je ne sais pas… On est deux sur l’affaire.
Le patron – Ah…
L’autre – Vous me donneriez votre cœur, vous ? Si vous étiez mort, je veux dire… Et sachant ce que je fais.
Le patron – Pourquoi pas ? Entre dealers, si on ne se serre pas un peu les coudes.
L’autre – J’ai promis une valise de billets à mon chirurgien s’il me trouvait un palpitant tout neuf. Des billets usagers et en petites coupures. Vous croyez que ça peut aider ?
Le patron – Ça dépend du chirurgien, j’imagine.
L’autre – Celui-là a la réputation de sauter sur tout ce qui bouge.
Le patron – Je vois… Je vous remets un déca-noisette ? C’est ma tournée.
L’autre – Allez… On ne vit qu’une fois…
Le patron – Et si votre cœur lâche en sortant, ce ne sera pas à cause de ce que vous aurez bu ici…