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Ça va

Deux personnages sont là, le deuxième semble perdu dans ses pensées.

Un – Ça va ?

Deux – Ça va.

Un – Ça n’a pas l’air d’aller.

Deux – Si, si, ça va… C’est juste que…

Un – Quoi ?

Deux – Tu vas me prendre pour un fou…

Un – Dis toujours.

Deux – Tu connais cette phrase : il ne lui manque plus que la parole.

Un – Oui.

Deux – Eh bien ce matin, mon chien m’a parlé.

Un – Et qu’est-ce qu’il t’a dit ?

L’autre lui lance un regard surpris.

Deux – Qu’est-ce qu’il m’a dit ?

Un – Oui.

Deux – Je te dis que mon chien parle, et toi tu me demandes ce qu’il dit ?

Un – Ben oui.

Deux – Euh… Le scoop, c’est que j’ai un chien qui parle, ce n’est pas ce qu’il dit, non ?

Un – Qu’est-ce que tu voulais que je te réponde, alors ?

Deux – Je ne sais pas, moi. Tu aurais pu de me dire… non mais c’est une blague, un chien ça ne parle pas.

Un – Excuse-moi.

Deux – Tu es vraiment prêt à croire n’importe quoi, toi.

Un – Donc ce n’est pas vrai.

Deux – Si ! C’est absolument vrai !

Un – Bon… Donc je répète ma question: qu’est-ce qu’il a dit ? Je serais curieux de savoir ce que les chiens pourraient bien avoir à nous dire.

Deux – Ce n’était pas une déclaration officielle, non plus. C’était juste une… banale conversation entre mon chien et moi.

Un – Une banale conversation ? À propos de quoi ?

Deux – Eh bien, j’avais commencé à lui dire que…

Un – Parce que tu parles à ton chien ?

Deux – Évidemment ! Tout le monde parle à son chien. Tu ne parles pas à ton chien, toi ?

Un – Je n’ai pas de chien. Il m’arrive de me parler à moi-même, comme tout le monde, mais… Donc tu parlais à ton chien. Et qu’est-ce que tu lui disais, au juste ?

Deux – Je lui disais… Je ne me souviens plus des mots exacts, mais… c’était à propos de sa pâtée.

Un – Sa pâtée ?

Deux – Oui, je lui donnais sa pâtée, comme tous les jours, et à un moment donné, j’ai dû lui dire quelque chose comme… alors elle est bonne la pâtée du chienchien ?

Un – Alors elle est bonne la pâtée du chienchien ?

Deux – Oui…

Un – Et alors ?

Deux – Alors il a répondu… « ça va ».

Un – « Ça va ? »

Deux – « Ça va ». Ça voulait dire j’imagine, ça va, elle n’est pas trop mauvaise.

Un – Et après ?

Deux – Après… il a mangé sa pâtée.

Un – C’est tout ce qu’il a dit ?

Deux – C’est déjà pas mal, non ?

Un – Tout de même. C’est un chien qui n’a pas beaucoup de conversation, non ?

Deux – Ouais.

Un – Et tu es sûr d’avoir bien entendu.

Deux – Je t’assure, il a dit « ça va ».

Un – Et depuis il n’a plus rien dit ?

Deux – Rien.

Un – D’un autre côté… si il a dit que ça allait.

Deux – Ouais.

Un – Tu devrais peut-être essayer de lui poser une question moins con, pour voir.

Deux – Comme quoi ?

Un – Je ne sais pas moi…

Deux – Je pourrais lui dire… il fait beau, aujourd’hui, non ?

Un – J’avais dit une question moins con…

Deux – Je ne vais quand même pas lui demander ce qu’il pense des élections américaines ! Ce n’est qu’un clebs, après tout.

Un – Je me demande si le plus simple, ce ne serait pas d’arrêter de lui parler.

Deux – Ouais, peut-être. Mais ça va me manquer de ne plus parler à mon chien. Jusque là je lui parlais, il ne répondait pas. Ça m’allait très bien comme ça.

UnL’interlocuteur idéal, quoi.

DeuxEt puis j’avoue que j’ai un peu peur.

Un – Peur ? De quoi ?

Deux – De ce qu’il pourrait me dire.

Un – Comment ça ?

Deux – C’est un clébard ! Il y a peut-être des choses que les clébards savent et que nous on ne sait pas.

Un – Des choses ? Quoi, par exemple ?

Deux – Je ne sais pas ! Si je le savais, ça ne me foutrait pas les jetons…

Un – Bon ben… oui. Tu n’as qu’à arrêter de lui parler.

Deux – Ouais… mais il va penser que je lui fais la gueule. Non, franchement, je ne sais plus comment m’en sortir, avec ce chien. Je ferais peut-être mieux de m’en débarrasser.

Un – T’en débarrasser ? Tu veux dire…

Deux – Tu as raison, je ne peux pas faire ça. Abandonner un chien sur une aire d’autoroute, c’est déjà une très mauvaise action, mais alors un chien qui parle…

Un – Ouais…

Deux – Enfin, ça m’a fait du bien de t’en parler.

Un – Tant mieux…

Deux – À plus tard, alors.

Un – C’est ça.

Il sort. L’autre reste un instant pensif, avant de s’adresser au public.

Un – Ouaf ! Ouaf, ouaf ! Ouaf, ouaf, ouaf !

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Évasion

Deux personnages dans une cellule de prison.

Un – Ça fait combien de temps que tu es en prison, toi ?

Deux – Ça fera dix ans le 25 décembre.

Un – Le 25 décembre ? T’avais buté le Père Noël pour lui braquer sa hotte ?

Deux – Presque… J’ai buté le Père Fouettard pour qu’il arrête de me filer des gnons…

Un – Et tu as pris perpète pour ça ?

Deux – Les juges aussi ont des enfants. Ça leur file les jetons, les gosses qui butent leur paternel pour des raisons aussi futiles.

Un – Celui qui t’a condamné devait battre ses gosses aussi. Ou pire…

Deux – J’aurais dû le faire deux ans plus tôt. J’étais encore mineur, la peine aurait été moins lourde.

Un – Réfléchir trop longtemps, ce n’est jamais bon.

Deux – Et toi ?

Un – Moi ? Je ne sais plus…

Deux – Tu ne sais plus pourquoi tu es là ou tu sais plus depuis quand ?

Un – Pourquoi, je préfère oublier. Et depuis quand… Au bout de vingt ans, j’ai arrêté de compter.

Deux – Je commence à me demander si on nous libérera un jour.

Un – Je ne suis pas sûr d’avoir encore envie de sortir.

Deux – Pourquoi tu dis ça ?

Un – Après toutes ces années au placard… Dehors, on ne reconnaîtra plus rien. Ni personne.

Deux – Et personne ne nous reconnaîtra plus.

Un – Le dernier café que j’ai pris à un comptoir de bistrot, je l’ai payé en francs, tu te rends compte ?

Deux – C’est comme si on était morts depuis tout ce temps. Enterrés vivants. Un jour, on nous replongera brusquement dans la vie. Ce sera comme une deuxième naissance.

Un – Mais au lieu d’être des nouveaux-nés, avec des parents pour s’occuper de nous, on sera des vieillards, sans personne pour nous tenir la main.

Deux – Comme des poissons qu’on replonge dans la mer et qui ne savent plus nager. Parce qu’ils sont restés trop longtemps hors de l’eau.

Un – C’est con, ce que tu dis… Hors de l’eau, de toute façon, ils meurent asphyxiés, les poissons.

Deux – Ouais… Je me sens comme un poisson dans l’air.

Un – On a fini en taule parce qu’on était inadaptés à la vie en société. Est-ce qu’après trente ans de placard on sera plus adaptés qu’avant ?

Deux – On n’a pas fait les bons choix, c’est tout. Qu’est-ce que tu voulais faire, toi, quand tu étais gosse ?

Un – Quand on jouait aux gendarmes et aux voleurs, je voulais toujours être gendarme. Je ne sais pas où ça a merdé. Et toi ?

Deux – Moi je voulais être astrophysicien. Mais j’étais trop bête.

Un – C’est quoi astrophysicien ?

Deux – Les étoiles, les planètes, tout ça.

Un – Ah ouais… L’astrologie, quoi. Tu es de quel signe toi ?

Deux – Poisson.

Un – Ah ouais…

Deux – Qu’est-ce que tu en penses, toi ? Tu crois qu’on est seuls dans l’univers ?

Un – En tout cas, on est seuls au monde. Alors qu’est-ce que ça peut nous foutre, s’il y a des martiens ou pas ?

Deux – On a pris perpète. Une invasion extraterrestre, il n’y a plus que ça qui pourrait nous sauver, non ?

Un – Ouais.

Deux – À la Révolution, on a pris la Bastille, et on a libéré les prisonniers.

Un – Alors c’est ça, ton plan d’évasion ?

Deux – Tu en as un autre ?

Un – Tu as raison, les Martiens, c’est le seul espoir qui nous reste.

Deux – Malheureusement, je n’ai pas encore trouvé le moyen d’entrer en contact avec eux.

Un temps.

Un – Et à supposer qu’ils existent, les Martiens, et que t’arrives à leur envoyer un message. Qu’est-ce que tu vas leur dire pour les convaincre de venir nous libérer ?

Deux – Je ne sais pas… Tu as une idée toi ?

Un – Ça dépend… À ton avis, les extraterrestres, ils sont du côté des gendarmes ou des voleurs ?

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Rayon surgelés

Un personnage arrive. Il regarde autour de lui, un peu perdu. Puis il se met à pleurer. Un autre personnage arrive.

Un – Eh ben alors ? Qu’est-ce qui vous arrive ?

Deux – J’ai perdu ma femme…

Un – Je suis vraiment désolé. Toutes mes condoléances.

L’autre cesse immédiatement de pleurer.

Deux – Non, mais elle n’est pas morte.

Un – Ah non…?

Deux – C’est juste que… j’étais en train d’essayer des chaussures, elle était là à côté de moi et… l’instant d’après, elle avait disparu.

Un – D’accord, donc… vous avez perdu votre femme.

Deux – Oui, c’est ce que je vous disais.

Un – Mais elle est encore vivante.

Deux – Oui, enfin je crois…

Un – Raison de plus pour ne pas pleurer.

Deux – Oui, mais… elle était là à côté de moi et… l’instant d’après, elle avait disparu.

Un – Elle ne s’est pas volatilisée, tout de même ! Les gens ne disparaissent pas comme ça.

Deux – Je vous l’ai dit ! Elle était là à côté de moi et…

Un – L’instant d’après, elle avait disparu… Oui, j’ai compris.

L’autre regarde autour de lui, complètement déboussolé.

Deux – Disparu… Elle a disparu…

Un – On va la retrouver, ne vous inquiétez pas… Vous voulez que je vous accompagne jusqu’à l’accueil ? Ils accepteront sûrement de passer un message.

Deux – Quel genre de message ?

Un – Vous vous appelez comment ?

Deux – Antoine.

Un – Genre… le petit Antoine attend sa femme à l’accueil.

Deux – Ou alors, elle a décidé de me quitter.

Un – Vous êtes mariés depuis combien de temps.

Deux – Trente ans.

Un – Et au bout de trente, ça lui prendrait subitement, comme ça, de vous quitter ? Au beau milieu d’un supermarché, elle vous plante là, et elle part avec le caddy.

Deux – Mon Dieu, le caddy, c’est vrai ! Il a disparu aussi…

Un – Il était vide ou il était plein ?

Deux – Vide, je crois.

Un – Dans ce cas, elle n’est sûrement pas partie bien loin… Quels sont les derniers mots que votre femme vous a dit ?

Deux – Attendez que je réfléchisse… Ah oui, ça y est, ça me revient. Elle m’a dit très exactement : on se retrouve au rayon surgelés.

Un – Dans ce cas, vous devriez aussi envisager une autre possibilité.

Deux – Laquelle ?

Un – Qu’elle vous attende au rayon surgelés.

Deux – Vous croyez ?

Un – Je vois mal une femme quitter son mari après trente ans de mariage et lui dire en guise d’adieu : on se retrouve au rayon surgelés. Sans avoir l’intention de s’y rendre…

Deux – Vous avez raison, je vais aller voir là-bas. Merci ! Merci, vraiment…

Il s’apprête à partir. On entend alors un message off.

Voix off – La petite Josiane attend son mari au rayon bricolage.

Deux – Vous croyez que ça pourrait être elle ?

Un – Comment s’appelle votre femme ?

Deux – Josiane.

Un – Vous devriez aller voir…

L’autre s’en va, mais revient aussitôt.

Deux – C’est où, le rayon bricolage ?

Un – Je vais vous accompagner…

Pour de vrai et pour de rire

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L’or et l’argent

Deux personnages, visiblement désœuvrés.

Un – Qu’est-ce qu’on disait, déjà ?

Deux – Rien…

Un – Ah oui… (Nouveau silence) Sinon, toi, ça ?

Deux – Ça va… Et toi ? Tu as l’air soucieux…

Un – Non, non, c’est juste que…

Deux – Quoi ?

Un – Je ne sais plus quoi faire de mon fric.

Deux – Tu en as tant que ça ?

Un – Je ne sais pas…

Deux – En tout cas, tu es riche.

Un – À partir de combien on est riche ?

Deux – À partir du moment où on ne sait plus quoi faire de son fric, j’imagine.

Un – Alors il faut croire que je suis riche.

Deux – Tu n’as vraiment plus besoin de rien ?

Un – J’ai déjà tout ce qu’il me faut. Je suis à l’abri du besoin, comme on dit.

Deux – Et il n’y a plus rien qui te fasse envie ?

Un – Malheureusement, avec l’âge, on a de plus en plus d’argent et de moins en moins d’envies.

Deux – Achète quelque chose de beau.

Un – Quelque chose de beau ?

Deux – Des œuvres d’art. En plus, c’est défiscalisé.

Un – Quoi par exemple ?

Deux – Les tableaux, c’est ce qui prend le moins de place…

Un – C’est fragile, les tableaux, non ?

Deux – C’est sûr. Tu n’as qu’à acheter des sculptures, alors. Le marbre, ça ne vieillit pas.

Un – Je me demande si je ne vais pas acheter des lingots, plutôt.

Deux – Des lingots ?

Un – Des lingots d’or.

Deux – Tu ne sais plus quoi faire de ton argent, alors avec ton argent, tu vas acheter de l’or ?

Un – C’est plus solide que les tableaux, non ? Ou même que le marbre. L’or, c’est indestructible.

Deux – Oui, mais les tableaux ou les sculptures, tu peux les regarder.

Un – Les lingots aussi, tu peux les regarder.

Deux – Tu crois ?

Un – Je n’en ai jamais vu en vrai, des lingots d’or. Si j’en avais, je suis sûr que j’aimerais bien les regarder.

Deux – Ouais…

Un – Si tu avais des lingots, tu n’aimerais pas les regarder, toi ?

Deux – Si, sûrement…

Un – Ouais… Des lingots, pourquoi pas…

Deux – Sinon… tu pourrais en donner un peu, de ton argent.

Un – En donner ? À qui ?

Deux – Je ne sais pas, moi… À ceux qui en ont moins que toi.

Un temps.

Un – Tu as moins d’argent que moi, toi ?

Deux – Je ne sais pas.

Un – Je crois que je vais acheter des lingots.

Deux – OK.

Un – Si tu veux, tu pourras les regarder avec moi.

Deux – Merci.

Pour de vrai et pour de rire

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Une tapette

Deux personnages, qui ressemblent à des clochards mais qui pourront avoir des masques de souris, regardent fixement devant eux.

Un – Tu vois ce fromage, là-bas.

Deux – Je ne vois que ça depuis tout à l’heure.

Silence.

Un – Pourquoi on ne s’est pas encore précipités dessus ?

Deux – Je ne sais pas. Je me méfie.

Un – Moi aussi.

Deux – C’est trop beau pour être vrai.

Un – Il est un peu trop frais, ce fromage.

Deux – Il a l’air de sortir directement du frigo.

Un – Il ne ressemble pas aux morceaux de fromage qu’on trouve par terre ou dans les poubelles.

Deux – Dans les poubelles, c’est seulement des croûtes.

Silence.

Un – Et puis c’est quoi ce truc ?

Deux – Quel truc ?

Un – Ce bout de fromage, il est posé sur une petite planche.

Deux – Ah oui… J’étais tellement fasciné par le fromage que je n’avais pas remarqué la planchette.

Un – Une petite planche, avec une petite barre en métal jaune.

Deux – Jaune comme de l’or.

Un – Oui.

Deux – Ça brille, c’est joli.

Un – Qu’est-ce que ça peut bien être ?

Deux – Un plateau à fromage ?

Un – D’habitude on doit se contenter des miettes sous la table, et là on nous sert ça sur un plateau.

Deux – Qu’est-ce qu’on attend pour y aller ?

Un – En même temps, il n’est pas bien gros ce morceau de fromage. Il n’y en aura pas pour deux.

Deux – Ouais…

Un – Vas-y, je te le laisse.

Deux – Je ne sais pas… Et si c’était un piège ?

Un – On ne va quand même pas le laisser perdre, ce serait dommage.

Deux – Je crois que je vais me laisser tenter.

Un – Après tout… on ne vit qu’une fois.

Deux – J’y vais…

Noir. Bruit sec du piège qui se déclenche. Lumière. Il n’y a plus sur scène que le deuxième personnage.

Un – Ouais, on ne vit qu’une fois… Et encore, pas toujours très longtemps. Enfin… maintenant je vais pouvoir le récupérer, ce morceau de fromage…

Pour de vrai et pour de rire

 

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Le piège

Deux personnages se font face.

Un – Alors c’est décidé, tu veux te débarrasser d’elle ?

Deux – Je ne vois pas d’autres solutions. J’ai tout essayé, je t’assure.

Un – On parle de tuer, là. Il n’y a pas de retour en arrière. C’est définitif.

Deux – Je sais.

Un – Tu te sens de vivre avec ça sur la conscience pendant le restant de tes jours ?

Deux – J’en assume la responsabilité, mais je ne suis pas capable de le faire. Tu serais d’accord pour t’en occuper ?

Un – Ce ne sera pas gratuit, évidemment.

Deux – Évidemment.

Un – Quand on ne veut pas se salir les mains, il y a un prix à payer.

Deux – Combien ?

Un – Je te ferai un prix d’ami, rassure-toi.

Deux – OK. Et comment est-ce que tu comptes t’y prendre ?

Un – Tu es sûr de vouloir le savoir ?

Deux – Je préférerais qu’elle ne souffre pas.

Un – Je vais lui tendre un piège.

Deux – Bon… Si tu crois que c’est le plus efficace…

Un – Tu pensais à quoi ? Une arme à feu ?

Deux – Je ne sais pas…

Un – J’ai mes principes, moi aussi. Avec une arme, ce serait vraiment un crime. Le piège, c’est une sorte de compromis entre l’accident et le meurtre. Entre le suicide involontaire et l’homicide hasardeux.

Deux – Pourtant le piège implique bien une intention de tuer…

Un – Oui, mais il requiert aussi le concours de la victime. Si ce n’est son approbation tacite, du moins sa participation fortuite.

Deux – Vraiment ?

Un – Quand on tire sur quelqu’un avec un revolver, on ne lui laisse aucune chance. Avec un piège, la victime a toujours la possibilité de l’éviter. Le meurtrier fait la moitié du chemin, et la victime l’autre moitié.

Deux – À son insu.

Un – En tout cas inconsciemment.

Deux – Bon… Et c’est quoi, ton piège, exactement ?

L’autre sort de sa poche une tapette à souris et lui montre.

Un – Ça.

Deux – Une tapette à souris ?

Un – En plus grand, évidemment.

Deux – Et c’est toi qui vas la construire ?

Un – Ce n’est pas une technologie très sophistiquée, non plus. Si tu respectes les proportions.

Deux – Bon…

Un – Évidemment, il y aura quelques frais en plus…

Deux – Et tu comptes l’attirer avec quoi ? Pas avec du fromage, j’imagine…

Un – Ça dépend… C’est quel genre de souris ?

Deux – Le genre souris de luxe.

Un – Dans ce cas, il y aura aussi un petit supplément pour l’appât.

Deux – Bon… Du moment que tu m’en débarrasses.

Pour de vrai et pour de rire

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La fête des morts

Une tombe, avec un portrait du défunt et une plaque « À la mémoire de Jacky ». Par terre un vieux journal. Deux personnages arrivent l’un après l’autre, chacun avec un pot de fleurs, qu’ils déposent maladroitement devant la tombe. Ils semblent ne pas se connaître, et ils ont l’air embarrassés. Silence.

Un – Toutes mes condoléances.

Deux – Merci…

Un – Vous êtes de la famille, sans doute…?

Deux – Euh… non, pas vraiment. Et vous ?

Un – Moi non plus.

Ils regardent autour d’eux pour vérifier qu’ils sont bien seuls.

Deux – On est peut-être en avance.

Un – Oui…

Deux – Ou en retard.

Un – C’est étonnant qu’on soit si peu nombreux.

Deux – Pourtant… c’était quelqu’un de très apprécié.

Un – Oui.

Deux – Vous le connaissiez ? Enfin, je veux dire… vous le connaissiez bien ?

Un – Pas plus que ça, en fait… Et vous ?

Deux – Moi non plus. D’ailleurs, je vous avoue que je ne sais pas très bien ce que je fais là.

Un – C’est toujours un peu ce qu’on se dit quand on assiste à un enterrement, non ?

Deux – Oui… On vient pour faire plaisir et puis… on finit par se demander ce qu’on fait là.

Un – Pourtant, je m’étais bien juré de ne plus assister à aucun enterrement.

Deux – Oui, moi aussi… Sauf le mien, évidemment.

Un – On a quand même bien fait de venir… sinon il n’y aurait eu personne.

Un temps.

Deux – C’est bien triste…

Un – Ce n’est pas un âge pour mourir, c’est sûr.

Deux – Il avait quel âge, exactement ?

Un – Exactement… je ne sais pas. Mais il n’était pas si vieux que ça, non ? D’après sa photo, en tout cas…

Deux – C’est peut-être une vieille photo.

Un – Peut-être… Vous avez remarqué ? Quand on met une photo sur une tombe, en général, on choisit une photo du défunt quand il était encore jeune et en bonne santé.

Deux – C’est vrai. Une photo de lui avant sa maladie ou… son accident.

Un – Ou… sa décrépitude.

Un temps.

Deux – D’ailleurs, il est mort de quoi, au juste ?

Un – Ah, je ne sais pas…

Deux – Ce qu’on sait, c’est qu’il est mort.

Un – C’est même la seule chose qu’on sait de lui avec certitude.

Silence.

Deux – Elles sont très belles, vos fleurs.

Un – Les vôtres aussi.

Deux – Ce sont les mêmes, non ?

Un – On a dû les trouver au même endroit.

Deux – Oui…

Un – J’ai trouvé les miennes sur une tombe, pas très loin d’ici. Je n’avais pas pensé à acheter des fleurs alors… j’ai pris celles-ci en passant.

Deux – Ah, oui…

Un – Et vous ?

Deux – Pareil. Je n’avais pas d’argent sur moi… Je les ai ramassées sur une tombe, un peu plus loin, là-bas.

Un – Les fleurs, c’est devenu tellement cher, de nos jours.

Deux – Et puis bon, celui à qui on les a volées n’ira pas se plaindre à la police.

Le regard de l’autre tombe sur le journal, par terre.

Un – Je ne sais pas ce qu’il fait là, ce journal… Ils auraient pu le ramasser…

Il ramasse le journal et regarde la une.

Deux – Il n’est pas très bien entretenu, ce cimetière. Je ne sais pas s’il y a un gardien. N’importe qui peut voler des fleurs sur la tombe d’un inconnu.

Un – Tiens c’est curieux, il y a sa photo en première page…

Deux – Sa photo ?

Un – C’est au sujet de sa disparition…

Deux – Et alors ? Il est mort comment ?

L’autre parcourt l’article.

Un – Un carambolage, apparemment.

Deux – Ah oui…?

Un – Il avait trois grammes d’alcool dans le sang, il roulait trop vite, il a franchi une ligne jaune, et il a pris de plein fouet la voiture qui venait en face.

Deux – Ah merde.

Un – Celle qui venait juste derrière n’a pas eu le temps de freiner non plus.

Deux – Plusieurs victimes, donc…

Un – Avec lui, ça fait trois.

Deux – Tout ça à cause d’un chauffard…

Un – Si j’avais su… je ne suis pas sûr que je serais venu.

Deux – Non, moi non plus…

Un – Mais est-ce qu’on avait le choix ?

Ils échangent un regard énigmatique. Nouveau silence. Un troisième personnage apparaît.

Deux – Ah… voilà quelqu’un d’autre.

Un – La famille, sans doute.

Le troisième personnage s’approche. C’est celui dont on voit le portrait sur la tombe.

Deux – Ça doit être son frère, il lui ressemble un peu.

Trois – Bonjour… Merci d’être là… Enfin, je veux dire…

Deux – Non, non… C’est normal.

Ils se recueillent un instant en silence.

TroisVous ne m’en voulez pas trop, j’espère…

Les deux autres échangent un regard étonné.

UnPourquoi est-ce qu’on vous en voudrait? Ce n’est pas vous qui l’avez tué, j’imagine…

TroisNon bien sûr… Encore que, d’une certaine façon…

UnAh oui…?

TroisEn tout cas, merci pour les fleurs.

DeuxIl n’y a pas de quoi, je vous assure…

UnC’est la moindre des choses… (Un temps) Vous êtes… Enfin vous étiez…

Deux – Vous le connaissiez bien…?

Le troisième personnage semble un peu surpris.

Trois – Oui, on peut dire ça.

Deux – C’est vraiment trop bête de partir comme ça… Aussi jeune…

Trois – Oui…

Un – Sans parler des deux autres victimes, qui n’avaient rien demandé à personne.

Deux – L’alcool au volant, quel fléau… On ne le dira jamais assez…

Malaise.

Trois – Enfin, maintenant, on ne peut rien y changer, alors à quoi bon se lamenter ? (Un temps) Je vous sers quelque chose ?

Un – Pardon ?

Trois – Un rafraîchissement ? Une coupette…

Moment de flottement.

Deux – Va pour une coupette. Après tout, ça nous remontera un peu le moral…

Trois – Et puis maintenant, qu’est-ce qu’on risque ?

Le troisième personnage repart.

Un – Pourquoi pas…? Ça se fait de boire un verre à la santé du défunt, non ?

Deux – Vous voulez dire à sa mémoire, sans doute. Parce que boire à la santé d’un mort…

Un – Oui, bien sûr…

Deux – Et puis généralement, on ne trinque pas directement sur sa tombe, si ?

Un – Je crois qu’ils font ça, au Mexique, le jour de la Fête des Morts.

Deux – C’est vrai… mais on n’est pas au Mexique.

Un – Et puis ce n’est pas la Fête des Morts.

Deux – Vous êtes sûr ?

Un – De quoi ?

Deux – Que ce n’est pas la Fête des Morts.

Un – Je ne sais pas…

Deux – En tout cas, on n’est pas au Mexique… Si…?

Silence. Le troisième revient avec trois coupes de champagne sur un plateau, qu’il tend aux autres avec un large sourire. Il tient dans l’autre main une bouteille de champagne, qu’il pose sur la tombe.

Trois – Allez-y, je vous en prie…

Chacun prend une coupe.

Deux – Merci.

Ils semblent tous un peu embarrassés.

Un – Bon, alors à la mémoire de… (Vérifiant sur la plaque) Jacky.

Trois – C’est ça.

Ils lèvent leurs verres, avant de les vider.

Deux – Il est bien frais.

Un – Oui, c’est du bon.

Le deuxième saisit la bouteille et regarde l’étiquette, intrigué.

Deux – Madame Clicquot…?

Trois – Ici, les veuves, ça n’existe plus… Au cimetière, tous les couples finissent par se retrouver un jour ou l’autre.

Un – Bien sûr…

Moment de flottement. Ils boivent à nouveau.

Trois – Ce serait encore meilleur avec des canapés, non ?

Deux – Ne vous dérangez pas, on va rester debout.

Un instant déconcerté, le troisième affiche ensuite un large sourire.

Trois – Ah oui ! Non, je voulais dire, des canapés…

Deux – Oui, j’avais compris… Je plaisantais…

Trois – Je vais les chercher…

Le troisième sort à nouveau, en emportant le plateau.

Un – Des canapés… C’est dingue, non ?

Deux – Oui…

Un – Qu’est-ce qu’il a voulu dire avec son histoire de veuve ?

Deux – Je ne sais pas…

Un – Remarquez, c’est sympa, cet enterrement, non ?

Deux – Oui, ça ressemble un peu à un barbecue entre amis.

Un – Sauf que personne ne se connaît.

Deux – Je n’ai pas bien compris qui c’était… Je veux dire, par rapport au défunt.

Nouveau silence. Il regarde la tombe, et donc le portrait.

Un – Il lui ressemble un peu, non ?

Deux – Je dirais même qu’il lui ressemble beaucoup…

Un – Vous croyez que c’est lui ?

Deux – Comment ça pourrait être lui ? Il est mort…

Un – Je ne sais pas.

Le troisième revient avec cette fois des canapés sur son plateau.

Trois – Et voilà ! Je vous en prie, servez-vous…

Un – Merci.

Ils se servent chacun leur tour.

Deux – Je crois que je vais goûter celui-là.

Un – Oui, ils sont très bons.

Deux – Et puis c’est original, ces canapés, en forme de…

Un – En forme de cercueils.

Trois – Je me suis dit que pour cette occasion…

Deux – Oui…

Ils mâchent leurs canapés.

Un – Ça donne soif…

Trois – Je vais chercher sa petite sœur…

Deux – Sa petite sœur ?

Trois – Une autre bouteille !

Un – Ah, oui…

Il sort à nouveau. Les autres regardent le portrait.

Deux – C’est vraiment lui, non ?

Un – On dirait bien.

Deux – Alors il ne serait pas mort ?

Un temps.

Un – Ou alors, c’est qu’on est morts aussi.

Deux – Oui…

Ils échangent un regard embarrassé.

UnExcusez-moi un instant… (Il s’éloigne un moment et revient) C’est dingue…

Deux – Quoi ?

Un – Il y a la mienne aussi…

Deux – La vôtre ?

Un – Ma tombe.

Deux – Vous êtes sûr ?

Un – Il y a mon nom gravé sur la pierre tombale.

Deux – Ah, oui…

Un – Et puis il y a mon portrait. Quand j’étais plus jeune…

Deux – C’est laquelle ?

L’autre lui désigne une tombe du doigt.

Un – C’est la tombe sur laquelle j’ai pris ce pot de fleurs. Je n’avais pas fait attention…

Silence.

Deux – Dans ce cas… il y a sûrement la mienne aussi.

Un – Possible… (Un temps) Donc, ce n’est pas… un pot de départ.

Deux – Ce serait plutôt un pot de bienvenue.

Un – Pour ne pas dire une pendaison de crémaillère.

Silence.

Deux – Vous vous en souvenez, vous ?

Un – De quoi ?

Deux – Ben… Comment on est morts…

Un – Je ne suis pas sûr, mais…

Il reprend le journal et regarde à nouveau l’article.

Deux – Qu’est-ce qu’il y a ?

Un – Il y a une photo de l’accident.

Deux – Et alors  ?

Un – Les bagnoles ne sont plus que des tas de ferraille mais… je me demande si je ne reconnais pas ma Twingo rouge, là…

Deux – Faites voir… (Il prend le journal et regarde.) Ah oui… je n’aurais pas reconnu la mienne, mais… c’est bien ma plaque d’immatriculation.

Un – Alors dans les voitures d’en face, c’était nous…

Deux – Apparemment…

Un temps.

Un – Et il espère se faire pardonner avec son champagne Madame Clicquot…

Deux – Et ses petits fours en forme de cercueils.

Un – Il ne manque pas de culot…

Deux – Je vais le tuer.

Un – Il est déjà mort.

Deux – Et nous aussi…

Le troisième revient, un large sourire sur les lèvres, et une autre bouteille de champagne à la main.

Trois – Je vous ressers ?

Les deux autres lui lancent un regard assassin.

Pour de vrai et pour de rire

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Opération du Saint-Esprit

Un homme, assis sur un lit. Il se lève, une valise à la main. Une femme arrive en combinaison façon extraterrestre.

Femme – Bonjour mon chéri.

Homme – Mais, je ne comprends pas… Où est passé la…

Femme – La Faucheuse ? Je l’ai envoyée nous chercher deux cafés au distributeur. Je ne pensais pas que ce serait aussi facile de s’en débarrasser. Mais nous n’avons pas de temps à perdre…

Homme – Alors c’était vrai ? Je suis vraiment marié ?

Femme – Aussi vrai que je suis une extraterrestre.

Homme – Mais enfin… comment est-ce possible ?

Femme – C’est une histoire un peu compliquée… En fait c’est ma mère qui… Mais je te raconterai ça pendant le voyage.

Homme – Quel voyage ?

Femme – Je vais t’emmener sur la planète d’où je viens.

Homme – Et alors, qu’est-ce qui va se passer ?

Femme – Crois-moi, nos hôpitaux sont beaucoup plus performants que celui-ci.

Homme – Et j’imagine qu’il n’y a aucun risque d’y croiser un interne roumain.

Femme – Aucune.

Il jette un regard autour de lui.

Homme – Et on ne reviendra jamais ici ?

Femme – Ne me dis pas que tu regretteras cet endroit.

Homme – Je commençais à m’habituer.

Femme – Si tu préfères attendre que la Faucheuse revienne du Service de Psychiatrie avec son thermos et sa faux en plastique. Après tout, tu as déjà reçu l’extrême-onction. Tu peux tenter le coup avec le curé…

Homme – Je n’ai pas trop confiance… Le pari de Pascal… Je n’ai jamais eu de chance avec les paris. D’ailleurs je n’ai jamais eu de chance en général. Même l’opération de la dernière chance, je l’ai ratée, alors l’opération du Saint-Esprit.

Femme – Tu préfères t’en remettre à une extraterrestre ?

Homme – Si elle ressemble à ma femme, pourquoi pas ? Donc on ne reviendra jamais…

Femme – Si, un jour peut-être. Mais pas tout de suite.

Homme – Dans très longtemps, tu veux dire ?

Femme – Le temps… C’est ça qu’il va falloir oublier… Maintenant, il faut y aller, je vois l’autre qui s’impatiente, là-bas, avec sa vraie faux en plastique…

Homme – Elle va être déçue, c’est sûr. Je lui avais juste dit que j’allais pisser…

Femme – Elle s’imagine qu’après leur mort, les gens montent directement au Ciel, accompagné par leur ange gardien. On n’a pas voulu la contrarier.

Homme – Et finalement, dans mon cas, elle n’a pas tout à fait tort. Sauf que l’ange gardien, c’est une martienne.

Femme – C’est pour ça que je préfère qu’on soit partis avant qu’elle revienne. Dieu, c’est comme le Père Noël, c’est le jour où on le voit qu’on n’y croit plus. (Elle lui tend la main.) On y va ?

Homme (hésitant) – Il y aura ma mère aussi, là-bas ?

Femme – Je t’ai dit… Ce n’est pas le paradis… Il y aura même la Vierge Marie.

Homme – Je ne pensais pas entendre ça un jour. Je me demande quand même si je ne suis pas devenu fou.

Femme – La vie est une longue thérapie dont on ne sort pas toujours guéri.

Homme – C’est aussi une longue maladie dont on sort toujours mort. Ça consiste en quoi, cette opération ?

Femme – Une transplantation de cerveau.

Homme – Ah… Il vaudrait mieux faire une sauvegarde, alors…

Femme – On va te transplanter un cerveau martien. Malheureusement, on ne pourra pas récupérer les données que tu as actuellement en mémoire.

Homme – Bon… Remarque, je ne me souvenais déjà de presque rien. Et puis je n’avais pas que de bons souvenirs, non plus. Après tout, ce n’est pas si grave. Non, je ne regrette rien. Je repars à zéro…

Femme – Ça me rappelle une chanson…

Homme – Avec toi… J’irais jusqu’au bout du monde… Si tu me le demandais…

Elle lui prend la main.

Femme – Alors allons-y…

Ils sortent.

Même pas Mort

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Dernier voyage

Un homme dans le lit. Arrive une femme. Elle est en noir. Et elle porte une faux.

Femme – Alors, cher Monsieur ? C’est l’heure du grand départ ? Je ne vois pas votre petite valise. Entre nous, vous n’en aurez nul besoin là où vous allez, mais il paraît que ça rassure…

Homme – C’est une vraie faux ?

Femme – Ah ça ? Non, pensez-vous… C’est une fausse. C’est en plastique. Regardez !

Elle prend la lame et la tord.

Homme – D’accord.

Femme – Non, vous pensez bien… Une vraie faux… Quelqu’un pourrait se blesser.

Homme – Surtout dans un hôpital.

Femme – La faux, c’est juste un symbole. Comme un balai pour une sorcière ou une crosse pour un évêque. Pour qu’on nous reconnaisse au premier coup d’œil dès qu’on nous voit.

Homme – C’est vrai que je vous ai tout de suite reconnue.

Femme – Ça nous évite au moins d’avoir à nous présenter. Vous imaginez un peu la scène… Bonjour, je suis la Mort. Je viens pour couper le peu de souffle qui vous reste, après que le comptable de cet hôpital vous ait fauché le peu de blé que vous aviez encore.

Homme – Au moins, vous ne manquez pas d’humour…

Femme – Avec nous, vous n’allez pas vous ennuyer, vous verrez. Alors vous êtes prêt ?

Homme – Mon Dieu… Aussi prêt qu’on peut l’être. Et qu’est-ce que je dois faire, au juste ?

Femme – Vous rien. Moi j’ai juste à éteindre la lumière…

Homme – C’est vous qui m’accompagnez pour ce dernier voyage ?

Femme – Non, rassurez-vous. Je ne suis que le messager, si on peut dire. Ou le facteur, si vous préférez. Je viens pour le recommandé avec avis de réception. Après…

Homme – D’accord… Vous me donnez encore une minute ?

Femme – Si vous vous voulez aller pisser une dernière fois avant de partir, c’est maintenant. Après, vous n’aurez plus ce qu’il faut pour le faire. Croyez-moi, il arrive un âge où ça n’a pas que des inconvénients.

Même pas Mort

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