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Bibliothèque

Deux personnages debout, les yeux rivés sur leur smartphone.

Un – En Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.

Deux – Quoi…?

Un – Je cherche une citation pour ma disserte de philo. Qu’est-ce que t’en penses ? Ça le fait, non ?

Deux – Ça dépend… C’est quoi, le sujet de ta disserte ?

Un – Peut-on vraiment dire que l’histoire commence avec l’écriture ?

Deux – Qu’est-ce que ça veut dire ?

Un – Je n’en ai aucune idée… Et pour ma citation, alors ?

Deux – Quelle citation ?

Un – Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.

Deux – Parfois, c’est l’inverse.

Un – L’inverse ?

Deux – La semaine dernière, ils ont brûlé la bibliothèque municipale. C’est des jeunes du quartier qui ont mis le feu, il paraît. Le gardien a failli mourir carbonisé dans l’incendie. Il allait prendre sa retraite.

Un – Et alors ?

Deux – Ben dans ce cas-là, ce serait plutôt… « Une bibliothèque qui brûle, c’est un vieillard qui meurt ».

Un – Donc, je laisse tomber ma citation…

Deux – Ou alors, il faudrait moderniser un peu…

Un – Moderniser ?

Deux – Et si tu mettais… « Un jeune qui meurt, c’est un compte Twitter qui se ferme » ?

Un – Tu crois ?

Deux – Il te reste combien de temps pour faire ta disserte ?

Un – La durée de vie d’un papillon…

Deux – Laisse tomber, tu la feras demain.

L’autre le regarde avec perplexité.

Noir

Minute, papillon !

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Homophone

Deux personnages, totalement désœuvrés.

Un – Je suis las.

Deux – Oui, je vois bien que tu es là.

Un – Non, je veux dire… je suis las, l, a, s.

Deux – Ah oui…

Un – C’est un homophone.

Deux – Un homophone ?

Un – Un mot qui se prononce pareil, mais qui a un sens différent.

Deux – D’accord… Donc, tu es las.

Un – Oui. Je suis las, l, a, s.

Deux – J’avais compris.

Un – Et toi ?

Deux – Quoi, moi ?

Un – Tu n’es pas las ?

Deux – Ah, si… Si, si… Je suis las. Je suis même très las.

Un – Tu veux dire…?

Deux – L, a, s, oui. Absolument. On peut même dire que je m’ennuie à mourir.

Un – Ah, oui…

Deux – C’est une hyperbole.

Un – Une quoi… ?

Deux – Une exagération, si tu préfères.

Un – D’accord.

Deux – Encore que dans mon cas, je ne suis pas sûr qu’il s’agisse vraiment d’une exagération.

Un – Je vois…

Deux – J’en viens même à me demander si ce ne serait pas une litote.

Un – Une litote ?

Deux – Dire moins, pour suggérer plus.

Un – OK… Donc, pour résumer, on s’ennuie. Et le reste, c’est de la rhétorique.

Deux – Absolument.

Un – On se fait chier, et puis c’est tout.

Deux – Ça c’est une métaphore.

Un temps.

Un – Tu sais combien de temps ça vit, un papillon ?

Deux – Non, et je m’en bats l’aile.

Un – Je crois qu’on dit plutôt « je m’en bats l’œil »… Non ?

Deux – Je te dirais bien autre chose, mais je ne suis pas sûr que tu apprécies la métaphore…

Noir

Minute, papillon !

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Corbeau

Un bureau. Deux employés. On ne sait pas très bien ce qu’ils font, mais ils le font avec une application routinière. L’un d’eux ouvre le courrier.

Un – Tiens, une lettre anonyme…

Deux – Une lettre anonyme ?

Un – Je ne comprends pas… C’est la première fois que ça arrive…

Deux – Vous êtes sûr que c’est une lettre anonyme ?

Un – Elle n’est pas signée, et elle est écrite avec des lettres découpées dans un journal.

Il montre la lettre.

Deux – Ah oui, dites donc… Comme dans les films. Et qu’est-ce que ça dit ?

Un – Il y a un corbeau parmi vous…

Deux (regardant autour de lui) – Un corbeau ?

Un – Non mais ce n’est pas un vrai corbeau.

Deux – Ah non ?

Un – Un corbeau, c’est quelqu’un qui envoie des lettres anonymes.

Deux – Pour dire quoi ?

L’autre jette un nouveau regard à la lettre.

Un – Pour dire… qu’il y a un corbeau parmi nous.

Deux – Parmi nous, ou parmi vous ?

Un – Qu’est-ce que ça change ?

Deux – Parmi nous, ça veut dire que celui qui a écrit cette lettre se trouve parmi nous.

Un – Vous voulez dire… vous… ou moi ?

Deux – On n’est que deux, non ?

Un – Pourquoi l’un d’entre nous aurait-il écrit cette lettre ?

Deux – Je ne sais pas, moi. Pour se dénoncer…

Un – Se dénoncer ?

Deux – Vous avez raison, écrire une lettre anonyme pour se dénoncer…

Un – Ça ne tient pas debout.

Deux – Non…

Un – D’ailleurs, c’est écrit parmi vous.

Deux – Dans ce cas, ça veut dire que le corbeau qui a écrit cette lettre n’est pas le corbeau dont il parle. Mais qu’il écrit pour le dénoncer.

Un – Sans le nommer ?

Deux – C’est vrai que c’est bizarre…

Un – Un corbeau qui dénonce un autre corbeau.

Deux – Comme quoi il peut aussi y avoir des corbeaux parmi les corbeaux.

Un – Attendez, on dirait qu’il y a autre chose, dans l’enveloppe.

Deux – Qu’est-ce que c’est ?

Un – Un papillon…

Deux – Mort ?

Un – Évidemment, mort ! Dans une enveloppe… C’est un papillon mort. Desséché…

Un temps. Ils échangent un regard suspicieux.

Un – C’est vous, le corbeau ?

Deux – Lequel ?

Un – Celui qui a écrit cette lettre !

Deux – Comment le savez-vous ?

Un – J’ai ramené le journal du bureau chez moi, hier soir, pour le lire, et il y avait des lettres découpées à l’intérieur.

Deux – Vous ramenez le journal du bureau chez vous ?

Un – Et vous, vous le découpez !

Deux – D’accord…

Un – De toute façon, on le met au recyclage le lendemain, qu’est-ce que ça change ?

Deux – Rien…

Un – Mais enfin… pourquoi ?

Deux – Pourquoi quoi ?

Un – Cette lettre anonyme !

Deux – Je ne sais pas… On s’emmerde tellement, dans ce bureau…

Un – Oui, ce n’est pas faux…

Deux – En tout cas, il y a bien un corbeau parmi nous.

Un – Alors pourquoi avoir écrit « Il y a un corbeau parmi vous ».

Deux – Pour pas attirer l’attention. Comme on n’est que deux.

Un – Et pour le papillon ?

Deux – Je vous assure que je n’y suis pour rien… Je veux dire… Il est mort de mort naturelle…

Un – Si vous le dites…

Deux – Un papillon, ça ne vit qu’un jour ou deux, alors évidemment… Ce n’est pas difficile d’en trouver un qui soit mort de vieillesse.

Un – Personnellement, je n’ai jamais vu de cadavre de papillon…

Deux – Et quand bien même… Assassiner quelqu’un dont l’espérance de vie n’est de toute façon que d’un ou deux jours… Ce n’est pas vraiment un crime…

Un – Vous trouvez ?

L’autre le regarde avec un air perplexe. Ils reprennent leur tâche routinière.

Noir

Minute, papillon !

Corbeau Lire la suite »

Dimanche

Deux personnages, désœuvrés, et qui ont l’air de s’ennuyer.

Un – Tu as vu ?

Deux – Quoi ?

Un – Les deux papillons, là, sur le bord de la fenêtre.

Deux – Oui…

Un – Ils sont en train de niquer.

Deux – Bon… Et alors ?

Un – Tu sais combien de temps ça vit un papillon ?

Deux – Non.

Un – Une journée.

Deux – Ah oui…?

Un – La seule raison d’être du papillon, c’est la reproduction. Un papillon, ça ne pense qu’à niquer. Et il n’a qu’une journée pour ça.

Deux – Mmm…

Un temps. Ils s’ennuient de plus en plus.

Un – Quelle heure il est ?

Deux – Dix-huit heures cinquante neuf…

Un temps.

Un – Comment est-ce qu’on a pu en arriver là ? 

Deux – Comment ça, là ?

Un – À cet instant, là ! À dix-huit heures cinquante neuf. À ce moment précis. À ce… dimanche après-midi de merde qu’on est en train de passer ensemble.

Deux – Merci.

Un – Non mais ce n’est pas de ta faute. Enfin pas seulement… Je veux dire… tout ça n’a aucun sens, tu ne trouves pas ?

Deux – Quoi ?

Un – On se fait chier ! Tu ne te fais pas chier, toi ?

Deux – Si…

Un – D’où ma question… Comment est-ce qu’on a pu en arriver là ?

Deux – Tu veux me quitter, c’est ça ?

Un – Ce n’est pas le problème… Mais ça vaut le coup d’y réfléchir, non ?

Deux – À quoi ?

Un – L’univers a 14 milliards d’années. La Terre environ 4 milliards. La vie est apparue il y a 3 milliards d’années à peu près. Il y a eu les dinosaures, la disparition des dinosaures, l’apparition de l’homme, l’âge de pierre, l’âge de fer, la révolution industrielle, la Révolution tout court, trois guerres mondiales, le premier homme à marcher sur la Lune… Et tout ça pour quoi ? Tu te rends compte ? 3 milliards d’années d’évolution pour en arriver là… Au néant absolu de ce dimanche après-midi à dix-huit heures cinquante neuf en banlieue parisienne… À ce trou noir de toutes les grandes espérances de l’humanité qu’est le Jour du Seigneur pour les serfs que nous sommes.

Deux – Les cerfs ?

Un – Les serfs ! Les serfes, si tu préfères… Les serfs, le seigneur… C’est un jeu de mots ! Les prolos, quoi !

Un temps. Il semble se calmer.

Deux – Tu veux qu’on allume la télé ?

Un – Et tout ce que tu me proposes, c’est de regarder Michel Drucker ?

L’autre actionne une télécommande.

Deux – Je crois que même ça, ça ne va pas être possible.

Un – Pourquoi ça ?

Deux – La télécommande ne marche pas.

Un – Ce n’est pas vrai… Fais voir.

Deux – Ça doit être les piles.

Un – Et on en a pas ?

Deux – Pas de ce modèle-là, en tout cas.

Un – Tu veux que j’aille en acheter ?

Deux – Un dimanche après-midi ?

Moment d’abattement.

Un – Comment est-ce qu’on a pu en arriver là ?

Deux – Tu as raison, c’est vraiment un dimanche de merde.

Un – Allez, plus qu’une heure à tirer.

Deux – Pourquoi une heure ?

Un – Il est dix-neuf heures, maintenant… Après Michel Drucker, on peut dire que le plus gros est fait.

Deux – Tu as raison. Dans une heure on sera sauvé.

Un – Jusqu’à dimanche prochain, en tout cas.

Noir.

Minute, papillon !

Dimanche Lire la suite »

Événement

Deux personnages debout l’un à côté de l’autre face au public, dans une attitude de recueillement un peu forcée.

Un – Tu as vu, c’est marrant ?

Deux – Quoi ?

Un – Il y a un papillon posé sur le cercueil.

Deux – Ah oui…

Un – C’est sûrement les fleurs qui l’attirent.

Deux – Le malheur des uns…

Un temps.

Un – Je me demande un peu ce que je fous là.

Deux – Oui, moi aussi.

Un – Ça fait tellement longtemps qu’on ne l’avait pas vu.

Deux – C’était quand, déjà ?

Un – Pour son mariage, non ?

Deux – Et maintenant on le revoit pour son enterrement.

Un – Enfin… revoir, c’est une façon de parler.

Deux – Oui…

Un – Tu l’as vu ?

Deux – Oui… Comme je n’avais jamais vu un mort, c’était l’occasion.

Un – L’occasion ?

Deux – On n’était pas vraiment proche… Je me suis dit que ce serait moins traumatisant. Pour une première fois…

Un – Comment ça, une première fois ?

Deux – Imagine que tu meurs demain, et que je veuille te rendre un dernier hommage… Ça me ferait un drôle d’effet, de voir ton cadavre. Je veux dire, nous on se connaît. Je t’aurais vu la veille, bien vivant… Alors forcément…

Un – Ouais…

Deux – Tandis que lui, depuis le temps qu’on ne l’avait pas vu…

Un – Mmm…

Deux – Tu as déjà vu un mort, toi ?

Un – Non… (Un temps) Et alors ?

Deux – C’est curieux… C’est comme si… il ne restait plus que l’emballage.

Un – L’emballage ?

Deux – L’enveloppe est là, mais… il n’y a plus rien à l’intérieur, tu vois ?

Un – Ouais…

Deux – Et son visage… Comme un masque, mais plus personne derrière.

Un – Oui, j’ai pigé l’idée générale.

Deux – En tout cas, moi, si je meurs le premier, je te dispense de rendre un dernier hommage à ma dépouille. Parce que là… je t’assure que j’ai bien compris ce que ça voulait dire.

Un – Quoi ?

Deux – Dépouille !

Un – Ah, oui…

Deux – C’est le nom qu’on donne à la peau d’un animal après avoir enlevé ce qui était à l’intérieur. Eh ben nous, c’est pareil. Quand on est mort, il ne reste plus que l’emballage.

Un – Je ne sais pas si l’emballage est consigné.

Deux – Non, franchement, ne t’emmerde pas à venir à mon enterrement, parce que moi, je n’y serai pas…

Un – Je me demande surtout ce qu’on est venu foutre au sien. Si tu ne m’avais pas prévenu… Je déménage au moins une fois par an, alors tu penses bien. Ils ne devaient plus avoir mon adresse.

Deux – C’est notre cousin, non ?

Un – Petit-cousin, il me semble.

Deux – C’est quoi, exactement, un petit-cousin ?

Un – Le fils d’un cousin, je crois… Comment ils t’ont retrouvé, toi ?

Deux – Par Facebook.

Un – D’accord…

Deux – C’est la première fois que je suis invité à un enterrement par Facebook.

Un – Ils n’ont pas créé un événement, quand même ?

Deux – Je ne crois pas.

Un – Il y a énormément de monde… Il était si populaire que ça, notre petit-cousin ?

Deux – Il avait quand même près de 5000 amis Facebook.

Un – Ah, ouais…

Deux – Ils ont peut-être créé un événement, finalement.

Un – Ses amis ont dû croire que c’était un spectacle. Et comme c’était gratuit.

Un – Tu es sûr que ce n’en est pas un ?

Deux – Un quoi ?

Un – Un spectacle !

Deux – Va savoir…

Un – En tout cas, il faut que je pense à le retirer de ma liste.

Deux – Ta liste ?

Un – Ma liste d’amis Facebook !

Deux – Attends au moins la fin de la cérémonie…

Noir

Minute, papillon !

Événement Lire la suite »

Amériques

Deux personnages. Le premier est en train de pêcher. Un autre arrive.

Un – Ça mord ?

Deux – J’en ai déjà pris un, regarde.

Un – Ah oui, il est énorme.

Deux – On le fera griller pour midi.

Le premier regarde autour de lui, l’autre garde le regard rivé sur son bouchon.

Un – Regarde ce papillon, comme il est beau. Je n’en avais jamais vu de pareil, et toi ?

Deux – Non.

Un – Demain, il sera mort.

Deux – Comment tu le sais ?

Un – Les papillons ne vivent que quelques jours. Une seule journée, parfois. Certains ont une vie tellement brève qu’ils ne sont même pas pourvus d’une bouche pour se nourrir.

Deux – Eh ben moi, j’ai déjà les crocs…

Un – C’est une belle journée pour vivre. Et pour mourir. C’est un beau papillon…

Deux – Et c’est un beau poisson.

Un – Notre repas de midi est assuré.

Deux – On fera des patates avec.

Un – La mer est calme.

Deux – C’est bon les patates.

Un – Le soleil brille.

Deux – Et puis c’est vite fait.

Un – Alors on a bien une heure devant nous…

Deux – Une heure ? On a toute la vie, devant nous !

Un – On pourrait se baigner ?

Deux – J’en pêche encore un autre, pour ce soir, et on y va, d’accord ?

Un – Tu as toujours peur de manquer, toi. Les poissons ne vont pas s’en aller !

Deux – Je préfère en profiter, pendant que ça mord.

Un – D’accord.

Deux – Rien de neuf ?

Un – Non.

Deux – Une journée ordinaire, en somme.

Un – Oui.

Un temps. Le premier regarde vers l’horizon, tandis que l’autre surveille son bouchon.

Deux – Je crois que j’ai une touche… Ah non, c’est le vent…

Un – Le ciel est complètement dégagé. On voit jusqu’au bout du monde.

Deux – Oui.

Un – Tu crois vraiment que c’est la fin du monde ?

Deux – Quoi ?

Un – Là-bas, derrière l’horizon.

Deux – Je ne sais pas… C’est ce qu’on dit. Qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ?

Un – Je ne sais pas… Le début d’un autre monde…

Deux – Tu réfléchis trop…

Un – Tu as raison.

Deux – Regarde ce lever de soleil !

L’autre regarde vers l’horizon.

Un – Ça au moins, ça ne changera jamais… (Il continue de regarder et son sourire se fige) C’est quoi, ce bateau, au loin ?

Deux – Où ça ?

Un – Là-bas, là où un nouveau jour se lève.

Deux – Je ne vois rien. Ça m’éblouit.

Un – Mets la main devant tes yeux.

Deux – Ah oui… Je le vois maintenant… Il est très loin, non ?

Un – Nos pêcheurs ne vont pas si loin.

Deux – On dirait qu’il se rapproche.

Un – Oui… On le voit un peu mieux que tout à l’heure.

Deux – Il est vraiment très grand…

Un – Nos bateaux de pêche ne sont pas aussi gros.

Deux – Qu’est-ce qu’on fait ? On va prévenir le chef ?

Un – Attends un peu… Il y en a un autre.

Deux – On dirait qu’il y en a trois.

Un – Un grand, un moyen et un petit.

Deux – Le plus grand a trois mâts.

Un – Les nôtres n’en ont qu’un seul.

Deux – C’est un bateau énorme.

Un – Il se rapproche.

Deux – Il faut donner l’alerte.

Un – Attends, j’essaie de voir ce qu’il y a de dessiné sur la coque.

Deux – Oui… On dirait que quelque chose est écrit.

Un – Dans une langue inconnue.

Deux – Je vais reproduire ça sur une ardoise pour le montrer au chef. Il saura peut-être ce que ça veut dire.

Il trace quelque chose sur une ardoise.

Un – Fais voir.

L’autre lui montre l’ardoise.

Deux – Ça ne veut rien dire.

Il montre l’ardoise à la salle. C’est inscrit « Santa Maria ».

Un – On va aller prévenir les autres.

Deux – Oui, j’ai l’impression qu’on a de la visite… Ça doit être une tribu voisine…

Un – On leur donnera quelques patates, et ils repartiront chez eux.

Deux – Et s’ils veulent pêcher. La mer est à tout le monde… et ce n’est pas le poisson qui manque.

Un – On ira se baigner après.

Deux – Le monde ne va pas s’arrêter de tourner.

Un – Et d’après notre calendrier, la fin du monde n’est pas pour tout de suite.

Ils sortent.

Noir

Minute, papillon !

Amériques Lire la suite »

Minute, papillon !

Comédie à sketchs de Jean-Pierre Martinez

L’espérance de vie d’un papillon n’est parfois que d’une journée. Pendant ces 24 heures, il papillonne de fleur en fleur, pour vivre pleinement son existence et assurer sa descendance. Si nous finissons centenaires, nous aurons vécu 36 000 vies de papillons. Qu’aurons-nous fait de chaque jour ?

Distribution très modulable en nombre et sexe,
chaque comédien pouvant interpréter plusieurs rôles,
et tous les rôles pouvant être masculins ou féminins.

De 2 à 26 comédiens (hommes ou femmes).

Humour absurde.


Ce texte est offert gracieusement à la lecture. Avant toute exploitation publique, professionnelle ou amateur, vous devez obtenir l’autorisation de la SACD.


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Minute, papillon !

1 – Amériques

2 – Evénement

3 – Dimanche

4 – Corbeau

5 – Homophone

6 – Bibliothèque

7 – Livres

8 – Malentendus

9 – Pauvres de nous

10 – Porte-à-porte

11 – Avenir

12 – Message in a bottle

13 – Minute, papillon !


1 – Amériques

Deux personnages. Le premier est en train de pêcher. Un autre arrive.

Un – Ça mord ?

Deux – J’en ai déjà pris un, regarde.

Un – Ah oui, il est énorme.

Deux – On le fera griller pour midi.

Le premier regarde autour de lui, l’autre garde le regard rivé sur son bouchon.

Un – Regarde ce papillon, comme il est beau. Je n’en avais jamais vu de pareil, et toi ?

Deux – Non.

Un – Demain, il sera mort.

Deux – Comment tu le sais ?

Un – Les papillons ne vivent que quelques jours. Une seule journée, parfois. Certains ont une vie tellement brève qu’ils ne sont même pas pourvus d’une bouche pour se nourrir.

Deux – Eh ben moi, j’ai déjà les crocs…

Un – C’est une belle journée pour vivre. Et pour mourir. C’est un beau papillon…

Deux – Et c’est un beau poisson.

Un – Notre repas de midi est assuré.

Deux – On fera des patates avec.

Un – La mer est calme.

Deux – C’est bon les patates.

Un – Le soleil brille.

Deux – Et puis c’est vite fait.

Un – Alors on a bien une heure devant nous…

Deux – Une heure ? On a toute la vie, devant nous !

Un – On pourrait se baigner ?

Deux – J’en pêche encore un autre, pour ce soir, et on y va, d’accord ?

Un – Tu as toujours peur de manquer, toi. Les poissons ne vont pas s’en aller !

Deux – Je préfère en profiter, pendant que ça mord.

Un – D’accord.

Deux – Rien de neuf ?

Un – Non.

Deux – Une journée ordinaire, en somme.

Un – Oui.

Un temps. Le premier regarde vers l’horizon, tandis que l’autre surveille son bouchon.

Deux – Je crois que j’ai une touche… Ah non, c’est le vent…

Un – Le ciel est complètement dégagé. On voit jusqu’au bout du monde.

Deux – Oui.

Un – Tu crois vraiment que c’est la fin du monde ?

Deux – Quoi ?

Un – Là-bas, derrière l’horizon.

Deux – Je ne sais pas… C’est ce qu’on dit. Qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ?

Un – Je ne sais pas… Le début d’un autre monde…

Deux – Tu réfléchis trop…

Un – Tu as raison.

Deux – Regarde ce lever de soleil !

L’autre regarde vers l’horizon.

Un – Ça au moins, ça ne changera jamais… (Il continue de regarder et son sourire se fige) C’est quoi, ce bateau, au loin ?

Deux – Où ça ?

Un – Là-bas, là où un nouveau jour se lève.

Deux – Je ne vois rien. Ça m’éblouit.

Un – Mets la main devant tes yeux.

Deux – Ah oui… Je le vois maintenant… Il est très loin, non ?

Un – Nos pêcheurs ne vont pas si loin.

Deux – On dirait qu’il se rapproche.

Un – Oui… On le voit un peu mieux que tout à l’heure.

Deux – Il est vraiment très grand…

Un – Nos bateaux de pêche ne sont pas aussi gros.

Deux – Qu’est-ce qu’on fait ? On va prévenir le chef ?

Un – Attends un peu… Il y en a un autre.

Deux – On dirait qu’il y en a trois.

Un – Un grand, un moyen et un petit.

Deux – Le plus grand a trois mâts.

Un – Les nôtres n’en ont qu’un seul.

Deux – C’est un bateau énorme.

Un – Il se rapproche.

Deux – Il faut donner l’alerte.

Un – Attends, j’essaie de voir ce qu’il y a de dessiné sur la coque.

Deux – Oui… On dirait que quelque chose est écrit.

Un – Dans une langue inconnue.

Deux – Je vais reproduire ça sur une ardoise pour le montrer au chef. Il saura peut-être ce que ça veut dire.

Il trace quelque chose sur une ardoise.

Un – Fais voir.

L’autre lui montre l’ardoise.

Deux – Ça ne veut rien dire.

Il montre l’ardoise à la salle. C’est inscrit « Santa Maria ».

Un – On va aller prévenir les autres.

Deux – Oui, j’ai l’impression qu’on a de la visite… Ça doit être une tribu voisine…

Un – On leur donnera quelques patates, et ils repartiront chez eux.

Deux – Et s’ils veulent pêcher. La mer est à tout le monde… et ce n’est pas le poisson qui manque.

Un – On ira se baigner après.

Deux – Le monde ne va pas s’arrêter de tourner.

Un – Et d’après notre calendrier, la fin du monde n’est pas pour tout de suite.

Ils sortent.

Noir

2 – Événement

Deux personnages debout l’un à côté de l’autre face au public, dans une attitude de recueillement un peu forcée.

Un – Tu as vu, c’est marrant ?

Deux – Quoi ?

Un – Il y a un papillon posé sur le cercueil.

Deux – Ah oui…

Un – C’est sûrement les fleurs qui l’attirent.

Deux – Le malheur des uns…

Un temps.

Un – Je me demande un peu ce que je fous là.

Deux – Oui, moi aussi.

Un – Ça fait tellement longtemps qu’on ne l’avait pas vu.

Deux – C’était quand, déjà ?

Un – Pour son mariage, non ?

Deux – Et maintenant on le revoit pour son enterrement.

Un – Enfin… revoir, c’est une façon de parler.

Deux – Oui…

Un – Tu l’as vu ?

Deux – Oui… Comme je n’avais jamais vu un mort, c’était l’occasion.

Un – L’occasion ?

Deux – On n’était pas vraiment proche… Je me suis dit que ce serait moins traumatisant. Pour une première fois…

Un – Comment ça, une première fois ?

Deux – Imagine que tu meurs demain, et que je veuille te rendre un dernier hommage… Ça me ferait un drôle d’effet, de voir ton cadavre. Je veux dire, nous on se connaît. Je t’aurais vu la veille, bien vivant… Alors forcément…

Un – Ouais…

Deux – Tandis que lui, depuis le temps qu’on ne l’avait pas vu…

Un – Mmm…

Deux – Tu as déjà vu un mort, toi ?

Un – Non… (Un temps) Et alors ?

Deux – C’est curieux… C’est comme si… il ne restait plus que l’emballage.

Un – L’emballage ?

Deux – L’enveloppe est là, mais… il n’y a plus rien à l’intérieur, tu vois ?

Un – Ouais…

Deux – Et son visage… Comme un masque, mais plus personne derrière.

Un – Oui, j’ai pigé l’idée générale.

Deux – En tout cas, moi, si je meurs le premier, je te dispense de rendre un dernier hommage à ma dépouille. Parce que là… je t’assure que j’ai bien compris ce que ça voulait dire.

Un – Quoi ?

Deux – Dépouille !

Un – Ah, oui…

Deux – C’est le nom qu’on donne à la peau d’un animal après avoir enlevé ce qui était à l’intérieur. Eh ben nous, c’est pareil. Quand on est mort, il ne reste plus que l’emballage.

Un – Je ne sais pas si l’emballage est consigné.

Deux – Non, franchement, ne t’emmerde pas à venir à mon enterrement, parce que moi, je n’y serai pas…

Un – Je me demande surtout ce qu’on est venu foutre au sien. Si tu ne m’avais pas prévenu… Je déménage au moins une fois par an, alors tu penses bien. Ils ne devaient plus avoir mon adresse.

Deux – C’est notre cousin, non ?

Un – Petit-cousin, il me semble.

Deux – C’est quoi, exactement, un petit-cousin ?

Un – Le fils d’un cousin, je crois… Comment ils t’ont retrouvé, toi ?

Deux – Par Facebook.

Un – D’accord…

Deux – C’est la première fois que je suis invité à un enterrement par Facebook.

Un – Ils n’ont pas créé un événement, quand même ?

Deux – Je ne crois pas.

Un – Il y a énormément de monde… Il était si populaire que ça, notre petit-cousin ?

Deux – Il avait quand même près de 5000 amis Facebook.

Un – Ah, ouais…

Deux – Ils ont peut-être créé un événement, finalement.

Un – Ses amis ont dû croire que c’était un spectacle. Et comme c’était gratuit.

Un – Tu es sûr que ce n’en est pas un ?

Deux – Un quoi ?

Un – Un spectacle !

Deux – Va savoir…

Un – En tout cas, il faut que je pense à le retirer de ma liste.

Deux – Ta liste ?

Un – Ma liste d’amis Facebook !

Deux – Attends au moins la fin de la cérémonie…

Noir

3 – Dimanche

Deux personnages, désœuvrés, et qui ont l’air de s’ennuyer.

Un – Tu as vu ?

Deux – Quoi ?

Un – Les deux papillons, là, sur le bord de la fenêtre.

Deux – Oui…

Un – Ils sont en train de niquer.

Deux – Bon… Et alors ?

Un – Tu sais combien de temps ça vit un papillon ?

Deux – Non.

Un – Une journée.

Deux – Ah oui…?

Un – La seule raison d’être du papillon, c’est la reproduction. Un papillon, ça ne pense qu’à niquer. Et il n’a qu’une journée pour ça.

Deux – Mmm…

Un temps. Ils s’ennuient de plus en plus.

Un – Quelle heure il est ?

Deux – Dix-huit heures cinquante neuf…

Un temps.

Un – Comment est-ce qu’on a pu en arriver là ?

Deux – Comment ça, là ?

Un – À cet instant, là ! À dix-huit heures cinquante neuf. À ce moment précis. À ce… dimanche après-midi de merde qu’on est en train de passer ensemble.

Deux – Merci.

Un – Non mais ce n’est pas de ta faute. Enfin pas seulement… Je veux dire… tout ça n’a aucun sens, tu ne trouves pas ?

Deux – Quoi ?

Un – On se fait chier ! Tu ne te fais pas chier, toi ?

Deux – Si…

Un – D’où ma question… Comment est-ce qu’on a pu en arriver là ?

Deux – Tu veux me quitter, c’est ça ?

Un – Ce n’est pas le problème… Mais ça vaut le coup d’y réfléchir, non ?

Deux – À quoi ?

Un – L’univers a 14 milliards d’années. La Terre environ 4 milliards. La vie est apparue il y a 3 milliards d’années à peu près. Il y a eu les dinosaures, la disparition des dinosaures, l’apparition de l’homme, l’âge de pierre, l’âge de fer, la révolution industrielle, la Révolution tout court, trois guerres mondiales, le premier homme à marcher sur la Lune… Et tout ça pour quoi ? Tu te rends compte ? 3 milliards d’années d’évolution pour en arriver là… Au néant absolu de ce dimanche après-midi à dix-huit heures cinquante neuf en banlieue parisienne… À ce trou noir de toutes les grandes espérances de l’humanité qu’est le Jour du Seigneur pour les serfs que nous sommes.

Deux – Les cerfs ?

Un – Les serfs ! Les serfes, si tu préfères… Les serfs, le seigneur… C’est un jeu de mots ! Les prolos, quoi !

Un temps. Il semble se calmer.

Deux – Tu veux qu’on allume la télé ?

Un – Et tout ce que tu me proposes, c’est de regarder Michel Drucker ?

L’autre actionne une télécommande.

Deux – Je crois que même ça, ça ne va pas être possible.

Un – Pourquoi ça ?

Deux – La télécommande ne marche pas.

Un – Ce n’est pas vrai… Fais voir.

Deux – Ça doit être les piles.

Un – Et on en a pas ?

Deux – Pas de ce modèle-là, en tout cas.

Un – Tu veux que j’aille en acheter ?

Deux – Un dimanche après-midi ?

Moment d’abattement.

Un – Comment est-ce qu’on a pu en arriver là ?

Deux – Tu as raison, c’est vraiment un dimanche de merde.

Un – Allez, plus qu’une heure à tirer.

Deux – Pourquoi une heure ?

Un – Il est dix-neuf heures, maintenant… Après Michel Drucker, on peut dire que le plus gros est fait.

Deux – Tu as raison. Dans une heure on sera sauvé.

Un – Jusqu’à dimanche prochain, en tout cas.

Noir.

4 – Corbeau

Un bureau. Deux employés. On ne sait pas très bien ce qu’ils font, mais ils le font avec une application routinière. L’un d’eux ouvre le courrier.

Un – Tiens, une lettre anonyme…

Deux – Une lettre anonyme ?

Un – Je ne comprends pas… C’est la première fois que ça arrive…

Deux – Vous êtes sûr que c’est une lettre anonyme ?

Un – Elle n’est pas signée, et elle est écrite avec des lettres découpées dans un journal.

Il montre la lettre.

Deux – Ah oui, dites donc… Comme dans les films. Et qu’est-ce que ça dit ?

Un – Il y a un corbeau parmi vous…

Deux (regardant autour de lui) – Un corbeau ?

Un – Non mais ce n’est pas un vrai corbeau.

Deux – Ah non ?

Un – Un corbeau, c’est quelqu’un qui envoie des lettres anonymes.

Deux – Pour dire quoi ?

L’autre jette un nouveau regard à la lettre.

Un – Pour dire… qu’il y a un corbeau parmi nous.

Deux – Parmi nous, ou parmi vous ?

Un – Qu’est-ce que ça change ?

Deux – Parmi nous, ça veut dire que celui qui a écrit cette lettre se trouve parmi nous.

Un – Vous voulez dire… vous… ou moi ?

Deux – On n’est que deux, non ?

Un – Pourquoi l’un d’entre nous aurait-il écrit cette lettre ?

Deux – Je ne sais pas, moi. Pour se dénoncer…

Un – Se dénoncer ?

Deux – Vous avez raison, écrire une lettre anonyme pour se dénoncer…

Un – Ça ne tient pas debout.

Deux – Non…

Un – D’ailleurs, c’est écrit parmi vous.

Deux – Dans ce cas, ça veut dire que le corbeau qui a écrit cette lettre n’est pas le corbeau dont il parle. Mais qu’il écrit pour le dénoncer.

Un – Sans le nommer ?

Deux – C’est vrai que c’est bizarre…

Un – Un corbeau qui dénonce un autre corbeau.

Deux – Comme quoi il peut aussi y avoir des corbeaux parmi les corbeaux.

Un – Attendez, on dirait qu’il y a autre chose, dans l’enveloppe.

Deux – Qu’est-ce que c’est ?

Un – Un papillon…

Deux – Mort ?

Un – Évidemment, mort ! Dans une enveloppe… C’est un papillon mort. Desséché…

Un temps. Ils échangent un regard suspicieux.

Un – C’est vous, le corbeau ?

Deux – Lequel ?

Un – Celui qui a écrit cette lettre !

Deux – Comment le savez-vous ?

Un – J’ai ramené le journal du bureau chez moi, hier soir, pour le lire, et il y avait des lettres découpées à l’intérieur.

Deux – Vous ramenez le journal du bureau chez vous ?

Un – Et vous, vous le découpez !

Deux – D’accord…

Un – De toute façon, on le met au recyclage le lendemain, qu’est-ce que ça change ?

Deux – Rien…

Un – Mais enfin… pourquoi ?

Deux – Pourquoi quoi ?

Un – Cette lettre anonyme !

Deux – Je ne sais pas… On s’emmerde tellement, dans ce bureau…

Un – Oui, ce n’est pas faux…

Deux – En tout cas, il y a bien un corbeau parmi nous.

Un – Alors pourquoi avoir écrit « Il y a un corbeau parmi vous ».

Deux – Pour pas attirer l’attention. Comme on n’est que deux.

Un – Et pour le papillon ?

Deux – Je vous assure que je n’y suis pour rien… Je veux dire… Il est mort de mort naturelle…

Un – Si vous le dites…

Deux – Un papillon, ça ne vit qu’un jour ou deux, alors évidemment… Ce n’est pas difficile d’en trouver un qui soit mort de vieillesse.

Un – Personnellement, je n’ai jamais vu de cadavre de papillon…

Deux – Et quand bien même… Assassiner quelqu’un dont l’espérance de vie n’est de toute façon que d’un ou deux jours… Ce n’est pas vraiment un crime…

Un – Vous trouvez ?

L’autre le regarde avec un air perplexe. Ils reprennent leur tâche routinière.

Noir

5 – Homophone

Deux personnages, totalement désœuvrés.

Un – Je suis las.

Deux – Oui, je vois bien que tu es là.

Un – Non, je veux dire… je suis las, l, a, s.

Deux – Ah oui…

Un – C’est un homophone.

Deux – Un homophone ?

Un – Un mot qui se prononce pareil, mais qui a un sens différent.

Deux – D’accord… Donc, tu es las.

Un – Oui. Je suis las, l, a, s.

Deux – J’avais compris.

Un – Et toi ?

Deux – Quoi, moi ?

Un – Tu n’es pas las ?

Deux – Ah, si… Si, si… Je suis las. Je suis même très las.

Un – Tu veux dire…?

Deux – L, a, s, oui. Absolument. On peut même dire que je m’ennuie à mourir.

Un – Ah, oui…

Deux – C’est une hyperbole.

Un – Une quoi… ?

Deux – Une exagération, si tu préfères.

Un – D’accord.

Deux – Encore que dans mon cas, je ne suis pas sûr qu’il s’agisse vraiment d’une exagération.

Un – Je vois…

Deux – J’en viens même à me demander si ce ne serait pas une litote.

Un – Une litote ?

Deux – Dire moins, pour suggérer plus.

Un – OK… Donc, pour résumer, on s’ennuie. Et le reste, c’est de la rhétorique.

Deux – Absolument.

Un – On se fait chier, et puis c’est tout.

Deux – Ça c’est une métaphore.

Un temps.

Un – Tu sais combien de temps ça vit, un papillon ?

Deux – Non, et je m’en bats l’aile.

Un – Je crois qu’on dit plutôt « je m’en bats l’œil »… Non ?

Deux – Je te dirais bien autre chose, mais je ne suis pas sûr que tu apprécies la métaphore…

Noir

6 – Bibliothèque

Deux personnages debout, les yeux rivés sur leur smartphone.

Un – En Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.

Deux – Quoi…?

Un – Je cherche une citation pour ma disserte de philo. Qu’est-ce que t’en penses ? Ça le fait, non ?

Deux – Ça dépend… C’est quoi, le sujet de ta disserte ?

Un – Peut-on vraiment dire que l’histoire commence avec l’écriture ?

Deux – Qu’est-ce que ça veut dire ?

Un – Je n’en ai aucune idée… Et pour ma citation, alors ?

Deux – Quelle citation ?

Un – Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.

Deux – Parfois, c’est l’inverse.

Un – L’inverse ?

Deux – La semaine dernière, ils ont brûlé la bibliothèque municipale. C’est des jeunes du quartier qui ont mis le feu, il paraît. Le gardien a failli mourir carbonisé dans l’incendie. Il allait prendre sa retraite.

Un – Et alors ?

Deux – Ben dans ce cas-là, ce serait plutôt… « Une bibliothèque qui brûle, c’est un vieillard qui meurt ».

Un – Donc, je laisse tomber ma citation…

Deux – Ou alors, il faudrait moderniser un peu…

Un – Moderniser ?

Deux – Et si tu mettais… « Un jeune qui meurt, c’est un compte Twitter qui se ferme » ?

Un – Tu crois ?

Deux – Il te reste combien de temps pour faire ta disserte ?

Un – La durée de vie d’un papillon…

Deux – Laisse tomber, tu la feras demain.

L’autre le regarde avec perplexité.

Noir

7 – Livres

Deux personnages qui se font face.

Un – Bonjour.

Deux – Salut.

Un – Ça fait longtemps que vous fréquentez cette bibliothèque ?

Deux – Trois ans, à peu près.

Un – D’accord… Vous êtes un petit nouveau, alors…

Deux – On peut dire ça… Et vous ?

Un – Ouh, là, moi… Une cinquantaine d’années, je pense.

Deux – Ah oui, quand même…

Un – C’est curieux qu’on ne se soit pas croisés avant.

Deux – Oui…

Un – On ne doit pas fréquenter les mêmes rayons.

Deux – Ça doit être ça…

Un – Je suis plutôt… classique.

Deux – Théâtre du répertoire, d’accord.

Un – Et vous ?

Deux – Plutôt contemporain.

Un – Je vois… Enfin quand je dis je vois… Excusez-moi de vous demander ça, mais… Comme vous portez une… Enfin, comme vous êtes recouvert d’un… Je n’arrive pas à lire le…

Deux – Le titre et le nom de l’auteur.

Un – C’est ça…

DeuxMinute, papillon ! de Jean-Pierre Martinez.

Un – Minute, papillon ? Et… qu’est-ce que ça veut dire ?

Deux – Vous savez le théâtre contemporain… Tous les bons titres sont déjà pris…

Un – Évidemment.

Deux – Mais on peut imaginer que… c’est une allusion à la brièveté de la vie.

Un – Vita brevis…

Deux – Comme un papillon ne vit qu’une journée, chaque minute compte.

Un – Carpe diem… quam minimum credula postero.

Deux – Voilà…

Un – C’est une citation d’Horace.

Un – Je m’en doutais… Et vous ?

Un – Moi ?

Deux – Quel titre ? Quel auteur ?

UnLe Misanthrope, de Molière.

Deux – Oui, c’est ce que j’avais cru lire sur… votre couverture. C’est d’ailleurs ce qui m’a retenu de vous adresser la parole en premier…

Un – J’avoue que la solitude, dans mon désert, commence à me peser un peu.

DeuxLe Misanthrope… Un classique… Et vous avez une mine superbe ! Pour votre âge…

Un – In quarto, en vélin, couverture cuir, doré sur tranche, édition de l’époque. Ça ne vieillit pas.

Deux – La couverture ou le texte ?

Un – Les deux !

Deux – Je plaisante… Mais c’est quoi, le vélin, au juste ? Je n’ai jamais su.

Un – Cuir de veau mort né.

Deux – D’accord…

Un – Et vous ?

Deux – Papier recyclé.

Un – Une autre époque.

Deux – C’est plus vegan mais ça vieillit moins bien.

Un – La couverture ou le texte ? Je plaisante…

Deux – C’est vrai que la mienne était un peu déchirée. C’est pour ça qu’ils m’ont recouvert avec cet affreux plastique transparent… Le veau mort-né, ça a quand même une autre allure.

Un – Allez… Vous serez peut-être réédité un jour… Molière aussi était un auteur contemporain, vous savez. À ses débuts…

Deux – Je me demande qui a bien pu emprunter en même temps une pièce de Molière et une comédie de Jean-Pierre Martinez ?

Un – Alors on va passer une quinzaine de jours ensemble…

Deux – Eh oui… Quinze jours avec Le Misanthrope(Pour lui-même) C’est bien ma veine… (Plus fort) J’espère au moins que c’est au bord de la mer.

Un – Elle a emprunté aussi le Routard sur les Îles Grecques. Ça me changera un peu. D’habitude, je suis plutôt abonné au scolaire et aux cours de récré. Vous connaissez la Grèce ?

Deux – Non, c’est ma première sortie.

Un – En trois ans ?

Deux – Comme vous disiez, il y a un début à tout.

Un – Pour la Grèce, on pourra toujours demander au Routard… Vous le connaissez ?

Deux – Pas du tout.

Un – Il n’a pas l’air très propre sur lui, mais bon… Puisqu’on va passer quinze jours ensemble…

Deux – Ça fait combien de temps qu’on est là, sur cette table.

Un – Je ne sais pas… Au moins une heure…

Deux – Je me demande si on ne nous a pas oubliés…

Noir

8 – Malentendus

Deux personnages qui finissent de dîner.

Un – Il n’est pas si mal, ce resto, finalement, non ?

Deux (ailleurs) – Oui…

Un temps.

Un – Je me demande ce qu’il y a après…

Deux – Après ? Tu veux dire après la mort ? Enfin après la vie…

Un – Euh… Non… Je pensais plutôt… Après la blanquette de veau…

Deux – La blanquette ?

Un – Oui… Qu’est-ce qu’il y a après… comme dessert.

Deux – D’accord… Excuse-moi, j’avais mal compris.

Un – Non mais ce n’est pas grave. Ça arrive…

Deux – Oui…

Un temps.

Un – Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

Deux – Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

Un – Oui. Enfin, maintenant… Après.

Deux – Tu veux qu’on fasse le point, c’est ça ? Sur notre vie de couple ? C’est vrai qu’il serait peut-être temps de faire un premier bilan… Pour savoir si…

Un – En fait, je voulais dire maintenant… Après le repas. Qu’est-ce qu’on fait maintenant. Un ciné ? Une balade ? Ou alors on rentre…

Deux – Ah d’accord… Maintenant, c’est-à-dire cet après-midi.

Un – Voilà. Cet après-midi, ce soir…

Deux – J’avais compris… qu’est-ce qu’on fait maintenant, de ce qui nous reste à vivre. Ensemble ou…

Un – Je vois…

Deux – Décidément…

Un – Oui… Il y a quelque chose que tu ne digères pas ?

Deux – Non, non, si j’avais quelque chose sur le cœur, je te le dirais, je t’assure.

Un – Je parlais seulement de ce repas.

Deux – Excuse-moi.

Un – C’est vrai que la blanquette, c’est toujours un peu…

Deux – Oui. Surtout la blanquette de veau.

Un temps.

Un – Tu vois quelqu’un ?

Deux – Mais pas du tout ! Je ne t’ai jamais trompé, je te le jure.

Un – Je parlais du serveur… Pour lui demander l’addition. Je n’ai mis que deux heures dans le parcmètre. J’espère qu’on ne va pas avoir un papillon…

Deux – Bien sûr.

Un temps.

Un – Tu crois qu’on va y arriver ?

Deux – À avoir l’addition, tu veux dire ?

Un – Non, là je parlais de nous deux.

Deux – Nous deux ?

Un – J’ai l’impression qu’on a un peu de mal à se comprendre, en ce moment.

Deux – Mais enfin… Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

Un – Je ne sais pas…

Deux – Où alors on se fait une petite gâterie à la maison… Je veux dire, pour le dessert… Comme le serveur n’arrive pas…

Un – D’accord… C’était une proposition ?

Deux – Oui, enfin… Je crois…

Un – Ah, voilà le serveur… Garçon !

Deux – C’est une femme, non ?

Un – Tu es sûr ?

Deux – Non…

Noir

9 – Pauvres de nous

Deux personnages, un riche et un pauvre.

Un – Bonjour.

Deux – Euh… Bonjour.

Un – Vous avez l’air surpris.

Deux – Non, c’est-à-dire que…

Un – C’est la première fois qu’un clochard vous dit bonjour ?

Deux – En tout cas, c’est la première fois que je réponds. Ce n’est pas vraiment l’habitude, ici, de dire bonjour aux gens dans la rue. Surtout aux clochards…

Un – Pourquoi ça ?

Deux – Je ne sais pas… Les gens se méfient.

Un – Pourtant, il n’y a que des milliardaires, ici, non ?

Deux – Il ne faut pas exagérer… Il y a quelques multimillionnaires, aussi.

Un – Les pauvres…

Deux – On est toujours le pauvre de quelqu’un.

Un – Moi je suis le pauvre de tout le monde.

Deux – Justement, à ce propos…

Un – Qu’est-ce que je suis venu faire ici, à Monaco ?

Deux – Parce que je vous préviens, ce n’est pas parce qu’on est riche qu’on est plus généreux avec les pauvres.

Un – Oui, j’ai remarqué. Le café est à cinq euros au Yacht Club. Je pensais que les aumônes seraient à proportion. Mais pas du tout.

Deux – Plus les gens sont riches, plus la pauvreté leur fait peur. Ils vous considèrent comme une sorte de pestiféré. Ils ont peur que ce soit contagieux.

Un – Et pourtant, vous êtes riche, vous ?

Deux – Immensément riche.

Un – Et vous m’avez dit bonjour.

Deux – Mais je ne vous ai encore rien donné.

Un – On a échangé, c’est déjà un début.

Deux – Échangé ?

Un – On a échangé quelques mots.

Deux – Un petit commerce, en somme.

Un – Il y a quelque chose qui ne va pas ?

Deux – On peut dire ça…

Un – Je peux vous aider ?

Deux – Malheureusement, non.

Un – Si c’est une question d’argent, en effet.

Deux – J’ai un cancer. En phase terminale. Je n’en ai plus pour très longtemps. Je peux mourir demain. Ou après demain.

Un – Je suis vraiment désolé.

Deux – Vous avez l’air sincère.

Un – Et vous n’avez pas de famille ?

Deux – J’étais fils unique. Mes parents sont morts. Quelques cousins très éloignés se sont manifestés, de temps en temps, mais j’ai vite compris que leur préoccupation n’était pas principalement généalogique.

Un – Pas d’amis ?

Deux – Les amis, vous savez, dans ma position… Quand on est milliardaire, le genre humain se divisent en trois catégories : les concurrents, les employés et les clients.

Un – Alors vous êtes un homme seul, comme moi. Parce que vous savez, la pauvreté, ce n’est pas terrible non plus pour se faire des relations.

Deux – Les extrêmes se rejoignent… Nous étions faits pour nous rencontrer.

Un – Qu’allez-vous faire de votre immense fortune ? Si vous n’avez ni famille, ni ami…

Deux – Je pourrais tout vous léguer ?

Un – Votre solitude, aussi ?

Deux – Vous resterez seul, mais vous aurez beaucoup de compagnie…

Un – Hélas, je ne pourrais pas en profiter très longtemps.

Deux – Pourquoi ça ?

Un – J’ai un cancer, moi aussi.

Deux – Je suis vraiment désolé.

Un – Vous avez l’air sincère.

Deux – Je le suis.

Un – Alors qu’est-ce qu’on fait ?

Deux – On n’est que des papillons, tous les deux, on n’a que quelques jours à vivre.

Un – Et on ne peut même pas se reproduire.

Deux – Laissez-moi au moins vous offrir un café.

Un – Ce sera le café le plus cher de ma vie.

Ils sortent.

Noir

10 – Porte-à-porte

Deux personnages. Le premier, qui porte un nœud papillon, sonne à la porte de l’autre, qui lui ouvre.

Un – Bonjour, c’est les Témoins de Jehovah.

Deux – C’est une blague ?

Un – Non, pourquoi ?

Deux – Vous êtes seul !

Un – Ah, oui… Non, c’est parce que… ma collègue est en arrêt maladie.

Deux – Tiens donc.

Un – Il y a une épidémie de grippe en ce moment.

Deux – Sans doute une épreuve que Dieu nous envoie.

Un – Je vois que vous êtes déjà sensibilisé à…

Deux – Non, mais je déconnais… Moi, la religion, vous savez… Donc, je ne vais pas vous faire perdre votre temps…

Un – Attendez un instant !

Deux – Quoi encore ?

Un – J’installe aussi les nouveaux compteurs Linky.

Deux – Avec un nœud papillon ? C’est pour la caméra cachée, c’est ça ?

Un – Mais pas du tout ! Vous savez, depuis la privatisation, tout est sous-traité. Alors ils ont eu l’idée de nous proposer ça, à nous, les Témoins de Jehovah. Comme on passe notre temps à sonner chez les gens, et que ça ne marche pas à tous les coups.

Deux – Parce qu’avec le compteur Linky, ça marche mieux qu’avec Dieu ?

Un – Je ne sais pas… C’est ma première journée… Vous êtes mon premier client…

Deux – C’est bien ma veine…

Un – Alors ?

Deux – Alors quoi ?

Un – Ce compteur Linky ?

Deux – C’est-à-dire que… avec tout ce qu’on raconte.

Un – Vous ne croyez pas en Dieu, vous ne craignez pas le châtiment divin pour votre impiété, mais vous croyez à toutes les conneries qu’on colporte sur les pouvoirs maléfiques du compteur Linky ? Alors que ces craintes ne reposent sur aucune preuve scientifique…

L’autre hésite un instant.

Deux – D’accord, vous avez gagné. Installez-moi ce foutu compteur, et barrez-vous.

Un – Il y en aura pour une petite heure…

Deux – Ôtez-moi d’un doute… Vous êtes vraiment témoin de Jehovah ?

Noir

11 – Avenir

Deux personnages, regardant droit devant eux.

Un – Je me suis toujours demandé ce que je ferais s’il ne me restait qu’un jour à vivre.

Deux – Un jour ?

Un – Ou une heure. Ou un quart d’heure.

Deux – Qu’est-ce que tu ferais ?

Un – Rien.

Deux – Ah ouais…

Un – Tu ne me demandes pas pourquoi ?

Deux – Pourquoi quoi ?

Un – Pourquoi je ne ferais rien !

Deux – Pourquoi tu ne ferais rien ?

Un – Parce que je pense qu’on ne peut rien faire si on n’a pas la possibilité de se projeter un minimum dans l’avenir.

Deux – Ah ouais.

Un – Je crois qu’on ne peut rien faire en sachant par avance qu’on le fait pour la dernière fois.

Deux – Tu crois ?

Un – Et toi ?

Deux – Moi ?

Un – Qu’est-ce que tu ferais ?

Deux – S’il me restait un quart d’heure à vivre ?

Un – Ouais.

Deux – Je ne sais pas… Je ferais l’amour.

Un – L’amour ?

Deux – Ouais.

Un – En un quart d’heure ?

Deux – Je parle de tirer un coup, là, pas de me projeter dans l’avenir. Genre faire des enfants et fonder une famille.

Un – Ouais… Faire l’amour en sachant que c’est la dernière fois.

Deux – À chaque fois que je fais l’amour, je me demande si ce n’est pas la dernière fois. D’ailleurs, je ne me souviens même plus quand c’était.

Un – Quoi ?

Deux – La dernière fois !

Un – Et tu baiserais avec qui ?

Deux – C’est là où ça se complique.

Un – Ouais.

Deux – Pas avec toi, en tout cas…

Noir

12 – Message in a bottle

Deux personnages, qui restent un instant silencieux.

Un – Tu te souviens de cette sonde qu’on a lancée il y a une cinquantaine d’années, pour franchir les limites du système scolaire…

Deux – Tu veux dire solaire. Du système solaire.

Un – C’est ça… Avec un message destiné aux extra-terrestres ?

Deux – Et alors ?

Un – Je me demande toujours si c’était une bonne idée.

Deux – Ah oui ?

Un – Imagine que quelqu’un tombe dessus.

Deux – Quelqu’un ?

Un – Des extra-terrestres !

Deux – Il y a quand même peu de chances…

Un – Peut-être, mais si on l’a lancée, c’est qu’il existe une infime possibilité, non ? Les bouteilles à la mer, il arrive que quelqu’un les trouve.

Deux – Ouais… Et ?

Un – Tu lancerais une bouteille à la mer, toi, avec à l’intérieur ton nom, ton adresse, et ton numéro de carte bleue ?

Deux – Pourquoi je lancerais une bouteille à la mer ?

Un – Voilà ! C’est justement la question : pourquoi ?

Deux – Et alors ? Pourquoi ?

Un – Parce qu’on a la naïveté de penser que les extra-terrestres nous veulent du bien ! Et nous feront généreusement profiter sans aucune contrepartie des pouvoirs immenses liés à une civilisation plus avancée que la nôtre.

Deux – Pourquoi pas ?

Un – Je ne sais pas… Quand on a découvert l’Amérique, c’est ça qu’on a fait, nous, avec les Indiens ? Oui ou non ?

Deux – Non…

Un – On a commencé par les massacrer avec des armes qu’ils ne connaissaient pas, à baptiser de force les derniers survivants, à leur refiler des tas de maladies et du whisky à gogo. Et les quelques alcooliques qui restaient on les a parqués dans des réserves.

Deux – Vu comme ça, évidemment…

Un – Imagine que ces extra-terrestres tombent sur notre message, et qu’ils nous répondent.

Deux – Qu’est-ce qu’ils pourraient bien nous répondre ?

Un – Imagine qu’ils nous répondent : On arrive.

Deux – Ah oui… Ça fout les jetons…

Un – C’était une grosse connerie de leur refiler notre adresse, en leur disant que s’ils n’avaient rien de mieux à faire, qu’ils passent donc boire un verre à la maison.

Deux – Et il n’y a pas moyen de rattraper ça ?

Un – Aucun.

Deux – Et on ne peut pas déménager non plus.

Un – Pas encore.

Deux – Tu a        s raison… On est vraiment dans la merde.

Un – Bon, mais avec un peu de chance, ils ne trouveront jamais notre message.

Deux – Ou alors, ils n’existent pas.

Un – En attendant, on ferait mieux de ne pas trop se faire remarquer.

Deux – C’est sûr.

Un – Pour vivre heureux, vivons cachés.

Deux – J’éteins la lumière…

Un – Bonne nuit.

Deux – Fais de beaux rêves. (Un temps) Tu n’as pas prononcé le mot papillon.

Un – Non… Cette fois, je n’ai vraiment pas réussi à le placer…

Noir

13 – Minute, papillon !

Deux personnages, regardant droit devant eux.

Un – C’est passé trop vite.

Deux – Oui.

Un – Tu as vu ce papillon ?

Deux – Oui.

Un – Il va de fleur en fleur. Il est tellement pressé.

Deux – Tu crois ?

Un – Il n’a qu’une seule journée à vivre.

Deux – Et tant de fleurs à découvrir.

Un – Si on finit centenaires, on aura vécu comme 36 000 papillons.

Deux – 36 500, plus exactement.

Un – Ah oui.

Deux – 365 jours, multipliés par 100.

Un – Sans compter les années bissextiles.

Un temps.

Deux – Combien de fleurs est-ce que tu as butinées ces jours-ci ?

Un – Aucune. Et toi ?

Deux – Moi non plus.

Un – On pense qu’on a tout le temps, et finalement, jour après jour, on oublie de faire ce qui nous tient le plus à cœur.

Deux – Comme de butiner dans le jardin du voisin.

Un – On a un jardin, nous aussi.

Deux – Tu commences à me brouter le pistil.

Un – C’est un bon début.

Deux – Et ce sera le mot de la fin.

Un – Il est déjà minuit ?

Deux – Il est minuit moins une.

Un – Je n’ai pas vu le temps passer.

Deux – Demain il fera jour.

Un – Mais on ne sera plus là.

Deux – C’est la vie. Les meilleures choses ont une fin.

Un – Minute, papillon ! Il nous reste une minute !

Deux – C’est vrai… Et à l’échelle d’une vie de papillon ça fait un mois.

Un – Qu’allons nous faire de tout ce temps qui reste ?

Ils se regardent et sourient.

Noir

 

L’auteur

Né en 1955 à Auvers-sur-Oise, Jean-Pierre Martinez monte d’abord sur les planches comme batteur dans divers groupes de rock, avant de devenir sémiologue publicitaire. Il est ensuite scénariste pour la télévision et revient à la scène en tant que dramaturge. Il a écrit une centaine de scénarios pour le petit écran et une soixantaine de comédies pour le théâtre dont certaines sont déjà des classiques (Vendredi 13 ou Strip Poker). Il est aujourd’hui l’un des auteurs contemporains les plus joués en France et dans les pays francophones. Par ailleurs, plusieurs de ses pièces, traduites en espagnol et en anglais, sont régulièrement à l’affiche aux États-Unis et en Amérique Latine.

Pour les amateurs ou les professionnels à la recherche d’un texte à monter, Jean-Pierre Martinez a fait le choix d’offrir ses pièces en téléchargement gratuit sur son site La Comédiathèque (comediatheque.net). Toute représentation publique reste cependant soumise à autorisation auprès de la SACD.

Pour ceux qui souhaitent seulement lire ces œuvres ou qui préfèrent travailler le texte à partir d’un format livre traditionnel, une édition papier payante peut être commandée sur le site The Book Edition à un prix équivalent au coût de photocopie de ce fichier.

 

Du même auteur

Pièces de théâtre

 

Alban et Ève, Apéro tragique à Beaucon-les-deux-Châteaux, Au bout du rouleau,

Avis de passage, Bed and breakfast, Bienvenue à bord, Le Bistrot du Hasard,

Le Bocal, Brèves de trottoirs, Brèves du temps perdu, Bureaux et dépendances, Café des sports, Cartes sur table, Come back, Comme un poisson dans l’air,

Le Comptoir, Les Copains d’avant… et leurs copines, Le Coucou,

Coup de foudre à Casteljarnac, Crash Zone, Crise et châtiment,

De toutes les couleurs, Des beaux-parents presque parfaits, Des valises sour les yeux, Dessous de table, Diagnostic réservé, Du pastaga dans le Champagne,

Elle et lui, monologue interactif, Erreur des pompes funèbres en votre faveur,

L’Étoffe des merveilles (adaptation), Eurostar, Flagrant délire, Gay friendly,

Le Gendre idéal, Happy hour, Héritages à tous les étages,

L’Hôpital était presque parfait, Hors-jeux interdits,

Il était une fois dans le web, Le Joker, Mélimélodrames, Ménage à trois,

Même pas mort, Miracle au couvent de Sainte Marie-Jeanne,

Mortelle Saint-Sylvestre, Morts de rire, Les Naufragés du Costa Mucho,

Plagiat, Nos pires amis, Photo de famille, Le Pire village de France,

Le Plus beau village de France, Préhistoires grotesques, Primeurs,

Quatre étoiles, Réveillon au poste, Revers de décors, Sans fleur ni couronne, Sens interdit – sans interdit, Série blanche et humour noir, Sketchs en série, Spéciale dédicace, Strip poker, Sur un plateau, Les Touristes,

Un boulevard sans issue, Un bref instant d’éternité,

Un cercueil pour deux, Un mariage sur deux, Un os dans les dahlias,

Un petit meurtre sans conséquence, Une soirée d’enfer, Vendredi 13,

Y a-t-il un pilote dans la salle ?

 

Essai

Écrire une comédie pour le théâtre

 

 

Toutes les pièces de Jean-Pierre Martinez sont librement téléchargeables

sur son site : www.comediatheque.net

 

 

Ce texte est protégé par les lois relatives au droit de propriété intellectuelle.

Toute contrefaçon est passible d’une condamnation

allant jusqu’à 300 000 euros et 3 ans de prison.

Paris – Octobre 2018

© La Comédi@thèque – ISBN 978-2-37705-242-4
Ouvrage téléchargeable gratuitement

Minute, papillon ! Lire la suite »

Him and Her

A comedy by Jean-Pierre Martinez

About the exciting adventure of living together…
For one, two, three, four… couples.


The text of this play is to free download. However, an authorization is required for any public representation. To get in touch with Jean-Pierre Martinez and ask an authorization to represent the play : CONTACT FORM


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This play has already been represented in Paris, Madrid, Montevideo…


Him and Her, Interactive Monologue

Jean-Pierre Martinez

A semiologist and a writer, Jean-Pierre Martinez has created a unique theatrical universe borrowing and blending elements from light comedy, black humour and the absurd. A powder-keg of a mix that is seducing an ever increasing audience. A script-writer for the French television series Avocats & Associés (France 2), he has written over a hundred television screenplays and seventy comedies for the theatre. He is one of the most frequently played contemporary playwrights in France and his plays have been translated in English, Spanish and Portuguese. Friday the 13th is his biggest play and has been performed in theatres all over the world, from Paris to Broadway, and from Buenos Aires to Mexico. All his plays are published by La Comediathèque and are available online (http://comediatheque.net). Originally from Paris but in love with Provence, he spends the best part of the year in Avignon where he registered the Compagnie Libre Théâtre, of which he is a director along with Ruth Martinez.


FULL TEXT OF THE PLAY

HIM AND HER, INTERACTIVE MONOLOGUE

 

Artists Entrance

1 – Wedding night

2 – Cherry time

3 – TV breakdown

4 – Quarantine

5 – Definition of love (through what it is not) and meeting again

6 – Carpaccio and Bacon

7 – Disappearance

8 – The world of sport

9 – Small talk

10 – Where do we go when we die ?

11 – Nightmare

12 – Furniture

Emergency exit


Artists Entrance

Dark. As if the show is about to start. However nothing happens long enough for the public to become unsettled. The light appears in a corner where two spectators, a man and a woman – strangers – are sitting side by side. The man looks nervously at a cinema/theatre guide, and then at his watch. The woman picks pop corn out of a huge bag, noisily stuffing handful after handful into her mouth.

Him – Sorry… Do you know what’s going on ?

Her – I guess we are waiting for the actors…

Him – Until now, only the audience were late for shows. If actors start doing the same…

Silence.

Her (worried) – Can I have a look at your guide ? In case the play has been cancelled…

He gives her his guide. But she doesn’t know how to take it, with her pot of pop corn in her hands.

Her (showing him the bag of popcorn) – Do you want some ?

He has no choice but to take the bag. She looks at the guide, but seems to be lost in it. He eats some pop corn with disgust.

Her – Sorry, I’m used to Time Out. I can’t find anything…

Him – And I don’t like pop corn…

She gives him back his guide, and takes back her pop corn.

Her – Anyway, it’s too late for a movie… We’re better off to waiting.

Him – I hope it’s worth it…

Her (worried) – Bad critics ?

Him (looking towards the public) – There aren’t many people…

Her – Well, the critics… They don’t mean much.. Sometimes, you see things, glorified by the critics. It lasts hours… but no one dares say they’re bored, for fear they sound like an idiot. Afterwards, they’ll tell you : ” That play was so deep, the proof : you didn’t understand a word of it…”

Him – Comedy is a different kettle of fish. If people don’t laugh during the show, they won’t tell you after : “Only a critic can understand how hysterically funny it is”.

Her – Are you a critic ?

Him (astonished) – Not you ?

Her – Actress…

Him – Of course…

Her – Only actors and critics go to the theatre nowadays… One in two spectators is an actor. It’s hard to tell where the stage is these days…

Him – You know the play ?

Her – Oh, no… But a friend of mine is performing in it. I came to see her… To do her a favour…

Him – Is she a famous actress…?

Her – She mostly does theatre…

Him – In that case… (Suspicious) You really are an actress?

Her (worried) – You don’t think I’m a good one ?

Him – Oh, no… You are very good.

Her – Actress by night and… museum attendant during the day.

Him – If you consider the modernity of the repertoire, it’s more or less the same job, isn’t it…?

Silence.

Her – I have no more pop corn.

Him – We might die before the show starts.

Her – Yes… It seems that they have forgotten us…

Him – In a few years, a cleaner will find our skeletons lying side by side, hand in hand…

Her – Hand in hand…?

Him – I think as the end grows near, we’ll become more affectionate towards each-other. We are like two shipwrecked souls on a desert island, aren’t we ? We don’t have much choice…

Her – You think they will give us our money back ?

Him (astonished) – Don’t tell me that you paid for this…

Her – Of course, not…

Him – Then…

They stand up in order to leave.

Him – We can always come back another time…

Her – If the play is still on. Which seems very unlikely…

Him – We could go to see another one.

Her – Is that an invitation…?

Him (showing an invitation) – For two.

Her – I hope that this time, it will start on time… What is it ?

Him (reading the invitation) – Him and her…

Her – Looks boring too…

Him – Sorry, I have to turn my mobile on…

Her – Oh, yes… I forgot to switch mine off…

They leave. Lights down.

1 – Wedding night

Him and her fall down on a couch, obviously exhausted.

Her – I thought they would never leave…

Him – They say that seven out of ten couples don’t have sex during their wedding night. Now I understand why…

Her – We could try to improve the average…

Him – You forget that we take off at 6.45 AM… From Luton…

Her – From Luton ?

Him – I told you ! I got the tickets on ebay…

Him – Why do the low cost companies have to take off from the most depressing town in England…? On the other hand, it’s true that when you leave from Luton, it makes anywhere look like a dream destination. Even Bratislava…

Him – They say that Bratislava is very beautiful… In spring…

Her – Don’t you mean Prague…?

Him – Similar region ?

Her – The Seychelles are beautiful all year round.. And don’t forget that spring starts only in two months…

Him – Oh, The Seychelles… Everybody goes there…

Her – It’s true that a honeymoon to Bratislava is a lot more original… We won’t meet lots of honeymooners on the plane… The only couple who mixed up Bratislava with Brasilia resold their tickets on ebay…

Him – We will treat ourselves with the Seychelles in a few years… For our wedding anniversary…

Her – Yeah. Our silver anniversary… When I won’t be able to get into my swimsuit… (Sigh) Life is unfair. We should inherit at 20, start working at 50 when we’ve finished our retirement, and procreate at 70, to have some company in our old age… And marriage would be at the end, a final vow…

Him – On the other hand, a lifetime without a mother in law… Is it really worth it…?

Her – Do you think I will still love you in 20 years ?

Him – Will you still have the choice…? When you can’t find a swimsuit that fits…

Her – I know a girl who said “no” on her wedding day, for a joke. She wanted to say “yes” immediately after but the mayor did not like the joke at all. She had to wait six months to get married for real…Turns out there’s a legal delay. Like for a driving licence. When you screw up, you can’t take it again right away. Did you know that ?

Him – No…

Her – This wedding was as boring as hell, wasn’t it ?

Him – People don’t marry just for the fun…

Her – Don’t tell me that they do it to go to Bratislava from Luton in the middle of the night. Or I’ll start asking myself why I said yes… What country is Bratislava in ?

Him – Well… Prague was the capital of Tchecoslovaquia…

Her – Then you don’t even know which country you’re taking me to for our honeymoon ! My mother was right : I really don’t know were I am going with you…

Him – Wait… Prague is now capital of Tchequia… Bratislava should be capital of Slovakia. Or Slovenia… Anyway, it’s in Europe ! We don’t even need a passport…

Her – And you, will you still love me in 20 years…?

Him – How could I not love my whole life long a girl who is ready to follow me to an unknown country of the EEC…?

She – If it’s a test then…

They kiss each other.

Him – I don’t want to hurry you, but our plane takes off in two hours. And it’s quite a long way to Luton…

2 – Cherry time

A couple, sitting on a couch.

Her – Did you see ? The cherry tree is in flower.

Him – Another year has past…

Silence.

Her – We’re happy, aren’t we…?

Him – Yes… (After a moment) We’re bored stiff, aren’t we ?

Her – Together ?

Him – Generally.

She thinks about it.

Her – We could buy another couch…

Him – What would we do with the old one ?

Her – Take a vacation…

Him – To go where ?

Her – Organise a party…

Him – To celebrate what ?

Her – The flowering of our cherry tree !

Him – They say that Japanese people do that, in spring. Invite friends round to contemplate their cherry tree, sipping tea…

Her – We should better hurry up. Some petals are already falling…

Him – So is some of my hair…

Her – Your hair ?

Him – It starts by one, and then you go bald before you know it… (After a moment) And who would we invite ?

Her – Friends !

Him – Friends…? We’ve got friends…?

Her – Probably…

Him – Anyway, people are always busy…

Her – You just need to give them notice.

Him – You invite them for a drink, they get out their diary… Instead of having a drink, you discuss about a possible date. Then they call you back to cancel and fix a new date… When I go for a drink, it’s right on the spot. In three weeks, I might not be thirsty anymore. There is no more improvisation !

Her – Maybe because people are afraid of being bored…

Him – You’ll see ! They will be busy. They will discuss a possible date. Meanwhile, the cherry tree’s petals will have fallen down…

Her – A carpet of petals is pretty too…

Him – Today it is sunny. But what the weather will be like in a month ? In addition to matching agendas, you have to consult the weather report. Inviting friends becomes even more complicated than foreseeing an eclipse. No… Instead of taking a chance on having fun with all this people in a month, I’d rather the guarantee of being bored with you right now.

Her – That’s so sweet…

Him – A few days ago, my best friend leaves me a message. I had not heard of him for months. I call him back right away to invite him for a drink. He tells me that he is busy, that he will call me to fix a date. I am still waiting. I never knew why he called me in the first place…

Her – Maybe he felt a little down…

Him – I don’t know if he did not feel so lonely after he called… In six months, he will probably call me again, and it will be the same. Is that what we call friends, now ? The same with the web ? They tell you that it is «friendly». You don’t even say hello to the guy next door, but with your computer, you will be able to chat with the Chinese in Esperanto. Do you know many Chinese people ?

Her – When I was a child, I used to communicate with my little neighbour by night, in Morse, with electric lamps. Even then it didn’t work very well…

Him – People are overbooked all the time. What can they possibly have so interesting to do, not to have a single moment to drink a coffee with their best friend without notice. I try to stay available. But nobody else ever is. So I get bored… You never get bored ?

Her – With you, never…

Silence.

Him – What about having this drink anyway ?

Her – The two of us ?

Him – Would you be available ?

Her – When ?

Him – Right now.

Her – Why not ?

Him – I’ll get the glasses.

Her – I’ll take care of the peanuts.

Somebody rings the bell.

Him – Are we expecting somebody ?

Her – No. Who can that be ? It’s almost dinner time.

Him – People are so bad-mannered. They won’t leave you alone, even at the week-end.

Her – I’ll go to see who it is…

Him – I’m not here for anyone.

She turns to him.

Her – And what if it’s a friend ?

He thinks about it.

Him – Tell him that our Japanese cherry tree is still in flower, and that he should come back when it has cherries…

3 – TV breakdown

A couple sitting on a couch, staring into space.

Her – Anything interesting on TV tonight ?

Him – I don’t know. Why ?

Her – Just like that… (After a while) You really don’t want us to buy another one ?

Him – When we had a TV, we couldn’t help watching it !

Her – That’s why a TV is made for, isn’t it ?

Him – We were totally moronic with the TV ! We didn’t do anything else !

They keep staring into space. Not doing anything.

Her (ironical) – What shall we do now ?

Him – What do you want us to do ?

Her – Nothing…

Him – It’s still better than watching TV… When there was only one channel, at least… But now, with the satellite…

Her (nostalgic) – When I was a child, we had no TV. I used to go watch it to at my neighbour’s…

Him (ironical) – You want me to ask the neighbour if you can go watch TV with him ?

Silence.

Her – We could talk.

He looks at her, upset.

Her – Since we no longer have TV, we could use the time to talk.

Him – Well… You first.

She tries to think about something.

Her – Do you love me ?

Him (shocked) – Could we do this… progressively.

He thinks about it.

Him – What do we have for dinner, tonight ?

Her – Wednesday, fish.

Him – Fish ? It should be Friday…

Her – Friday is chicken.

Him – A bit fishy, isn’t it…?

Silence.

Him – What kind of fish do you want ?

Her – I’ll go. I need to get custard, too… What about cod, for a change…?

Him – It’s a bit salty, isn’t it ?

Her – Not à la Française.

Him – That doesn’t involve custard does it ?

Silence.

Him – If ever you cheated on me, would you tell me ?

She looks at him, surprised.

Her – You mean : if you cheated on me, would I want you to tell me or not ?

Him – Also, yes…

Her – Why do you ask ?

Him – Just making conversation… Since we don’t have TV anymore.

She thinks about it.

Her – How do you want me to answer this ?

Him – Yes or no !

Her – Do you really think it’s that simple ?

Him – No ?

Her – Answering is already accepting the possibility that you could cheat on me.

Him – So ?

Her – It’s like if you asked me : if I murdered you, would you prefer me to go surrender to the police right after, or try to escape from justice ?

He doesn’t seem to understand.

Her – It supposes that I actually consider the possibility that you could murder me. That is the real question. The rest is irrelevant.

Him – But still, adultery isn’t a crime.

Her – It sometimes leads to crime…

He seems a little worried.

Him – If I cheated on you, you could kill me ?

Her – Anyway, if I did, I would most certainly surrender to the police. Justice has always been very lenient towards crimes of passion…

Silence.

Her – So, you actually consider the possibility of cheating on me.

Him – Ninety-five per cent of animals are polygamists. The rest form couples only for as long as it takes to raise their offspring. Proof that fidelity is not a natural thing…

Her – We are not animals. At least, women are not…

Him – There are still five per cent of monogamists among the animals ! It doesn’t make humans out of them. Why would fidelity be a criterion of humanity ?

Her – It is the foundation of the family, which is the foundation of society…

Him – So you won’t cheat on me solely to remain a good citizen ?

Silence.

Her – Is it that difficult for you to stay faithful to me ?

Him – No… I was just wondering if fidelity had the same meaning for men and women.

Her – So ? Why are men faithful, in your opinion ? When they are, of course…

He thinks about it.

Him – To avoid complications…?

Silence.

Him – Perhaps we should buy another TV.

4 – Quarantine

She is sitting on the couch. He arrives.

Him – It’s incredible. I just received another call from a friend of mine inviting me to celebrate his fortieth birthday. Unbelievable, isn’t it ?

Her – If you all were twenty at the same time, it is not so strange that twenty years later you could be forty more or less at the same time…

Him – I mean, what’s crazy is that I had no news from all this people for years… And all of a sudden, the phone doesn’t stop ringing !

Silence.

Her – Are you planning to go ?

Him – It scares me a little. They might have changed, it’s been a long time.

Her – Physically, you mean ?

Him – Physically, mentally… I hope they’re not too dishevelled.

Her (simpering) – What about me ? Are you sure I am not too dishevelled ?

Him – It’s different with you, I see you every day, you age little by little. But them, all of a sudden… It’ll be like The Return of The Living Dead… It’s weird, isn’t it, this sudden need to get together when people get close to their fortieth birthday…

Her – It’s called a birthday party, isn’t it ?

Him – They say that animals move closer to humans when they feel that the end is coming. It must be something like that. A kind of herd instinct. What could I possibly offer him ?

Her – A funeral contract…?

Him – It’s expensive, isn’t it ?

Her – I’m joking… What about you ?

Him – Yes, sure.

Her – No, I mean : Do you plan to do something about your fortieth anniversary ?

Him – What do you want me to do ? Any idea to preventing it ? Anyway, please, don’t organise a surprise party, okay…? If I haven’t seen all these people for years, there must be a very good reason.

Silence.

Him – How old are you, exactly ?

She looks at him, shocked, but does not answer.

Her – We should invite the neighbours for dinner one day.

Him – What for ?

Her – For nothing !

Him – They never invited us.

Her – Maybe they didn’t dare…

Silence.

Him – Just because we’re neighbours, it doesn’t mean that we need to be friends…

Her – The only friends we have live three hundred miles from here ! It could be nice to have friends next door…

Him – Well… From a practical point of view… It would cut travelling expenses. And hence reduce pollution. One could almost say that it is ecological to make friends with one’s neighbours.

Silence.

Him – What does he do, exactly ?

Her – I don’t know. Every morning, I see him leave home with a briefcase. Who knows where he goes. I’ll ask him next time, if you like…

Him – What about her ?

Her – They’re very discreet…

Him – Sounds like this dinner will be fun. If we don’t want to be intrusive…

Her – You’ll can always talk about yourself.

Him – They’ve got children, haven’t they ?

Her – Every day, three of them leave the house to go to school. I suppose they are theirs.

Him – Oh yes… A little, a medium and a big one… (Worried) Do we have to invite them too ?

Her – Oh, no ! I’ll specify that it’s a strictly adult evening. That way there’s no ambiguity.

Him – You were speaking about the neighbours in front, right ?

Her – The side neighbours ! The ones in front moved six months ago, after their divorce. Didn’t you see the sign “For Sale” ?

Him – No.

Her – And anyway, they didn’t have any children.

Him – Really…?

Silence.

Her – It wouldn’t be cleaning day, by any chance ?

Him – I’m afraid it is. (With a sigh) Housework is the foundation of the couple…

Her – That’s probably why a couple is called a household.

Him – And a triangle a “ménage à trois”.

She looks at him, surprised.

Him – Ménage means household, in French… When a man lives with two housewives…

Her – Three, in a house, can also be a couple with a child…

Him – Everyone has his own fantasies.

Silence.

Her – So ?

Him – You really think that now is the right time to have a baby ?

Her – It’s not a question of money, and you know it… Besides, we’re not so poor…

Him – We will be with a bunch of kids…! Look what happens in Africa, with the galloping population growth… I read a book years ago : «Black Africa Had A Bad Start». Well, it hasn’t got any better ever since… Today, nobody seriously thinks that Africa is in motion… Apart from the continental drift… The more babies people have, the poorer they are…

Her – Are you sure it is not the other way around ?

Him – Anyway, if poor people don’t have any children, the next generation, everybody would be rich… Look at the Chinese. They’re not allowed to have more than one baby, and they’re already much better off…

Her – Then, let’s start with one…

Him – When would we take care of this kid ? We don’t even have the time to sweep the floor !

Her – We would hire a cleaner.

Him – But we don’t have any room for this child !

Her – You could set up your office in the basement…

Him – That’s what I call a bad start… What about you ? Are you planning to stop working ?

Her – We’ll hire a nanny.

Him – In addition to the cleaner ? That’s no longer a “ménage à trois”, it’s a small business ! I’m not sure I’m that entrepreneurial…

Silence.

Him – We won’t be able to go out in the evening anymore.

Her – We’ll hire a baby-sitter.

Him – I never realised just how much of a direct effect population growth has on employment.

Her – And consumerism…

Him – Diapers, baby-food, toys, medical care…

She – New car…

Him – Finally, you’re right. This baby will bring an end to the economic crisis…

5 – Definition of love (through what it is not)

Him – How long have we known each other ? Twenty years, at least ? (Silence) Why didn’t we ever sleep together, by the way ? We get along well, don’t we…? We could even have married ! It’s weird, I see you a bit like an ex. Though we never went out together… We almost did once, remember ? You forced me to drink. Or perhaps it was the contrary. We ended up at your place, completely drunk. We laughed our heads off all night long, but we forgot to sleep together. Maybe because we get along too well, precisely. It wouldn’t be spicy enough. We would get bored, in the end. It’s true, we laugh a lot together, but… I can’t imagine making love to a girl who is laughing. Well, there are different kinds of laughter. I can make a girl laugh to sleep with her. But sleeping with a girl who makes me laugh…! No, if I slept with you, I would feel like I was sleeping with a buddy. I mean a girl, but… Besides, I don’t like blondes. I know, you are not blonde. But you were when I met you… I didn’t know that it wasn’t your natural colour ! Doesn’t hang on much, does it? It is not that I don’t like blondes, but… It depends. It must have been the colour. You were too blond for me. Girls who are too blond, I don’t know, it puts me off. Physically. I don’t know why… It must be something to do with the skin-type. And now it’s too late. I will always think of you as a blonde who dyed her hair to become a brunette. Besides your are not really dark-haired… It is not light-brown, either. I don’t know how to call it… It’s neither blonde nor dark. It’s not that I don’t think you are sexy, right ? Anyway, all the guys think you are sexy. Usually, it’s rather motivating. But in this case… Really, I can’t think exactly why I never felt like sleeping with you… Is that what we call love ? I mean, the «je ne sais quoi» that makes us feel like fucking together, or more if inclined. We figured out what it is, can you believe it ! Through what it is not… Now, why did I marry my wife rather than you or another one ? Well, she liked me. It was easier. If she hadn’t liked me right from the beginning, would I have held onto her…? And if I had held onto her, would she have liked it…? We will never know. Mutual love is easier, of course, but it’s not so… How can I say…? Conquering without a battle makes the triumph modest. Besides, I wonder what she liked in me ? Have you got any idea… ? I could ask her, of course, but… If she asks me back… Sometimes, there are matters that are best left alone. A bit of mystery in the couple can’t hurt. Well, within reason. Once I went out with a girl. After a year or so, she ditched me. I asked her why. She told me that she was bored stiff in bed with me. A whole year ! Isn’t that taking discretion a bit too far… Now why did she go out with me for a year ? It didn’t even occur to me to ask… There must have been a reason ! Unless she lied. About my sexual performances, I mean… As a form of revenge… I’m not saying that because it hurts my male pride, right ? It just surprised me a little, that’s all. It’s true, I am a reputedly good lay. What about you ? No, I mean, really, don’t you want to tell why you never fancied going out with me ? (Worried) You don’t have to answer that, hey ?

And meeting again

She arrives, with a big smile on her face.

Her (pleased) – Do you recognise me ?

Him (turning to her, embarrassed) – No…

Her (knowingly) – It was years ago, but still…

Him – Oh, yes, maybe…

Her (offended) – Maybe ?

Him – I mean, of course, I remember now… How are things going ?

Her – Not too bad… What are you doing here ?

Him – Well, nothing. What about you ?

Her (upset) – Did I change that much ?

Him – Oh, no ! Absolutely. Why ?

Her – You didn’t seem to recognise me a while ago.

Him – Sorry, it is just that I didn’t expect to see you again, that’s all.

Her – Anyway, you didn’t change, I can tell you.

Him – Thank you…

Her – So, what’s up ?

Him – You know, same old things…

Her – Still very talkative, hey ?

He doesn’t know what to say.

Her – Did you come back a long time ago ?

Him – From where…?

Her – Well… From there !

Him – Oh, yes… I mean, not really.

They stupidly smile, embarrassed.

Her (moved) – I’m very pleased to see you again.

Him – Me too…

Her (knowingly) – I have to go, now. Someone is waiting for me…

She hesitates for a while.

Her – We’re not going to shake hands are we ?

Him – Okay…

Taking him by surprise, she French kisses him.

Her (pathetic) – We might meet again some other time…

Him (upset) – Maybe, yes…

Her – Well… So long Paul !

She lets go of him, with tears in her eyes.

Him – So long.

She leaves, turning around one last time. They wave good-bye from afar. He remains alone.

Him (taken aback) – Paul ?

6 – Carpaccio and Bacon

A couple admiring a painting that we can’t see, and that is hung on an invisible wall.

Him – Panini, isn’t it ?

Her – Let’s see.

She gets closer and, leaning forward, reads the name of the painter above the frame.

Her – Not quite, it’s… Carpaccio.

Him – Of course…

They admire the painting for a while, and then move on to another one.

Her (playful) – Want to give it another try ?

Him – Okay…

He looks the painting carefully.

Him – Picasso…?

She glances at him to make him understand that he is wrong.

Him – Pissaro…?

Her – Pissaro… Picabia !

Him – Oh yes… I always mix them up.

They proceed to the next painting.

Him – Your turn ?

She looks at the painting carefully.

She – Manet…?

He reads the name above the frame.

Him – Monet !

She – Well…! It’s about the same, isn’t it ?

They go on.

She – Look ! They have got a lot of Bacon too…

He looks at her a little, not sure to understand. Then they go and look at the painting.

Her – It’s good, isn’t ?

Him – Yes, it’s…

Her – It’s Bacon.

Him – Yes…

Silence.

Her (thoughtful) – Sometimes, I wonder…

Him – What ?

Her – If I didn’t know it was Bacon, would I find it so good ?

He looks at her, surprised.

Her – If I didn’t know that these paintings are worth millions ! Let’s be frank. Imagine that you have never heard of the Mona Lisa. You come across at the flea market. For sale. Three hundred pounds. Can you say for certain that you would hang her up above the fireplace ? This dope with her silly smile ?

He thinks about it.

Him – We do not have a fireplace, anyway…

Her – No, let’s be honest, even if we have visited dozens of museums and hundreds of exhibitions, would we really be able to see the difference between a piece of shit and a masterpiece…?

Him – We’ll never be able to tell. You don’t see anything but masterpieces in museums. It’s not fair, by the way. In all museums, they should save a room to expose just really crap stuff. The principal of the placebo test, you see ? Just to check out if the other paintings are really beautiful, or if we find them so just because they told us that they were.

Her – Anyway… Going to museum, it’s like going to church, isn’t ? One goes there for the atmosphere above all.

Him – Fortunately, you can practice even if you don’t believe… The same as for love…

She looks at him, not sure she’s understood.

Him – I mean, the same applies to marriage… Look at us… We married in church… However, we don’t really believe in God.

Silence.

Her – Do you remember our honeymoon to Paris ? You took me to the Picasso Museum…

Him (nostalgically) – Of course, I remember…

Her – We were so excited… It’s only half round that we realised that it was the Carnavalet Museum…

Him – Yes… They’re both in the same area…

Her (smiling) – I did wonder why the preliminaries were taking so long…

Him – The preliminaries…?

Her – I mean, Picasso… His first period…

Him – Oh, yes, of course…

Silence. They start to leave.

Her – Did you heard of that artist who paints under the sea ? (He is not sure he understands). He puts on a wet suit, goes into the sea and paints corals.

Him – I must say I never heard of him. Any good ?

Her – Well, pretty good, actually…

7 – Disappearance

A couple, sitting on a couch. They seem to be bored. He starts looking for something.

Him – Do you know where the remote control is ? It seems to have disappeared…

She looks at him, surprised.

Her – But… we don’t have a TV anymore !

Him – Oh yes, quite right..

Silence.

Him – What would you do if I disappeared ?

She looks at him, astonished.

Her – Like the remote control, you mean ?

Him – Not like the remote control ! If I disappeared, you see what I mean…

Her – You don’t feel well ?

Him – I’m fine, it’s just a hypothesis.

Her – Haven’t you got a happier one ?

Him – I am older than you. I will probably croak first.

Her – You’re hardly three years older…

Him – Women live longer than men, anyway ! Besides, I could have an accident. A heart attack. Cancer.

Her – Me too !

Him – Maybe, but I asked first.

Her – Well I don’t know. Do I have some time to think about it ?

Him – Prevention is better than cure…

She looks at him, not sure of understanding.

Him – I mean, it’s better to forewarn.

Silence.

Him – Anyway I can tell you, I would rather be cremated.

Her – Why do you tell me that now ?

Him – Well, I won’t be able to tell you after, will I ? (After a while) It’s my nightmare, that is, to be buried alive. Not you ?

Her – It probably doesn’t happen very often.

Him – Well, once is enough.

Her – And to be burned alive, doesn’t that scare you ?

He looks at her, worried.

Him – I never thought about that… (After a while) Do you believe that there is a life after death ?

Her – Is it really something to hope for…?

Him – You wouldn’t have to worry about money, you know…

Her (surprised) – If there was a life after death, you mean ?

Him – If I were to depart !

Her – Oh, yes… I wasn’t worried.

Silence.

Him – I wouldn’t be mad at you if you married again, you know.

Her – Thank you.

Him – Well, you wouldn’t necessarily have to marry him though..

Her – Him ?

Him – The guy you would get hitched with. You’d better keep your independence.

Her – What independence ?

Him – It’s funny, though. I can hardly imagine you with another guy…

Her (offended) – Do you think nobody would want to live with me ?

Him – Oh, no. On the contrary. In fact, I think I would be jealous.

Her – When you’re dead, you’ll be jealous ?

Him – Absolutely…

Her – And what if I were to… depart before you do ?

Him (fake) – Well, there you’ve caught me unprepared. (After a while) If I were to get hitched again, would you be mad at me ?

Her – I wouldn’t be there to see it.

Him – But you would be jealous…?

She looks at him, suspicious, but does not answer.

Him – Who do you imagine me with ?

Her – Do you want me to introduce you to a girlfriend of mine, just in case ?

Him – For the children, there are godfathers and godmothers… For members of parliament, it’s is the same. There are substitutes. If one gets sick or dies, you’ve got a new one at the drop of a hat. It’s all organised…

Her – Yes… And for cars, there are a spare wheels… (Upset) You are not telling me that you’ve already found my replacement, are you…?

Him – Well, it’s not that easy, you know ? (After a while) Silence. The good thing about bigamy, is that in case of death, one is only half-widowed.

She looks at him, astonished.

She – Indeed…

8 – The world of sport

She is reading a women magazine. He is bored. After a while, he hesitates, takes out a sports magazine, and starts reading it. She notices it and looks surprised.

Her – You buy sports magazines, now ?

Him – Why wouldn’t I ?

Her – Well… And… you’re really going to read it ?

Him – I leaf through… To make up my mind…

Her – About what ?

Him – I don’t know. A lot of men read this on the tube. I just wondered what was so interesting…

Her – So, did you find out ?

Him – No…

She looks dismayed.

Her – Are you interested in sports ?

Him – Not much…

Her – Then it’s not very surprising that you do not find any interest reading sports magazines…

He puts his magazine away.

Him – Well… To be interested in sports is one thing. To feel every morning an irrepressible need to know if Luton beat Bratislava 3 to 1 or if the match ended in a draw is another thing. I don’t even know where Bratislava is…

Her – It’s the capital of Slovakia, isn’t it…

Him – Are you sure ?

Her – Or Slovenia…

Him – Slovenia ? Do you really think they can afford a football team ? It’s a very small country…

Her – Well, the Vatican is another one. And they’ve got a lot of money…

Him – Don’t tell me that the Vatican has also got a football team…?

He goes back to his sports magazine.

Her – But why does it matter so much for you, all of a sudden, to understand why men read sports magazines ?

Him – It would seem that I need to be reassured about my manhood…

Her – Well, too bad…

Him – Thank you.

Her – Listen, you can be a man without reading sports magazines.

Him – Really…?

She thinks about it.

Him – I don’t know… Do you want me to subscribe you to a car magazine ?

He looks at her, wondering if she is making fun of him. She goes back to her womens’ magazine.

Him – What about you ?

Her – Me ?

Him – What interest do you find reading womens’ magazines ?

She glares at him.

Her – You read them too…

Him – Well… Only for fun…

Her – I don’t read sports magazines… Even for fun…

Him (disturbed) – Do you find me effeminate, is that it ?

Her – But, no… All men read their wives’ magazines. It’s common knowledge. Why do you think there are so many advertisements for cars in womens’ magazines ?

Him – Well you don’t see many advertisements for washing machines in sports mags.

Her – And yet, football is a very dirty sport… You only have to see the number of football players in the advertisements for washing machines.

She goes back to her magazine. But he still seems preoccupied. She notices.

Her – Is there still something you are worried about ?

Him – No, I was just thinking about the differences between men and women…

Her – So…

Him – Take the clothes, for instance… Pants are no longer a male monopoly, but the skirt is still a woman’s privilege.

She looks at him, incredulous.

Him – The same with colours. You women can wear grey or pink as well. We have to stick to grey. Or brown… (After a while) You blame us for not liking shopping… But do you realise how depressing a men’s shoe store can be ?

She looks worried.

Her – You would like to be able to wear a pink miniskirt with stilettos ?

Him – No ! It’s just a simple statement of fact… You have stolen the best of our male attributes, and we did not receive anything in exchange. (He huffily goes back to his sports magazine) At least, we still have sports magazines.

9 – Small talk

She is reading. He stares into space. She notices.

Her (surprised) – What are you looking at that way ?

Him – TV…

Her – But we don’t have one anymore !

Him (with a sigh) – I know, but… It’s like if my legs had been amputated and I still had pins and needles in my feet…

She stares at him, and then goes back to her book. After a while, she looks at him again.

Her – It’s weird, today, I received a call for you on my mobile…

Him – Oh, yes, sorry, I forgot to tell you. I put your phone number on my answering machine at the office, so people I work with can join me during the holidays…

Her – The holidays ? But it’s a week from now !

Him – Well… At least, they have it.

Her (staggered) – My mobile phone number !? And meanwhile, for a whole week, I’m going to receive calls from “people you work with”…?

Him – I don’t know… Tell them to call me back during the holidays…

Her – Don’t you think it would have been easier for you to get one ?

Him – Me !? A mobile ! When I’m not at work, I like people to leave me alone. I don’t want them to bother me…

Her – So you prefer that they bother me !? I was right in the middle of a disciplinary committee at college, when a guy called me to ask when I – I mean when you – planned to submit your article titled “The wearing of G-string in the workplace is a human right” ? Don’t you think it doesn’t bother me ?

Him – You don’t switch off your mobile during disciplinary committees ?

Her (ironical) – Sorry, I forgot… Listen, a mobile is something very personal. You cannot lend it to anybody. Even your husband. I don’t know how to explain… It’s like a toothbrush…

Him – A toothbrush ? Well… If you want to use my toothbrush during the holidays, no problem…

Her – Well, a computer, then ! Would you let me use your computer if mine was disabled by a virus ?

He does not answer.

Her – And after the holidays ?

He seems not to understand.

Her – I’ll still receive calls for you !? It’s a good thing you don’t have anything to hide…

Him – After the holidays, I’ll tell them that I lost this bloody phone. Or even better, that it was stolen from me ! Mobiles are often stolen…

Her – Perfect ! That way, if somebody reaches me anyway, he will call me a thief ! Do I have to remind you that this phone is mine ?!

Him – Well, if you prefer, you can let me have it. And you can buy another one…

Her – Of course ! And then, when the people I know will call me, they’ll get in touch with you…

Him – I’ll give them your new number, and that’s all…

Her – You’re right, it’s much easier than you simply buying a phone for yourself. (Suspicious) Don’t tell me you’re using mine just to spare you the trouble…?

He does not answer. Silence.

Him – You’ll never guess what the butcher called me this morning…

Apparently, she doesn’t care.

Him – “Young man”… (Imitating the butcher) “And for the young man, what will it be today ?”. It’s the first time he’s called me that…

Her – Well, it’s the male equivalent of ” And for the young lady, what will it be today”.

Him – It’s scary, isn’t it, that the butcher could see us as “the young man and the young lady” ? It’s a good thing that we don’t go shopping together. He would be able to call us “the young couple”. (Imitating again the butcher) “And for the young couple, what will it be today ?”. Then, I think I would become a vegetarian on the spot.

Silence.

Him – Anyway, I’ve always found meat a little disgusting, haven’t you ?

Back to her book, she doesn’t answer. But he proceeds all the same.

Him – Chicken, at a push… True, it’s scary, a butcher’s shop, if you think about it. Bleeding flesh spread out everywhere. Entire animal carcasses in the cold room. All those innocent cows locked up in camps in the countryside, surrounded by barbed wire, sometimes even electrified; waiting to be dragged out to the slaughterhouse and be cut up… Poor beasts. At least, they don’t know what’s going to happen to them. When I see those huge guys, with those kind of white shrouds on their heads, taking the bodies of their victims out of the refrigerator truck, carrying them on their shoulders… Looks like the Ku Klux Klan…

She still does not react. He turns to her.

Him – Did you know that sikhs were strictly vegetarian ?

She finally looks up.

Her – Oh, by the way, no need to go to the department store for a bathroom neon. I dropped in this afternoon. (After a while) I came across our neighbour from in front. She was buying a huge suitcase…

He looks at her, seeming not to understand. A mobile rings. She answers.

Her – Yes…?

Her smile vanishes.

She (with pretend amiability) – No, this is his secretary speaking, but hold on a second, I’ll patch you through right away. Whom do I have to announce ? (She holds the phone out to him, exasperated) It’s for you. Your buddy Peter…

He takes the phone as if nothing had happened.

Him – Hello !

He seems to be a little embarrassed.

Him – How does this thing work anyway…?

10 – Where do we go when we die ?

They are sitting on a couch.

Him – Did you see the postman, this morning ?

Her – You’re expecting something ?

Him – Not really… But I always hope for a miracle when I open the mailbox. To be told I won a competition I didn’t go in for. That an old and loaded aunt I didn’t even know about died with no heirs. That they awarded me the Nobel Prize in advance for my future work… Every day, opening the mailbox, I am like a child in front of the tree, on Christmas Day.

Her – That’s right… Growing up, we don’t believe in Santa Claus anymore, but we still believe in the postman. Besides, there are some similarities… They both wear a uniform. They come by with a sack. They drop off packets, and you never get to see them…

Him – Well, the postman, you can see him on Christmas day, precisely, when he comes for his tips… (With a sigh) I hate Christmas. Every new year, there are less greeting cards in the mailbox, and more funeral announcements… (After a while) But why am I waiting for the postman as if he was the Messiah…? On the other hand, the Messiah’s father might very well have been the postman, right ? Because this story about the Immaculate Conception… Unless you believe in Santa Claus too…

Her – To get letters, you have to write some. Most people just receive answers. If you never send letters, don’t be surprised not to get any… I think I never received a letter from you…

Him (ironical) – Do you want us to write each other once in a while ?

She looks at him, wondering if he’s serious or not.

Him – What could we possibly have to say each other any way…? I would feel like I were writing to myself. Besides, we always write more or less to ourselves, don’t we ? There are people you write endless letters to… And when you finally meet them, you realise that you don’t have anything to tell them. No, definitely, writing has something to do with onanism…

She treats herself to a drink and lights a cigarette.

Him – You smoke now ?

Her (surprised) – Well, yes… I have been smoking for twenty years. Didn’t you ever notice ?

Silence.

Him – Did you know that every cigarette reduces your life by ten minutes ? (She does not answer) How many cigarettes a day do you smoke ?

Her (ironical) – According to my calculations, I should have died six months ago. Maybe I am…

Silence.

Him – The same with the mobile, right ? Not very healthy. They say that if you use it more than an hour a day, you are sure to get brain cancer. You better not go over your monthly contract… (After a while) By the way, you know what your daughter asked me this morning, while I was brushing my teeth ?

Her – No.

Him – Where do we go when we die ?

Her – What did you answer ?

Him – What do you think I answered ?

Her – I don’t know.

Him – Right. It’s exactly what I answered.

Her – So ?

Him – She told me : But dad, when we die, we go to the cemetery !

Her – And then ?

Him – Then, she went back to eating her corn-flakes. Apparently, she was happy to have taught me something; and a bit surprised that, at my age, I still didn’t know what was waiting for me… Incredible, isn’t it ?

Her – What ? That she asked you that ?

Him – No, that children are so able to accept simple answers to simple questions. A philosophy teacher would have spoken of metaphysics, immanence, transcendence, the whole damn lot… even God. Children are much more pragmatic. Besides, they are naturally atheist.

Her – They believe in Santa Claus.

Him – Well… Because theirs parents tell them that he exists, and that he will bring them gifts. Otherwise, they wouldn’t have invented him by themselves. If somebody told you that an anonymous benefactor would pay you a bonus at Christmas every year, you wouldn’t question his existence. But God never brought us anything for Christmas, and some adults still believe in him… Do you believe ?

Her – In Santa Claus ?

Silence.

Him – What’s incredible, too, is that it wouldn’t scare her.

Her – What ?

Him – The prospect of being buried ! You and I… we are wetting ourselves… Why not her ? (After a while) I’ll have to ask her tonight what she means exactly by «when we die, we go to the cemetery »… What do you think she means by that ?

She looks at him, embarrassed.

Her – Well… that.

Him – What… that ?

Her – When we die, we go to the cemetery…

He looks at her, astonished.

Him – Then you believe that too…?

Her – You don’t ?

Him – Well, of course… I mean…

He laughs at her.

Him – Wait, don’t tell me that it’s as simple as that for you too !

Her – In a way… It is.

He looks at her, mocking.

Her – I don’t know, a while ago, you thought it marvellous not to worry about anything. To be satisfied with simple answers to simple questions.

Him – Well yes, but… You’re not five years old !

Her – Ok, then. Go on. I ask you the question : Where do we go when we die ?

Him (taken aback) – Well… It’s not as simple as that…

Her – I’m listening…

Him – I don’t know, it’s… as a fact of matter…

Her – Fact of matter..? You mean as a matter of fact ?

Him – Where do we go when we die…? We go nowhere !

Her – We go to the cemetery !

Him – Well, if you want…

Her – Even if I do not !

Him – But, look… We go to the cemetery, it doesn’t mean anything ! One can perfectly well go to the cemetery whilst still alive, have a little walk around, leave the cemetery and go get lunch in a Chinese restaurant. What does that mean, go to the cemetery ? Besides, one can die and not go to the cemetery. When they don’t find the body ! You see ? In that case, you can’t say : When we die, we go to the cemetery. Can’t you see that it is not as simple as you think it is ?

Her – Well… Then if your daughter asks you again, what will you answer ?

Him – I don’t know… (He thinks about it) I will answer… When we die, we go to the cemetery… usually. If they find the body… When you are alive, you can also go to the cemetery… But when you are dead, it’s for ever.

Her (coughing) – Yes…

11 – Nightmare

He arrives wearing a blond wig, carrying a football ball, and acting like a child. After a while, she arrives behind him, wearing a man’s jacket and a moustache like Hitler or Chaplin.

Her (loud) – Guten Tag…

He jumps seeing her.

Him – But… Who are you ?

Her – I am… the baby-sitter.

He looks terrified. She brings out a packet of cigarettes.

Her (holding out the packet to him) – Do you smoke ?

He is about to take a cigarette, but prudently renounces.

Him – No, thank you.

Her – Natürlich. It’s forbidden… There is an ashtray, but it doesn’t mean a thing ! It’s only to avoid law-breakers burning the carpet… The same old things. They promulgate laws, but always have an afterthought in case they’re not respected… (She brings out a chewing-gum packet) Would you like a chewing-gum ?

Him – It gives me wind…

Her – You know why the subway’s cicadas are an endangered species ?

Him – There are cicadas, in the subway ?

Her – Or crickets, I don’t know. Well it’s because they ate cigarette butts. Since they prohibited smoking in the subway, of course, they are starving. Do you realise ? A whole ecosystem has been turned upside down… Well, they could start eating old chewing-gum…

Him – Not long ago, I saw an exhibition about animal life in urban surroundings. It’s not very well known, but there is an incredible fauna, in big cities like London. Even wolves. But thousands of them, you know ?

Her – Wolves ?

Him – Of course they only go out by night, in parks…

Her – You mean… foxes ?

Him – Oh, yes, maybe… Anyway, I never saw any of them…

Her – Because most parks close at night…

Sound of a door closed and locked. He looks scared.

Her – The cleaner locked the door… and took the key away.

Him – There are no windows… We won’t even be able to call for help…

Her – Don’t you have a mobile…?

He goes through all his pockets, and finally smiles with relief while bringing something out of a pocket.

Him – Oh, yes ! (His smile vanishes while he realises that it is not a mobile). Gosh, it’s the remote control I was looking for everywhere…

Her – Besides… there is not even a TV in here !

Him – Well… I guess we just have to wait for the postman to set us free tomorrow morning…

Her – Tomorrow, it’s Christmas Day.

Him – Oh, yes, that’s right, fuck…!

Her – You might be willing to lie down…?

He looks at her, terrified. She brings out a white sheet.

Her – If we are planning to see Christmas together, we better get comfortable… Which side do you prefer ?

Him – I have no preferences…

Her – Then, I will take this one…

She slips under the sheet. He does the same.

Her – Merry Christmas, then !

Him – Well, yes… Merry Christmas…

After a while, he screams and wakes up with a start. She wakes up too. He is no longer wearing his blonde wig, nor she her moustache.

Her – Are you all right, darling ?

Him – Well, yes… I must have had a nightmare. I dreamt it was Christmas Day…

Her (looking at him, surprised) – But darling… It is Christmas Day !

12 – Furniture

The stage is totally empty. He is there, standing. She arrives from outside.

Her (looking around, astonished) – But… Where is the furniture ?

Him (proud of himself) – You will never guess.

She stares at him, waiting for an explanation.

Him – A guy knocked at the door, this morning. An antique dealer…

Her (worried) – So ?

Him – At first, of course, I told him that we did not have anything to sell…

Her – And then…?

Him – Then I told myself that it didn’t hurt to ask him to value the whole stuff. The estimation was free. You’ll never guess how much he offered me for all this shitty things.

Her – How much…?

Him – More than enough to buy others.

Her – Then why did you sell them ?

Him – For a change ! You told me that you wanted to buy another couch.

Her – So…?

Him – You know perfectly well that if we had changed the couch, we would have had to buy another table to match it. Then, we would have to have changed the chairs, and so on…

Her – Well, maybe…

Him – It would have cost a fortune ! And what would have we done with our old furniture ?

She does not answer.

Him – This way, it’s much easier.

Her – And… meanwhile ?

Him – Meanwhile what ?

Her – Meanwhile we buy new furniture…

He looks the empty space around him.

Him – As far as I am concerned, I never liked over-furnished rooms.

Her – Well, now, it’s not over-furnished at all…

Him – Aren’t you happy ?

Her – Not to have furniture anymore…?

Him – But… you told me that you didn’t like our old couch !

Her – I never said that I didn’t want any furniture at all ! We don’t even have a bed anymore !

Him – But I just told you that… I thought you would be happy !

Her (conciliatory) – Listen, we will have dinner in a restaurant tonight, then we will spend the night in a hotel, and tomorrow we will go buy furniture. Alright ?

Him – Alright…

Silence.

Him – We still have to choose the style.

Her – Since we have to change, we better go for modern, don’t you think ?

Him – Okay… But then, we will have to redo the paintwork…

Her – Don’t you think you’re are a bit too perfectionist ?

Him – Modern furniture with this dirty paintwork ? It will clash…

Her (ironical) – We’d better move, hadn’t we ?

Him – Do you think so ? (After a while) At least, that way, it would be done very quickly… We turn the water and the electricity off before we go out, and we wouldn’t even have to come back.

She suddenly worries about something.

Her – Did you think about emptying the drawers ?

Him – Of course.

Her – What about your wedding ring ?

Him – My wedding ring…?

Her – The one you were keeping in the bedside table drawer !

Him – Oh, shit…

She does not add anything, but she looks staggered. So does he.

Him – It has been there for so long. I didn’t even think…

Silence.

Her – Have you got this antique dealer’s address ?

Him – No… He gave me cash, put the whole stuff in his truck, and left. (After a while, unconvinced) If he finds it, he will probably give us a call…

Her (bitter) – Yes… And if he doesn’t, you’ll always be able to change your wife… You’ll just have to choose a more modern one, to match the new paintwork and the new furniture.

Him – I’m really sorry…

Her – Why didn’t you ever wear the wedding ring anyway ?

Him – I did ! Before we got married… Remember ? I bought our rings in a bazaar in Yemen; to make them think we were married. Otherwise, they didn’t want to rent us a hotel room.

Her – Well, now that you sold our furniture, including our bed, we won’t have any other choice but to find a hotel tonight…

Him – Don’t worry. We live in a civilised country. They won’t ask for our marriage certificate…

Her – And after the wedding ? Why did you leave your ring in the drawer ?

Him – Well… I was afraid of losing it.

Silence.

Him – Are you angry…?

She does not answer.

Him – Come on, let’s go !

Her – Where ?

Him – To the hotel ! It will be like another honeymoon ! No more rings, no more furniture, no home anymore… We’ll start all over again !

Her – I still have my ring…

Him – You better take it off.

Her – Why ?

Him – You look married, I don’t. In the hotel, they will think we have an illegitimate relationship…

Her – So you’re giving me the choice between celibacy and adultery, are you ?

They leave.

Her – You have got a strange idea of marriage.

Emergency exit

Light on a couple, about to leave. He puts on his coat. She takes out a cigarette.

Her (enthusiastic) – So…?

Him (categorical) – Crap.

Her (shocked) – Crap ?

Him – Load of crap.

Her – You didn’t understand anything, then ?

Him – There was something to understand ?

Her – Oh, yes, of course…

Him (looking at her) – Of course what ?

Her – You get your revenge…

Him – What revenge…?

Her – This time I liked it, then you don’t… That’s really mean, don’t you think ?

Him – Wait, I didn’t like it, that’s all ! I’m not going to tell you that I liked it just to please you !

Her – You didn’t say that you didn’t like it, you said that it was crap. It’s not exactly the same !

Him – Well, I don’t really see the difference…

Her – It was crap, I liked it, so I am crap.

Him – You said it…

Her – I didn’t say it, Plato did.

Him – Plato says that you’re crap ?

Her – It’s called a syllogism. All women are mortal, I am a woman, so I am mortal.

Him – If Plato says so, then… As far as I am concerned, I just said that I found this thing dead boring. (After a while) Besides, I’m not even sure that your syllogism stands up.

Her – That’s right, go on…

Him – But… what did you like ?

Her – Everything !

Him – That’s rather vague, isn’t it ?

Her – What did you not like ?

Him – Well, I’d rather not get into details. You’ll get upset again…

Her – Me, upset ? Wait, I don’t care you didn’t like ! I liked it, that’s all. I feel sorry for you if you were bored…

Silence.

Him – We’re not going to argue about that, are we ?

Her – Sometimes, I wonder what we’re doing together…

He takes her gently by the shoulder.

Him – Come on…

Her – Next time, I hope we will both like it…

Him – Or at least that we will agree…

She looks at him.

Him – We might both get bored.

Her – Well yes… It’s a minimalist idea of harmony…

They leave. Dark.

Paris – Novembre 2011 © La Comédi@thèque – ISBN 979-10-90908-31-4

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Il était un petit navire

Save Our Savings –  Había una vez un barco chiquititoJogo de Escape

Une comédie de Jean-Pierre Martinez

7 comédiens
Certains rôles sont indifféremment masculins ou féminins
3H/4F, 2H/5F, 1H/6F

Six personnages mystérieux sont bloqués sur une île par une grève de ferry. Ils ont tous une bonne raison pour vouloir regagner le continent au plus vite. Ils embarquent sur un bateau de pêche piloté par un passeur improvisé. Mais le prix à payer pour cette traversée sera plus élevé que prévu… Une fable humoristique sur les travers de notre société.


Ce texte est offert gracieusement à la lecture. Avant toute exploitation publique, professionnelle ou amateur, vous devez obtenir l’autorisation de la SACD.


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Le mot de l’auteur à l’occasion de la création de la pièce en Belgique

C’est plaisir et un honneur pour moi, auteur français, de voir cette pièce, écrite il a moins d’un an, créée pour la première fois en Belgique, presque simultanément par deux compagnies, à Bruxelles donc, et aussi dans la Province de Luxembourg. J’aime la Belgique, et elle me le rend bien ! «Il était un petit navire» est une célèbre comptine enfantine, dont j’ignore si elle est aussi connue dans votre pays qu’en France. Cette chanson raconte l’histoire de marins naufragés qui, à la dérive sur un radeau, et venant à manquer de vivres, décident de tirer à la courte paille pour savoir lequel sera mangé. Le thème de cette chanson fait tragiquement écho à l’actualité de ces migrants à la dérive sur des embarcations de fortune, au péril de leur vie. Mais c’est une comédie que j’ai voulu écrire. Cette pièce est donc plutôt une fable sur les travers de notre société, livrée aux excès du capitalisme financier. Le navire en question tient à la fois de l’Arche de Noë et du Radeau de la Méduse. Et les «migrants» qui ont pris place à son bord sont des exilés fiscaux. Cela ne les empêchera pas, devant la perspective du naufrage, de s’entre-déchirer. Car dans le monde des puissants, la seule morale qui vaille est « chacun pour soi et moi d’abord ». Je préfère de loin celle de cette sympathique compagnie, «Les Copains d’abord», nom qui réfère à une autre chanson française, de Georges Brassens celle-là, parlant aussi d’un bateau, dont les matelots n’étaient pas «des enfants de salauds, mais des amis franco de port». Merci aux «Copains d’abord» de donner vie à ce texte, et bon spectacle à tous ! 


LIEN VIDÉO

 

 

 

 

 

 

 

 

 


TEXTE INTÉGRAL DE LA PIÈCE

Il était un petit navire

7 personnages

Max
Diane
Yvonne
Charles
Sergio
Amanda
Marie

Les rôles de Maximilien (ou Maximilienne) et de Sergio (ou Sergia) sont indifféremment masculins ou féminins

Tableau 1

Le pont d’un bateau de pêche. Au fond un gouvernail. Quelque part une bouée de sauvetage avec le nom du bateau : L’Entreprenant. Devant deux transats. Max, une casquette de capitaine sur la tête, déplie une carte pour l’étudier. Il regarde la carte à l’envers, la remet dans le bon sens, puis il regarde autour de lui, essayant de s’orienter. Diane, genre business woman, arrive, traînant derrière elle une valise de luxe à roulettes. Après une légère hésitation, elle s’adresse à Max.

Diane – Vous avez consulté la météo marine, ce matin ?

Max replie précipitamment la carte.

Max – Oui, et ils annoncent du brouillard.

Diane – Quel mot de passe à la con…

Max – Les mots de passe, c’est toujours un peu con.

Diane – La question, c’est… pourquoi un mot de passe ?

Max – Par les temps qui courent… Si vous saviez le nombre de gens qui seraient prêts à tuer père et mère pour quitter cette île au plus vite. Vous êtes sûre que personne ne vous a suivie ?

Diane – Je ne crois pas…

Max – Bon… Je vous demanderai quand même de ne pas parler trop fort. Depuis le pont d’un bateau, vous savez, les voix portent très loin. Et il n’est pas impossible qu’on nous observe…

Diane – Vous ne croyez pas que vous en faites un peu trop ?

Max – C’est mon devoir de veiller à la sécurité des passagers. Vous connaissez la formule. Seul maître à bord après Dieu. Et comme je ne crois pas trop en Dieu…

Diane jette un regard autour d’elle.

Diane – Donc vous êtes le… capitaine de ce bateau ?

Max – C’est moi, oui. Mais je vous en prie, appelez-moi Maximilien.

Diane – Maximilien ? C’est curieux, ce nom me dit vaguement quelque chose.

Max – Ou Max, pour les intimes.

Diane (froidement) – Diane de la Rochelière.

Max – Diane, très bien.

Diane – Vous parliez d’un yacht… Je ne m’attendais pas à… ça.

Max – Hélas, j’ai dû laisser mon yacht en cale sèche pour le contrôle technique. C’est un ami qui m’a prêté celui-ci. Mais je vous assure que…

Diane – Ça ressemble beaucoup à un bateau de pêche, non ?

Max – Mon ami est pêcheur, en effet. Enfin… la pêche au gros, bien sûr. Le thon… ou l’espadon.

Diane – Le thon ? D’après l’odeur, je pencherais plutôt pour la pêche à la morue…

Max – Ça doit venir du port… Quand on sera en pleine mer, vous verrez, on ne sentira plus que l’air du large.

Diane – Et vous êtes sûr que ce rafiot est vraiment fait pour le grand large ?

Max – Nous ne sommes qu’à une trentaine de kilomètres du continent… On ne peut pas vraiment parler de grand large.

Diane – Enfin, à la guerre comme à la guerre. La traversée dure combien de temps ?

Max – Je dirais une petite heure, pas plus.

Diane – OK…

Max – Deux au maximum, par vents contraires.

Diane – Par vents contraires ? Ne me dites pas que c’est un bateau à voile… Vous me prenez assez cher comme ça pour le gasoil.

Max – Rassurez-vous, c’est bien un bateau à moteur.

Diane – Je peux voir ma cabine ?

Max – Votre cabine ?

Diane – Ah, d’accord…

Max – Il y a deux couchettes en bas. Mais je vous préviens, c’est assez sommaire.

Diane – Rassurez-moi, il y a des toilettes, au moins…

Max – Ah oui, quand même.

Diane – Bon…

Max – Je vous l’ai dit, il s’agit seulement d’une traversée d’une heure ou deux. On ne va pas y passer la nuit. (Plus bas) Enfin, j’espère…

Diane – Pardon ?

Max – Non, je disais… Si vous voulez vous détendre un peu sur le pont en attendant.

Diane – Je ne suis pas sûre de pouvoir me détendre aussi facilement. J’imagine que vous ne servez pas de cocktails non plus.

Max – Désolé, le barman a pris sa journée. Mais asseyez-vous donc dans cette chaise longue.

Diane – Merci, je vais rester debout. On met les voiles dans combien de temps ?

Max – C’est un bateau à moteur.

Diane – Oui, j’ai compris. Mettre les voiles, c’était juste une façon de parler.

Max – Eh bien… nous appareillerons dès que tout le monde sera là.

Diane – Tout le monde ? Comment ça, tout le monde ?

Max – Les autres.

Diane – Ah parce qu’il y a d’autres passagers ?

Max – Avec cette grève surprise de la compagnie de ferry, beaucoup de gens sont coincés sur cette île. Ils cherchent tous désespérément un moyen de regagner le continent. À n’importe quel prix…

Diane – Donc vous vous êtes improvisé passeur…

Max – J’essaie seulement de rendre service.

Diane – Moyennant finance…

Max – Vous n’étiez pas obligée d’accepter… À ce propos, si cela ne vous dérange pas, je préférerais être payé d’avance. Et en liquide…

Elle fouille dans son sac, et lui tend quelques billets.

Diane – Voilà votre argent… (Ironique) Capitaine…

Max – Merci.

Diane – On se croirait dans un mauvais remake de film noir américain.

Max – Vous trouvez ?

DianeLe Port de l’Angoisse, par exemple. Sauf que vous ne ressemblez pas du tout à Humphrey Bogart.

Max – Ni vous à Lauren Bacall… Je vais mettre le moteur en route. Si vous avez besoin de moi, vous n’avez qu’à me siffler. Vous savez siffler, Diane ?

Il s’en va sans attendre la réponse. Le portable de Diane sonne et elle répond.

Diane – Oui, Monsieur le Directeur, on vient de signer le contrat, je m’apprêtais à vous appeler, justement. Oui, mais j’ai quelques difficultés à trouver un moyen de transport pour regagner le continent. Les marins de la compagnie de ferry ont arrêté le travail. Que voulez-vous ? Maintenant, même dans les paradis fiscaux, on n’est pas à l’abri d’une grève. Non, ne vous inquiétez pas, je serai bien là demain matin pour le conseil d’administration. Avec le contrat signé, oui, je vous le promets… Je sais, votre réélection au conseil en dépend… Et les actionnaires attendent des résultats… Non, je ne vous décevrai pas, Monsieur le Directeur…

Arrive Amanda, genre starlette ou call girl, vêtue de façon sexy mais plutôt vulgaire. Elle porte une valise, elle aussi, mais plus ordinaire et plus usagée, voire une valise de routard couverte d’étiquettes évoquant d’innombrables destinations de voyages. Diane, toute à sa conversation téléphonique, ne remarque pas son arrivée.

Diane – Oui, je rapporte aussi tous les fonds qui étaient sur le compte secret que vous m’avez demandé de solder. En liquide oui, comme convenu… Dans le double-fond de ma valise, c’est ça… Alors dans un sens, c’est vrai que si on peut éviter la douane… Écoutez, j’ai trouvé une place sur une sorte de chalutier. C’est assez pittoresque… C’est cela, je vous raconterai. Bonne journée, Monsieur le Directeur.

Elle range son portable.

Amanda – Salut. Vous avez regardé la météo, ce matin.

Diane remarque enfin sa présence.

Diane (encore ailleurs) – Non pourquoi ?

Amanda – Excusez-moi, je croyais que…

Diane – Ah oui, si… Pardon… Je crois qu’ils annoncent de l’orage.

Amanda – Je pensais que c’était du brouillard, plutôt…

Diane – Oui, bon, du brouillard, de l’orage… On s’en fout, non ?

Amanda – C’est vous la taulière ?

Diane – La taulière ?

Amanda – J’ai réservé une place sur ce morutier. Il est où, le maquereau ?

Diane – Le maquereau ?

Amanda – Le capitaine !

Diane – Ah oui, le… Il est en train de faire chauffer le moteur, je crois.

Amanda – Je vais l’attendre ici, alors. (Lui tendant la main) Moi, c’est Amanda. Et vous ?

Diane (sans saisir la main qu’elle lui tend) – Diane de la Rochelière.

Amanda – Encore une veine qu’on ait réussi à trouver ce taxi, parce que sinon, on restait coincées là comme des phoques sur la banquise. Une grève surprise, comme ça, sans préavis. Ça ne devrait pas être permis.

Diane – En même temps, s’ils avaient déposé un préavis, ce ne serait plus une grève surprise…

Amanda – Vous êtes une maligne, vous… Alors vous aussi, vous avez le feu au cul ?

Diane – Pardon ?

Amanda – Non, je veux dire, vous aussi, vous êtes pressée de partir.

Diane – Oui. On peut dire ça…

Amanda – Vous avez un rendez-vous urgent ? Ou alors vous avez quelque chose à cacher… Moi aussi, je préférerais autant éviter la douane…

Diane – Ne vous sentez surtout pas obligée de me faire la conversation, vous savez.

Amanda – On va passer trois ou quatre heures ensemble, autant bavarder un peu. Ça passera plus vite, non ?

Diane – Trois ou quatre heures ? Le capitaine m’a parlé d’une petite heure !

Amanda – Moi, il m’a dit une demi-journée, je crois.

Diane – Dans ce cas, il serait temps de partir. Si on veut arriver avant la nuit. Je ne sais pas ce qu’il attend.

Amanda – Les autres passagers, j’imagine.

Diane – Vous savez combien on est, exactement ?

Amanda – Une dizaine, je suppose.

Diane – Mais enfin, ce n’est pas possible ! On ne va jamais tenir à dix sur ce bateau !

Amanda – On dirait que vous n’avez jamais pris le RER A entre 7 et 8 heures du matin.

Diane – Eh bien cela va peut-être vous surprendre, mais non. En effet, je n’ai jamais pris le RER.

Amanda – Vous travaillez en province ?

Diane – Non, mais je ne me déplace qu’en voiture, avec chauffeur.

Amanda – Je vois… Et c’est quoi, votre métier ?

Diane – Je suis dans la finance. Je ne vous demande pas le vôtre…

Amanda – Vous pouvez ! Je n’ai rien à cacher, vous savez…

Diane – Vous voulez dire… dans votre métier, vous n’avez rien à cacher ?

Max revient et aperçoit Amanda.

Max – Ah ! Vous devez être Amanda.

Amanda – Oui… Comment vous m’avez reconnue ?

Max – Je ne sais pas… L’intuition masculine, sans doute. Disons que… vous ressemblez beaucoup à votre prénom.

Amanda – Merci… Et vous, c’est quoi votre petit nom ?

Max – Max.

Amanda – Ah, oui… Ça vous va bien aussi.

Max – Ah oui ? Et pourquoi ça ?

Amanda – Je ne sais pas… Vous avez l’air d’assurer un max… Hein, Capitaine ?

Diane – Bon… Maintenant que les présentations sont faites, on pourrait peut-être lever l’ancre.

Max – Ce n’est sans doute encore qu’une façon de parler, bien sûr, mais sachez que dans un port, on ne jette jamais l’ancre. On se contente de s’amarrer à…

Amanda – À la première bitte qu’on voit sur le quai.

Max – C’est ça… Donc, dans un port, on ne lève pas l’ancre. On largue les amarres…

Diane – Bon, alors autant que les choses soient claires entre nous, Capitaine : je ne suis pas venue ici pour passer mon permis bateau. Et si j’avais pu faire autrement, j’aurais pris l’avion. Alors on décolle quand ?

Max – Dès que les derniers passagers seront là, je vous le promets…

Diane – Et ils arrivent quand ? Je n’ai pas que ça à faire, moi ! On m’attend demain matin à Paris.

Max – Ah, justement, les voilà.

Arrivent Yvonne, une dame très BCBG, accompagnée de Charles, genre gigolo ou vieux beau, qui porte leurs deux valises.

Yvonne – C’est vous, L’Entreprenant ?

Max – Ce n’est pas exactement le mot de passe, mais je crois qu’on va oublier ce détail…

Yvonne – J’ai fait une réservation tout à l’heure. Au nom de Bitaudeau.

Max – Bitaudeau, parfaitement. C’est un nom de code, j’imagine. Assez cocasse, il faut bien le reconnaître.

Yvonne – Non, ce n’est pas un nom de code, pourquoi ?

Max – Monsieur et Madame Bitaudeau, très bien.

Amanda – Eux, on ne peut pas dire que leurs profils collent avec leur patronyme…

Yvonne – C’est le nom de monsieur, pas le mien.

Charles – Nous ne sommes pas mariés. Pas encore…

Amanda (à Yvonne) – Je comprends, vous hésitiez à devenir Madame Bitaudeau.

Max – En tout cas, bienvenue à bord !

Yvonne – Il faut enregistrer les valises ?

Diane – Méfiez-vous, il serait capable de vous facturer un excédent de bagages.

Max – On n’est pas sur Ryanair… On va considérer que ce sont des bagages à main.

Yvonne – Charles, tu n’as qu’à mettre les valises par ici.

Charles – Tout de suite, mon amour.

Il pose les valises dans un coin.

Max – Euh… Je crois que Monsieur n’était pas prévu sur la liste des passagers… En tout cas, je n’ai pas encore encaissé sa contribution.

Yvonne – Vous n’avez qu’à le compter comme un bagage à main, lui aussi…

Max – Je ne sais pas si…

Charles – Enfin, chérie, je ne suis pas une valise.

Yvonne – Non, c’est vrai… Et pourtant ne dit-on pas « con comme une valise » ? Je plaisante, Capitaine. Je paierai pour nous deux. Comme d’habitude…

Diane – Puisque nous sommes au complet, on va pouvoir y aller. On fera les présentations plus tard.

Max – Il me manque encore un passager. Mais tant pis pour lui. Je pense qu’il ne viendra plus. Pourtant, c’était mon premier client. C’est même pour lui que j’ai affrété ce bateau au départ.

Diane – C’est ça… Il n’avait qu’à être à l’heure. Et si on pouvait démarrer sur les chapeaux de roues…

Max – Je sais que c’est une façon de parler, mais… (Son portable sonne) Allô… Oui… C’est-à-dire que… nous allions appareiller, justement… Dans cinq minutes, vraiment ? Bon… Et vous vous souvenez du mot de passe ? C’est ça… et je crois qu’ils annoncent de la pluie… D’accord, alors on vous attend, mais dépêchez-vous…

Il range son téléphone.

Diane – Quoi encore ?

Max – Ce sera le dernier, je vous le promets. Il arrive tout de suite. On ne peut pas partir sans lui, il m’a payé d’avance…

Marie, jeune femme plutôt réservée, un crucifix autour du cou et très enceinte, arrive essoufflée.

Marie – Vous allez sur le continent ?

Max – Oui… Mais en principe, nous sommes complets…

Marie – Je suis enceinte, comme vous le voyez.

Diane – Raison de plus pour ne pas embarquer avec nous ! Vous imaginez si elle accouche pendant la traversée ?

Marie – J’avais prévu de prendre le ferry aujourd’hui. On m’attend à la clinique là-bas, de l’autre côté. Il n’y a pas de maternité digne de ce nom, ici, vous comprenez ?

Yvonne – Les paradis fiscaux sont rarement réputés pour la qualité de leurs services publics.

Max – C’est-à-dire que… j’ai des consignes de sécurité.

Marie – Au nom du Seigneur ! Je vous en prie…

Charles – On peut peut-être faire une petite entorse au règlement. Vu l’état de Madame…

Marie – J’ai de l’argent. Je vous paierai.

Max – Dans ce cas… On ne va pas laisser cette pauvre femme accoucher sur le port.

Marie – Merci ! Dieu vous le rendra… Quel est votre prénom, Capitaine ?

Max – Maximilien.

Marie – Si vous nous conduisez à bon port, je vous promets de baptiser cet enfant Maximilien. Si c’est un garçon. Et Maximilienne, si c’est une fille.

Max – J’en suis très flatté. Mais vous n’oublierez pas non plus de me régler le prix de la traversée.

Marie – Bien sûr. Ça fait combien ?

Max – Cinq cents euros par personne.

Marie – Par personne ?

Amanda – Vous n’allez quand même pas lui compter un billet pour le polichinelle qu’elle a dans le tiroir.

Max – Mais non, rassurez-vous. Pour lui, la traversée est offerte. Pour vous ce sera cinq cent euros.

Marie – Ah, tout de même… C’est beaucoup, non ?

Max – C’est pour le gasoil.

Charles – Je ne pensais pas que l’essence était aussi chère dans les paradis fiscaux.

Arrive Sergio, beau ténébreux genre mafieux.

Sergio – Bonjour Capitaine. Sergio. C’est moi qui viens de vous appeler.

Max – Sergio, tout à fait… Vous n’avez que cette petite mallette ?

Sergio – Oui, j’ai l’habitude de voyager léger. Mais je ne savais pas qu’il y aurait d’autres passagers… (Saluant la compagnie) Messieurs dames…

Max – Tant qu’à faire, je me suis dis que ce serait trop bête de ne pas les faire profiter du voyage. Avec cette grève…

Charles – Bonjour Monsieur. Mais nous nous sommes déjà rencontrés, n’est-ce pas ?

Yvonne – Tais-toi donc, imbécile.

Charles se ravise, et se met en retrait.

Charles – Je dois confondre avec quelqu’un d’autre…

Sergio – On me confond souvent avec quelqu’un d’autre. C’est le drame de ma vie…

Max – Prenez place, je vous en prie… Désolé, je n’avais pas prévu de transats pour autant de monde.

Sergio (désignant Marie) – Je propose que nous en réservions un pour cette dame. En raison de son état…

Diane – C’est ça… Et les autres s’assoiront à tour de rôle.

Sergio – Je vous céderai bien volontiers ma place si vous le souhaitez, chère Madame.

Diane – Merci… Il y a au moins un gentleman à bord de ce bateau.

Max – Il y a aussi deux couchettes en bas… mais je vous préviens, ça sent un peu la marée.

Sergio – Puisque tout le monde est là, on va pouvoir y aller.

Max – Très bien. Alors je vous prie de m’excuser. Je vais regagner mon poste de commandement.

Marie (se signant) – Bon… À la grâce de Dieu !

Max se place derrière la barre, et semble hésiter un peu sur la marche à suivre.

Max – Allez, en avant toute !

Sergio – Mais discrètement, si c’est possible. Je vous rappelle que normalement, avant de quitter cette île très accueillante, pour regagner le continent nous sommes supposés passer par la douane…

Charles – Très accueillante pour les gros patrimoines, en tout cas…

Yvonne – Il faudra qu’un jour on fasse entrer dans le dictionnaire de l’Académie le mot matrimoine, parce qu’en l’occurrence…

Diane – Il ne manquerait plus qu’on se fasse arrêter par les garde-côtes en arrivant en France. Personnellement, je n’ai rien à cacher, mais bon…

Yvonne – Bien sûr… Ici, personne n’a rien à cacher, n’est-ce pas ?

Max – Ne vous inquiétez pas, nous filerons à l’anglaise. (Il actionne un levier, mais semble plutôt surpris par le résultat, qui est un bruit de sirène de bateau) Excusez-moi, ce n’est pas du tout ce que je voulais faire…

Charles – Pour un départ discret, c’est réussi…

Marie – Vous êtes seul à piloter ce navire, Capitaine ?

Max – C’est un petit bateau, vous savez, un pilote, c’est bien suffisant.

Marie – Habituellement, il y a un second.

Amanda – En tout cas dans les avions, c’est comme ça. Si le pilote a une attaque, c’est le second qui prend les commandes.

Max – Mais nous ne sommes pas dans un avion. Que voulez-vous qu’il nous arrive ?

Amanda – C’est ce que disaient aussi les passagers du Titanic…

Max – Et puis regardez ! On voit la côte d’ici.

Les autres regardent vers le large.

Charles – Je ne vois rien…

Yvonne – Moi non plus…

Sergio – Il faut dire qu’on annonce du brouillard.

Diane – Tant que ce n’est pas une tempête…

Sergio (plus bas) – Ou un tsunami…

Diane – Vous avez des informations particulières à ce sujet ?

Sergio – Non, non, pas du tout…

Max actionne une autre manette, et on entend cette fois un ronflement de moteur.

Max – Allez ! Cette fois, c’est parti !

Noir.

Tableau 2

Max est toujours à la barre. Sergio n’a pas lâché sa mallette. Diane et Amanda sont assoupies sur les transats. Charles, Yvonne et Marie, assis sur leurs valises, prennent leur mal en patience.

Yvonne (à Charles) – Tu ne devrais pas rester assis sur cette valise, ça va l’abîmer…

Charles – Mais enfin Yvonne…

Yvonne – Tu pourrais arrêter de discuter tout ce que je dis ? C’est agaçant !

Charles – Excuse-moi… (Il prend sur lui et se lève.) En tout cas, il fait un temps magnifique.

Yvonne – Oui… On va prendre des couleurs. (À Marie) Ça vous fera du bien, ma petite dame, parce que vous êtes un peu pâlichonne… Ça va ?

Marie – Ça fait combien de temps qu’on est partis ?

Charles – Un peu plus de deux heures, non ?

Yvonne – Et on ne voit toujours pas la côte…

Charles – Mais si, regarde là-bas !

Yvonne – Ah oui, peut-être…

Marie – Je commence à avoir le mal de mer.

Yvonne – Quand on est enceinte, ce n’est pas très indiqué de prendre le bateau.

Charles – La pauvre… On ne fait pas toujours ce qu’on veut. (Essayant d’être aimable) Et vous savez qui est le père ?

Marie lui lance un regard offusqué.

Yvonne – Mais enfin, Charles, ce ne sont pas des questions à poser à une femme honnête…

Charles – Pardon, je me suis mal exprimé. Je voulais dire… C’est le papa qui va être content ! C’est un garçon ou une fille ?

Yvonne – Voyons Charles, le papa c’est toujours un garçon ! Même avec le mariage pour tous, on ne changera rien à ça. Il faut toujours la petite graine…

Charles – Je parlais de l’enfant, ma chère. Un garçon ou une fille… C’est ce qu’on demande d’habitude dans ces cas-là, non ?

Yvonne – Un garçon ou une fille… Bien sûr… Je plaisantais, évidemment. Mon pauvre Charles… Et alors ? C’est un garçon ou une fille ?

Marie – Je ne sais pas… Je préfère avoir la surprise.

Yvonne – Vous avez raison. Moi non plus, je ne voulais pas savoir. D’ailleurs, de mon temps, on n’avait pas le choix. On prenait ce qui venait, et puis voilà.

Marie – Les enfants sont un don de Dieu.

Yvonne – Oui… Moi, il m’en a donné sept. Toutes des filles. (Moins fort, comme pour elle-même) Si j’avais pu en noyer une ou deux… Mais finalement, c’est mon mari qui est mort. Noyé, justement. Sinon, je ne sais pas combien de filles le Bon Dieu m’aurait encore donné… Croyez-moi, ma chère, dans ces années-là, le meilleur moyen de contraception, c’était encore le veuvage…

Charles – Et oui… C’était une autre époque… Il n’y avait pas encore internet. La télévision était en noir et blanc, mais le monde était déjà en couleurs.

Yvonne – Dans quel monde on vit… Bientôt, on pourra choisir le sexe de son enfant, sa couleur de cheveux, son quotient intellectuel… (À Marie) Vous trouvez ça normal, vous ? (L’autre ne réagit pas) Qu’est-ce que vous en pensez ?

Marie – Ça me donne envie de vomir.

Yvonne – Croyez-moi, si à notre époque on avait pu choisir ses enfants, aujourd’hui, le monde entier serait peuplé de grand blonds avec le QI d’Einstein.

Charles – Comme le souhaitaient les nazis.

Yvonne – Oui… Et tu ne serais probablement pas là pour en parler, mon pauvre Charles.

Charles – Heureusement, c’est nous qui avons gagné la guerre.

Yvonne – Tu as gagné la guerre, toi ? Mon pauvre ami… Tu ne sais même pas tuer un moustique dans une chambre à coucher, et tu voudrais libérer la France des nazis ?

Charles – Et vous Monsieur Serge, vous faites quoi, dans la vie ?

Sergio – Sergio.

Charles – Sergio ?

Sergio – Sergio, c’est mon prénom. Je suis corse.

Charles – Ah ! Enchanté. Moi c’est Charles. Et vous faites quoi, dans la vie, Sergio ?

Yvonne – Ne sois pas si indiscret, Charles. Monsieur vient de te répondre : il est corse…

Diane et Amanda sortent de leur somnolence.

Diane – Pardon, je me suis un peu assoupie.

Amanda – Je crois même qu’au début, vous avez ronflé…

Diane – Ça ne vous a pas empêché de dormir, apparemment. On n’est pas encore arrivés ?

Amanda – On nous aurait réveillées, j’imagine.

Diane – Capitaine ! On est encore loin ?

Max – Ne vous inquiétez pas, on se rapproche.

Amanda – Pourtant, on ne voit toujours pas la côte…

Diane (regardant sa montre) – Non mais ce n’est pas vrai ! Ça fait deux heures qu’on est partis, et on ne voit toujours pas la côte !

Max – C’est un petit bateau, vous savez, et on est très chargés…

Diane – La faute à qui ? C’est vous qui avez fait du surbooking pour vous en mettre plein les poches !

Max – Je voulais juste rendre service…

Yvonne – C’est ça… En profitant de la misère du monde…

Max – La misère du monde… Il ne faut peut-être pas exagérer, tout de même.

Yvonne – On est toujours le pauvre de quelqu’un, vous savez. Pas vrai, Charles ?

Sergio – Vous êtes sûr que c’est bien par là, au moins ?

Max – Quoi donc ?

Sergio – Le continent ! Vous êtes sûr que c’est par là ?

Max – Sûr ? Évidemment ! Qu’est-ce que vous croyez ? J’ai ma boussole !

Sergio – Depuis le temps qu’on est partis, on devrait voir la côte, non ?

Max – Oui… Je ne me rends pas bien compte… (Plus bas) C’est la première fois que je fais ça…

Diane – Quoi ?

Max – Non, je veux dire… C’est la première fois que je fais cette traversée avec ce bateau ! D’habitude, c’est avec mon yacht. Le moteur est beaucoup plus puissant…

Yvonne – On dirait que le temps se couvre, non ?

Charles – Oui, ça tourne à l’orage.

Max – C’est juste un peu de brouillard, ne vous inquiétez pas.

Amanda – Vous avez consulté la météo marine, ce matin ?

Max – Oui, et ils annoncent du brouillard…

Amanda – Je ne vous parle pas du mot de passe ! Est-ce que vous avez vraiment consulté la météo marine ?

Max – Ah, euh… Non… Pour quoi faire ?

Marie – J’ai mal au cœur…

Amanda – Vous auriez pu regarder la météo, tout de même !

Max – Il faudrait savoir ! Tout le monde était pressé de partir, et maintenant, il aurait fallu regarder la météo !

Sergio – Faites voir cette boussole.

Max – La confiance règne… Je sais lire une boussole.

Sergio prend la boussole que Max lui tend.

Sergio – La côte, c’est où ?

Max – À l’est. Enfin… au nord-est.

Sergio – Est ou nord-est ?

Max – Disons nord-est. Mais la côte, c’est grand vous savez. On ne risque pas de la manquer.

Sergio – Sauf si on est partis complètement de l’autre côté…

Sergio bouge un peu avec la boussole, l’orientant dans différentes directions.

Sergio – Sur une boussole, l’aiguille est supposée indiquer toujours la même direction, non ? Même quand on la tourne dans un autre sens.

Max – Évidemment.

Sergio – Alors pourquoi, sur celle-ci, l’aiguille tourne avec la boussole.

Diane – C’est une blague ! C’est pour la caméra cachée, c’est ça ?

Max – Faites voir… (Il reprend la boussole et la tourne dans tous les sens) Ah merde, vous avez raison. On dirait que l’aiguille est coincée.

Sergio – Donc on ne sait pas où on va…

Max – Juste avant de partir, elle m’a échappé des mains, et elle est tombée par terre. Elle doit être cassée…

Diane – Dites-moi que ce n’est pas vrai !

Charles – On aurait pu s’orienter avec le soleil, mais justement, avec cette brume, on ne le voit plus…

Marie – Je crois que je vais aller vomir.

Amanda – Allez plutôt faire ça derrière, parce qu’avec le vent… on va se prendre tout dans la tronche.

Sergio – C’est vrai que ça souffle de plus en plus fort.

Marie sort précipitamment.

Diane – Mais vous êtes un dingue !

Max – Je suis désolé… Je pensais vraiment qu’on allait dans la bonne direction. Mais c’est vrai que… je commençais aussi à me demander pourquoi on ne voyait pas encore la côte.

Sergio – Vous avez votre permis ?

Max – Oui, bien sûr ! Comme tout le monde…

Sergio – Je parle du permis bateau.

Max – C’est-à-dire que… j’ai plutôt l’habitude de naviguer sur mon yacht.

Sergio – Et…?

Max – Mon yacht, ce n’est pas moi qui le pilote habituellement. J’ai un équipage pour ça…

Sergio – Donc vous n’avez pas de permis bateau, et vous ne connaissez rien à la navigation en mer.

Max – Je ne pensais pas que c’était si compliqué. Par beau temps, on voit presque les côtes françaises, depuis ce paradis fiscal…

Yvonne – Oh mon Dieu… Nous sommes perdus… Nous allons tous mourir…

Max – Ne dramatisons pas.

Marie revient.

Marie – Ah, ça va mieux…

Charles – Vous trouvez ?

Marie – Qu’est-ce qui se passe ? Vous en faites une tête !

Diane – Le capitaine n’a pas son permis bateau, et nous sommes perdus en mer, voilà ce qui se passe.

Charles – Ah, cette fois, je crois que j’aperçois vraiment quelque chose à l’horizon.

Marie – Nous sommes sauvés !

Yvonne – Tu es sûr ?

Amanda – Ah oui… Mais c’est curieux, on dirait que la côte se rapproche de nous à une vitesse phénoménale…

Ils regardent tous vers le fond de la salle, qui figure la ligne d’horizon.

Sergio – Ce n’est pas la côte… C’est une énorme vague !

Max – Non… Je n’ai jamais vu une chose pareille…

Diane – La vague vient droit sur nous.

Marie – Si vous connaissez une prière, c’est le moment de la réciter…

Noir

Tableau 3

Ils sont tous là, serrés les uns contre les autres, pétrifiés.

Charles – J’ai bien cru qu’on allait tous y passer.

Max – Oui, on a failli être engloutis.

Yvonne – Mais la vague est passée sous le bateau, sans le faire chavirer.

Marie – C’est un miracle ! Dieu soit loué !

Diane – J’ai eu tellement peur ! (Plus bas) Je crois même que j’ai eu un orgasme…

Marie – Moi, pour le coup, je n’ai même plus mal au cœur.

Diane – La dernière fois que j’ai ressenti ça, c’était avec mon patron. Sur les montagnes russes, à la Foire du Trône.

Yvonne – Heureusement, il n’y avait pas d’autres vagues derrière.

Sergio – Et maintenant la mer est calme à nouveau.

Charles – Alors on a peut-être encore une chance de s’en sortir…

Ils commencent à se détendre un peu, et à se séparer.

Marie – Il faut garder espoir.

Amanda – Si on est partis dans la mauvaise direction, il suffit de faire demi-tour, non ?

Sergio – Faire demi-tour, en mer, c’est un concept qui n’a pas exactement le même sens que sur une autoroute, vous savez.

Marie – Le ciel se dégage. Il y a même un arc-en-ciel… C’est un signe de Dieu !

Sergio – En tout cas, maintenant qu’on voit le soleil, on peut toujours essayer de s’orienter. Puisque le soleil se couche à l’ouest, il suffit d’aller de l’autre côté.

Diane – Alors qu’est-ce que vous attendez, imbécile !

Max – Malheureusement, ce n’est pas si simple…

Diane – Et pourquoi ça ? Ne me dites pas que le gouvernail aussi est défectueux !

Max – Non, mais on n’a presque plus de gasoil…

Diane – Quoi ? Mais vous nous avez tous rackettés avant de partir pour faire le plein !

Max – On a déjà fait pas mal de route… et je n’avais rempli le réservoir qu’à moitié.

Sergio – À moitié ?

Max – Je pensais que ça suffirait pour une traversée de deux heures…

Diane – C’est une blague ?

Max – Je crains que non, hélas.

Yvonne – Nous voilà tous embarqués sur un rafiot qui prend l’eau, piloté par un marin d’eau douce, et on va bientôt être en panne sèche.

Sergio – J’ai bien entendu… un bateau qui prend l’eau ?

Yvonne – Je suis descendue dans la cale tout à l’heure, pour chercher des toilettes que je n’ai jamais trouvées, d’ailleurs. Et il m’a bien semblé qu’il y avait une grosse flaque à l’arrière.

Amanda – Capitaine…?

Max – C’est juste une petite fuite. Rien de grave.

Charles – Et qu’est-ce que vous comptez faire, appeler un plombier ?

Diane – Ce qu’il faut surtout, c’est appeler les secours.

Max – On ne va peut-être pas s’affoler trop vite.

Amanda – Parce que vous trouvez que notre situation ne mérite pas qu’on s’affole un peu ?

Diane compose un numéro sur son portable. Sergio sort.

Diane – Il n’y a pas de réseau…

Amanda – Évidemment, il n’y a pas de réseau ! On est perdus en pleine mer !

Max – Perdus… Il ne faut rien exagérer.

Diane – Je vais le tuer.

Amanda – J’imagine que vous n’avez pas de radio de bord non plus ?

Max – Je n’ai rien vu qui ressemble à ça, malheureusement. Il y a juste un vieux transistor.

Charles – Vous êtes sûr qu’elle est vraiment à vous, cette épave ?

Max – Disons que… je l’ai empruntée à un ami, que je n’ai pas vraiment eu le temps de prévenir.

Diane – Et en plus, c’est un bateau volé !

Sergio revient.

Sergio – En effet, il y a une voie d’eau à l’arrière. Si on ne commence pas à écoper tout de suite, d’ici une heure ou deux, le bateau va couler.

Marie – Ce n’est pas possible… Dites-moi que c’est un cauchemar, et que je vais me réveiller…

Sergio – On va instaurer un tour pour écoper. Mais pendant ce temps-là, il vaudrait mieux délester le bateau de toute charge inutile.

Ils se regardent tous en chiens de faïence.

Max – On pourrait peut-être commencer par les valises…

Yvonne – Les valises ?

Amanda – Vous plaisantez !

Sergio – Il n’en est pas question.

Yvonne – Pas la mienne, en tout cas…

Diane (à Max) – Et si on commençait par vous jeter par dessus bord, plutôt ? Capitaine…

Tous les regards, menaçants, se tournent vers Maximilien.

Noir

Tableau 4

Ils sont tous là, sauf Max et Sergio. Ils ont l’air accablés.

Yvonne – Et dire qu’au lieu de mourir de soif sur cette épave, je pourrais me prélasser dans le jacuzzi de mon hôtel cinq étoiles, sur cette île paradisiaque que nous venons de quitter, en sirotant un cocktail exotique.

Charles – C’est vrai… Finalement, on n’était pas pressés de partir. On n’avait rien à faire de si urgent.

Yvonne – Parle pour toi ! Tu n’as jamais rien à faire ! Moi j’avais rendez-vous ce matin avec mon chirurgien à Neuilly…

Charles – En même temps, il ne s’agit que d’une petite liposuccion. Pas d’une opération à cœur ouvert…

Yvonne – Une petite liposuccion ? Tu as déjà subi une liposuccion, toi ?

Charles – Non, pas ce genre de liposuccion, en tout cas…

Yvonne – On en reparlera quand tu sauras ce que c’est, alors !

Charles – Excuse-moi…

Yvonne – Mon pauvre ami… Parfois, je me demande ce qu’on fait ensemble…

Charles (plus bas) – Oui, moi aussi…

Yvonne – Et tu réponds, en plus ?

Diane – Mais vous allez la fermer, oui !

Yvonne – Eh, oh ! Pour qui elle se prend, celle-là ?

Diane – Si j’étais vous, Charles, je l’aurais déjà passée par-dessus bord.

Amanda – Ça ferait déjà un poids en moins.

Diane – Mais évidemment, vous êtes trop mou pour ça, mon pauvre.

Charles – J’aimerais que tout le monde arrête de m’appeler « mon pauvre ». Ça finit par être agaçant.

Diane – Pardon… Mais j’imagine que si vous aviez de l’argent, vous ne seriez pas obligé de supporter cette mégère.

Amanda – Finalement, on fait le même métier, vous et moi. Pas vrai, Charles ? Le plus vieux métier du monde. Mais moi je fais de l’intérim, et vous vous êtes en CDI…

Yvonne – Pour l’instant, il serait plutôt en période d’essai…

Charles (à Amanda) – En tout cas, cessez de m’appeler mon pauvre. Est-ce que je vous appelle ma grosse, moi ?

Amanda – Mais c’est lui qui va passer par-dessus bord, le freluquet !

Amanda s’avance menaçante vers Charles. Yvonne s’interpose. Charles se réfugie lâchement derrière elle.

Yvonne – Bas les pattes ! Si quelqu’un doit balancer ce minus par-dessus bord, ici, c’est moi.

Max revient, avec Sergio, mettant fin à cette confrontation.

Sergio – Le moteur vient de s’arrêter. On est en panne sèche.

Marie – Jésus, Marie, Joseph… On va tous mourir…

Max – Je suis vraiment désolé… Je pensais qu’un demi-plein, ce serait largement suffisant.

Diane – Et qu’est-ce que vous comptiez faire avec le reste de l’argent ? On vous a versé cinq cents euros chacun ! Vous n’aviez pas assez pour faire un plein complet ?

Max – C’est une longue histoire…

Sergio – Et ce n’est peut-être pas le bon moment pour la raconter.

Diane – Monsieur a raison. On ferait mieux de se concentrer pour essayer de trouver une solution, vous ne croyez pas ?

Amanda – Une solution ? Sans blague ?

Diane – On n’a qu’à considérer qu’on participe à un jeu ! Un escape game !

Amanda – Un quoi ?

Marie – Un de ces jeux de groupe qu’on pratique dans les séminaires d’entreprise pour resserrer les liens entre les employés. On doit s’évader d’un lieu où on est enfermés, en trouvant tous ensemble un moyen de s’échapper.

Charles – Et à votre avis, qu’est-ce qu’on fait ? Ça fait une heure que je me concentre. Je suis à mon maximum, là.

Amanda – S’il suffisait de se concentrer, on ne serait déjà plus là, sur cette épave, à attendre de couler avec elle…

Yvonne (à Diane) – Mais si vous avez une idée pour nous sortir de là, Madame je-sais-tout, n’hésitez pas à nous la dire…

Diane – Je ne sais pas moi… Les téléphones ne passent pas… Et si on lançait une bouteille à la mer ? Avec un message à l’intérieur.

Charles – Alors là, bravo…

Sergio – Et qu’est-ce que vous diriez, dans ce message, pour aider les secours à nous localiser ?

Diane – C’était juste une idée…

Amanda – Une idée à la con, oui.

Diane – Peut-être, mais quand on fait un brainstorming, il ne faut pas se censurer. Parfois, c’est après avoir dit vingt conneries qu’on trouve la bonne idée.

Amanda – Dans ce cas, je crois que vous avez déjà épuisé votre quota depuis longtemps. C’est le bon moment pour nous sortir une idée géniale.

Sergio – Redescendez un peu sur terre, Diane. On n’est pas dans un séminaire d’entreprise, là. On est sur un bateau prêt à couler à pic !

Amanda – Si on perd cette vie-là, on n’en n’aura pas d’autres. Ce sera game over, et basta.

Marie – Et si on essayait une prière collective ? Dieu nous viendra peut-être en aide…

Consternation générale.

Yvonne – C’est ça, et pourquoi pas une procession.

Charles – Ou un sacrifice humain…

Max – OK, on a dit qu’on avait droit à vingt conneries…

Sergio – À moins que Dieu puisse changer l’eau en gasoil…

Max – Oui… Il n’y aurait plus qu’à se servir dans la cale. Parce qu’on commence à en avoir jusqu’aux genoux… À propos, il faudrait que quelqu’un retourne écoper…

Absence de réaction.

Charles – Il faudrait déjà hisser un signal de détresse. Au cas où un hélicoptère de la gendarmerie nous survolerait, pour qu’il sache que nous sommes en perdition.

Marie – Oui, on n’a qu’à faire ça…

Silence embarrassé.

Yvonne – D’un autre côté, nous ne sommes pas tous en situation très régulière…

Diane – Ça va, on n’est pas des migrants clandestins, non plus.

Yvonne – Il n’empêche que si la police nous demandait d’ouvrir nos valises…

Amanda – Moi, je n’ai rien à cacher.

Yvonne – Ah oui ? Alors ouvrez votre valise, et montrez-nous ce qu’il y a à l’intérieur…

Amanda – Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous.

Max – Quand on quitte un paradis fiscal sur un bateau de pêche, ce n’est pas forcément du poisson qu’on ramène dans ses bagages, c’est sûr.

Amanda – Alors qu’est-ce qu’on fait ? Vous préférez qu’on meure tous noyés ?

Moment d’hésitation.

Sergio – OK. Je m’occupe du drapeau.

Il sort.

Marie – Je commence à avoir très soif.

Charles – Mourir de soif alors qu’on est entourés de flotte. Quelle situation absurde !

Diane – C’est tout ce que vous trouvez absurde dans cette situation ?

Yvonne – Vous, on ne vous a rien demandé.

Max – Rassurez-vous, j’ai quelques bouteilles dans la cale.

Charles – Décidément, vous aviez presque tout prévu, Capitaine…

Diane – Combien de bouteilles ?

Max – Deux.

Yvonne – Grandes ?

Max – Trente-trois centilitres.

Charles – Ah oui, on est tout de suite plus rassurés…

Diane – Même dans les taxis Uber on a droit à une bouteille d’eau par personne. Alors à cinq cent euros le billet, vous auriez au moins pu prévoir quelques rafraîchissements…

Amanda – Deux bouteilles de trente trois centilitres, ça fait soixante-six centilitres.

Yvonne – Bravo, au moins vous savez compter…

Amanda – On est sept. Ça ne fait même pas dix centilitres chacun.

Marie – Il va falloir instaurer un système de rationnement. Je pense que les femmes enceintes devraient être prioritaires.

Diane – Ah oui ? Et pourquoi ça ?

Charles – Et puis quelle idée, pour une femme enceinte, de venir passer ses vacances dans cette république bananière. Qu’est-ce que vous foutiez là, en vrai ?

Marie – Je vous en pose, des questions, moi ? Et vous, vous étiez en voyage de noces ? Dans une île grande comme trois terrains de foot, mais qui compte cinq banques au mètre carré…

Silence.

Max – À propos, vous saviez que le point culminant du micro-état que nous venons de quitter est situé à une altitude de trois mètres ?

Amanda – Non, et on s’en fout.

Yvonne – On ne vient pas dans ce paradis fiscal pour faire du ski. On vient pour y planquer notre oseille.

Diane – En Suisse on peut faire les deux.

Sergio revient.

Sergio – J’ai hissé le drapeau de détresse. Mais si on ne veut pas couler avant l’arrivée éventuelle des secours, il faut vraiment que quelqu’un retourne écoper.

Max – On a dit que les femmes enceintes étaient exemptées, donc c’est à vous, Yvonne.

Yvonne – Charles va y aller à ma place.

Charles – Et pourquoi ça ?

Yvonne – Parce que c’est moi qui t’entretiens, imbécile ! Voilà pourquoi !

Charles – J’y vais… Par galanterie… Mais je n’aime pas beaucoup non plus qu’on me traite d’imbécile.

Yvonne – Mon pauvre…

Charles sort, prenant sur lui pour ne pas répondre.

Max – Si jamais on s’en sort, c’est promis, je vous rembourse la moitié du prix de la traversée.

Diane – Et en plus, il se paie notre tête ! Si jamais on en sort, salopard, vous aurez affaire à mon avocat !

Max – Vous êtes sûre ?

Diane – Que voulez-vous insinuer ?

Max – Nous avons tous une bonne raison d’être ici, sur ce bateau. Et de vouloir regagner le continent sans passer par la douane. Tous, même vous…

Diane – Qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer ?

Max – Sinon vous n’auriez jamais accepté de payer une telle somme pour la traversée. Et vous ne seriez pas aussi attachée à votre valise…

Sergio – Je vous rappelle que la compagnie de ferry est en grève.

Max – La grève… Elle a bon dos, la grève… On dirait plutôt que les rats quittent le navire… en emportant l’argenterie.

Sergio – Si seulement on pouvait le quitter, ce putain de navire…

Max – Navire, c’est une façon de parler. Je veux dire cette île. Ce havre de paix pour milliardaires apatrides. Pourquoi étiez-vous tous si pressés de la quitter ?

Diane – Ça ne vous regarde pas… On voulait regagner le continent au plus vite, c’est tout. Les ferries sont en grève, on est montés sur le premier bateau en partance…

Marie – Quand on est sur le Titanic, il faut bien choisir son canot de sauvetage… Malheureusement, j’ai l’impression qu’on n’a pas fait le bon choix…

Max – On est tous dans le même bateau, en effet. Mais pas pour les mêmes raisons. Et je serais curieux de savoir laquelle de ces valises contient le plus de pognon… Pas la mienne, ça c’est sûr…

Diane – Même si vous n’avez rien de compromettant dans vos bagages, Capitaine, je vous rappelle que c’est un délit de faire office de passeur.

Marie – Surtout quand on n’a même pas son permis bateau.

Charles – C’est vrai que si on est secourus par les garde-côtes, on pourrait avoir des ennuis…

Yvonne – En tout cas, j’espère qu’on ne sera pas secourus par des pirates.

Sergio – Encore que… Avec eux, on pourrait toujours s’arranger.

Yvonne – Et au moins on ne finirait pas en prison.

Marie – Si c’est pour finir au fond de l’eau, bouffés par les requins…

Silence embarrassé.

Yvonne – Alors qu’est-ce qu’on fait ? À part écoper…

Sergio – Que voulez-vous qu’on fasse ? On n’a plus de gasoil. À part se laisser dériver en espérant que les courants ou les vents nous ramènent sur la côte.

Marie – C’est tout ce que vous proposez ?

Sergio – Eh, je ne suis pas le capitaine de ce bateau, d’accord ? Vous n’avez qu’à demander à l’imbécile qui nous a conduits jusqu’ici, en pleine mer, au bord du naufrage.

Tous les regards se tournent vers Max, qui juge plus prudent de faire profil bas.

Yvonne – Je commence à avoir faim, moi.

Max – Désolé, je n’avais pas prévu de plateaux-repas. La traversée ne devait durer que quelques heures. Il n’y a qu’un paquet de Pépitos entamé dans la cale.

Yvonne – Je trouve que les grosses devraient être prioritaires. Après tout, elles ont besoin de manger plus que les autres.

Marie – À moins qu’elles n’aient besoin de maigrir. Et puis je suis plus grosse que vous, je vous signale !

Yvonne – Quand on aura fini les Pépitos, on en viendra peut-être à se bouffer les uns les autres. Comme sur le radeau de la méduse.

Marie – C’est ça. On tirera à la courte paille pour savoir celui qui sera mangé le premier. Comme dans la chanson.

Max – Quelle chanson.

Marie se met à chanter la célèbre comptine.

Marie – Il était un petit navire, il était un petit navire, qui n’avait…

Yvonne jette un regard vers le ventre arrondi de Marie.

Yvonne – Dans la chanson, c’est le plus jeune qu’on finit par bouffer…

Marie – Alors espérons que je n’accoucherai pas sur ce bateau.

Silence pesant.

Sergio – Tout de même, Max. Il y a une chose qui m’échappe.

Max – Ah oui…

Sergio – À mon tour de vous poser une question.

Max – Je vous écoute.

Sergio – Il y a d’autres moyens, plus efficaces, pour gagner de l’argent que de piloter un bateau de pêche quand on n’a pas son permis bateau.

Diane – Surtout quand on est déjà très riche, comme vous le prétendez.

Sergio – Qu’est-ce qui vous a pris de vous improviser passeur, alors que vous ne savez pas piloter une barque.

Max – Je vous l’ai dit, c’est une longue histoire.

Sergio – Au point où on en est, on n’a rien d’autre à faire que de l’entendre.

Max – Comme vous le savez, la compagnie de ferry qui relie habituellement cette île au continent est en grève.

Yvonne – Oui, ça on a remarqué, sinon… que viendrions-nous faire dans cette galère ?

Max – Les employés ont arrêté le travail en apprenant la revente de la compagnie à un groupe financier, qui annonce un gros plan social.

Diane – Et qu’est-ce que vous avez à voir avec tout ça ?

Max – Je suis le patron de cette compagnie de ferry. Enfin je l’étais…

Diane – Alors c’est vous ?

Yvonne – Vous le connaissez ?

Diane – Disons que… j’ai entendu parler de ce rachat.

Sergio – Et pourquoi l’avez-vous revendue, cette compagnie ?

Max – J’ai fait de mauvais placements. Suivis de quelques malversations pour essayer de me refaire. Je suis ruiné. La banque en a profité pour me racheter mon entreprise à un prix dérisoire.

Sergio – Et vous avez accepté ?

Max – C’était ça ou aller directement en prison.

Marie – Ça ne nous dit pas comment vous en êtes arrivé à voler un bateau de pêche.

Max – Les marins en grève me séquestraient dans mon bureau. J’ai échappé de peu au lynchage. J’ai réussi à m’enfuir, mais j’ai jugé plus prudent de quitter l’île au plus vite. J’ai… emprunté un bateau de pêche qui était en cale sèche.

Sergio – Sans doute pour réparer cette voie d’eau…

Max – Je n’avais même pas de quoi faire le plein de gasoil. Et puis il me fallait un peu de cash. De quoi survivre en arrivant sur le continent, le temps que la chance tourne.

Diane – Je vois…

Max – J’ai laissé mon adjoint signer le contrat de vente avec la négociatrice de la banque. D’ailleurs, elle aussi ils ont failli la lyncher.

Diane – Je sais…

Max – Comment vous savez ça ?

Diane – C’est moi qui ai signé le contrat au nom de la banque.

Max – Vous êtes la négociatrice de Continental Finances ? Celle qu’on surnomme le requin ?

Diane – Elle-même.

Max – C’est un comble… Alors en un sens, je vous ai sauvé la vie.

Diane – Ne poussez pas trop le bouchon… Je vous rappelle qu’on est perdus en mer, en panne sèche, et au bord du naufrage.

Max – Oui… et je ne sais pas ce qui me retient de vous jeter par-dessus bord. C’est à cause de vos mauvais conseils que mes placements m’ont ruiné ! Et ensuite vous me rachetez mon entreprise pour une bouchée de pain !

Diane – Je ne fais qu’exécuter les ordres de ma direction. Les temps sont difficiles pour tout le monde. C’est la crise…

Marie – C’est curieux, le monde est en crise depuis que Dieu l’a créé… Et pourtant les riches sont toujours de plus en plus riches.

Max (à Diane) – Je préfère aller écoper… avant de céder à des envies de meurtre que je pourrais regretter.

Silence pesant.

Yvonne – Ôtez-moi d’un doute, le « requin »… Il parlait de vos mauvais conseils, qui l’ont ruiné… J’espère que vous m’en avez donné de meilleurs. J’ai confié la gestion de tous mes placements à Continental Finances, moi aussi.

Diane – Ne vous inquiétez pas… Si nous sommes numéro un mondial en matière de gestion de patrimoine, ce n’est pas pour rien.

Sergio – À moins que votre banque n’ait construit sa fortune en ruinant ses clients les plus crédules.

Yvonne semble de plus en plus inquiète. Charles revient.

Max – Vous avez déjà fini d’écoper ? Il n’y a plus d’eau dans la cale ?

Charles – Ça ne sert plus à rien d’écoper. La voie d’eau est trop importante…

Marie – Alors c’est la fin. Il ne nous reste plus qu’à prier…

Charles – Enfin Yvonne, fais quelque chose !

Yvonne – Que veux-tu que je fasse, imbécile ! Les seuls problèmes que je sais régler, ce sont ceux qu’on peut résoudre en sortant son carnet de chèques.

Sergio – Malheureusement, cette fois, je doute qu’on puisse s’en sortir comme ça.

Moment de déprime générale.

Yvonne (à Charles) – Et arrête de te ronger les ongles, ça m’énerve.

Charles – Fous-moi la paix ! Je me rongerai les ongles si je veux…

Amanda – Eh ben… Vous ne lui parliez pas comme ça, avant ?

Charles – Avant, je rêvais d’épouser une milliardaire. Mais à quoi ça me sert d’épouser une milliardaire qui va mourir. Surtout si je dois mourir en même temps qu’elle.

Marie se tortille un peu.

Marie – C’est un calvaire…

Sergio – Vous n’allez pas accoucher maintenant, au moins ? Il ne manquerait plus que ça…

Marie – Non, rassurez-vous. Aucun risque…

Max revient.

Max – Je n’ai pas pu me connecter au réseau, mais j’ai pu écouter la météo marine, avec un vieux transistor que j’ai trouvé dans la cale.

Diane – Et alors. On annonce encore du brouillard ?

Max – Non, mais on dit qu’un tsunami vient de ravager le paradis fiscal que nous venons de quitter.

Marie – Un tsunami ?

Max – D’amplitude suffisante pour submerger totalement l’île, vu sa faible altitude.

Marie – Oh mon Dieu ! C’est l’énorme vague qui a failli nous engloutir tout à l’heure.

Max – Personne n’a pu être prévenu à temps. Il n’y a aucun survivant…

Amanda – Mais c’est affreux !

Marie – C’est sans doute un châtiment divin. Jésus a bien chassé les marchands du temple. Et Dieu a détruit Sodome et Gomorrhe…

Max – En tout cas, pour nous c’est un miracle… Si nous n’avions pas quitté cette île précipitamment, nous serions tous morts noyés.

Sergio – Oui, quel heureux hasard…

Yvonne (à Max) – Alors en somme, en nous embarquant sur cette épave, vous nous avez sauvé la vie…

Max – C’est un fait.

Diane – On va vous appeler Noé.

Amanda – Oui… Vous avez pris sur votre arche un exemplaire de tout ce qu’il y a de pire dans l’humanité, pour être sûr que l’espèce survivrait à ce déluge.

Charles – On a échappé au déluge, mais malheureusement, notre arche prend l’eau par l’arrière.

Sergio – Et si nous n’atteignons pas rapidement une côte, nous allons couler.

Marie – Espérons que les secours qui afflueront vers le lieu de cette catastrophe pourront nous voir, et nous venir en aide.

Yvonne – Avec un peu de chance, vu les circonstances, ils ne penseront pas à fouiller nos valises…

Charles – Comme quoi… À toute chose, malheur est bon.

Yvonne – Tu en as d’autres, des expressions à la con comme ça ?

Charles – Le malheur des uns fait le bonheur des autres, si tu préfères.

Yvonne – Je préférerais que tu la fermes.

Amanda – Vous n’allez pas recommencer ?

Yvonne – Et vous, qu’est-ce que vous fichez là, d’ailleurs ? Vous n’avez pas le profil à venir planquer vos économies dans un paradis fiscal. Quant au métier que vous exercez, très ancien à ce qu’on dit, les hôtels cinq étoiles ne doivent pas être habituellement votre terrain de chasse privilégié ?

Amanda – Ne vous fiez pas trop aux apparences. Regardez, vous par exemple. Vous êtes la preuve vivante que la fortune et la classe ne vont pas toujours ensemble…

Yvonne – On ne m’enlèvera pas de l’idée que votre place n’est pas ici. Qui êtes-vous vraiment, et qu’est-ce que vous cachez dans cette valise ridicule ?

Amanda – Ne vous avisez pas d’y toucher.

Yvonne – Nous n’avons plus rien à nous cacher les uns aux autres. Pourquoi ne pas nous montrer ce qu’il y a dans cette valise ?

Sergio – Allez-y, ouvrez-la. Au point où on en est…

Amanda – Pas question.

Yvonne – Vas-y, Charles, ouvre la valise.

Charles – Je ne sais pas si…

Yvonne – Ouvre-la, je te dis !

Charles – Et si c’était une valise piégée ?

Yvonne – Pourquoi tu crois que je te demande de l’ouvrir, imbécile ?

Charles – OK…

Il avance sans conviction vers Amanda.

Amanda – Laissez tomber… Je vais l’ouvrir moi-même.

Amanda ouvre sa valise, et elle en sort un pistolet qu’elle braque sur Charles.

Amanda – Je ne vous conseille pas d’avancer !

Sergio – C’est pour défendre votre vertu que vous vous promenez avec une telle artillerie ?

Amanda – J’avoue… Je ne suis pas celle que vous croyez…

Charles – Alors vous êtes qui ? Et vous faites quoi ?

Yvonne – Trafic d’armes ? Terrorisme ?

Amanda – Je suis flic. De la Brigade Financière. J’étais ici en infiltration, pour surveiller vos petits trafics en tous genres et vous prendre tous en flagrant délit.

Max – Et qu’est-ce que vous comptez faire, maintenant ? Nous mettre tous aux arrêts dans la cale ?

Amanda baisse son arme.

Amanda – Vous avez raison. Maintenant, c’est inutile. Nous allons tous mourir, alors à quoi bon jouer encore aux gendarmes et aux voleurs…

Noir

Tableau 5

Ils sont tous là. Leur tenue est en désordre. Ils ont le teint hâlé, voire des coups de soleil.

Yvonne – Je commence vraiment à avoir faim.

Marie – On pourrait pêcher… On est sur un bateau de pêche, après tout.

Sergio – Je ne vois pas de filet.

Charles – Quelqu’un sait pêcher ?

Max – Oui, la pêche au gros. Sur mon yacht. Et avec du personnel. Mais là…

Yvonne – Vous croyez qu’on en arrivera au cannibalisme ?

Charles – En cas d’extrême nécessité, ce n’est pas un crime.

Sergio – C’en est un si on est obligé de tuer la personne avant de la bouffer…

Yvonne – Bon, alors on attendra que le premier d’entre nous meurt de mort naturelle.

Charles – Si on ne vient pas nous secourir rapidement, ça risque d’arriver bientôt.

Diane arrive, très excitée.

Diane – J’ai pêché un poisson !

Max – Comment est-ce que vous avez fait ?

Diane – Avec une épuisette.

Max – Où est-ce que vous avez trouvé une épuisette ?

Diane – J’en ai bricolé une avec un manche à balai et… ma culotte.

Sergio – Et vous avez réussi à attraper un poisson comme ça ?

Diane – Ben oui… Il ne bougeait pas. Il était sur le dos. Il devait dormir.

Amanda – Ça dort, un poisson ?

Diane – Une petite sieste, peut-être.

Sergio – Ou alors il était mort.

Diane – C’est vrai que quand je l’ai sorti de l’eau… il avait une drôle d’odeur.

Charles – Vous êtes sûre que c’était le poisson ?

Yvonne – Enfin, Charles…

Charles – Désolé, ça doit être le soleil. Je suis au bord de l’insolation.

Sergio – Et qu’est-ce que vous en avez fait ?

Diane – Ben je l’ai mangé !

Silence consterné.

Marie – Je crois que cette fois, on a touché le fond.

Charles – C’est une phrase qui prend un sens particulier quand on la dit sur un bateau sur le point de sombrer.

Yvonne – Voilà qu’il se met à faire des phrases, maintenant… Tu as raison, ça doit être le soleil…

Un temps.

Sergio (à Yvonne et Charles) – Et vous, qu’est-ce que vous étiez venus faire sur cette île ?

Charles – Nous étions en reconnaissance. Pour notre voyage de noces. On avait d’abord pensé à Saint Barth, mais c’est tellement surfait maintenant. Surtout depuis que…

Yvonne – Laisse tomber, mon pauvre ami. Au point où on en est, je peux lui dire la vérité.

Charles – Je pensais que c’était la vérité…

Yvonne – Je fais le voyage dans ce paradis fiscal deux fois par an pour y mettre mes économies en lieu sûr.

Sergio – Ne me dites pas que vos valises sont vides…

Yvonne – J’amène du cash et je repars avec des bons au porteur…

Sergio – Et cette année, vous avez fait bonne pêche ? Qu’est-ce que vous ramenez dans vos filets ? Je veux dire dans votre valise. Elle est énorme…

Yvonne – Des bons du trésor, émis par le micro-état qui gère cette île.

Diane – Non…? Et qui vous a conseillé d’acheter ça ?

Charles – Continental Finances, pourquoi ?

Diane – Disons que… maintenant que cette république bananière a été réduite à néant par ce tsunami, vos bons du trésor ne valent plus rien.

Yvonne – Vous êtes sûre ?

Diane – Vous n’avez pas entendu ? À l’heure qu’il est, cette île n’existe plus. Elle a été rayée de la carte.

Charles – Quoi ? Mais alors Yvonne, tu es ruinée…

Diane – La compagnie de ferry que nous venons de racheter ne vaut plus grand chose non plus… mais au moins ça résout le problème de la grève. Et puis on ne sait jamais, il faut garder espoir. Même si tous les marins sont morts noyés, les bateaux, eux, sont peut-être encore à flot.

Marie – C’est vrai, c’est un terrible drame… Au moins, nous, nous sommes encore en vie… Pour l’instant.

Max – Bon, cette fois, Yvonne, c’est à votre tour.

Yvonne – Mon tour ?

Max – D’écoper !

Yvonne – Charles, c’est à toi.

Charles – Pas question, j’en ai marre. Je ne suis pas ton larbin.

Yvonne – Tu ne penses pas sérieusement ce que tu dis ?

Charles – Il y a des années que je te sers de souffre-douleur dans l’espoir d’un mariage qui ferait de moi ton héritier. Mais tu es ruinée, et on va tous mourir, alors qu’est-ce que ça change, maintenant ?

Max (à Yvonne) – Bon alors vous y allez ?

Yvonne – Ça sert à quoi ? Il a raison, on va tous mourir. Alors un peu plus tôt ou un peu plus tard. Pas la peine de se fatiguer.

Marie – Dans ce cas… On n’a plus qu’à s’en remettre à Dieu…

Silence.

Amanda – Et vous, la vierge Marie ? Qu’est-ce qui vous a vraiment amenée ici ?

Marie – Disons que… je suis dans les affaires, moi aussi.

Yvonne – Quelle genre d’affaires ?

Amanda – Ce n’est plus la peine de faire semblant, vous savez… Je vous rappelle que je suis flic. Je suis au courant de tout.

Marie – Oh et puis merde, c’est vrai… Je n’en peux plus de ce truc…

Elle enlève son faux ventre.

Sergio – Qu’est-ce que c’est ?

Marie – De la coke.

Yvonne – Et dire qu’elle a profité de sa prétendue grossesse pour ne pas écoper l’eau de mer dans la cale et pour s’enfiler avant tout le monde le peu d’eau douce qui nous reste….

Charles – Alors c’est elle que vous étiez venue arrêter ?

Amanda – Entre autres, oui… Parce que sur ce bateau, entre nous, je n’ai que l’embarras du choix, non ?

Ils la regardent tous.

Marie – Vous prenez un risque, ma chère…

Amanda – Ah oui ?

Yvonne – Vous êtes seule, nous sommes six.

Diane – On pourrait avoir envie de se débarrasser de vous.

Sergio – Dans la situation où nous sommes, il ne serait pas étonnant qu’on n’en revienne pas tous…

Yvonne – J’ai une de ces faims, moi… Et si c’était elle qu’on bouffait ?

Ils font un pas vers Amanda. Elle sort à nouveau son pistolet.

Amanda – Vous oubliez que je suis armée…

Charles – D’accord.

Ils se figent tous, avant de faire prudemment un pas en arrière.

Marie – Et vous Sergio ? Qu’est-ce que vous transportez dans votre mallette ? Une bombe atomique miniaturisée ?

Sergio – Non, mais c’est tout aussi explosif…

Charles – Vous en avez trop dit ou pas assez… Qu’est-ce que c’est ?

Sergio – Des fonds de campagne secrets. Provenant de donateurs totalement désintéressés, (désignant Yvonne) comme Madame…

Charles – Je ne vous savais pas si généreuse, ma chère…

Yvonne – On a beau être désintéressée, on peut toujours espérer quelques passe-droits en retour, si notre cher Président est réélu. Et puis quoi ? Tu préférerais que la gauche revienne au pouvoir ?

Max (à Sergio) – D’accord… Alors c’est pour ça que vous non plus, vous ne teniez pas à passer par la douane…

Charles – C’est fou ce que les riches peuvent être solidaires entre eux quand il s’agit de préserver leurs privilèges…

Sergio – J’obéis aux ordres. Le Président m’a demandé de récupérer de toute urgence les fonds détenus par son comité de campagne dans ce paradis fiscal.

Marie – De toute urgence… Alors vous étiez au courant, pour le tsunami, n’est-ce pas ?

Sergio – En tant que chef des armées, le Président a un accès privilégié à la météo marine.

Marie – Il craignait pour son trésor de guerre. Mais il n’a averti personne d’autre du raz de marée qui a emporté cette île et tous ses habitants…

Sergio – Il n’y avait pas de place pour tout le monde sur les bateaux, de toute façon. Seuls quelques privilégiés ont été mis au courant.

Marie – Ses généreux donateurs, par exemple. Ceux qui financent sa campagne.

Max – Oui… Comme vous, Yvonne.

Charles – Alors toi aussi, tu savais ?

Yvonne – Tu devrais me remercier, imbécile ! Après tout, je t’ai sauvé la vie…

Charles – Tu n’avais pris qu’une seule réservation, pour toi ! Si je ne t’avais pas rattrapée dans le hall de l’hôtel alors que tu partais précipitamment…

Amanda – Si ça peut vous consoler, moi non plus je ne savais pas. Et pourtant je suis de la police. Si je n’avais pas décidé de prendre tout ce petit monde en filature, j’aurais été emportée par ce tsunami…

CharlesC’était sans doute ce que voulait le Président. Enterrer l’enquête avec l’enquêtrice… (À Diane) Vous aussi, vous étiez au courant ?

Diane – Non… Mais visiblement, mon patron était dans la confidence… Je comprends mieux pourquoi il était si pressé de solder son compte dans ce paradis fiscal, et pourquoi il m’a envoyée là-bas pour ramener son argent en liquide.

Max – En omettant de vous prévenir que vous risquiez d’être emportée par un tsunami.

Diane – Et moi qui lui faisais entièrement confiance… Je suis déçue…

Sergio – Faire confiance au patron de la plus grande banque française ? Votre naïveté me surprend, ma chère.

Charles – Et dire qu’on vous surnomme le « requin »…

Diane – Je pensais que même les requins avaient une famille, que j’en faisais partie, et que les requins ne se bouffaient pas entre eux…

Sergio – Eh bien maintenant, vous êtes fixée sur les limites de la solidarité entre les vrais milliardaires, et ceux qui leur servent de valets en espérant qu’on leur laisse quelques miettes du festin.

Max – Comme disait un de nos grands philosophes : « Quand les mouettes suivent un chalutier, c’est qu’elles pensent qu’on va leur jeter des sardines ».

Sergio – Tiens, je ne connaissais pas cette citation… Quel est le nom de ce philosophe ?

Max – Éric Cantona.

Marie (à Sergio) – Vous auriez quand même pu prévenir les marins grévistes. Vu les circonstances, ils auraient repris le travail sans se faire prier…

Sergio – On aurait pu, oui…

Marie – Mais…?

Sergio – Le chef d’état de cette république bananière était autrefois un ami de la France. Et surtout un ami personnel de notre Président. Un ami très généreux par ailleurs. Malheureusement…

Max – Cet ami est devenu trop encombrant, j’imagine…

Sergio – Je ne peux pas vous en dire plus. Ce dossier relève de la raison d’état.

Max – En tout cas, à présent, le problème est réglé…

Sergio – Grâce à Dieu.

Max – Et à la météo marine…

Noir

Tableau 6

Tous sont là, sauf Marie. Ils ressemblent de plus en plus à des naufragés. Marie arrive, très excitée, une bouteille d’eau dans chaque main.

Marie – C’est un prodige ! Hier il y avait deux bouteilles d’eau, et ce matin il y en a quatre.

Amanda – La multiplication des bouteilles… Une intervention divine, sans doute ?

Max – Non, mais c’est quand même un petit miracle. Il a plu cette nuit, et j’ai pu remplir quelques bouteilles vides.

Charles – Je ne savais pas qu’il pleuvait en pleine mer.

Max – Ça vous étonne ?

Charles – Oui. Je ne sais pas pourquoi…

Max – Ça nous permettra de ne pas mourir de soif tout de suite.

Charles – Vous savez pourquoi l’eau de la mer est salée, Capitaine ?

Max – Non… Et vous ?

Charles – Moi non plus…

Yvonne – Tu es sûr que tu n’as pas attrapé une insolation, mon pauvre Charles ? Tu devrais mettre un chapeau.

Charles – Vous vous rendez compte, si l’eau de mer n’était pas salée ? Ça résoudrait pas mal de problèmes dans le monde.

Amanda – Il va nous faire chier encore longtemps, lui ?

Diane – Pour ce qui est de mourir de faim heureusement, avec tous ces poissons crevés qui remontent à la surface…

Sergio – La pollution des océans a du bon, finalement.

Marie – À moins qu’on ne meurt tous empoisonnés. Comme ces poissons malades qu’on est obligés de bouffer, à moitié pourris.

Diane sort un de ces poissons et en prend une bouchée.

Diane – Ce n’est pas si mauvais.

Amanda – Oui… On s’y habitue.

Yvonne – Je crois que j’ai déjà perdu une dizaine de kilos.

Charles – Eh bien tu vois ? Finalement, la liposuccion pourra attendre encore un peu…

Amanda – Je vais voir si je peux en repêcher quelques-uns…

Amanda s’éloigne. Les autres continuent à mastiquer leurs poissons. Amanda revient précipitamment.

Amanda – Ça y est, on voit la côte !

Diane – Non ?

Amanda – Mais si, regardez !

Ils regardent tous.

Yvonne – Ce n’est pas un mirage, au moins ?

Max – Bon sang, mais oui, c’est vrai !

Charles – Terre ! Terre ! C’est dingue, j’ai l’impression d’être Christophe Colomb au moment où il découvre l’Amérique !

Marie – J’espère qu’on n’a pas dérivé aussi loin, mais bon… Dieu soit loué, nous sommes sauvés !

Max – Il était temps. Même en écopant jour et nuit, le bateau s’enfonçait de plus ou plus.

L’ambiance se détend aussitôt et ils retrouvent le sourire.

Diane – Ouf… On va enfin retrouver la civilisation.

Max – À part qu’on a perdu beaucoup d’argent.

Yvonne – Et quelques kilos.

Max – On finira par se refaire. Riche un jour, riche toujours…

Sergio – Oui… À moins qu’on ne finisse en prison.

Tous les regards se tournent vers Amanda.

Amanda – Je vous promets que je ne dirai rien. Après tout ce que nous avons vécu ensemble…

Yvonne – Merci.

Amanda – Mais le Président, lui, il s’en sort plutôt bien, non ?

Sergio – Je perçois comme un sous-entendu dans cette dernière remarque… voire une tentative de chantage avec extorsion de fonds.

Amanda – Tout de suite les grands mots… Mais je ne serais pas contre une petite gratification, pour service rendu à la patrie… et en récompense de ma discrétion.

Max – Et nous, on ne serait pas contre un petit dédommagement non plus. Parce qu’avec tout le fric qu’on a perdu dans ce désastre écologique…

Yvonne – Vous qui parlez à l’oreille du Président, vous ne pourriez pas nous faire classer en catastrophes naturelles ?

Marie – Parce qu’entre nous, si on racontait ce qu’on sait… La réélection de votre Président serait sérieusement compromise.

Sergio – Entre gens bien élevés, on peut toujours s’arranger…

Max – Et pourquoi pas une petite médaille ? Grâce à mon action héroïque, j’ai réussi à sauver quelques vies.

Sergio – J’en parlerai au Président.

Ils se remettent tous à regarder en direction de la côte.

Max – Les vents sont favorables, on se rapproche de la côte. Il n’y a qu’à attendre…

Yvonne – C’est bizarre. Ça ne ressemble pas trop à la côte française.

Charles – C’est vrai… Avec tous ces palmiers…

Amanda – Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas la Bretagne.

Sergio – Et ce n’est pas le drapeau français qui flotte au-dessus du port.

Charles – Qu’est-ce que ça peut bien être ? La Corse ?

Sergio – Il y a un bateau qui vient, on va leur demander.

Marie – C’est juste une grande barque, et ils sont une centaine là-dessus.

Yvonne – On dirait des migrants.

Charles – Mais pourquoi ils quitteraient la France pour se diriger vers le large ?

Diane – Ça y est, je vois mieux le drapeau.

Marie – On dirait un peu le Maroc…

Max – Qu’est-ce que c’est comme drapeau ?

Amanda, à Sergio – Vous vous y connaissez, en drapeau, vous ?

Charles – Ce n’est pas le drapeau palestinien, au moins ?

Sergio – Pire…

Yvonne – Qu’est-ce qui peut être pire que de débarquer sur la bande de Gaza ?

Sergio – C’est le drapeau de la Libye…

Ils se figent tous, sidérés.

Noir

Tableau 7

Ils sont tous là, hagards, le regard tourné vers le fond de la salle, qui figure cette côte inhospitalière.

Amanda – Cette fois, on voit très bien la plage.

Yvonne – Oui, mais je me demande s’il y a de quoi s’en réjouir.

Marie – On commence même à voir leurs visages.

Max – Et leurs kalachnikovs…

Charles – On dirait que certains sont en train de se marrer.

Diane – Ils vont être surpris de nous voir, c’est sûr.

Sergio – Forcément. D’habitude, le trafic se fait plutôt dans l’autre sens.

Marie – Une bande de Français qui débarque sur les côtes libyennes avec des valises pleines de billets de banque, de bons du Trésor et de sachets de coke…

Max – On ferait peut-être mieux de se débarrasser de tout ça, non ?

Yvonne – Jeter notre argent par-dessus bord ?

Sergio – On pourrait toujours leur donner vos bons au porteur, ils ne valent plus rien.

Diane – S’ils nous trouvent avec tout cet argent, ils vont nous tuer pour nous dépouiller.

Sergio – Mais si on arrive les mains vides, en loques et à moitié morts de faim, ils ne vont pas comprendre… et ça risque de les énerver aussi.

Marie – Difficile de se faire passer pour des migrants français essayant d’accoster en Libye pour y demander l’asile politique.

Max – On peut toujours leur dire la vérité.

Amanda – Ils ne nous croiront jamais.

Marie – Il faut dire que cette histoire est assez difficile à croire.

Max – Oui…

Un portable sonne. C’est celui de Sergio, qui répond.

Sergio – Oui…? Oui Monsieur le Président. Très bien, Monsieur le Président. Merci Monsieur le Président.

Il range son portable.

Yvonne – Alors ?

Sergio – C’était le Président.

Marie – Et alors ?

Sergio – Les forces aériennes françaises présentes dans la région viennent de nous repérer. Ils nous envoient un hélicoptère.

On entend le bruit de l’hélicoptère de reconnaissance, qui se rapproche puis s’éloigne.

Marie – Dieu existe !

Yvonne – Nous sommes sauvés ! Enfin, j’espère que cette fois c’est la bonne…

Charles – Oui, parce qu’il y en a marre de tous ces rebondissements. Cette comédie a assez duré.

Sergio – Rassurez-vous, cette fois, c’est bien la fin de tous nos ennuis.

Amanda – Ça fait un peu western, cette fin, non ? Avec l’arrivée de la cavalerie…

Marie – Tout est bien qui finit bien, c’est le principal.

Diane – Oui… Un vrai conte de fées.

Max – Ça pourrait même se terminer par un mariage… En tant que capitaine de ce bateau, je serais habilité à le célébrer.

Charles – Allez, je me lance… (Il met un genou en terre devant Yvonne) Yvonne, veux-tu être ma femme.

Yvonne – Va te faire foutre !

Amanda – Ce ne sera pas pour cette fois, malheureusement.

Diane – Mais la bonne nouvelle, c’est que dans quelques heures, nous serons en France !

Soulagement général et congratulations réciproques.

Diane – Heureusement que le Président tient à vous. Vous devez être un collaborateur très précieux.

Sergio – Il tient surtout à récupérer sa mallette et les millions qu’elle contient, pour financer sa campagne.

Marie – Vous êtes sûr qu’on ne finira pas tous en prison ? J’ai au moins cinq kilos de cocaïne en bagage accompagné.

Yvonne – Après tout ce que nous venons de traverser, la prison, ce serait presque un soulagement.

Sergio – Rassurez-vous. Je vous l’ai promis. Le Président aura à cœur de ne pas trop ébruiter cette affaire.

Amanda – C’est l’armée qui va nous rapatrier, pas la police. Cela facilitera beaucoup les choses.

Sergio – Les Forces Spéciales ont l’habitude des coups tordus, et elles sont aux ordres du Président.

Diane – Tant mieux, tant mieux… Alors somme toute… tout est bien qui finit bien !

Charles – Sauf pour les quelques citoyens de cet état minuscule, qui vient d’être rayé de la carte.

Yvonne – Enfin, c’était presque tous des employés de banque. Puisqu’on parle d’un paradis fiscal, on peut considérer qu’ils sont morts pour la patrie.

Max – Et puis il faut bien le dire, la disparition de Sodome et Gomorrhe arrange bien les affaires de tout le monde, pas vrai Sergio ?

Sergio – Je peux vous le dire, maintenant, l’état français, en la personne de son Président, avait une ardoise colossale auprès de la Banque Centrale de ce petit paradis.

Amanda – Plus de paradis, plus d’ardoise.

Sergio – Et quand les dettes de la France sont effacées, ce sont tous les Français qui sont un peu plus riches. Enfin, certains Français en tout cas…

Diane – C’est ce qu’on appelle une ardoise magique, alors : on efface tout, et on recommence. Le spectacle est fini, mais les affaires continuent.

Sergio – Le Président avait promis de supprimer les paradis fiscaux. Pour une fois qu’un candidat tient ses promesses.

Max – Un paradis perdu, dix de retrouvés.

Amanda – Mais pour l’instant, grâce à notre Président bien-aimé, nous allons retrouver notre beau pays !

Charles – Vive le Président !

Sergio – Vive la République !

Charles – Vive la France !

Tous ensemble – Et vive la Finance !

Ils se figent tous au garde-à-vous. Une Marseillaise retentit, puis va s’estompant, tandis qu’ils sortent tous en rang serré et au pas cadencé. Diane est en bout de file et sort donc la dernière.

Diane (en sortant) – Je viens d’avoir un nouvel orgasme…

Noir

Fin.

 

L’auteur

Né en 1955 à Auvers-sur-Oise, Jean-Pierre Martinez monte d’abord sur les planches comme batteur dans divers groupes de rock, avant de devenir sémiologue publicitaire. Il est ensuite scénariste pour la télévision et revient à la scène en tant que dramaturge. Il a écrit une centaine de scénarios pour le petit écran et plus de soixante-dix comédies pour le théâtre dont certaines sont déjà des classiques (Vendredi 13 ou Strip Poker). Il est aujourd’hui l’un des auteurs contemporains les plus joués en France et dans les pays francophones. Par ailleurs, plusieurs de ses pièces, traduites en espagnol et en anglais, sont régulièrement à l’affiche aux États-Unis et en Amérique Latine.

Pour les amateurs ou les professionnels à la recherche d’un texte à monter, Jean-Pierre Martinez a fait le choix d’offrir ses pièces en téléchargement gratuit sur son site La Comédiathèque (comediatheque.net). Toute représentation publique reste cependant soumise à autorisation auprès de la SACD.

Pour ceux qui souhaitent seulement lire ces œuvres ou qui préfèrent travailler le texte à partir d’un format livre traditionnel, une édition papier payante peut être commandée sur le site The Book Edition à un prix équivalent au coût de photocopie de ce fichier.

 

Pièces de théâtre du même auteur

 

Alban et Ève, Apéro tragique à Beaucon-les-deux-Châteaux, Au bout du rouleau,

Avis de passage, Bed and breakfast, Bienvenue à bord, Le Bistrot du Hasard,

Le Bocal, Brèves de trottoirs, Brèves du temps perdu, Bureaux et dépendances, Café des sports, Cartes sur table, Come back, Comme un poisson dans l’air,

Le Comptoir, Les Copains d’avant… et leurs copines, Le Coucou,

Coup de foudre à Casteljarnac, Crash Zone, Crise et châtiment,

De toutes les couleurs, Des beaux-parents presque parfaits,

Des valises sous les yeux, Dessous de table, Diagnostic réservé,

Du pastaga dans le Champagne, Elle et lui, monologue interactif,

Erreur des pompes funèbres en votre faveur, Eurostar, Flagrant délire,

Gay friendly, Le Gendre idéal, Happy hour, Héritages à tous les étages,

L’Hôpital était presque parfait, Hors-jeux interdits,

Il était une fois dans le web, Le Joker, Mélimélodrames,

Ménage à trois, Même pas mort, Miracle au couvent de Sainte Marie-Jeanne,

Mortelle Saint-Sylvestre, Morts de rire, Les Naufragés du Costa Mucho,

Nos pires amis, Photo de famille, Le Pire village de France,

Le Plus beau village de France, Plagiat, Préhistoires grotesques, Primeurs,

Quatre étoiles, Réveillon au poste, Revers de décors, Sans fleur ni couronne, Sens interdit – sans interdit, Série blanche et humour noir, Sketchs en série, Spéciale dédicace, Strip poker, Sur un plateau, Les Touristes,

Un boulevard sans issue, Un bref instant d’éternité,

Un cercueil pour deux, Un mariage sur deux, Un os dans les dahlias,

Un petit meurtre sans conséquence, Une soirée d’enfer, Vendredi 13,

Y a-t-il un pilote dans la salle ?

 

 Toutes les pièces de Jean-Pierre Martinez sont librement téléchargeablessur son site :

www.comediatheque.net

 

Ce texte est protégé par les lois relatives au droit de propriété intellectuelle.

Toute contrefaçon est passible d’une condamnation

allant jusqu’à 300 000 euros et 3 ans de prison.

Paris – Juin 2018

© La Comédi@thèque – ISBN 978-2-37705-230-1

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Comme un poisson dans l’air, note d’intention

Libre Théâtre – Ce seul en scène est une succession de neuf monologues. Quel est le point commun entre ces différents textes ?

Jean-Pierre Martinez – Toute écriture est une psychanalyse. C’est d’ailleurs aussi le propos de ce seul en scène. Le point commun entre ces neuf monologues… c’est qu’ils sont tous de la même plume. Je n’ai pas volontairement cherché à installer entre eux une résonance particulière. Les récurrences et les correspondances entre ces différents textes se sont imposées à moi. Lorsque j’écris une comédie, et j’en ai écrit beaucoup, je ne commence jamais les dialogues avant d’avoir construit auparavant une intrigue et avoir composé des personnages bien caractérisés. Pour écrire ces monologues, je suis parti sans plan et sans boussole. J’ai laissé la parole à mes personnages, qui ne sont en réalité que les différentes facettes d’une même personne : moi-même. Je n’irais pas jusqu’à parler d’écriture automatique, au sens de la littérature surréaliste. Par l’écriture automatique, on cherche volontairement à perdre tout contrôle sur ce que l’on écrit. Dans le cas de ces textes, j’ai naturellement utilisé tout mon savoir faire d’auteur, acquis pendant plus de vingt ans à écrire des scénarios pour la télévision ou des comédies pour le théâtre. Je sais comment générer un suspens, comment produire le comique, comment ménager une chute. C’est devenu chez moi une seconde nature. C’est plutôt dans ce sens que je parlerais d’automatisme. Par ailleurs, n’ayant pas besoin, justement, de focaliser mon attention sur la technique d’écriture, j’ai pu me laisser aller au jeu dangereux des associations d’idées. Celui-là même que l’on pratique en analyse. La cohérence de ces textes et le fait qu’ils se répondent entre eux provient donc avant tout de l’unité du sujet qui les a produits, avec son histoire, ses idées fixes, ses obsessions, ses questionnements… et ses angoisses. Je dois d’ailleurs préciser que ces neufs textes sont extraits d’un recueil qui en contient vingt-trois. En choisissant neuf de ces vingt-trois textes, et en les proposant dans un certain ordre, j’ai donc aussi contribué à donner à l’ensemble une unité, à la fois dans le contenu et dans le déroulé. La cohérence d’un texte peut provenir de la mise en œuvre très consciente d’une technique. Elle peut aussi résulter du libre court donné à la pensée plus ou moins inconsciente. Je dirais que dans le cas présent, la cohésion de ce spectacle résulte d’un mélange de ces deux procédés… Enfin, la mise en scène (jeu, accessoires, costumes, musique…) est là aussi pour souligner des correspondances qui autrement resteraient peut-être inaperçues.

Libre Théâtre – Malgré leurs différences, ces neuf personnages semblent en effet révéler chacun une part de notre humanité et de notre vérité commune. Est-ce finalement un seul et même personnage que vous mettez en scène ? Jean-Pierre Martinez – Je voudrais tout d’abord saluer la performance du comédien, Patrick Séminor, qui a su à merveille s’approprier cet univers assez complexe, à la fois dans le propos et dans le style. Le langage utilisé dans ce seul en scène n’est pas celui du dialogue de comédie. Encore moins celui du « one man show » ou du « stand up ». Même si le personnage s’adresse presque toujours au public, on est plus proche du soliloque et de l’introspection. Un discours frôlant parfois l’absurde voire la folie. Mais chacun sait que du propos de comptoir jusqu’au divan du psy, c’est lorsqu’on lâche prise que peut se révéler une vérité enfouie, dont la cohérence reste autrement cachée à la conscience. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas… Ces neuf personnages, en effet, sont apparemment très différents entre eux. Mais ne jouons nous pas nous-mêmes des personnages différents selon les circonstances ? Le personnage que nous interprétons dans le cadre de notre travail, avec nos patrons, nos collègues nos clients… est-il vraiment le même que celui que nous sommes à la maison, en couple ou avec nos enfants ? Sommes nous vraiment le même homme (ou la même femme) lors d’un repas de famille, à une réunion de parents d’élèves ou pendant une virée bien arrosée entre ami(e)s ? Pourtant, « quelque part », nous sommes la même personne. C’est ce « quelque part » que j’ai voulu explorer, en espérant que dans ce « quelque part » qui m’est si personnel, je puisse finalement rencontrer l’autre (c’est à dire le spectateur, chaque spectateur) dans sa vérité la plus profonde.

Libre Théâtre – Malgré la charge émotionnelle de ces textes, les spectateurs, dans toute leur diversité d’ailleurs, rient dès le début du spectacle. Sans jamais que ce rire relève d’une cruauté gratuite. La connivence entre le personnage et le public, dans son extrême diversité, est très étroite. Comment définiriez-vous cette forme d’humour ?

Jean-Pierre Martinez – Au théâtre notamment, on ne prend pas assez l’humour au sérieux. Le véritable humour, plus que toute autre forme d’expression, suppose beaucoup d’humilité, beaucoup de respect, et beaucoup d’attention à l’autre. On n’a le droit de rire que de soi-même. Si en se moquant de soi on parvient à se moquer aussi des autres, non seulement ils ne nous en voudront pas, mais nous aurons établi avec eux une relation profondément humaine. L’humour authentique est encore plus désespéré que la tragédie, dans le mesure où il remet en question le sens lui-même. La vie est très souvent absurde, nous le constatons tous les jours. L’humour permet de partager avec l’autre ce sentiment tragique d’absurdité, tout en créant une complicité réconfortante. Ce spectacle est émouvant parce que chaque spectateur, au final, se reconnaît dans chacun de ces neuf personnages pourtant si différents entre eux, et apparemment si différents de ces autres que sont les spectateurs. Nous passons une bonne partie de notre vie à essayer de comprendre qui nous sommes, pour savoir ce que nous devrions faire, et donner ainsi une cohérence à notre parcours de vie. Car à la fin de ce parcours, ce n’est pas à « notre père » que nous devrons rendre des comptes, mais à l’enfant que nous fûmes et qui lui aussi nous a engendré. La seule grande question dans la vie, c’est de savoir si au bout du conte, nous aurons trahi ou pas nos rêves d’enfants.

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