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Mais n’te promène donc pas toute nue par la Compagnie des passeurs 

Spectacle vu le 7 novembre 2021 au Théâtre du Chêne Noir à Avignon

Libre Théâtre vous recommande ce spectacle

La société bourgeoise que moque Feydeau dans cette pièce, comme dans beaucoup d’autres, est une mécanique bien huilée, tournant plus ou moins rond, destinée à produire et à conserver un mouvement tout aussi perpétuel qu’inutile, en utilisant pour cela tous les rouages de conventions absurdes. Mais au moindre grain de sable, cette belle mécanique s’enraye, et ceux qui ont pour mission de la servir (le monde des hommes en général et celui des hommes politiques en particulier) se mettent à dérailler. D’après Bergson, ce qui provoque le rire, c’est le placage d’une mécanique sur du vivant, et c’est bien ce ressort qu’utilise Feydeau dans cette comédie.

Dans Mais n’te promène donc pas toute nue, le grain de sable qui fait dérailler cette belle mécanique, c’est la femme, et le rouage qu’elle vient enrayer c’est la prohibition de la nudité des femmes par les hommes, assimilée à un exhibitionnisme par définition indécent. Un sujet qui résonne encore étrangement dans le monde d’aujourd’hui. La Compagnie des Passeurs exploite à merveille le potentiel burlesque de cette comédie de Feydeau, en nous offrant un spectacle très visuel, qui à bien des égards nous rappelle avec bonheur l’univers de Chaplin. À ne pas manquer.
Critique de Jean-Pierre Martinez

Mise en scène : Renaud Gillier
Avec : Luca Bozzi, Renaud Gillier, Charly Labourier, Maud Landau
Costumes : Agathe Helbo
Décor : Bozzi e Figli
Maquillage : Adrien Conrad
Graphisme : Jérôme Nicol

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La Dispute de Marivaux par la Compagnie Du Jour au Lendemain

Spectacle vu au Théâtre des Halles à Avignon le 9 novembre 2021

Libre Théâtre vous recommande

La « Compagnie du Jour au Lendemain » nous propose de découvrir ou de redécouvrir une courte pièce de Marivaux, très particulière par son propos théorique et sa facture abstraite. En effet, si les « disputes » philosophiques sont monnaie courante au siècle des Lumières, elles sont rarement portées à la scène, devant un public amateur de situations plus réalistes. Ici, afin de décider si l’inconstance en amour doit être premièrement imputée à la femme ou à l’homme, les initiateurs de cette dispute entreprennent de trancher la question par une expérience. Deux garçons et deux filles sont élevés en marge de la société avec chacun pour seule compagnie un couple de tuteurs. À l’âge de l’adolescence, ils sont enfin mis en présence des autres, le but étant de savoir qui de l’homme ou de la femme se montrera le premier inconstant dans ses choix amoureux. Cette expérimentation conclura finalement à une « double inconstance » à la fois masculine et féminine.

Au-delà de cette conclusion qui n’étonnera personne, Marivaux nous livre avec cette pièce très atypique une réflexion plus profonde qu’il n’y paraît d’abord sur la nature humaine, sur l’identité et sur la socialité. De la découverte et de l’amour de soi-même à la découverte et à l’amour de l’autre, ces quatre jeunes gens vierges de toute relation sociale (à l’exception de celle qu’ils entretiennent avec le couple qui les a élevés) franchissent successivement en une heure toutes les étapes de la construction de soi. Une construction, donc, qui exclut toute prédisposition d’un sexe ou de l’autre au « péché » originel d’inconstance. Plus encore, Marivaux présente cette inconstance non pas comme un péché, mais comme le mouvement de la vie elle-même, à travers le désir de la rencontre avec tous les autres plutôt qu’avec un seul.

Pour la conception de ce spectacle, la « Compagnie du Jour au Lendemain » a pris le parti de privilégier le théâtre dans le théâtre, en ajoutant au début une scène de L’Ours de Tchekhov, située ici sur la scène d’un théâtre en faillite, et en terminant sur une adresse au public. Après s’être découvert soi-même et avoir découvert l’autre puis le rival de l’autre, c’est le monde entier que ces jeunes gens sont invités à découvrir. Voir et être vu, n’est-ce pas cela aussi l’essence même du théâtre, sur scène, dans la salle, et dans le rapport entre la scène et la salle ? Lors de la représentation à laquelle nous avons assisté au Théâtre des Halles, la jeunesse était aussi dans la salle avec la présence de nombreux lycéens, qui ont ovationné ce spectacle, à la thématique très proche des préoccupations d’un public adolescent en pleine construction de son identité, notamment sexuelle. Soulignons aussi pour terminer que si cette pièce de Marivaux aborde des questions existentielles, elle le fait avec une extrême drôlerie, liée à la naïveté des personnages qui avec beaucoup de candeur expriment des vanités qu’on s’applique habituellement à cacher. Enfin, la bande son et les nombreuses chorégraphies qui agrémentent cette « dispute » en font un spectacle total. Pour les adolescents et pour tous ceux qui se souviennent encore avoir été adolescents. À ne manquer sous aucun prétexte.
Critique de Jean-Pierre Martinez

Photo : Fred Saurel

D’après Marivaux, textes additionnels Anton Tchekhov
Mise en scène Agnès Régolo
Avec Salim-Eric Abdeljalil, Rosalie Comby, Antoine Laudet, Kristof Lorion, Edith Mailaender, Catherine Monin
Scénographie, décors, création et régie lumière Erick Priano
Complicité chorégraphique Georges Appaix
Création et régie son Guillaume Saurel
Costumes Christian Burle

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Alonzo King : transmuter notre humaine pesanteur en un élan vital

Vu le 1er décembre 2021 à l’Opéra Grand Avignon

© M. Crisostomo

La danse, pas plus que la peinture, n’a par nature vocation à être seulement figurative et narrative. Comme la musique, elle peut aussi se faire abstraite et purement formelle. L’émotion esthétique ne jaillit pas alors de la représentation et du récit, supports du symbole et de l’allégorie, mais de la sensation pure et de la liberté d’imaginer.

Fusionnant justement musique et chorégraphie, sans qu’il soit possible de décider si la musique accompagne la danse ou si elle la dirige, Alonzo King nous offre avec ces deux pièces de ballet un spectacle multi-sensoriel, débarrassé du pittoresque et de l’anecdote, pour toucher à la poésie pure quand, libérée elle aussi de la description et de la comparaison, elle touche à l’essentiel et au réel sans passer par l’idée concrète et la réalité commune. Les titres respectifs de ces deux pièces de ballet résument d’ailleurs parfaitement la proposition d’Alonzo King. Azoth, c’était pour les alchimistes le nom de l’agent permettant la transmutation du plomb en or. Cette définition pourrait tout aussi bien convenir à l’art du ballet, qui s’applique à transmuter la pesanteur de notre corporalité trop humaine en un élan à la fois formel et spirituel vers une perfection idéale. The Personal Element, par ailleurs, illustre bien cette conception poétique du ballet d’Alonzo King qui, sans imposer au spectateur un langage à décoder et une signification à trouver, lui laisse la liberté de découvrir dans l’émerveillement son propre rapport esthétique à l’art et de donner un sens très personnel au spectacle qui lui est offert.

Un très beau spectacle, magistralement interprété par le Alonzo King LINES Ballet de San Francisco, actuellement en tournée en Europe.

Critique de Jean-Pierre Martinez

Chorégraphie Alonzo King
Musique : Jason Moran (The Personal Element et Azoth) et Charles Lloyd (Azoth)
Arrangements musicaux : Philip Perkins
Lumières : Jim French
Costumes : Robert Rosenwasser

Danseurs : Adji Cissoko, Madeline DeVries, Lorris Eichinger, Shuaid Elhassan, James Gowan, Ilaria Guerra, Maya Harr, Marusya Madubuko, Alvaro Montelongo, Michael Montgomery, Tatum Quiñónez

Lien vers le site de l’Opéra Grand Avignon
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Chassez les fantômes par le Collectif ildi ! eldi

Théâtre des Halles, Rue du Roi René – Avignon
du 7 au 30 juillet 2022, à 11h (relâches les mercredis 13, 20, 27 juillet)

(c) Pauline Le Goff

Elle est Parisienne, il est Africain. Elle le rencontre pendant un séjour dans son pays. Ils tombent amoureux et se prennent à rêver d’un avenir ensemble. Elle se démène pour le faire venir à Paris. Il arrive enfin et commence alors le désenchantement. Mis à l’épreuve de la vie à deux, leur amour ne résistera pas à leurs différences, et le conte de fée tournera au cauchemar.

Ainsi résumé, cet argument aurait pu donner lieu à un épouvantable mélodrame, agrémenté de quelques bons sentiments sur l’accueil des migrants et l’ouverture à l’autre. Chasser les fantômes est en réalité un spectacle poignant sur la difficulté et parfois l’impossibilité de vivre ensemble, quand le couple se résume à la juxtaposition de deux égoïsmes et quand la vie à deux se limite à une cohabitation forcément problématique.

Dans ce texte puissant écrit par Hakim Bah, sur une idée originale de Sophie Cattani, en se basant sur les témoignages de nombreux couples franco-africains, l’énonciation même participe à l’expression de cette difficulté existentielle à simplement communiquer : plutôt qu’un dialogue entre les deux amants, il s’agit de la confrontation de deux monologues. Et plus que le récit d’un amour partagé, c’est le récit de deux solitudes parallèles, qui par définition ne pourront jamais se rencontrer.

Dirigés par Antoine Oppenheim, qui signe la mise en scène, Sophie Cattani et Nelson Rafaell Madel sont totalement habités par leurs personnages. Ils sont accompagnés en live sur scène par un musicien, Damien Ravnich qui, à la batterie, rythme la scansion par les comédiens de ce texte qui n’est pas sans rappeler parfois le slam par son débit saccadé.

Du théâtre comme on l’aime qui, loin d’être donneur de leçons, nous parle avec beaucoup d’autodérision de nos propres faiblesses individuelles, pour aborder finalement avec modestie et délicatesse les grands problèmes de notre société contemporaine. Un spectacle à la fois tragique et drôle. Comme la vie. À ne manquer sous aucun prétexte. Un coup de cœur de Libre Théâtre.
Critique de Jean-Pierre Martinez
Spectacle vu le 11 décembre 2021 au Théâtre des Halles

Texte Hakim Bah, d’après une idée originale de Sophie Cattani
Mise en scène Antoine Oppenheim
Avec Sophie Cattani, Nelson-Rafaell Madel et Damien Ravnich (musicien)
Scénographie et création lumière Patrick Laffont de Lojo,
Création son Benjamin Furbacco
Musique Damien Ravnich

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Cherche piano aqueux pour jouer la truite de Schubert

Spectacle vu à l’Opéra Grand Avignon le 18 décembre 2021

En cette période de fêtes, l’Opéra du Grand Avignon prend le Parti d’en rire.

L’Opéra Grand Avignon nous conviait ce samedi à un récital frappadingue, sur des textes de Francis Blanche et de Pierre Dac, et sur des musiques choisies parmi les plus grands standards du répertoire classique. Jean-François Vinciguerra, accompagné au piano avec malice et virtuosité par Florence Goyon-Pogemberg, nous invite avec ce spectacle loufoque à redécouvrir quelques textes de ces deux maîtres de l’humour absurde, qui animèrent les ondes de la radio et de la télévision d’après-guerre, et qui créèrent ensemble le Parti d’en rire, le parti de tous ceux qui n’ont pas pris de parti. Pierre Dac alla même jusqu’à se déclarer candidat à la présidentielle en 1965. Mais on se souviendra également que Pierre Dac fut aussi la voix de la France sur Radio Londres pendant la guerre. En ces temps troublés, le droit de rire et de faire rire reste un combat toujours d’actualité. Un réjouissant spectacle, volontairement très décalé dans cette enceinte sacralisée de l’Opéra du Grand Avignon, et longuement applaudi par son public.
Critique de Jean-Pierre Martinez

Récital frappadingue Francis Blanche et Pierre Dac imaginé et interprété par Jean-François Vinciguerra
Avec Florence Goyon-Pogemberg au piano

Lien vers le site de l’Opéra Grand Avignon
À L’Opéra Grand Avignon, les 29, 30 et 31 décembre à 20h30, l’opéra bouffe Les Chevaliers de la table ronde d’Hervé, adapté et mis en scène par Jean-François Vinciguerra (cf. la conférence sur Hervé)

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Les Chevaliers de la table ronde (Hervé)

L’Opéra Grand Avignon nous convie à un banquet burlesque en compagnie des Chevaliers de la Table Ronde.

L’Opéra Grand Avignon nous invite en cette fin d’année à un banquet très particulier avec Les Chevaliers de la Table Ronde, opéra bouffe de Louis-Auguste-Florimond Ronger (dit Hervé), inventeur méconnu de l’opérette au XIXème siècle, et qui ne connut donc pas le même succès ni la même postérité que son rival Offenbach. Sur un livret d’un humour potache totalement assumé, cette œuvre nous propose un pastiche des romans de chevalerie, avec une adaptation multipliant anachronismes et clins d’œil au public provençal, le tout dans une mise en scène très burlesque. La légèreté revendiquée du livret, cependant, ne saurait éclipser l’interprétation magistrale de l’Orchestre National Avignon-Provence, ainsi que la virtuosité des chanteurs et singulièrement des chanteuses, qui nous livrent une performance vocale remarquable. Un spectacle tout public, encore à l’affiche jeudi 30 et vendredi 31 décembre à l’Opéra Grand Avignon.
Critique de Jean-Pierre Martinez

Opéra bouffe en trois actes de Louis-Auguste Florimond Ronger dit Hervé. Paroles d’Henri Chivot et Alfred Duru.
L’opéra fut représenté pour la première fois au théâtre des Bouffes-Parisiens le 17 novembre 1866 puis remanié en 1872. Il est recréé en 2015 à l’opéra national de Bordeaux par le Palazzetto Bru Zane et la compagnie Les Brigands.

Direction musicale Christophe Talmont
Adaptation et mise en scène Jean-François Vinciguerra
Décors Dominique Pichou
Chorégraphie et assistante à la mise en scène Estelle Danvers
Costumes Amélie Reymond
Lumières Geneviève Soubirou
Etudes musicales Ayaka Niwano
Merlin II Jean-François Vinciguerra
Mélusine Laurène Paternò
Le Duc Rodomont Jacques Lemaire
Princesse Angélique Jenny Daviet
La Duchesse Totoche Sarah Laulan
Roland Marc Van Arsdale
Médor Blaise Rantoanina
Adolphe Sacripant Richard Lahady
Ogier le Danois Joé Bertili
Lancelot du Lac Timothée Varon
Renaud de Montauban Yvan Rebeyrol
Amadis de Gaule Maxence Billiemaz
Fleur de Neige Estelle Danvers

Première fois depuis sa création que cet ouvrage est donné avec un grand orchestre. (Orchestre National Avignon-Provence)

Lien vers le site de l’Opéra Grand Avignon
Lien vers le compte-rendu de la conférence de Simon Calamel, Hervé inventeur de l’opérette

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George Dandin ou le mari confondu mis en scène par Michel Fau

Spectacle vu à l’Opéra Grand Avignon, le 13 février 2022

©Marcel Hartmann

 Libre Théâtre vous recommande ce spectacle

En ce début d’année où nous fêtons le 400ème anniversaire de la naissance de Molière, l’Opéra Grand Avignon nous propose de découvrir ou de redécouvrir George Dandin, une pièce se démarquant par un humour très noir des autres comédies plus connues de cet immense dramaturge. Comme Le Bourgeois Gentilhomme, George Dandin aspire à la noblesse. Dans l’espoir insensé d’y accéder, il a cédé sa fortune à un couple de nobles désargentés en échange de la main de leur fille, espérant par cette union changer de condition et être accepté comme membre de cette aristocratie qui le fascine. Il ne recevra en contrepartie de son tribut que le mépris. Et là où notre bourgeois gentilhomme ne fera que se ridiculiser dans sa folle entreprise, George Dandin finira par perdre la raison et la vie en poursuivant son rêve de grandeur. La pièce est donnée dans sa version originelle de comédie-ballet, la musique de Lully et le livret aux accents rabelaisiens de Molière venant adoucir l’aspect tragique de cette farce cruelle. Ce spectacle, brillamment mis en scène par Michel Fau et mis en musique par Gaétan Jarry, est magnifié par les sublimes costumes de Christian Lacroix, les décors d’Emmanuel Charles, et les lumières de Joël Fabing. Un spectacle total et tout public, à ne manquer sous aucun prétexte.
Critique de Jean-Pierre Martinez

Lien vers le texte intégral de George Dandin et la notice sur Libre Théâtre

©Marcel Hartmann

Comédie en musique de Molière et de Lully
Mise en scène Michel Fau
Direction musicale Gaétan Jarry
Costumes Christian Lacroix
Assistant costumes Jean-Philippe Pons
Décors Emmanuel Charles
Lumières Joël Fabing
Perruques Véronique Soulier Nguyen avec la collaboration de la Maison Messaï
Assistant à la mise en scène Damien Lefèvre

Comédiens
Angélique Alka Balbir
Clitandre Armel Cazedepats
George Dandin Michel Fau
Monsieur de Sotenville Philippe Girard
Madame de Sotenville Anne-Guersande Ledoux
Lubin Florent Hu
Claudine Nathalie Savary

Chanteurs
Juliette Perret soprano
Virginie Thomas soprano
François-Olivier Jean ténor
Cyril Costanzo baryton

Ensemble Marguerite Louise
Liv Heym dessus de violon et direction
David Rabinovici dessus de violon
Patrick Oliva haute-contre de violon
Robin Pharo viole de gambe
Julien Martin flûte
Stéphane Tamby basson et flûte
Marco Horvat théorbe
Gaétan Jarry clavecin et direction

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Petit boulot pour vieux clown de Matéi Vișniec au Théâtre du Balcon

du 7 au 30 juillet à 16h00 (relâches les 12, 19 et 26 juillet)
Théâtre du Balcon – 38 rue Guillaume Puy – Avignon

©Frederic Stephan

Trois vieux clowns ont rendez-vous à six heures précises, en un lieu imprécis, dans l’espoir de décrocher un petit boulot… de vieux clown. Ils attendent ce boulot comme on attend Godot. Ou comme on attend la mort. Ils se sont produits autrefois sur les mêmes scènes, et ils sont encore aujourd’hui en compétition pour cet ultime emploi. Et ces vieux camarades ne se font pas de cadeaux. Dans l’attente de cet improbable entretien d’embauche qui les départagera, ils se repassent le film de leurs vies de saltimbanques, faites d’illusions auxquelles ils sont les seuls à croire encore. Cette farce cruelle est surtout un hommage aux comédiens. Non pas les vedettes qui sont dans la lumière, mais tous ces acteurs qui pour la plupart resteront dans l’ombre, et dont la grandeur se situe entre la médiocrité de leur existence et le caractère sublime de l’impossible rêve qu’ils poursuivent.
Un spectacle empreint d’humanité et de drôlerie, merveilleusement mis en scène par Virginie Lemoine, et magistralement interprété par trois comédiens de talent, et d’une extrême complicité.
Critique de Jean-Pierre Martinez
Vu au Théâtre du Balcon à Avignon le 19 février 2022

Texte de Matéi Vișniec
Pièce traduite du roumain par l’auteur et Claire Jéquier
Mise en scène Virginie Lemoine
Assistante mise en scène Alice Faure
Scénographie Emmanuel Charles
Musique Stéphane Corbin
Lumières Sébastien Lebert
Avec Serge Barbuscia, Richard Martin et Pierre Forest 

Lien vers le site du Théâtre du Balcon 

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The TREE (Fragments of poetics on fire) par la Compagnie Carolyn Carlson

Spectacle vu à l’Opéra Grand Avignon, 1er avril 2022

Carolyn Carlson enflamme l’Opéra d’Avignon

Photo Frédéric Iovino

Après l’incendie qui annihile la forêt, l’arbre renaît de ses cendres, allant puiser sa force vitale dans ce terreau fertile de bois mort. Et de ce feu purificateur renaît une vie plus vigoureuse encore. Avec ce quatrième opus inspiré de la Psychanalyse du Feu de Gaston Bachelard, Carolyn Carlson achève l’exploration de sa rêverie chorégraphique autour de la thématique des quatre éléments. Les neuf danseuses et danseurs se détachent comme des ombres chinoises sur les peintures en aplat de Gao Xingjian projetées en fond de plateau, participant eux-mêmes d’un tableau animé par des mouvements à la fois gracieux et saccadés, entrecoupés d’arrêts sur image. Comme dans un rêve, le temps se déforme, s’étirant, s’accélérant, puis se figeant soudain, avant de reprendre sa course apparemment désordonnée mais quoi qu’il en soit inéluctable. Parvenue au sommet de son arbre généalogique, après avoir scié une à une les branches sur lesquelles elle était assise, l’Humanité parviendra-t-elle à se réinventer pour renaître au monde en le réenchantant ?
Ce dernier spectacle de la Compagnie Carolyn Carlson tient pleinement ses promesses, et c’est avec une immense émotion que le public ovationne à la fin cette grande dame au tempérament de feu, qui marquera à jamais l’histoire de la danse pour avoir contribué à sa régénération.
Critique de Jean-Pierre Martinez

Création 2021 pour 9 danseurs
Chorégraphie et scénographie : Carolyn Carlson

Assistante chorégraphique : Colette Malye
Interprètes : Alexis Ochin, Chinatsu Kosakatani, Juha Marsalo, Céline Maufroid, Riccardo Meneghini, Isida Micani, Yutaka
Nakata, Sara Orselli, Sara Simeoni
Musiques : Aleksi Aubry-Carlson, René Aubry, Maarja Nuut, K. Friedrich Abel
Création lumière : Rémi Nicolas, assisté de Guillaume Bonneau
Peintures projetées : Gao Xingjian
Accessoires : Gilles Nicolas et Jank Dage
Costumes : Elise Dulac et Atelier du Théâtre National de Chaillot. Remerciements à Chrystel Zingiro
Production : Carolyn Carlson Company
Coproductions : Théâtre National de Chaillot, Théâtre Toursky Marseille, Ballet du Nord / Centre Chorégraphique National Roubaix Hauts-de-France, Equilibre Nuithonie Fribourg

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Dalida sur le divan de Joseph Agostini

Spectacle vu en avant-première du festival Off 2022, le 28 avril 2022 au Verbe Fou
Création Avignon 2022

« Dalida sur le divan », un cabaret psychanalytique

Dalida occupe une place très singulière au panthéon de la chanson française. Vedette de son vivant, elle est devenue après sa mort un véritable monument. Parce qu’elle fut une immense interprète et qu’elle nous a légué quelques chansons inoubliables, bien sûr. Mais aussi parce qu’elle fait partie de ces chanteuses qui ont fait de leur destin tragique un parcours artistique. À moins que ce ne soit l’inverse, tant les mots que ses paroliers ont mis dans sa bouche ont semblé après coup prophétiques.

Oui, Dalida est un cas. Un cas à part dans l’histoire de la chanson. Mais aussi un cas au sens psychanalytique, comme l’a très bien perçu Joseph Agostini, concepteur de ce spectacle et auteur du livre éponyme « Dalida sur le divan », qu’il adapte ici pour la scène. Comme dans le célèbre programme télévisé « Sur le divan » d’Henry Chapier, que les plus jeunes d’entre nous ne peuvent pas connaître, un psychanalyste, joué par Alain Klinger, reçoit sur son divan une Dalida magnifiquement incarnée par Lionel Dameï. Et le choix de faire interpréter par un homme cette chanteuse ayant symbolisé un certain idéal féminin n’est pas la moindre réussite de ce spectacle. Image de l’éternel féminin, Dalida, en effet, est aussi devenue une icône gay. Sans doute parce qu’elle représenta à son époque une sexualité complexe, sans concession, hors norme et en cela potentiellement tragique.

Oui, à travers les mots de ses paroliers attitrés, c’est bien sa vie que Dalida a chanté tout au long de son existence mouvementée. Plus encore, Iolanda Gigliotti a sciemment choisi d’incarner, à la scène comme à la ville, ce personnage tragique qu’elle a nommé Dalida. Pour essayer de trouver son identité propre, avant de se perdre dans cette périlleuse entreprise qu’est la recherche de soi-même.

Dans ce spectacle en forme de cabaret psychanalytique, Alain Klinger et Lionel Dameï interprètent à tour de rôle ou d’une même voix quelques chansons connues ou moins connues de cette artiste populaire qui sut conquérir pour toujours un public très large par la sincérité de son engagement.

Joseph Agostini a choisi de mettre en scène une Dalida au crépuscule d’une existence à la fois intense et tourmentée. Elle s’apprête à retourner au Caire pour tourner avec Youssef Chahine le film « Le sixième jour », qui donnera à la chanteuse l’occasion de devenir enfin la tragédienne qu’elle rêvait d’être. Juste avant de tirer volontairement sa révérence l’année d’après, et pour toujours.

Une parenthèse musicale enchantée, et un moment d’humanité partagée, en compagnie d’un mythe de la chanson française, dont le destin restera pour toujours un mystère. Un spectacle à ne pas manquer.

Critique de Jean-Pierre Martinez

D’après le livre éponyme de Joseph Agostini, adapté pour la scène par l’auteur, Lionel Dameï et Alain Klingler
Avec 
Lionel Dameï, comédien, chanteur, auteur
Alain Klinger, comédien, chanteur, pianiste
Regard et mise en scène : Sophie Lahayville et Christophe Roussel
Direction technique : William Burdet

Du 7 au 30 juillet, à 13h30 au Verbe Fou, 95 rue des Infirmières
Lien vers le site du Verbe Fou

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