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COVID 19

Les hommes malades de la peur…

Qui aurait pu croire il y a quelques années à peine que nous en arriverions là, et aussi vite ? La situation totalement inédite dans laquelle nous avons été tous plongés pendant de longs mois nous amène à réfléchir plus généralement sur le monde dans lequel nous vivons, sur la classe politique qui nous gouverne et, puisque la démocratie n’a pas encore tout à fait succombé au virus sécuritaire, sur notre propre responsabilité à l’avoir portée au pouvoir et à l’y maintenir.

Peut-on vraiment se reposer entièrement sur des gouvernants et des administrations ubuesques pour mener sur la voie de la guérison notre société malade de la peur ? Cette crise sanitaire a sans doute interrogé avant tout les limites du principe de la délégation de pouvoir dans la démocratie qui est la nôtre. Aux États-Unis comme en France, remettre son destin une fois tous les quatre ou cinq ans entre les mains d’un Roi Ubu, est-ce vraiment cela la démocratie ?

Loin de toutes les théories complotistes, qui ne font finalement que conforter le citoyen engagé que nous devrions être dans un rôle de spectateur passif, ces quatre pièces prétendent avant tout ouvrir un débat, toujours avec une pointe d’humour. Le rôle du théâtre est de poser les bonnes questions, pas de fournir des réponses qu’il appartient à chacun de trouver par lui-même, avant de tenter ensemble de les mettre en œuvre. 


Au répertoire de La Comédiathèque

QUARANTAINE

ÉCHECS AUX ROIS

BRÈVES DE CONFINEMENT

Y A-T-IL UN AUTEUR DANS LA SALLE ?

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Juste un instant avant la fin du monde

Just a moment before the end of the world – Apenas un instante antes del fin del mundo – Apenas um instante antes do fin do mundo –  TĚSNĚ PŘED KONCEM SVĚTA 

Une tragicomédie de Jean-Pierre Martinez

4 hommes ou 3H/1F ou 2H/2F ou 1H/3F ou 4 femmes

Trois personnes qui ne se connaissent sont convoqués pour participer à un jury populaire. C’est en tout cas ce qu’on leur a dit. Mais le lieu où on les a réunis n’est pas un tribunal. Ils apprennent qu’ils sont là pour décider ensemble comment gérer les conséquences d’une catastrophe inévitable qui doit frapper le monde dans un futur très proche. Les opinions divergent, et de nombreux rebondissements viennent relancer le débat. Tout au long de ce spectacle immersif, le public sera appelé à exprimer aussi son avis pour les aiguiller dans leurs choix, afin qu’ils prennent la meilleure décision possible pour faire face à la pire des situations imaginables.

Écrite bien avant la sortie du désormais célèbre film « Don’t Look Up », cette comédie grinçante explore avec humour le même questionnement autour de la communicabilité ou non d’une nouvelle socialement inacceptable : l’annonce d’une fin du monde à la fois imminente et inéluctable.


Ce texte est offert gracieusement à la lecture. Avant toute exploitation publique, professionnelle ou amateur, vous devez obtenir l’autorisation de la SACD.


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Le mot de l’auteur

J’ai écrit cette pièce en 2020, pendant le premier confinement, et elle m’a été inspirée par l’atmosphère crépusculaire qui régnait à cette époque où dans nos pires cauchemars, en raison de cette crise sanitaire inédite, on pouvait imaginer si ce n’est la fin du monde, du moins l’extinction de l’Humanité, tout cela sur fond d’instauration rampante d’un régime à la fois protecteur, paternaliste et autoritaire. Mais cette réflexion sur la fin de la vie sur Terre est aussi une réflexion sur la fin de notre propre vie. Pour chacun de nous, en effet, tant qu’elle n’est pas sur le point de survenir, notre disparition reste une perspective presqu’aussi improbable que l’apocalypse. Nous savons avec certitude que cette échéance est inévitable. Et pourtant, le plus souvent, nous vivons comme si nous étions éternels. Ne pas connaître la date exacte de notre mort nous invite à vivre comme si nous étions immortels. Et si, en raison d’un événement extraordinaire, la fin du monde et donc la fin de notre vie devait inévitablement survenir dans un mois très exactement ? Le sujet semble très sérieux, et en un sens il l’est. Mais rassurez-vous, l’humour n’est jamais totalement absent de la tragédie. Et l’éventualité de la tragédie devrait être pour nous tous une invitation à profiter pleinement de chaque instant. Comme si ce devait être le dernier…

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Signatures

Un homme et une femme sont assis à une table face au public, chacun devant une pile de livres, comme pour une séance de dédicace. Le titre du livre de lhomme est Mémoires d’un tueur à gages, celui du livre de la femme Mémoires d’une call-girl.

Lui – Tu aurais pu au moins trouver un autre titre…

Elle – Pourquoi moi ?

Lui – Parce que moi, j’ai vraiment été un tueur à gages !

Elle – Qu’est-ce que tu en sais ? J’ai peut-être été call-girl, moi aussi…

Lui – C’est ça, oui.

Elle – Et puis qu’est-ce qui me prouve que tu as vraiment été un tueur à gages ?

Lui – Quoi qu’il en soit, c’est moi qui ai eu l’idée d’écrire mes mémoires en premier.

Elle – On verra bien lequel de nos deux livres se vend le mieux.

Un temps.

Lui – Pour l’instant, il n’y a pas grand monde.

Silence.

Elle – Tu l’as lu, au moins ?

Lui – Quoi ?

Elle – Mon bouquin !

Lui – Non. Tu ne crois pas que je vais l’acheter, quand même.

Un temps.

Elle – Allez, je t’en fais cadeau.

Lui – Tu parles d’un cadeau. Ça ne se vend pas, de toute façon.

Elle – Tiens, je te fais même une dédicace.

Elle marque quelques mots sur la page de garde et signe. Il prend le livre et lit la dédicace.

Lui – C’est gentil…

Elle – C’est ce que je pense. Et toi ?

Lui – Quoi, moi ?

Elle – Tu me le dédicaces, ton livre ?

Il prend un livre sur la pile et lui fait une dédicace. Il lui tend le livre, et elle louvre.

Elle – C’est gentil aussi…

Lui – Mais moi je ne le pense pas… (Elle se renfrogne.) Mais si, tu es bête !

Chacun se met à lire le livre de lautre.

Elle – C’est curieux. Après toutes ces années de vie commune, j’ai l’impression qu’on n’a pas vécu la même vie.

Lui – Oui, j’ai exactement la même impression…

Elle – La tienne a l’air passionnante.

Lui – Moins que la tienne.

Elle – En fait, on aura vécu ensemble une vie passionnante… mais pas la même.

Lui – Au moins, on aura des choses à se raconter jusqu’à la fin de nos jours.

Elle – Oui…

Musique.

Noir

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Choupette

Un personnage est assis à une table. Un autre arrive, avec des lunettes noires, et s’adresse à lui.

Un – Les sanglots longs des violons de l’automne…

Deux – Bercent mon cœur d’une langueur monotone.

Un – Ça ira. Mais ce n’est pas bercent, c’est blessent.

Deux – Pardon ?

Un – Blessent mon cœur d’une langueur monotone.

Deux – Ah oui…

Un – Asseyez-vous.

Lautre sassied.

Deux – En même temps, c’est un peu con comme mot de passe.

Un – Et pourquoi ça ?

Deux – Tout le monde connaît la deuxième partie.

Un – Pas vous, apparemment…

Deux – Désolé, je ne savais pas que les tueurs à gages étaient aussi pointilleux en ce qui concerne la poésie de Baudelaire.

Un – C’est de Verlaine.

Deux – D’accord…

Un – Je vous écoute.

Deux – Je voudrais faire disparaître quelqu’un.

Un – Oui, en général, c’est pour ça qu’on m’appelle… Comment se nomme cette personne ?

Deux – Choupette.

Un – Choupette ?

Deux – C’est une chienne.

Un – Ça, ça ne me regarde pas. Mais si on pouvait éviter les propos sexistes. Je ne supporte pas.

Deux – Non, je veux dire que… c’est vraiment une chienne.

Un – Une chienne ? Vous voulez dire un animal ?

Deux – Oui. Une chienne. La femelle du chien.

Lautre se lève pour partir.

Un – Désolé, mais nous avons une certaine éthique dans notre métier. Nous ne tuons jamais les animaux.

Deux – Attendez… Je vous propose le double.

Lautre, intrigué, se rassied.

Un – Pourquoi vous voulez la tuer, d’abord, cette pauvre bête.

Deux – Si vous la connaissiez, vous ne diriez pas cette pauvre bête, croyez-moi.

Un – Racontez-moi ça…

Deux – C’était la chienne de ma femme.

Un – C’était ?

Deux – Elle est morte.

Un – La chienne ?

Deux – Ma femme !

Un – Désolé.

Deux – Ne le soyez pas… C’est moi qui l’ai tuée.

Un – Et… pourquoi, si je peux me permettre ?

Deux – En fait… c’était plutôt un accident.

Un – Un homicide involontaire, vous voulez dire ?

Deux – Disons plutôt… un acte manqué.

Un – Je vois.

Deux – On se promenait au bord d’une falaise tous les trois et…

Un – Tous les trois ?

Deux – Avec Choupette.

Un – Ah, oui…

Deux – Je l’ai un peu bousculée, accidentellement, elle a glissé, et elle s’est écrasée en bas.

Un – Et vous n’avez pas été inquiété par la police.

Deux – Par la police, non. Mais Choupette a tout vu. Et depuis…

Un – Quoi ?

Deux – Elle me regarde.

Un – Elle vous regarde ?

Deux – Avec un air accusateur.

Un – D’accord.

Deux – Vous connaissez cet épisode de la Bible. L’œil était dans la tombe et regardait Caïn.

Un – Ça me dit vaguement quelque chose. Même si dans mon métier, vous savez, la Bible, ce n’est pas mon livre de chevet.

Deux – Eh bien moi c’est Choupette. Toute la journée, elle garde les yeux fixés sur moi. C’est devenu insupportable.

Un – Je comprends.

DeuxJe ne suis pas sûr que vous pouvez comprendre. Si ça continue, je finirai par faire une bêtise.

Un – Vous pourriez vous en débarrasser vous-même. Vous avez bien tué votre femme.

Deux – Oui, mais j’ai peur.

Un – Peur ?

Deux – Il y a quelque chose de surnaturel, là-dedans, je vous assure. Ce n’est pas seulement une bête. C’est…

Un – Quoi ?

Deux – Ce regard… Le regard de Choupette… C’est celui de ma femme.

Un temps.

Un – Vous avez réussi à me foutre les jetons, à moi aussi. Et pourtant, avec le métier que je fais, j’en ai vu d’autres, je vous le garantis…

Deux – Débarrassez-moi de Choupette, je vous en supplie.

Un – Je suis vraiment désolé, mais là… Je ne fais pas dans la réincarnation.

Deux – Mais qu’est-ce que je vais devenir ?

Un – Je ne sais pas, moi… Un chien ?

Il se lève et sen va. Lautre reste silencieux un instant.

Deux – Un chien… Ouaf… Ouaf, ouaf…

Noir

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Mémoires

Il est assis à une table, un calepin devant lui. Il a lair de réfléchir. Elle arrive.

Elle – Ça va ? Tu as l’air bizarre…

Lui – Je réfléchissais.

Elle – Ah… Ça doit être pour ça… (Un temps) Et tu réfléchissais à quoi ?

Lui – Je me demandais si… je n’allais pas écrire mes mémoires.

Elle – Pardon ?

Lui – Mes mémoires…

Elle – Tes mémoires ?

Lui – Ben oui, mes mémoires. L’histoire de ma vie, quoi.

Elle – Tu ne te sens pas bien ?

Lui – Si, ça va très bien, pourquoi ?

Elle – Je ne sais pas… comme tu parles d’écrire tes mémoires.

Lui – Je n’ai pas dit que je voulais écrire mon testament, j’ai dit que je voulais écrire mes mémoires.

Elle – D’accord…

Lui – On peut avoir envie d’écrire ses mémoires sans être à l’article de la mort. Son testament aussi, d’ailleurs.

Elle – Oui, enfin… Tu es encore jeune, pour écrire tes mémoires, non ?

Lui – Quand veux-tu que je les écrive, mes mémoires ? Quand je serai mort ? Ou quand je serai Alzheimer ?

Elle – Tu as l’impression d’avoir des problèmes de mémoire ?

Lui – Je n’ai pas dit que j’avais des problèmes de mémoire ! J’ai dit que je voulais écrire mes mémoires !

Elle – Comme tu me parles d’Alzheimer…

Lui – Ce que je dis, c’est que pour écrire ses mémoires, encore faut-il en avoir, de la mémoire.

Elle – En tout cas, il faut avoir des souvenirs intéressants à raconter.

Lui – Et tu crois que je n’en ai pas ?

Elle – Admettons… Et… tu crois que ça peut intéresser quelqu’un ?

Lui – Merci de tes encouragements…

Elle – Enfin, je veux dire, tu n’es pas le Général De Gaulle, non plus. Tu n’as pas sauvé la France.

Lui – D’accord, je n’ai pas sauvé la France, mais il m’est quand même arrivé quelques trucs.

Elle – Ah oui ? Quand ça ?

Lui – Je ne sais pas… Avant de te rencontrer, peut-être.

Elle – D’accord.

Lui – Après, ça dépend comment c’est raconté, évidemment. Même si ce ne sont que des anecdotes, si c’est bien raconté…

Un temps.

Elle – Et… tu vas parler de moi ?

Lui – Je ne sais pas… Pas forcément.

Elle – Tu vas écrire tes mémoires, et tu ne vas pas parler de moi ?

Lui – Mais si, sûrement, je vais parler de toi.

Elle – Donc tu vas parler de moi.

Lui – Oui.

Elle – Et qu’est-ce que tu vas raconter sur moi ?

Lui – Ça je ne sais pas encore.

Elle – Oui, et bien moi, j’aimerais bien savoir, figure-toi.

Lui – Je n’ai même pas encore commencé à écrire, et tu veux déjà me censurer ?

Elle – C’est ma vie, non ? Et si ce que tu dis de moi, ça ne me convient pas ?

Lui – Dans ce cas, tu n’as qu’à les écrire aussi, tes mémoires ! Comme ça les gens pourront comparer, et ils se feront une opinion par eux-mêmes.

Elle – Quoi ? Parce que tu ne me crois pas capable d’écrire mes mémoires, peut-être ?

Lui – Je n’ai pas dit ça.

Elle – Mais c’est ce que tu insinues. Et ce que tu insinues aussi, c’est que ma vie n’est pas aussi intéressante que la tienne.

Lui – Ta vie ? Mais on vit ensemble depuis des années !

Elle – Oui, mais ce que tu dis, c’est que ce qui t’est arrivé de plus intéressant, c’était avant de me connaître.

Lui – Ouais, peut-être bien.

Elle – Moi aussi, il m’est arrivé des trucs intéressants avant de te rencontrer, tu sais ?

Lui – Ah oui ? Et quoi, par exemple ?

Elle – Là, tout de suite, je ne saurais pas te dire quoi, mais je suis sûre qu’en y repensant…

Lui – C’est ça, oui…

Elle – C’est toi qui veux écrire tes mémoires, tu as eu le temps d’y penser, pas moi.

Lui – Eh ben vas-y… Penses-y. Et si ça te revient, tu me le diras. Moi en attendant, je vais écrire mes mémoires ailleurs, puisqu’ici, il n’y a pas moyen de se concentrer.

Il se lève.

Elle – Se concentrer. Mon pauvre ami… (Elle regarde la feuille quil a laissée sur la table et lit.) « Mémoires d’un tueur à gages »… Qu’est-ce que ça veut dire…

Lui – C’est le titre.

Elle – Mais tu n’es pas un tueur à gages.

Lui – Ben si.

Elle – Pendant toutes ces années qu’on a vécu ensemble, tu étais un tueur à gages ?

Lui – Ben oui.

Elle – Je croyais que tu étais plombier.

Lui – C’était une couverture…

Elle – Et il y a encore beaucoup de choses, comme ça, que tu ne m’as pas dites ?

Lui – Tu n’auras qu’à lire mes mémoires…

Elle – C’est ça… Et toi les miennes !

Il sort. Elle sassied à sa place, sort une feuille et un stylo et commence à réfléchir.

Elle – Alors, par où je vais commencer… Ah oui, tiens, ce n’est pas mal, ça. « Mémoires d’une call-girl »...

Elle se met à écrire.

Noir

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Poison d’avril

Deux chaises et une table, avec une carafe et un verre. Un personnage arrive avec un masque sanitaire. Un autre arrive, portant un masque également. Après un moment dhésitation, le deuxième sadresse au premier avec un air de conspirateur.

Un – Les cons ça osent tout…

Deux – C’est même à ça qu’on les reconnaît.

Un – Drôle de mot de passe.

Deux – C’est du Audiard.

Un – Qui ça ?

Deux – Michel Audiard, vous ne connaissez pas ?

Un – Non.

Deux – Vous devriez. Surtout avec le métier que vous faites…

Un – Bon. Comme je vous l’ai dit, on paie d’avance.

Lautre lui tend une enveloppe.

Deux – Voilà.

Un – Quel est le nom de la victime ?

Deux – Jean Martin.

Un – Tiens, c’est curieux.

Deux – Quoi donc ?

Un – Non rien… Enfin, si… Je ne devrais pas vous le dire parce que vous n’êtes pas supposé connaître mon nom, mais… C’est un homonyme.

Deux – Un homonyme ?

Un – Je m’appelle aussi Jean Martin. Enfin, c’est un nom très banal…

Deux – Ce n’est pas un homonyme.

Un – Je vous dis que je m’appelle Jean Martin, moi aussi.

Deux – Oui. Et c’est vous qu’il s’agit d’éliminer.

Un – Moi ?

Deux – Oui, vous.

Un – Vous m’engagez pour que je me tue moi-même ?

Deux – Absolument.

Un – Mais pourquoi ?

Deux – Un contrat, c’est un contrat, non ? Et je vous ai payé…

Un – OK.

Deux – Tenez, je fournis même le poison.

Il lui tend un sachet.

Un – Qu’est-ce que c’est que ça ?

Deux – Du poison pour les fourmis.

Un – OK.

Deux – Je compte sur vous ?

Un – Bien sûr…

Il sen va. Lautre reste un instant interdit. Il sassied sur la chaise, réfléchit un instant, puis verse le contenu du sachet dans un verre, ajoute de leau, mélange et sapprête à boire. Lautre revient, hilare, sans masque.

Un – Poison d’avril !

Celui qui est assis sort de sa torpeur et le reconnaît.

Deux – T’es vraiment con, Gégé.

Noir

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Malchance

Un personnage est assis à une table devant un verre plein et un autre vide. À côté un seau à champagne avec une bouteille de Blanquette de Limoux. Un autre personnage arrive.

Un – Comment est votre Blanquette de Limoux ?

Deux – Ma blanquette est bonne.

Un – C’est un mot de passe pour cinéphile…

DeuxLe Caire, Nid despions, mon préféré. Je vous en sers un peu.

Un – Volontiers.

Lautre le sert. Ils trinquent.

Deux – À notre contrat.

Un – Je n’ai pas encore dit oui. De quoi s’agit-il exactement ?

Deux – De tuer quelqu’un.

Un – Je suis tueur à gages. En général, c’est pour ça qu’on me sollicite. Mais de qui voulez-vous vous débarrasser ?

Deux – De moi-même.

Un – Pardon ?

Deux – Oui, je sais, c’est sans doute inhabituel, mais après tout, pour vous qu’est-ce que ça change ?

Un – Rien, c’est vrai.

Deux – Ça n’a même que des avantages. La victime est consentante, personne ne viendra jamais se plaindre, et donc vous êtes sûr de ne pas être inquiété.

Un – Dans notre métier, on n’est jamais sûr de rien, vous savez. La question, ce serait plutôt… pourquoi ne pas le faire vous-même ?

Deux – Parce que je n’ai pas le courage, tout simplement.

Un – Je comprends. Tuer quelqu’un, c’est une chose. Se tuer soi-même, c’en est une autre. Moi-même si je voulais en finir un jour, je pense que je ferais appel à un collègue.

Deux – Et puis je ne veux pas faire de peine à mes proches, vous comprenez. Un suicide, c’est toujours très lourd à porter pour ceux qui restent. Et pourquoi est-ce que je n’ai rien vu venir ? Et si j’avais su, est-ce que j’aurais pu l’empêcher ?

Un – Bien sûr.

Deux – Un accident, ou même un meurtre, ça passe beaucoup mieux.

Un – Je dois avouer que nous avons de plus en plus de demandes comme la vôtre. Au début, j’avais un peu de mal, et puis… Quand on peut rendre service…

Deux – Je vous assure que vous me rendrez un grand service.

Un – Mais si je peux me permettre… Pourquoi ?

Deux – La lassitude, tout simplement… L’impression que ce que j’avais à faire sur cette terre est déjà derrière moi.

Un – Et si vous changiez d’avis ?

Deux – Hélas. Chaque jour qui passe me conforte dans cette décision.

Un – Quoi qu’il en soit, si vous changiez d’avis, vous avez juste à me passer un SMS.

Deux – D’accord.

Il sort une enveloppe de sa poche et la pousse sur la table vers lautre.

Deux – Voilà, comme convenu.

Un – Très bien.

Deux – Vous ne recomptez pas ?

Un – Là où vous allez, qu’est-ce vous pourriez bien faire de quelques euros que vous ne m’auriez pas donné ?

Deux – C’est vrai.

Un – Vous avez l’air sympa. Ça me fera de la peine de…

Deux – Moi aussi, vous m’êtes plutôt sympathique. Et tant qu’à faire, je suis content que ce soit vous qui vous vous en occupiez…

Un – Comme je vous l’ai dit, je me donne un mois pour exécuter ce contrat. Donc ça peut-être demain comme le mois prochain. Vous ne saurez ni le jour, ni l’heure, ni l’endroit…

Deux – Et s’il vous arrive quelque chose d’ici là ?

Un – Quelque chose ?

Deux – Si c’est vous qui mourez avant moi.

Un – Il y a peu de chances que ça arrive mais dans ce cas, je crains que vous ne deviez continuer à vivre encore un peu

Deux – Alors prenez bien soin de vous.

Lautre se lève, fait un signe dadieu, et sen va. Celui qui reste finit son verre. On entend un crissement de pneus suivi dun bruit de collision.

Deux – Et merde. Ça fait le troisième cette semaine…

Noir

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Bataille

Une table et deux chaises. Un personnage arrive côté jardin, sur le qui-vive. Un autre arrive côté cour, méfiant lui aussi. Ils portent tous les deux des masques sanitaires.

Un – Vous êtes bien Monsieur Martin ?

Deux – Euh… Oui.

Lautre sort un pistolet.

Un – Je suis tueur à gages, et j’ai pour mission de vous éliminer. Désolé…

Son interlocuteur sort également un pistolet.

Deux – Bataille. Je suis tueur à gages moi aussi, et j’ai un contrat sur votre tête.

Lautre, surpris, retire son masque.

Un – Marco ?

Deux (retirant son masque également) – Gégé ?

Un – Il me semblait bien avoir reconnu ta voix.

Ils baissent leurs armes et se font la bise.

Deux – Alors comment ça va ?

Un – Ça va, je suis descendu dans le Sud. J’habite à Marseille, maintenant. Mais je fais parfois quelques extras sur Paris.

Deux – D’accord… Alors c’est pour ça qu’on ne te voit plus beaucoup à Paname. Et le business, à Marseille ? C’est un gros marché, non ?

Un – Oui, il y a pas mal de travail. Mais beaucoup d’amateurisme, aussi. Les gens préfèrent régler ça en famille ou entre amis. C’est rare qu’ils aient recours à un vrai professionnel.

Deux – Résultat des courses, une fois sur deux, ils finissent en prison.

Un – Eh oui… Et toi ?

Deux – Ça peut aller. En ce moment, c’est un peu mort, mais bon…

Un – Les gens comptent sur cette épidémie pour faire le boulot à notre place, sans que ça ne leur coûte rien.

Deux – C’est sûr que le marché des maisons de retraites et des viagers, pour le moment, c’est sinistré.

Un – Eh oui… Pour notre profession aussi, c’est la crise.

Deux – Et nous, on ne reçoit aucune aide de l’État.

Un – Bon, tout ça c’est bien, mais qu’est-ce qu’on fait ?

Deux – Si on commence à se flinguer entre nous, où va-t-on ?

Un – Oui, mais en attendant, un contrat, ça reste un contrat.

Deux – Tu as raison.

Chacun pointe de nouveau son arme en direction de lautre.

Un – Ravi de t’avoir revu une dernière fois, mon vieux.

Deux – Moi aussi…

Ils appuient ensemble sur la gâchette, et on entend deux déflagrations avec silencieux façon Tontons Flingueurs. Ils sécroulent ensemble.

Noir

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Le sauveur

Un personnage est assis à une table, devant une carafe et un verre. Il a lair insouciant. Il ouvre un journal. Un autre arrive, un pistolet à la main, en prenant soin de ne pas se faire remarquer. Il mâche un chewing-gum. Lautre le voit dautant moins quil a son journal devant les yeux. Lhomme au pistolet le vise, toujours en mâchant son chewing-gum. Il sapprête à tirer quand il avale de travers et se met à tousser. Il sétrangle et sétouffe. Lautre pose son journal, laperçoit, et vient à son secours. Il lui tape dans le dos.

Un – Ça va aller ?

Lhomme au pistolet ne répond pas, et continue de sétrangler. Lautre lui fait la manœuvre de Heimlich, cest-à-dire quil se positionne derrière lui et exerce des pressions successives sur son thorax. Lhomme au pistolet finit par cracher son chewing-gum, et reprend peu à peu son souffle.

Un – Ça va mieux ?

Deux – J’ai avalé mon chewing-gum de travers.

Un – Bon, l’important c’est que ça va mieux.

Deux – Si vous n’aviez pas été là… (Il tousse encore un peu.) Et que vous n’aviez pas eu le bon geste.

Un – C’est la manœuvre de Heimlich. C’est ce qu’il faut faire dans ces cas-là, il paraît. Enfin, j’ai vu ça à la télé. Cest la première fois que je fais ça. Ça a lair de marcher.

Deux – En tout cas, vous m’avez sauvé la vie.

Un – N’exagérons rien.

Deux – Si, si…

Un – Vous voulez boire quelque chose, pour vous remettre ?

Deux – Je vais essayer de ne pas avaler de travers…

Lautre lui sert un verre de la carafe. Lhomme qui tient toujours son pistolet dans la main droite, saisit le verre avec la gauche et boit avidement.

Deux – Ça fait du bien.

Un – Tant mieux, tant mieux… (Un temps) Mais si je peux me permettre… qu’est-ce que vous faites avec un pistolet à la main ?

Deux – Ah, oui, le pistolet… Je…

Un – Vous veniez pour… braquer ce bistrot ?

Deux – C’est-à-dire que…

Un – Un petit bistrot de quartier, comme ça… Je ne suis pas sûr qu’il y ait grand chose dans la caisse… Risquer de finir en prison pour quelques dizaines d’euros…

Deux – Bien sûr…

Un – Si vous êtes provisoirement dans le besoin, je peux vous aider.

Deux – Vous feriez ça ? Enfin, je veux dire… Non, je ne peux pas accepter mais…

Un – Mais quoi ? C’est de bon cœur, vous savez…

Un temps.

Deux – En fait je suis tueur à gages. Je venais pour vous tuer.

Un – Tiens donc… Et pourquoi ça ?

Deux – Ça n’a rien de personnel, je vous assure… C’est mon métier, c’est tout.

Un – Je comprends…

Deux – Oui… Mais maintenant que vous m’avez sauvé la vie… Ça me pose un problème, évidemment…

Un – Je suis vraiment désolé de vous causer des problèmes… Je n’aurais peut-être pas dû…

Deux – Si, si, mais… (Un temps) Vous êtes un gentil, vous, hein ?

Un – Quand je peux faire quelque chose pour aider mon prochain…

Deux – Pourquoi est-ce qu’on peut bien vouloir tuer quelqu’un comme vous ?

Un – Je comptais un peu sur vous pour me le dire.

Deux – Nos clients ne nous donnent pas toujours leurs mobiles. Ce qui leur importe, c’est le résultat… Et pour nous, ce qui compte, c’est d’être payé. Parfois il vaut mieux ne pas savoir, d’ailleurs.

Un – Ça ne doit pas être un métier facile.

Deux – Vous êtes tellement gentil… Je comprends qu’à la longue, ça puisse en agacer certains… Mais de là à vous mettre un contrat sur la tête…

Un – Je ne voudrais pas vous causer des ennuis. Faites ce que vous avez à faire…

Deux (agacé) – Ben oui, mais maintenant que vous m’avez sauvé la vie !

Un – Je suis désolé.

Deux – Répétez encore une fois que vous êtes désolé et je vous en mets une.

Un – Pardon, je suis vraiment… Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

Deux – Je ne sais pas… Il faut que je réfléchisse… Un contrat, c’est un contrat…

Il pose son pistolet sur la table, et commence à se masser le bras droit.

Un – Ça va ?

Deux – Oui, mais je ne sais pas ce que j’ai… Depuis ce matin, j’ai un peu mal au bras…

Un – Comment ça, mal au bras ?

Deux – Comme… un engourdissement.

Un – Vous n’avez pas de problèmes d’érection ?

Deux – D’érection ?

Un – Pardon, je voulais dire d’élocution ?

Deux – Pas plus que d’habitude.

Un – Des troubles de la vision ?

Deux – Maintenant que vous me le dites, c’est vrai que je vois un peu trouble depuis quelques temps…

Un – Il ne faut pas rigoler avec ça. Vous êtes peut-être en train de faire un AVC.

Deux – Un AVC ?

Un – Un accident vasculaire cérébral. Les symptômes correspondent. J’espère que ce n’est pas ça, mais il ne faut pas prendre de risque. J’appelle le 15…

Deux – Vous êtes sûr ?

Un – Les AVC sont une des premières causes de mortalité en France. Et les premières heures sont décisives. Si c’est pris à temps, vous pouvez vous en sortir sans aucune séquelle. (Il compose le 15.) J’ai un message d’attente… Ça va aller ?

Deux – Ça va… Je suis venu pour vous tuer, et depuis cinq minutes, c’est la deuxième fois que vous me sauvez la vie…

Un – Ah… (Il fixe quelque chose sous la table.) Jamais deux sans trois… Ne bougez surtout pas…

Il donne un coup de talon sous la table, se baisse et ramasse un serpent quil exhibe sous le nez de lautre.

Deux – Qu’est-ce que c’est que ça ?

Un – Une vipère. En ville, c’est très rare. Mais elle aurait pu vous tuer…

Lautre est totalement abasourdi.

Deux – Je ne sais pas quoi vous dire…

Un – Ne me remerciez pas, c’est bien normal.

Deux – Je n’ai pas du tout envie de vous remercier… En revanche, moi je commence à avoir sérieusement envie de vous tuer…

Lautre a enfin quelquun au bout du fil.

Un – Excusez-moi un instant… Allô le SAMU ?

Noir

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Éloge funèbre

Deux personnages sont assis à une table, la mine sombre. Silence.

Un – Et voilà. Encore un de parti.

Deux – Il va nous manquer.

Un – Ce sont les meilleurs qui s’en vont les premiers.

Deux – Oui… (Un temps) Encore que dans son cas, je ne sais pas si on peut vraiment dire qu’il faisait partie des meilleurs…

Un – C’est vrai, mais bon… Un collègue, ça reste un collègue. On fait un métier tellement difficile.

Deux – Et si mal reconnu.

Un – Et puis c’était un garçon attachant, malgré tout.

Deux – Oui.

Un – Je n’ai pas très bien compris. Il est mort comment, exactement ?

Deux – Accident professionnel.

Un – Un accident ?

Deux – Il a avalé par mégarde le poison qu’il destinait à une de ses victimes.

Un – Ah merde… Quel genre de poison ?

Deux – Tu ne vas pas le croire mais d’après ce qu’on m’a dit… du poison pour les fourmis.

Un – Les fourmis ?

Deux – Ouais…

Un temps.

Un – Non, décidément, ce n’était pas le meilleur.

Deux – On peut même dire qu’il ternissait l’image de professionnalisme qu’on souhaiterait voir associée à notre métier.

Un – Oui, il était temps qu’il arrête.

Deux – Combien de fois je lui ai dit de changer d’orientation. Il n’était pas fait pour ça, c’était évident.

Un – Tu n’as pas idée des conneries qu’il a pu faire.

Deux – On m’a raconté qu’un jour, alors qu’il devait assassiner le mari d’une bonne femme, il a empoisonné son amant.

Un – Comment ça s’est terminé ?

Deux – Du coup, on a accusé le cocu d’avoir tué son rival, et on l’a foutu en taule.

Un – Dans un sens, il a quand même réussi à la débarrasser de son mari.

Deux – Oui… mais son amant, lui, il était mort.

Un – Ce type était une honte pour notre métier.

Deux – Je ne sais pas, moi. Il devrait quand même y avoir une petite formation.

Un – Validé par un diplôme.

Deux – Et un Conseil de l’Ordre, pour exclure les moutons noirs.

Un – Enfin, il ne fera plus de mal à personne.

Deux – Non.

Un temps.

Un – C’est vrai qu’il était gentil.

Deux – Gentil, mais con.

Un – Oui…

Ils vident leurs verres.

Noir

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