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Deuxième chance

Le premier personnage est là, en bord de scène, une valise à la main, un peu penché en avant et regardant en bas. Le deuxième arrive, précipitamment.

Deux – Vous n’allez pas me sauter ?

Un – Euh… Non… Pas si je peux éviter…

Deux – Pardon, je voulais dire… vous n’allez pas sauter ?

Un – Ah… Euh… Non… Pas si je peux éviter…

Deux – Tant pis… Enfin, je veux dire tant mieux !

Silence embarrassé.

Un – J’ai l’air désespéré à ce point ?

Deux – Je ne sais pas… Et moi ?

Un – Oui, un peu… Vous avez l’air de sortir de…

Deux – Je sors de chez mon dentiste.

Un – Et ça s’est mal passé.

Deux – Si on veut… Il m’a posé un lapin.

Un – Vous sortez avec votre dentiste ?

Deux – Non, je veux dire… Il a annulé le rendez-vous.

Un – D’accord… Et pourquoi ça ?

Deux – Il avait mal aux dents.

Un – Ah oui ? Remarquez, c’est vrai. Je me suis toujours demandé où allaient les dentistes quand ils avaient mal aux dents.

Deux – Et les coiffeurs pour se faire couper les cheveux ?

Un – Vous savez ce qu’on dit… Ce sont toujours les cordonniers les plus mal chaussés.

Deux – Du coup, j’ai toujours mal aux dents… Et vous ?

Un – Non, moi les dents ça va… Je dirais même que pour l’instant, les dents, c’est à peu près tout ce qui va chez moi.

Deux – Alors c’est pour ça que vous envisagiez de…

Un – De…?

Deux – Eh bien de… sauter.

Un – Mon projet n’était pas aussi abouti que ça… En fait, je voulais juste vérifier que si je sautais, c’était bien assez haut pour que j’ai une chance raisonnable d’y rester. Parce que si c’est pour finir seulement estropié…

Deux – Vous imaginez ? Vous êtes déprimé, vous vous suicidez, et finalement, vous en sortez paraplégique.

Un – De quoi être encore plus déprimé.

Deux – C’est sûr.

Un – C’est pour ça que je préférais vérifier.

Deux – Vous étiez en repérage, en somme.

Un – Voilà.

Deux – Et ?

Un – Quoi ?

Deux – C’est assez haut ?

Un – Je ne sais pas… Qu’est-ce que vous en pensez ?

Deux – Je n’ai pas bien l’habitude…

Il s’approche et regarde.

Un – Faites attention quand même…

Deux – Vous avez raison, ce serait trop bête.

Un – Alors ?

Deux – Ce n’est pas très haut… En sautant la tête la première, peut-être…

Un – Et puis c’est du gazon.

Deux – Si c’était du ciment, au moins.

Un – Le gazon, c’est assez meuble. Surtout quand il a beaucoup plu.

Deux – C’est vrai que ces derniers temps, on n’a pas été très gâtés côté météo.

Un – Non. C’est vraiment déprimant.

Deux – En tout cas, vous avez intérêt à ne pas vous rater. Parce que sinon, vous n’aurez pas de deuxième chance.

Un – Pardon  ?

Deux – Quand on se tire une balle, si on se rate avec la première, on peut toujours se rattraper avec la deuxième. Il suffit d’appuyer à nouveau sur la gâchette. Mais quand on saute dans le vide…

Un – C’est sûr.

Deux – Vous vous voyez remonter les escaliers avec une jambe cassée et une fracture du crâne pour vous jeter une deuxième fois dans le vide.

Un – Non…

Deux – Je sais que le ridicule ne tue pas, mais bon… Il y a des limites…

Un – Oui, je préférerais tout de même mourir dans la dignité.

Deux – Bon, je vais devoir vous laisser. Excusez-moi, mais j’ai vraiment trop mal aux dents.

Un – En tout cas, merci pour vos conseils.

Deux – Mais de rien. Vous savez où il y a une pharmacie de garde dans le coin ? C’est pour mon mal de dent…

Un – Oui, je crois que… Je vais venir avec vous… Je vais essayer les médicaments, plutôt…

Deux – Vous avez raison… L’avantage, avec les médicaments, c’est que si on se rate…

Un – On a toujours droit à une deuxième chance…

Ils sortent ensemble.

Noir

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Rester de glace

Deux personnages assis l’un à côté de l’autre. Le deuxième a une valise sur les genoux.

Un – Vous étiez déjà venu ?

Deux – Oui, mais il y a très longtemps. Et vous ?

Un – Non, moi c’est la première fois. Qu’est-ce que vous aviez vu  ?

Deux – Ouh là… Je ne me souviens plus très bien… C’était avec… Comment il s’appelle déjà… C’est un acteur très connu…

Un – Ah oui…

Deux – Il est mort, je crois.

Un – Ah, il est mort  ?

Deux – Je crois.

Un – C’est bien dommage. Et il est mort de quoi  ?

Deux – Oh, vous savez… Il n’était déjà plus très jeune. Et puis il était très malade…

Un – Tout de même, c’est triste pour la famille. Il avait une famille ?

Deux – Oui, j’imagine. Comme tout le monde.

Un – Enfin… Et donc il… il était très connu…

Deux – Ah oui, quand même… On le voyait beaucoup au cinéma. Enfin, après c’était surtout à la télé. Finalement, c’était plutôt au théâtre. Et sur la fin, on ne le voyait plus du tout.

Un – Du tout ?

Deux – Il était un peu tombé dans l’oubli, comme on dit.

Un – Ça arrive, malheureusement.

Deux – Oui, tout le monde l’avait oublié. Même moi, vous voyez.

Un – C’est la vie.

Deux – Oui…

Un – À notre âge, on ne sait même plus si ce sont les gens célèbres qui tombent dans l’oubli, ou si c’est nous qui perdons la mémoire…

Un temps.

Deux – Qu’est-ce que ça veut dire «  en mode avion  » ?

Un – Quoi  ?

Deux – L’ouvreuse, tout à l’heure, elle a dit d’éteindre son téléphone portable, complètement. «  Même en mode avion  ».

Un – Ah oui, c’est vrai.

Deux – Qu’est-ce que ça veut dire ?

Un – Je ne sais pas… Je ne prends jamais l’avion. Et vous ?

Deux – Moi non plus. D’ailleurs, je n’ai pas de téléphone portable.

Un – Moi non plus.

Deux – Comme ça, on ne risque pas d’oublier de l’éteindre.

Un temps.

Un – Et vous êtes venu avec votre valise  ?

Deux – Je ne m’en sépare jamais. Depuis que…

Un – Depuis quoi  ?

Deux – Je l’avais oubliée dans le train. Les démineurs sont venus. Je suis arrivé juste à temps. Ils s’apprêtaient à la faire exploser !

Un – Non ?

Deux – La peur que j’ai eue… Vous imaginez un peu si je la laisse chez moi, que les chiens de leur brigade cinéphile viennent la renifler jusque sur mon palier, et que les démineurs enfoncent la porte pour la faire exploser ?

Un – Vous avez raison, il vaut mieux la garder avec vous… (Un temps) C’est vrai qu’elle a une drôle d’odeur, cette valise…

Deux – Vous trouvez ?

Un – Ça ne devrait pas tarder à commencer, non ?

Deux – Oui, c’est vrai…

Un – Ça fait déjà un moment qu’ils nous ont demandé d’éteindre nos téléphones portables.

Deux – Ou alors, ça a déjà commencé.

Un – Comment ça pourrait avoir déjà commencé  ? Il ne se passe rien.

Deux – Vous savez, avec le théâtre moderne…

Un – Vous croyez que c’est du théâtre moderne  ?

Deux – Je ne sais pas… Comme c’est offert par la mairie…

Un – C’est pour ça que je suis venu, moi aussi. Je ne savais pas que c’était du théâtre moderne.

Deux – Vous croyez qu’il y a un entracte ?

Un – Ça existe encore, les entractes ?

Deux – Je ne sais pas… Ça dépend de la longueur de la pièce, j’imagine.

Un – Vous croyez que c’est une pièce assez longue pour avoir un entracte ?

Deux – En tout cas, ce n’était pas marqué sur le programme.

Un – Ça fait déjà un moment que ça dure, non ?

Deux – En tout cas, ça fait déjà un moment qu’on attend que ça commence.

Un – On ne se serait pas endormi des fois ?

Deux – Tous les deux en même temps ? Je ne crois pas, quand même.

Un – C’est peut-être déjà l’entracte…

Deux – Ou alors c’est déjà fini.

Un – Ça ne peut pas être déjà fini alors que ça n’a pas encore commencé !

Deux – Avec le théâtre moderne, vous savez…

Un – Alors qu’est-ce qu’on fait  ?

Deux – On va attendre encore un peu… Ce serait trop bête…

Un – Vous avez raison.

Un temps.

Deux – Si au moins les ouvreuses nous proposaient des esquimaux.

Un – Ce n’est pas plutôt au cinéma, les esquimaux ?

Deux – Ah, je ne sais pas…

Un – Moi non plus.

Deux – Même au cinéma, de nos jours, je ne suis pas sûr que les ouvreuses proposent encore des esquimaux.

Un – Alors au théâtre, vous pensez bien…

Deux – C’est dommage. Je suis sûr qu’il y aurait plus de monde au théâtre si les ouvreuses proposaient des esquimaux.

Un – Ça… Sûrement…

Deux – On va attendre encore un peu…

Un – Et puis si ça ne commence toujours pas, on ira prendre une glace.

Deux – On va se gêner ! On aurait mieux fait d’y aller directement…

Un – Vous vous rendez compte la glace qu’on aurait pu se payer pour le prix du billet.

Deux – Enfin, c’est offert par la mairie.

Un – Oui… La mairie… Elle aurait mieux fait de nous offrir des glaces…

Deux – Bon, allez, ça va comme ça.

Ils se lèvent.

Un – Allez, on se fait la malle.

Deux – On va aller se taper une paire de glaces.

Un – Une paire ?

Deux – Deux boules !

Un – Ah oui… N’oubliez pas votre valise…

Deux – Vous avez raison… Ils seraient fichus de nous envoyer les démineurs.

Ils sortent.

Noir

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Excès de bagages

Un personnage est là. Un autre arrive.

Un – Bonjour, je voudrais acheter une valise, s’il vous plaît.

Deux – Bien Monsieur… Et c’est une valise pour partir où ?

Un – Pour partir où ? Qu’est-ce que ça change ?

Deux – Ah mais ça change tout !

Un – Une valise, c’est une valise, non ?

Deux – Détrompez-vous, cher Monsieur ! Il y a toutes sortes de valises. La valise pour partir en voyage, par exemple, n’a rien à voir avec la valise pour quitter son domicile après une séparation, ou pour quitter son pays et partir en exil ?

Un – En exil  ?

Deux – Je suis bien d’accord avec vous… Il y a aussi différentes sortes d’exils. L’exil fiscal n’a évidemment que très peu de rapports avec l’exil économique ou l’exil politique.

Un – Bon… Disons que c’est une valise pour partir en voyage, alors.

Deux – Voyage d’agrément ou voyage d’affaires ?

Un – D’agrément.

Deux – Seul ou accompagné ?

Un – Mais enfin, ça ne vous regarde pas !

Deux – Je vous demande pardon, mais si c’est une valise pour deux personnes, ça change pas mal de choses quant à la taille de la valise. Surtout si vous partagez votre valise avec une femme… Dans ce cas, je vous conseillerais plutôt une malle.

Un – Il n’y aura que mes affaires dans cette valise. Ma femme m’a quitté. Je viens de divorcer…

Deux – Je suis vraiment désolé que votre épouse se soit fait la malle sans vous…

Un – Merci…

Deux – Pour combien de temps, ce voyage ?

Un – Une semaine.

Deux – La destination ?

Un – J’ai l’impression d’être déjà à la douane…

Deux – Pour voyager en Afrique, vous aurez besoin d’une valise beaucoup plus robuste et beaucoup moins salissante que pour voyager en Suisse.

Un – En Suisse ?

Deux – Vous allez en Suisse ?

Un – Je n’ai pas dit ça !

Deux – Non parce que si c’est pour transporter des liquidités, il vous faudra une valise plus sécurisée que pour de simples caleçons et quelques paires de chaussettes.

Un – Vous délirez ! Qui vous a dit que j’allais en Suisse pour planquer mes économies ?

Deux – C’est une simple supposition…

Un – Je vais en Corse, pour marier ma fille, si vous voulez tout savoir.

Deux – Mariage civil ? Religieux ?

Un – Religieux.

Deux – Quelle religion ?

Un – Mais enfin, quel rapport avec la valise ?

Deux – Aucun. Cette fois, c’était juste par curiosité. Excusez-moi.

Un – D’accord…

Deux – Donc nous disions la Corse, pour une semaine, en solo, voyage de noces… Enfin, je veux dire, voyage en vue d’une noce… Vous ferez la traversée en avion ou en bateau  ?

Un – Ça change quelque chose, pour la valise ?

Deux – Disons que pour une croisière un peu chic, je ne vous recommanderai pas le même style de valise que pour un simple voyage en avion. À moins que vous ne voyagiez en classe affaire, évidemment.

Un – Je pars en avion. Classe touriste.

Deux – Bagage accompagné ou en soute ?

Un – En soute. Ce sera tout ?

Deux – Oui… Ça me suffira pour l’instant… et je crois que j’ai ce qu’il vous faut.

Il sort.

Un – Je n’y croyais plus…

L’autre revient avec une valise tout à fait ordinaire.

Deux – C’est pour me proposer cette valise que vous m’avez posé autant de questions ?

Un – Nous cherchons à satisfaire au mieux les besoins de nos clients.

Deux – Et qu’est-ce qu’elle a de spécial, cette valise ? Je veux dire quelque chose qui convienne particulièrement à un voyage en Corse pour marier sa fille ?

Un – Rien de particulier. S’agissant d’un voyage aussi banal, une banale valise fera l’affaire.

Deux – Mais pourquoi celle-ci en particulier ?

Un – Parce que c’est le seul modèle qui nous reste.

Deux – Le seul ? C’est une blague ! Mais alors pourquoi m’avoir posé autant de questions ?

Un – Je voulais vérifier que vous n’étiez pas un client spécial… Mais visiblement non…

Deux – Spécial ? Vous voulez dire… le genre qui part en croisière sur le Titanic et qui a besoin d’une valise insubmersible ?

Un – Bon, vous la prenez ou pas, cette valise ? Parce que je n’ai pas toute la journée, non plus.

Deux – Vous avez de la chance, je n’ai pas le temps de passer dans un autre magasin. Je la prends.

Un – Très bien. Vous réglez par chèque ou en espèce ?

Deux – Par chèque.

Un – Quelle banque ?

Noir

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Pas le Pérou

Un personnage est là. Un autre arrive avec une valise.

Un – Alors ça y est, cette fois c’est le départ ?

Deux – Et oui…

Un – Vous ne voulez vraiment pas rester encore un peu ?

Deux – J’aimerais bien, mais je ne peux vraiment pas…

Un – Quel dommage… C’est trop court. Mais vous reviendrez nous voir !

Deux – Bien sûr…

Un – Ça vous a plu, au moins ?

Deux – Mais oui, je vous assure  ! Beaucoup…

Un – Tant mieux, tant mieux… Ce n’est pas le Pérou, mais bon…

Deux – Non.

Un – Comment ça, non ?

Deux – Je dis… non, ce n’est pas le Pérou.

Un – Vous trouvez qu’ici, ce n’est pas le Pérou ?

Deux – Ben… Non, puisque c’est la France…

Un – La France… Ah, ça oui… La France ! Vous aimez la France ?

Deux – Absolument, oui.

Un – Et le Pérou, vous connaissez ?

Deux – Oui… J’y suis allé l’année dernière.

Un – Ah oui ? Mais qu’est-ce que vous êtes allé faire là-bas ?

Deux – On nous rebat tellement les oreilles avec le Pérou.

Un – Vous trouvez ?

Deux – Ce n’est pas le Pérou par-ci, ce n’est pas le Pérou par-là. J’ai voulu vérifier.

Un – Vérifier quoi ?

Deux – Vérifier si le Pérou, c’était vraiment le Pérou, comme on dit.

Un – Ah oui, bien sûr.

Deux – Même vous tout à l’heure vous disiez que la France, ce n’est pas le Pérou.

Un – C’est un fait.

Deux – Oui… Mais vous aviez l’air de dire que le Pérou, c’est quand même mieux que la France.

Un – C’est une façon de parler.

Deux – Tout de même…

Un – Et alors ?

Deux – Alors quoi ?

Un – Le Pérou, c’est comment ?

Deux – Eh bien… Franchement ?

Un – Franchement…

Deux – Ça ne vaut pas la France.

Un – Eh bien voilà, c’est ce que je disais ! Le Pérou, ce n’est pas la France.

Deux – Vous disiez le contraire…

Un – Le contraire ?

Deux – La France, ce n’est pas le Pérou.

Un – C’est pareil, non ? La France, ce n’est pas le Pérou, et le Pérou, ce n’est pas la France.

Deux – Vous avez raison.

Un – La France, c’est la France, et le Pérou, c’est le Pérou.

Deux – Voilà.

Un – Il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes.

Deux – Sauf que les torchons, ce n’est pas pareil que les serviettes.

Un – Évidemment. Les torchons, c’est les torchons, et les serviettes, c’est les serviettes.

Deux – La serviette, c’est la France, et le torchon, c’est le Pérou.

Un temps.

Un – Il va peut-être falloir y aller, maintenant, non ?

Deux – Vous avez raison. Sinon, je vais rater mon avion.

Un – Vous venez d’où, déjà ?

Deux – De Slovaquie.

Un – Ah oui… Là on peut vraiment dire que ce n’est pas le Pérou.

Deux – Non…

Un – Alors bon voyage !

Deux – Merci !

Noir

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Sur l’herbe

Un personnage est là. Un autre arrive avec une valise.

Un – Où est-ce que tu vas avec cette valise ?

Deux – Nulle part… Je viens de l’acheter. Elle était en solde.

Un – D’accord… Tu pars en voyage ?

Deux – Non.

Un – Alors pourquoi tu as acheté une valise ?

Deux – Je te le dis, elle était en solde.

Un – OK… (Un temps) Ça s’arrange pas, toi.

Deux – Une valise, ça peut toujours servir, non ?

Un – À quoi ? Si ce n’est pas pour partir quelque part.

Deux – Où veux-tu que j’aille ?

Un – Je ne sais pas, moi… C’est toi qui as acheté une valise. Tu es con, ou quoi ?

Deux – On peut parler, non ?

Un – De quoi ?

Deux – Où tu irais, toi, si tu avais une valise ?

Un – Si j’avais une valise ?

Deux – Tu as une valise ?

Un – Qu’est-ce que tu veux que je foute avec une valise ?

Deux – Tu pourrais partir quelque part…

Un – Où ça ?

Deux – Je ne sais pas moi…

Un – De toute façon, je n’ai pas de valise.

Deux – Tu veux que je te prête la mienne ?

Un – Pour quoi faire  ?

Deux – Au cas où tu voudrais aller quelque part.

L’autre le regarde avec stupéfaction.

Un – Non mais où on va, là  ?

Deux – Je ne sais pas. En tout cas, on a déjà la valise.

Un – On n’est pas bien ici ?

Deux – Si, ouais… Enfin… On ne sait pas comment c’est ailleurs, non plus.

Un – Ailleurs ?

Deux – C’est peut-être mieux.

Un – Ailleurs, c’est peut-être mieux ?

Deux – Ben ouais ! Non ? Puisqu’on n’y est jamais allé. On n’a jamais bougé d’ici.

Un – Ouais, enfin… Tu sais ce qu’on dit…

Deux – Quoi  ?

Un – Ailleurs, l’herbe est plus verte.

Deux – On ne peut pas dire qu’ici, il y ait beaucoup d’herbe.

L’autre regarde autour de lui.

Un – Oui, remarque, ce n’est pas faux.

Deux – On pourrait aller là où il y a de l’herbe.

Un – À la campagne, tu veux dire  ?

Deux – Là où il y a de l’herbe.

Un – Pour quoi faire.

Deux – Pour s’allonger dedans. Je ne me souviens plus depuis combien de temps je ne me suis pas allongé dans l’herbe.

Un – De l’herbe, on en vend ici, mais ce n’est pas pour s’allonger dedans.

Deux – Ça reviendrait trop cher.

Un – Il y a un carré de pelouse sur l’esplanade de la mairie.

Deux – Oui… Mais il y a plein de crottes de chiens.

Un – Ouais… Et on n’a même pas le droit de se rouler dedans.

Deux – Se rouler dans quoi ?

Un – Dans la pelouse !

Deux – Se rouler dans la pelouse ?

Un – Ça se dit, ça ? Se rouler dans la pelouse ?

Deux – Tu vois bien ! Non seulement on n’a pas le droit de le faire, mais on n’a même pas le droit de le dire. Alors on y va ?

Un – Où ça ?

Deux – À la campagne !

Un – La campagne, c’est vague… Ça commence où la campagne ?

Deux – Je ne sais pas… Là où s’arrête le RER, j’imagine.

Un – Bon… Pourquoi pas ? On ira jusqu’au terminus alors. On verra bien si on arrive à la campagne.

Deux – Et qu’est-ce qu’on met dans la valise ?

Un – Qu’est-ce que tu veux qu’on mette dans la valise ? Pour prendre le RER…

Deux – Tu as raison. Si on trouve quelque chose d’intéressant à ramener de là-bas, on pourra toujours le mettre dans la valise.

Un – Quelle ligne on prend ?

Deux – Je ne sais pas. Celle qui va dans le sud, tant qu’à faire…

Un – RER B.

Deux – Direction Saint-Rémy-lès-Chevreuse.

Un – Bon… Alors on se fait la valise.

Deux – Je dirais même plus, on se fait la malle.

Ils sortent.

Noir

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À tempérament

Un personnage est là. On sonne. Il va ouvrir.

Un – Oui ?

Deux – Bonjour ! Vous auriez cinq minutes à m’accorder ?

Le premier revient avec le deuxième, qui porte une valise.

Un – Entrez deux secondes si vous voulez, mais je n’ai pas beaucoup de temps.

Deux – Ah oui ? Et qu’avez-vous à faire de si pressé ? Un dimanche… Le Jour du Seigneur….

Un – Je… Je ne sais pas… On a toujours des trucs à faire, non ?

Deux – Bien sûr… Mais vous verrez, vous ne regretterez pas de m’avoir ouvert votre porte…

Un – Vous n’allez pas me parler de la Bible, au moins ?

Deux – Rassurez-vous, ce n’est pas Dieu qui m’envoie. Ce serait même plutôt le contraire… Je me présente. Je suis le diable.

Un – Vous m’avez fait peur… J’ai cru que vous étiez Témoin de Jéhovah. D’habitude, ils sont toujours deux, je ne me suis pas méfié…

Deux – Ce que j’ai à vous proposer est beaucoup plus intéressant… Et je travaille toujours en solo…

Un – Bon… Mais je vous préviens tout de suite, je n’ai besoin de rien.

Deux – Allez savoir… Laissez-moi au moins vous présenter nos offres.

Un – Je ne voudrais pas vous faire perdre votre temps… Et puis c’est bientôt mon feuilleton, et il faut que je reboote la box. On a une très mauvaise connexion dans l’immeuble.

Deux – Je ne vous retiendrai pas très longtemps, c’est promis.

Un – Bon… Je vous écoute…

Deux – Je voudrais vous proposer un pacte.

Un – Vous voulez dire un pack  ?

Deux – Non, non… Je dis bien : un pacte.

Un – Et ça consiste en quoi ?

Le deuxième ouvre la valise et lui montre le contenu, que le public ne voit pas.

Deux – Je vous offre amour, gloire et beauté.

Un – Oh, vous savez, à mon âge…

Deux – Écoutez… C’est une option en supplément, évidemment, mais bon… Si vous y tenez, je peux aussi vous rajouter la jeunesse.

Un – La jeunesse éternelle  ?

Deux – Éternelle… Il ne faut pas exagérer non plus… Qu’est-ce qui est éternel en ce bas monde  ?

Un – Oui, vous avez raison… C’est plutôt l’époque de l’adolescence programmée.

Deux – Vous voulez dire l’obsolescence programmée, j’imagine.

Un – Amour, gloire et beauté… J’imagine que ça va me coûter un bras…

Deux – Détrompez-vous, cher Monsieur. C’est là où mon offre est absolument diabolique.

Un – Combien  ?

Deux – Ça ne vous coûtera pas un bras, en tout cas… Je vous prendrai seulement votre âme.

Un – Ah oui  ?

Deux – Mais rassurez-vous, vous pouvez payer en plusieurs mensualités.

Un – Il faudrait que je réfléchisse.

Deux – Vendre son âme au diable, vous savez, c’est très courant de nos jours.

Un – Si vous le dites…

Deux – Et puis qu’est-ce que vous en feriez de toute façon ?

Un – De quoi ?

Deux – De votre âme !

Un – C’est vrai que ces temps-ci… je ne m’en sers pas tellement.

Deux – Alors autant l’échanger contre quelque chose d’utile !

Un – D’un autre côté… On ne sait jamais… Je pourrais encore en avoir besoin.

Deux – Bon, comme je vous vois hésitant, je crois que c’est le moment pour moi de vous présenter notre promotion. Mais attention, elle n’est valable que pendant vingt-quatre heures…

Un – Et c’est quoi, votre promo  ?

Le deuxième sort de la valise un catalogue.

Deux – En plus du pacte que je vous ai déjà présenté, je vous offre en cadeau de bienvenue un abonnement au câble haut débit, avec un bouquet de 563 chaînes, entièrement gratuites… pendant trois mois.

Un – Ah oui, bien sûr…

Deux – Au moins… vous ne risquerez plus de manquer votre feuilleton favori à cause d’une mauvaise connexion internet.

Un – Et vous disiez que pour le reste, on pouvait payer en plusieurs mensualités ?

Deux – On vous en prendra un peu chaque mois. Vous verrez, vous ne vous en rendrez même pas compte.

Un – Je peux voir le contrat  ?

Deux – Tout est écrit là… Mais vous savez, c’est en tout petit, et c’est assez technique.

Un – En effet… Et je ne sais pas ce que j’ai fait de mes lunettes…

Deux – Vous me faites confiance  ? Contentez-vous de signer en bas du pacte…

Un – Bon…

Deux – Et n’oubliez pas de parapher toutes les pages…

Un – J’espère que ce n’est pas trop long, parce que mon feuilleton va commencer…

Deux – Ne vous inquiétez pas. Avec votre nouvelle box, vous pourrez le regarder en replay  ! Autant de fois que vous voulez. Pour l’éternité. Et ceci gratuitement. Pendant trois mois, en tout cas…

Un – D’accord… Alors je signe où  ?

Noir

Des valises sous les yeux

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Faute de public

Deux personnages sont là, de part et d’autre d’une valise. Ils semblent attendre.

Un – Vous croyez qu’ils vont venir ?

Deux – Qui ça ?

Un – Les gens !

Deux – Les gens ? Vous voulez dire le public…

Un – Les spectateurs, quoi !

Deux – Ah, oui, les spectateurs…

Un – On ne peut pas jouer s’il n’y a pas de spectateurs.

Deux – Ben non… C’est pour ça qu’on ne joue pas, d’ailleurs.

Un – Donc, on est bien d’accord, on ne joue pas ?

Deux – Vous jouez, vous ?

Un – Non…

Deux – Voilà. C’est ce que je disais. On ne va pas jouer alors qu’il n’y a personne.

Un – Bon… Mais qu’est-ce qu’on fait là, alors ?

Deux – Et qui on est ?

Un – Personne…

Deux – On est deux personnages en quête de spectateurs.

Un temps.

Un – Pourquoi ils ne viendraient pas ?

Deux – Oh, vous savez, les spectateurs… Ils ont toujours une bonne excuse pour ne pas venir au théâtre.

Un – Vous avez raison. Pour ça, ils ne manquent jamais d’imagination.

Deux – C’est la grève des transports…

Un – C’est au beau milieu d’un pont…

Deux – Il y a un match à la télé…

Un – Il vient d’y avoir un attentat…

Deux – Il pourrait y avoir un attentat…

Un – Il fait trop beau, on préfère aller se balader…

Deux – Il fait trop moche, on préfère rester à la maison…

Un – Ce n’est pas recommandé par Télérama, je n’y vais pas.

Deux – C’est recommandé par Télérama, ça doit être chiant.

Un – C’est trop cher, je préfère aller au ciné.

Deux – C’est presque gratuit, ça doit être nul.

Un – J’aurais bien aimé venir, mais j’ai un mariage.

Deux – Un enterrement.

Un – Un baptême.

Deux – Une communion.

Un – La religion a toujours fait beaucoup de tort au théâtre.

Deux – Ça pour trouver un bon alibi, ils ne manquent jamais d’idées.

Un – Parce que pour le reste…

Un temps.

Deux – On ne demande pourtant pas grand chose.

Un – On n’espère pas remplir le Palais des Sports.

Deux – Mais une petite salle comme ça.

Un – Même une demi-salle.

Le deuxième semble remarquer la présence du public.

Deux – Et ceux-là, qui c’est ?

Un – Où ça ?

Deux – Là, dans le noir.

Un – Je ne vois rien.

Deux – Là-bas, tout au fond.

Un – Ah, vous avez raison… Je ne les avais pas vu rentrer, ceux-là…

Deux – Oui, moi non plus…

Un – On a tellement perdu l’habitude.

Deux – Vous vous rendez compte ? Ils sont venus quand même !

Un – Ils ne sont pas très nombreux, mais ils sont venus.

Deux – Ils ont bravé les grèves, les intempéries, les critiques…

Un – On devrait leur donner une médaille.

Deux – C’est vrai. Ce sont des héros.

Un – Oui… Si on avait su…

Un temps.

Deux – Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

Un – Comment ça, qu’est-ce qu’on fait ?

Deux – Maintenant que les spectateurs sont là ! Il faut bien faire quelque chose.

Un – C’est que moi je n’ai rien préparé. Et vous ?

Deux – Moi non plus.

Un – On ne s’y attendait pas.

Deux – C’est tellement soudain…

Un – On n’y croyait plus…

Deux – Depuis le temps.

Un – C’est de leur faute aussi…

Deux – Ils auraient pu nous prévenir.

Un – On ne va pas comme ça au théâtre à l’improviste.

Deux – Ça ne se fait pas.

Un temps.

Un – Il y en a peut-être qui ont réservé.

Deux – Vous croyez ?

Un – C’est possible.

Deux – Ben oui, mais on ne nous dit rien, aussi !

Un – Si on a rien à leur montrer, ils vont être déçus.

Deux – Ça leur fera encore une bonne excuse pour ne pas revenir la prochaine fois.

Un – On pourrait, je ne sais pas moi…

Deux – On pourrait leur chanter quelque chose.

Un – Vous savez chanter, vous ?

Deux – Oui… Mais je ne connais aucune chanson. Et vous ?

Un – Oui, j’en connais.

Deux – Alors allez-y.

Un – Je connais des chansons… mais je ne sais pas chanter.

Un temps.

Deux – Je commence à me demander si on a bien fait de venir…

Un – Vous avez raison… on aurait dû trouver une excuse pour ne pas venir, nous aussi.

Deux – En attendant, il vaudrait mieux se faire la malle.

L’autre regarde autour de lui et aperçoit la valise.

Un – À défaut de malle, on va se faire la valise.

Ils commencent à partir, en catimini.

Noir

Des valises sous les yeux

Faute de public Lire la suite »

Minute, papillon !

Deux personnages, regardant droit devant eux.

Un – C’est passé trop vite.

Deux – Oui.

Un – Tu as vu ce papillon ?

Deux – Oui.

Un – Il va de fleur en fleur. Il est tellement pressé.

Deux – Tu crois ?

Un – Il n’a qu’une seule journée à vivre.

Deux – Et tant de fleurs à découvrir.

Un – Si on finit centenaires, on aura vécu comme 36 000 papillons.

Deux – 36 500, plus exactement.

Un – Ah oui.

Deux – 365 jours, multipliés par 100.

Un – Sans compter les années bissextiles.

Un temps.

Deux – Combien de fleurs est-ce que tu as butinées ces jours-ci ?

Un – Aucune. Et toi ?

Deux – Moi non plus.

Un – On pense qu’on a tout le temps, et finalement, jour après jour, on oublie de faire ce qui nous tient le plus à cœur.

Deux – Comme de butiner dans le jardin du voisin.

Un – On a un jardin, nous aussi.

Deux – Tu commences à me brouter le pistil.

Un – C’est un bon début.

Deux – Et ce sera le mot de la fin.

Un – Il est déjà minuit ?

Deux – Il est minuit moins une.

Un – Je n’ai pas vu le temps passer.

Deux – Demain il fera jour.

Un – Mais on ne sera plus là.

Deux – C’est la vie. Les meilleures choses ont une fin.

Un – Minute, papillon ! Il nous reste une minute !

Deux – C’est vrai… Et à l’échelle d’une vie de papillon ça fait un mois.

Un – Qu’allons nous faire de tout ce temps qui reste ?

Ils se regardent et sourient.

Noir

Minute, papillon !

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Message in a bottle

Deux personnages, qui restent un instant silencieux.

Un – Tu te souviens de cette sonde qu’on a lancée il y a une cinquantaine d’années, pour franchir les limites du système scolaire…

Deux – Tu veux dire solaire. Du système solaire.

Un – C’est ça… Avec un message destiné aux extra-terrestres ?

Deux – Et alors ?

Un – Je me demande toujours si c’était une bonne idée.

Deux – Ah oui ?

Un – Imagine que quelqu’un tombe dessus.

Deux – Quelqu’un ?

Un – Des extra-terrestres !

Deux – Il y a quand même peu de chances…

Un – Peut-être, mais si on l’a lancée, c’est qu’il existe une infime possibilité, non ? Les bouteilles à la mer, il arrive que quelqu’un les trouve.

Deux – Ouais… Et ?

Un – Tu lancerais une bouteille à la mer, toi, avec à l’intérieur ton nom, ton adresse, et ton numéro de carte bleue ?

Deux – Pourquoi je lancerais une bouteille à la mer ?

Un – Voilà ! C’est justement la question : pourquoi ?

Deux – Et alors ? Pourquoi ?

Un – Parce qu’on a la naïveté de penser que les extra-terrestres nous veulent du bien ! Et nous feront généreusement profiter sans aucune contrepartie des pouvoirs immenses liés à une civilisation plus avancée que la nôtre.

Deux – Pourquoi pas ?

Un – Je ne sais pas… Quand on a découvert l’Amérique, c’est ça qu’on a fait, nous, avec les Indiens ? Oui ou non ?

Deux – Non…

Un – On a commencé par les massacrer avec des armes qu’ils ne connaissaient pas, à baptiser de force les derniers survivants, à leur refiler des tas de maladies et du whisky à gogo. Et les quelques alcooliques qui restaient on les a parqués dans des réserves.

Deux – Vu comme ça, évidemment…

Un – Imagine que ces extra-terrestres tombent sur notre message, et qu’ils nous répondent.

Deux – Qu’est-ce qu’ils pourraient bien nous répondre ?

Un – Imagine qu’ils nous répondent : On arrive.

Deux – Ah oui… Ça fout les jetons…

Un – C’était une grosse connerie de leur refiler notre adresse, en leur disant que s’ils n’avaient rien de mieux à faire, qu’ils passent donc boire un verre à la maison.

Deux – Et il n’y a pas moyen de rattraper ça ?

Un – Aucun.

Deux – Et on ne peut pas déménager non plus.

Un – Pas encore.

Deux – Tu as raison… On est vraiment dans la merde.

Un – Bon, mais avec un peu de chance, ils ne trouveront jamais notre message.

Deux – Ou alors, ils n’existent pas.

Un – En attendant, on ferait mieux de ne pas trop se faire remarquer.

Deux – C’est sûr.

Un – Pour vivre heureux, vivons cachés.

Deux – J’éteins la lumière…

Un – Bonne nuit.

Deux – Fais de beaux rêves. (Un temps) Tu n’as pas prononcé le mot papillon.

Un – Non… Cette fois, je n’ai vraiment pas réussi à le placer…

Noir

Minute, papillon !

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Avenir

Deux personnages, regardant droit devant eux.

Un – Je me suis toujours demandé ce que je ferais s’il ne me restait qu’un jour à vivre.

Deux – Un jour ?

Un – Ou une heure. Ou un quart d’heure.

Deux – Qu’est-ce que tu ferais ?

Un – Rien.

Deux – Ah ouais…

Un – Tu ne me demandes pas pourquoi ?

Deux – Pourquoi quoi ?

Un – Pourquoi je ne ferais rien !

Deux – Pourquoi tu ne ferais rien ?

Un – Parce que je pense qu’on ne peut rien faire si on n’a pas la possibilité de se projeter un minimum dans l’avenir.

Deux – Ah ouais.

Un – Je crois qu’on ne peut rien faire en sachant par avance qu’on le fait pour la dernière fois.

Deux – Tu crois ?

Un – Et toi ?

Deux – Moi ?

Un – Qu’est-ce que tu ferais ?

Deux – S’il me restait un quart d’heure à vivre ?

Un – Ouais.

Deux – Je ne sais pas… Je ferais l’amour.

Un – L’amour ?

Deux – Ouais.

Un – En un quart d’heure ?

Deux – Je parle de tirer un coup, là, pas de me projeter dans l’avenir. Genre faire des enfants et fonder une famille.

Un – Ouais… Faire l’amour en sachant que c’est la dernière fois.

Deux – À chaque fois que je fais l’amour, je me demande si ce n’est pas la dernière fois. D’ailleurs, je ne me souviens même plus quand c’était.

Un – Quoi ?

Deux – La dernière fois !

Un – Et tu baiserais avec qui ?

Deux – C’est là où ça se complique.

Un – Ouais.

Deux – Pas avec toi, en tout cas…

Noir

Minute, papillon !

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