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Sans titre

Il y a quelqu’un ? Non… Alors vous êtes comme moi. Vous non plus, vous n’avez pas vraiment réussi à devenir quelqu’un. Etre le fils de personne, ça va encore. Certains sont même devenus très célèbres. Il y a des précédents. Mais qui se souvient encore des parents du fils de personne ? Personne. Moi, depuis que je suis arrivé au monde, on m’a toujours dit : si tu veux devenir quelqu’un, dans la vie, il ne faut pas faire n’importe quoi. Et croyez-moi, tous ceux qui m’ont dit ça, ça n’était pas n’importe qui. Alors j’ai essayé de faire quelque chose de moi. Pour devenir quelqu’un, comme eux. Mais je ne suis arrivé à rien, je le sais bien. Je n’ai jamais su quoi faire de ma peau. Je ne suis qu’un numéro, comme on dit. Un drôle de numéro, même, à ce que disent certains. Je n’ai pas dû faire ce qu’il faut. Alors je fais ce que je peux. Je fais mon numéro, justement. Je suis un comique, comme ils disent : Oh, celui-là, c’est un comique ! Est-ce qu’un comique peut vraiment devenir quelqu’un ? Pour ça, il faudrait qu’on le prenne au sérieux… Mais même moi, je n’arrive pas à me prendre au sérieux. Mon médecin, quand je vais le voir pour un arrêt de maladie, il me répète toujours : Arrêtez de jouer la comédie ! Sans parler de mon banquier qui me prend pour un clown. Est-ce que vous prêteriez de l’argent à un clown, vous ? qu’il me dit tout le temps. Surtout à taux zéro… Quand on prête à rire, on n’est pas sûr d’être remboursé, c’est sûr… C’est pour ça que les comiques finissent rarement propriétaires de leur dernière demeure. Moi non plus, je n’ai pas de chez moi. Il paraît même que j’ai l’air de ne pas savoir où j’habite. Si encore j’avais rencontré quelqu’un dans la vie. Tu devrais essayer de rencontrer quelqu’un, comme ils disent. Mais si vous croyez que c’est facile de nouer une relation sérieuse avec une personne qui ne sait même pas où elle habite. Je ne demandais pourtant pas grand chose. Pas forcément quelqu’un de… Si au moins j’avais tiré le bon numéro. Mais non. Je n’ai tiré que de sacrés numéros, croyez-moi. Aucune relation stable. Quelques intermittentes parfois. Beaucoup de faux numéros. Mais jamais le numéro complémentaire. Alors le numéro gagnant… Et maintenant, c’est trop tard, hein ? Je n’en ai plus pour longtemps, je le sais. Et je sais bien qu’après ma disparition, personne ne dira : celui-là, c’était quelqu’un. Est-ce qu’on peut même parler de disparition s’agissant d’une personne qui n’a jamais réussi à devenir quelqu’un ? Non, à mon enterrement, on dira : celui-là, c’était un comique. S’il y a quelqu’un à mon enterrement, bien sûr. Vous avez remarqué, à l’enterrement des gens célèbres, il y a toujours une foule d’anonymes, comme ils disent dans les journaux ? La foule des anonymes… Mais sur la tombe des inconnus, il n’y a jamais personne. Et surtout pas des célébrités. Ou alors, il faut être soldat sans papier, mourir au champ d’honneur, et avoir beaucoup de chance à titre posthume. Non, en temps de paix, il ne faut pas rêver. Personne ne ranimera jamais la flamme de tous les morts qui n’ont jamais réussi à devenir quelqu’un de leur vivant…

Comme un poisson dans l’air

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Tombé du ciel

Tombé du ciel

Depuis près d’un an qu’elles travaillaient ensemble comme vendeuses, dans cette parfumerie de la galerie marchande de l’aéroport de Roissy, Mélanie Dubois et Sandrine Lemoine entretenaient des relations orageuses. Mélanie reprochait à sa collègue de manquer d’ambition, surtout avec les hommes, en se satisfaisant d’avoir pour fiancé un simple bagagiste. Mélanie, pour sa part, visait plus haut. Hélas, le prince charmant tardant à venir se prendre dans ses filets, la belle arriviste restait célibataire depuis des mois…

Sandrine avait bien proposé à Mélanie de lui présenter son frère Jean-Luc. Mais Mélanie avait décliné cette proposition jugée indigne d’elle. Jean-Luc, un copain du fiancé de Sandrine, n’était comme lui qu’un « petit » bagagiste sans avenir… Sandrine, évidemment, n’appréciait guère le mépris que lui dispensait sa collègue à longueur de journée.

Ce jour-là, cependant, le destin semblait enfin sourire à Mélanie… Dès qu’il était entré dans la boutique, elle avait su que c’était lui ! Oui, sanglé dans son uniforme de pilote de ligne, grand, beau et le teint légèrement hâlé, il avait tout du prince qu’elle attendait depuis si longtemps…

Plus miraculeux encore, le coup de foudre paraissait réciproque. Tandis que l’homme lui demandait conseil pour le choix d’un parfum prétendument destiné à sa mère, Mélanie sentit aussitôt qu’elle ne le laissait pas indifférent. Cette fois, elle était certaine que c’était un gros poisson qui mordait à l’hameçon, et mit tout en œuvre pour le ferrer en douceur. Tout en laissant bien sûr à son prince l’illusion d’avoir l’initiative, Mélanie fit si bien que, osant se lancer, celui-ci l’invita à dîner.

Il était près de 20 heures. Le magasin allait fermer. Mélanie hésita un instant. En acceptant d’un inconnu cette invitation impromptue, elle risquait de passer pour une fille facile. D’un autre côté, en le laissant filer, elle pouvait craindre de ne jamais le revoir. Son métier devait le conduire aux quatre coins du monde. Il se passerait peut-être des semaines avant que ses plannings de vols le ramènent à Roissy. Et aurait-il alors encore envie de solliciter le bon vouloir d’une vendeuse qui l’aurait éconduit ?

Un coup d’œil vers Sandrine acheva de convaincre Mélanie. De loin, sa collègue avait observé la scène avec un mélange de curiosité mal dissimulée, de réprobation secrète, et peut-être d’envie… Non, décidément, se dit Mélanie, pas question de perdre une telle occasion !

Ce dîner fut pour elle un enchantement. Ne pouvant s’éloigner de Roissy, d’où il devait repartir au matin vers une destination lointaine, le beau pilote invita Mélanie dans un des restaurants de l’aéroport. Ce n’était certes pas un établissement gastronomique, mais pour Mélanie, un repas avec lui dans un self aurait valu le meilleur des festins. Sous le charme, elle en oubliait presque qu’en acceptant cette invitation, elle avait d’abord pour objectif de trouver un bon parti.

Malgré une légère maladresse due sans doute à sa timidité, son soupirant se montra séducteur. Le repas passa comme un rêve. Le vin était excellent. Et elle en oublia même de lui demander son prénom.

Au moment de se quitter, c’est elle qui lui proposa de prendre un dernier verre au bar de l’hôtel où il avait réservé une chambre en prévision de son départ matinal. Il accepta, bien sûr, mais elle éprouva une petite déception en croyant lire dans son regard l’ombre d’une hésitation. Pour tous deux, cependant, il était déjà impossible de se ressaisir. Le premier baiser qu’ils échangèrent dans un recoin discret du hall acheva d’enflammer leurs sens, et c’est du minibar de la chambre qu’il sortit la bouteille de champagne destinée à célébrer leur rencontre.

Jetant aux orties tous les principes rigoureux qu’elle s’était fixés pour dénicher un mari fortuné, c’est Mélanie qui entraîna son amant vers le lit. Certes, elle s’était toujours promis de ne pas se donner le premier soir. Mais cette fois, c’était différent. Elle était vraiment amoureuse…

A l’évidence, il en avait envie tout autant qu’elle. Mais quelque chose semblait le retenir. Il avait, disait-il quelque chose à lui avouer… Cela ne la surprit qu’à moitié. Ce conte de fée était vraiment trop beau. Il y avait forcément un lézard quelque part. Et puis, toute la soirée, elle avait perçu chez lui une gêne croissante, à mesure que les choses se précisaient entre eux. Etait-il déjà engagé ? Marié ? Condamné par la médecine ? Impuissant, visiblement pas… Elle lui clôt la bouche d’un baiser. Elle préférait ne pas savoir. Pas tout de suite. Et il n’eut pas la force d’insister.

Quand elle se réveilla le lendemain matin, il n’y avait plus personne à côté d’elle dans le lit. Et voilà, se dit-elle le cœur serré. Sans un mot, il était reparti. Retrouver sa femme, probablement. Elle ne le reverrait pas, et ne connaîtrait même jamais son nom. Sandrine aurait beau jeu, tout à l’heure, au magasin, de lui faire la leçon. Mais de cela, maintenant, elle s’en moquait. Quelle que fût l’identité de cet adorable inconnu, elle aurait seulement voulu le tenir une dernière fois dans ses bras…

C’est alors qu’elle entendit dans la salle de bain le crépitement de la douche. Son regard parcourut la pièce et elle aperçut, jeté sur une chaise, l’uniforme de pilote, passablement froissé… Elle en éprouva aussitôt un immense soulagement.

Comme si elle craignait de voir son amant disparaître à nouveau au cas où elle se rendormirait, elle se leva d’un bond pour ouvrir les rideaux. La lumière envahit la chambre. Elle se proposa ensuite de mettre l’uniforme sur un cintre. N’avait-il pas dit qu’il devait repartir le matin même aux commandes de son avion ? Que penseraient ses charmantes hôtesses en le voyant ainsi fripé ?

Mélanie saisit la veste, un peu élimée aux manches, ce qu’elle n’avait pas remarqué la veille au soir dans le feu de l’action. C’est alors que quelque chose tomba de la poche intérieure. Un passeport… Elle avait eu si peur de ne jamais connaître le nom de son beau pilote, qu’elle ne résista pas à la curiosité.

Son sourire se figea tandis que les informations inscrites sur le document lui révélaient la véritable identité de son prince charmant. Jean-Luc Lemoine, le frère de Christelle ! Bagagiste de son état… Au revers de la veste était cousu un écusson : l’enseigne d’une boutique de location de déguisements pour bals costumés.

C’est alors que Jean-Luc sortit de la salle de bain, en tenue d’Adam, un sourire embarrassé sur les lèvres…

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Portrait de famille

Portrait de famille

La première chose que vit Fabrice, en entrant dans cette maison où il n’était plus venu depuis des mois, fut le portrait de sa grand-mère, accroché dans le vestibule. Son cœur se serra. Quelques jours avant l’anniversaire de ses quatre-vingts ans, Mamie Angèle, qui paraissait pourtant en pleine santé, avait succombé à une attaque cardiaque. Heureusement, elle n’avait pas souffert. Elle était morte paisiblement pendant son sommeil…

Lorsqu’il était enfant, Fabrice avait souvent passé les vacances scolaires chez sa grand-mère maternelle. Il gardait, notamment, un souvenir ému des lundis de Pâques dans cette ferme du Val d’Oise. Ce jour-là, Mamie Angèle cachait un peu partout, dans la maison et le jardin, des friandises enveloppées dans du papier doré ou argenté. La propriété n’était pas si grande, mais elle le paraissait aux yeux d’un enfant habitué à vivre à Paris dans un petit trois pièces. Et la ferme offrait tant de cachettes ! Lapins et œufs en chocolat venaient se cacher parmi les vrais dans le clapier et la basse-cour de Mamie Angèle.

Avec un air malicieux, Angèle avait souvent raconté à son petit-fils que la maison recélait un véritable trésor, trop bien dissimulé celui-là pour être trouvé facilement, et dont il hériterait à sa mort. Mais en attendant, il fallait que cela reste un secret entre eux ! Il ne devait en parler à personne, pas même à ses parents. Mamie Angèle, en effet, ne s’entendait guère avec son gendre. Et pour cette raison, elle était aussi en froid avec sa fille, la mère de Fabrice.

Hélas, Angèle était morte subitement, sans avoir eu le temps de révéler à son petit-fils la cachette de son présumé magot. Suite à ce décès, les parents de Fabrice avaient hérité de la maison. Après avoir longuement hésité, Fabrice avait parlé à sa mère du trésor de Mamie Angèle. A sa grande surprise, elle n’avait pas éclaté de rire.

Avant la guerre, raconta-t-elle à son fils, Angèle avait une certaine fortune qui lui venait de sa famille. A la libération, l’argent s’était envolé… On avait toujours pensé que les allemands l’avait dépouillée, comme c’était arrivé souvent avec les déportés. Mais on n’avait jamais osé l’interroger sur ce point, à son retour des camps. Et elle n’en avait jamais parlé à personne. Elle avait gardé de cette période de persécution une méfiance maladive, et un culte du secret. Elle semblait craindre encore que les nazis ne reviennent un jour… Alors pourquoi n’aurait-elle pas caché un magot quelque part ? À moins qu’elle n’ait tout simplement inventé cette histoire pour amuser son petit-fils…

Quoi qu’il en fût, les recherches entreprises après la mort de la grand-mère étaient restées vaines. Et les parents de Fabrice s’étaient résolus à vendre cette vieille ferme, dont ils ne savaient que faire, et qui menaçait de tomber en ruine. Dans une semaine, la maison changerait de propriétaire. Et avec elle le supposé trésor de Mamie Angèle.

Fabrice, chargé d’emporter les quelques objets de valeurs restés dans la maison avant la venue du vide grenier, passa rapidement en revue les différentes pièces de la maison. Il n’y avait là rien à emporter que des souvenirs. Les pauvres meubles de Mamie Angèle étaient tous rongés par les vers…

Comme il s’apprêtait à sortir, le regard de Fabrice tomba à nouveau sur le portrait de sa grand-mère, dans son cadre doré. S’il devait emporter une seule chose, ce serait cela. Il s’approcha du tableau pour le regarder de plus près. Il avait toujours vu cette peinture, visiblement très ancienne, accrochée à cet endroit, solidement fixée contre le mur du vestibule. Une idée folle lui traversa subitement la tête. Et si cette toile était l’œuvre d’un grand-maître ?

De nombreux peintres impressionnistes avaient séjourné dans la région au début du siècle dernier. Mamie Angèle aurait très bien pu rencontrer l’un d’entre eux à ses débuts, alors qu’il tirait encore le diable par la queue, et lui commander un portrait pour une bouchée de pain. Voire même, à proprement parler, en l’échange d’un bon repas chaud. Et si c’était cela le trésor de Mamie Angèle ? Elle avait sans doute deviné que si son petit-fils devait garder une seule chose d’elle, ce serait ce portrait…

Tout en se prenant à espérer, Fabrice éprouva un scrupule. Ce serait un crève-cœur de devoir vendre cette toile. C’était tout ce qui lui restait de sa grand-mère, et les souvenirs n’ont pas de prix. Mais cela n’engageait à rien de la faire expertiser.

Le lendemain, à la même heure, l’expert avec lequel Fabrice avait pris rendez-vous sonnait à la porte. Fabrice le fit entrer dans le vestibule et lui montra le tableau. Sans un mot, l’expert se pencha sur le portrait, et l’examina attentivement. Aucune signature n’était apparente, mais un spécialiste comme lui reconnaîtrait au premier coup d’œil l’œuvre d’un grand-maître. L’authentification officielle ne serait ensuite qu’une formalité…

Fabrice avait le cœur battant en attendant le verdict de cet homme de l’art. Ce dernier releva la tête, ôta ses lunettes de presbyte, et le regarda dans les yeux. « Alors ? » demanda Fabrice plein d’espoir…

« Je suis formel » lâcha l’expert sur un ton péremptoire. « Cette toile, bien qu’ancienne, est l’œuvre d’un amateur. Sa valeur ne saurait être qu’affective ». Bizarrement, Fabrice se sentit presque soulagé. Il n’aurait donc pas à se poser de problème de conscience. Ce portrait n’ayant aucune valeur marchande, il n’aurait d’autre choix que de le garder. En mémoire de sa grand-mère. La malicieuse Angèle s’était bien moqué de lui ! Il s’agissait en quelque sorte d’un trésor symbolique…

Revenant à la réalité, Fabrice fut surpris, cependant, de voir que l’expert se penchait à nouveau vers le tableau. Avait-il un repentir ? Allait-il lui annoncer qu’il s’était trompé, finalement, et que cette peinture était un authentique chef-d’œuvre ? Mais l’expert, à présent, semblait plutôt intrigué par le lourd cadre doré fixé dans le mur. Il était peut-être surpris de constater que, contrairement à tous les meubles en bois de la maison, il n’était pas rongé par les vers…

L’expert se tourna enfin vers Fabrice, et confirma son premier jugement. « Cette toile est définitivement une croûte. Mais je peux vous certifier, en revanche, que son cadre est en or massif ! ».

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Une femme honnête

Une femme honnête

Ça m’apprendra à être honnête ! Quand j’ai trouvé ce portefeuille par terre, dans l’établissement où je travaille, j’aurais mieux fait de le mettre à la poubelle. Ça m’aurait évité de me retrouver là aujourd’hui, au commissariat, accusée de vol ! Quand les flics m’ont interpellée pour un contrôle de routine, comme ils disent, ils ont trouvé le portefeuille dans mon sac à main… Je l’avais gardé quelques jours, au cas où quelqu’un viendrait le réclamer. Mais j’avais l’intention de le porter le lendemain aux Objets Trouvés ! Les flics n’ont rien voulu savoir. Il paraît que je suis défavorablement connue des services de police… J’ai protesté. Défavorablement, peut-être… Mais pas comme pickpocket !

En ouvrant le portefeuille, ces fins limiers ont réussi à identifier son propriétaire et à trouver son numéro de téléphone. J’aurais pu en faire autant, c’est sûr. Mais je ne suis pas de la police, moi… Je leur ai fait remarquer que je n’avais même pas touché à l’argent liquide, et j’ai poussé un soupir de soulagement. Ce brave homme, content d’avoir retrouvé son bien, allait sûrement me remercier, ou en tout cas m’innocenter…

Un inspecteur m’a dit de ne pas me réjouir trop vite. En consultant le fichier central, il venait de se rendre compte que le type avait porté plainte… pour un vol à l’arraché ! La victime venait d’être convoquée au commissariat pour m’identifier, ou non, comme son agresseur.

Je m’efforçais de rester zen. Ils ne pourraient que me relâcher après ça, puisque ce portefeuille, je ne l’avais pas volé ! Le type dirait que ce n’était pas moi, et on me ferait des excuses. Une heure après, l’inspecteur est venu me chercher et m’a emmenée dans son bureau, pour la confrontation. La victime était déjà là.

Quand j’ai vu ce vieux monsieur très digne, accompagné de sa femme, ça a fini de me rassurer. Ça se voyait tout de suite que ce n’était pas le genre à envoyer une innocente en prison. D’ailleurs, il me semblait déjà l’avoir vu quelque part. A mon travail, peut-être. Mais je vois défiler tellement de monde…

« Eh ben, vas-y, dis-leur que c’est elle ! » lui lança son épouse d’un ton autoritaire. Cette entrée en matière me refroidit un peu. Heureusement, le brave homme ne paraissait pas aussi affirmatif, et s’embrouillait un peu dans ses explications. Il ne se souvenait plus très bien… Il faisait noir…

L’inspecteur, intrigué l’interrompit. « Noir ? Vous avez déclaré que le vol avait eu lieu en pleine après-midi ! ». Il ajouta sur un ton ironique : « On n’a signalé aucune éclipse ce jour-là… ». Le vieux monsieur semblait de moins en moins à l’aise. « Oui, excusez-moi. Je veux dire que tout cela s’est passé très vite. Quoi qu’il en soit, cette personne n’est pas mon agresseur… ».

L’inspecteur, hélas, était du genre coriace.  » J’espère que vous ne mentez pas dans le seul but de permettre à une jolie femme d’échapper à la justice ? ». L’homme, de plus en plus embarrassé, jeta un regard inquiet vers son épouse, et finit par avouer. « Écoutez, c’est avant, que j’ai menti. ». Sa femme le fusilla du regard, mais il poursuivit malgré tout. « On ne m’a pas volé ce portefeuille. Je l’ai perdu… ».

L’inspecteur prit le temps de digérer cette information, avant de répondre d’un ton sévère. « Cela s’appelle une dénonciation frauduleuse. C’est très grave, vous savez ? Vous pourriez être poursuivi… Pourquoi ce mensonge ? ».

Le respectable vieillard, un peu perdu, avança une explication. « Quand j’ai raconté à mon épouse que j’avais perdu mon portefeuille, elle m’a conseillé de le déclarer volé. C’était plus simple, pour le remboursement par l’assurance, vous comprenez ? ». Sa femme confirma ces dires à contrecœur. Il était de toute façon trop tard pour nier. « Je pensais que la personne qui trouverait le portefeuille le garderait pour elle » expliqua-t-elle pour tenter de se justifier. « Et puis je croyais que la police avait autre chose à faire que de s’occuper d’un petit vol comme ça… ».

Cette mauvaise foi acheva d’irriter l’inspecteur. « Hélas pour vous, il reste quand même des femmes honnêtes. Et la police fait parfois bien son travail… ». Tandis que l’homme, penaud, regardait ses chaussures, l’inspecteur se pencha à nouveau sur la déclaration de vol rédigée par la prétendue victime quelques jours auparavant. « Je vous épargnerai les poursuites judiciaires pour cette fois » fit l’inspecteur magnanime. « Mais une dernière chose m’intrigue. Vous avez déclaré que ce vol imaginaire avait eu lieu dans la rue à Vincennes, où vous résidez. Or cette jeune femme l’a retrouvé, absolument intact, sous une banquette de l’établissement où elle travaille, dans le neuvième arrondissement de Paris. Il n’est pas arrivé là par hasard. Aviez-vous des raisons particulières de mentir aussi sur le lieu où vous avez perdu votre portefeuille ? ».

L’épouse revêche jeta un regard étonné vers son mari, attendant visiblement elle aussi une explication. Comme l’homme, cramoisi, ne répondait pas, l’inspecteur se tourna vers moi et reprit, impitoyablement. « Pourriez-vous nous rappeler, chère Madame, dans quel genre d’établissement vous travaillez, et quelle est votre profession ? ».

Malgré les conséquences conjugales désastreuses que je prévoyais pour ce pauvre homme, je fus obligée de répondre. « Ben… Je suis strip-teaseuse dans un cabaret de Pigalle. ».

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Portrait de femme

Portrait de femme

Les mains dans les poches, Jérôme descendait en sifflotant la rue de la Gaîté en direction de Montparnasse. Le quartier était encore presque désert à cette heure matinale. Jérôme s’assit à une terrasse de café et soupira d’aise. C’était dimanche, il faisait beau, et il avait toute la journée devant lui. La veille au soir, il avait accompagné Clara, sa femme, jusqu’au taxi qui devait la conduire à l’aéroport. Elle avait un rendez-vous important à New York le lundi et, pour préparer tranquillement sa réunion et y arriver en forme, elle avait préféré passer le week-end sur place. En ce moment même, compte tenu du décalage horaire, elle devait être au lit. Elle avait promis d’appeler son mari, mais il n’était pas vraiment pressé de l’entendre…

Bien sûr, Jérôme aimait sa femme. Mais un peu de liberté n’était pas fait non plus pour lui déplaire. C’est pourquoi, alors qu’il savourait son café en suivant des yeux une jolie fille qui passait, il sursauta, comme pris en faute, en entendant la sonnerie d’un portable. Il eut le réflexe de sortir le sien de sa poche, avant de se rendre compte que le bruit venait d’ailleurs. Il était pourtant le seul client assis à la terrasse. Il regarda autour de lui et ne tarda pas à apercevoir le téléphone, abandonné sur une chaise.

Jérôme hésita un instant puis, comme la sonnerie se faisait insistante, se décida à saisir l’appareil pour prendre la communication. « Allô ? » bredouilla-t-il. Ce fut une voix féminine qui lui répondit, avec un léger accent étranger. Une voix assurée mais chaude, qui le troubla. En quelques mots, la jeune femme lui expliqua qu’elle avait égaré son portable, et qu’elle appelait pour savoir si, par chance, il aurait été trouvé par quelqu’un d’assez aimable pour lui rendre.

Jérôme sourit en comprenant le bénéfice qu’il pouvait tirer de cette situation inattendue. Il était seul à Paris. Il n’avait aucun projet précis. Pourquoi ne pas se montrer galant ? Il proposa aussitôt à l’inconnue de lui ramener son téléphone chez elle. La voix sembla hésiter une seconde, avant d’accepter, et de lui communiquer une adresse à quelques rues de là. Il n’en aurait que pour un quart d’heure, tout au plus, précisa la jeune femme. A moins que la rencontre ne se prolonge un peu, songea Jérôme avec un sourire en rangeant l’appareil dans sa poche.

En se dirigeant vers l’adresse indiquée, Jérôme, émoustillé, échafaudait déjà divers scénarios. Il lui traversa même l’esprit qu’il s’agissait peut-être d’un stratagème de drague inédit. Et si la mystérieuse inconnue, embusquée quelque part, guettait les hommes seuls qui venaient s’asseoir à cette terrasse ? Elle habitait à deux pas. De son balcon, à la jumelle, elle pouvait très bien épier ce qui se passait rue de la Gaîté… Jérôme se mit à rire. Il délirait, sans doute. Mais quand bien même. Ce serait flatteur pour lui d’avoir été ainsi choisi pour tomber dans le piège de cette mante religieuse !

En arrivant devant le numéro 13, Jérôme constata qu’il s’agissait d’un atelier d’artiste. Cela lui parut de bonne augure. Il se sentait aujourd’hui l’âme un peu bohème… Il eut pourtant une dernière hésitation. Et si cette voix sensuelle appartenait à une sexagénaire au physique ingrat ? Un monstre, même, n’ayant pas trouvé d’autre moyen pour attirer les hommes dans son antre sans avoir à se montrer !

Haussant les épaules, Jérôme pressa fermement le bouton de la sonnette. Après tout, il venait seulement rapporter un téléphone perdu à sa propriétaire, rien de plus… D’ailleurs, le tableau qui s’offrit à lui lorsque la porte s’ouvrit le rassura tout de suite. Et le ramena à ses fantasmes… Drapée dans un peignoir de bain, la jeune femme blonde qui l’invita à entrer était tout sauf laide. Avec ses cheveux courts et son corps athlétique, à peine dissimulé par le tissu éponge, elle avait certes une allure plutôt sportive. Mais il était impossible de la confondre avec un garçon. Dans cette tenue, elle lui faisait plutôt penser à une nageuse olympique sortant de l’eau pour monter sur la plus haute marche du podium…

En entrant, Jérôme se rendit compte que la présumée nageuse était plutôt artiste peintre. L’atelier était encombré de toiles, et un chevalet trônait au milieu de la pièce. Afin de rassurer son hôtesse sur ses intentions, Jérôme sortit de sa poche le téléphone et lui tendit. Pour le remercier, elle lui proposa un thé, qu’il s’empressa d’accepter pour retarder l’échéance de son départ. Il n’envisageait plus comme une hypothèse crédible qu’une telle beauté eût besoin d’user d’un stratagème quelconque pour attirer les hommes chez elle. Mais il n’avait pas renoncé à profiter de l’occasion pour flirter un peu.

Tout en buvant le plus lentement possible la tasse de thé que la jeune femme venait de lui servir, Jérôme se mit donc en devoir de lui faire une cour assez maladroite, et lui proposa finalement de partager un brunch à La Coupole, la célèbre brasserie qui se trouvait au coin de la rue. La beauté androgyne le renvoya aimablement mais fermement dans ses cordes. Elle n’était pas libre. Mais de toute façon, il n’avait aucun regret à avoir. Il n’aurait eu aucune chance avec elle. Et pourquoi cela ? demanda Jérôme un peu vexé. La jeune femme sourit. Qu’il se rassure. Cela n’avait rien à voir avec son charme de mâle. Elle préférait les femmes, voilà tout…

Jérôme reçut cette information comme une douche froide. Il avait tout imaginé sauf cela. Et pourtant, certains signes auraient dû l’alerter. Tous les tableaux qui l’entouraient représentaient des personnages féminins. Nus… et parfois en couples. Il s’excusa, et l’inconnue s’amusa gentiment de son désarroi. Il ne pouvait pas savoir. Sans rancune, donc. Mais elle ne le retenait pas plus longtemps. Son… amie allait bientôt sortir de la salle de bain.

Jérôme s’efforça de faire bonne figure, et se leva pour prendre congé. A quoi bon prolonger l’entretien ? Contournant le canapé pour se diriger vers la porte, il passa devant le chevalet et ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil sur la toile inachevée.

C’est elle ? ne pût-il s’empêcher de demander. La belle inconnue acquiesça avec un sourire. Jérôme, intrigué, regarda le portrait d’un peu plus près et son sang se glaça. Cette femme, là, sur le tableau… Il aurait juré que c’était la sienne !

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Noces de sang

Noces de sang

Au volant de sa voiture, Sandra gravissait les derniers kilomètres de la route sinueuse qui conduisait à la villa où elle espérait trouver son amant. Elle avait le cœur battant. Malgré l’interdiction formelle que lui avait faite Charles, elle n’avait pu résister à la tentation d’aller le voir chez lui. Ou plutôt chez sa femme, puisque la superbe propriété située sur les hauteurs de Cannes appartenait à la riche veuve qu’il n’avait épousée, disait-il, que pour son argent.

Il y avait plus d’une semaine que Sandra n’avait pas vu l’homme qu’elle aimait. Depuis des mois, Charles lui promettait de quitter son épouse. Lors de leur ultime rendez-vous, il lui avait juré que cette fois, c’était pour bientôt. En attendant, Sandra devait être raisonnable et ne pas chercher à prendre contact avec lui. Mais Sandra, maîtresse délaissée, blessée dans son orgueil, n’en pouvait plus d’attendre. Il ne la prenait même plus au téléphone ! Et si c’était d’elle, dont il voulait se débarrasser en l’éloignant ainsi ? Elle devait en avoir le cœur net.

En arrivant sur le parking situé en bord de route, devant la villa, Sandra constata avec dépit que la voiture de Charles n’était pas là. Elle avait caressé l’espoir de le trouver seul à la maison… Elle aperçut en revanche le coupé sport de sa femme, garé à l’ombre d’un pin parasol. Sandra eut d’abord le réflexe de faire demi-tour. Elle craignait les conséquences d’un tête à tête avec cette mégère, qu’elle n’avait jamais vue. Mais le sort s’en mêla. Tandis qu’elle manœuvrait vivement pour repartir sans être vue, Sandra perçut un bruit caractéristique et, se penchant par la vitre ouverte, constata que sa roue avant gauche était dégonflée…

Impossible de refaire en sens inverse, avec un pneu crevé, les cinq kilomètres de route en lacets qui l’avait conduite jusque là. Quant à changer une roue sur ce parking sans attirer l’attention, il n’y fallait pas songer. Elle n’avait donc plus d’autre choix que d’affronter sa rivale.

Tandis que celle-ci, longeant la piscine, descendait vers elle pour s’enquérir de ce qui se passait, Sandra se sentit envahie par un sentiment de jalousie. Moulée dans un tailleur de grand couturier, avec ses cheveux blonds soigneusement tirés en chignon, Chantal avait certes l’air un peu sévère, mais elle ne manquait pas de classe. Etait-ce vraiment là la femme acariâtre que lui avait dépeinte Charles ?

« Je ne suis pas sûre de savoir changer une roue » s’excusa aimablement Chantal. « Et mon mari n’est pas là… ». Rassemblant son courage, Sandra improvisa. « Je vous remercie, mais je peux me débrouiller toute seule. Si vous m’autorisez à utiliser votre parking… ». Chantal sourit. « Faites comme chez vous. D’ailleurs, j’allais sortir. Mon mari m’attend au restaurant. ». Chantal ne remarqua pas le trouble de Sandra et poursuivit sur le ton de la complicité féminine. « C’est notre anniversaire de mariage, aujourd’hui… ». Sandra fit un effort sur elle-même pour se dominer. « Félicitation » lâcha-t-elle d’un ton glacial. Chantal s’éloignait déjà vers la villa.

En ouvrant le coffre de sa voiture, Sandra tremblait de colère. Alors c’était comme ça que Charles se préparait à rompre avec sa femme ? Elle se sentait trahie. Humiliée. Elle saisit son cric avec des envies de meurtre, hésitant seulement sur le choix de sa victime. Elle opta pour Charles. Après tout, cette pauvre Chantal n’était pour rien dans tout cela. Quant à lui, il ne payait rien pour attendre…

Pour comble de malchance, Sandra se souvint, en apercevant la roue de secours au fond de son coffre, qu’elle avait négligé de la faire réparer suite à sa dernière crevaison, quelques semaines auparavant. Elle s’apprêtait à fondre en larmes quand une main secourable se posa sur son épaule. « Il y des jours comme ça… », murmura gentiment Chantal avec un air compatissant. Revenue sur ses pas, l’élégante quadragénaire lui tendit un trousseau de clefs. « Je ne pars que dans un quart d’heure, le temps de changer de tenue. Je crains que cet ensemble ne soit un peu triste pour un anniversaire de mariage… Prenez ma voiture pour aller jusqu’au garage en bas. Ils vous répareront votre roue en cinq minutes. ».

Tandis qu’elle redescendait à vive allure, au volant du coupé sport de Chantal, la route qui serpentait jusqu’au garage, Sandra écumait de rage. Nul doute que si Charles s’était trouvé devant elle sur le bas côté, elle aurait volontiers fait un écart pour lui passer sur le corps !

La sonnerie de son portable l’arracha aux autres scénarios de meurtres qu’elle échafaudait déjà pour se venger de son amant. Saisissant l’appareil dans son sac à main, elle répondit d’un ton peu amène mais, reconnaissant la voix de son interlocuteur, elle se radoucit aussitôt. C’était lui ! Il osait la rappeler ! Plutôt que d’exploser, et de lui raconter ce qui venait de se passer, elle décida de faire comme si de rien n’était. Pour voir jusqu’où ce traître pousserait l’hypocrisie.

« Alors, ça y est ? » demanda-t-elle « Tu as quittée Chantal ? ». Bizarrement, cette question ne parut pas le démonter. « Un divorce me ruinerait » avoua-t-il. « Mais j’ai trouvé un autre moyen… ». « Ah, oui ? » commenta Sandra ironiquement. « Et comment comptes-tu t’y prendre ? ». « J’ai rendez-vous avec elle dans un quart d’heure » dit-il. « Elle devrait déjà être sur la route… ». Il marqua une pause avant de poursuivre, comme pour marquer la gravité de ce qui allait suivre. « J’ai trafiqué les freins de sa voiture » lâcha-t-il enfin. « Dans quelques secondes, elle devrait s’écraser au fond d’un ravin, et je serai enfin libre… ».

Le visage de Sandra se figea, tandis qu’elle digérait l’information que venait de lui communiquer son amant. Elle avala sa salive, avant d’appuyer lentement sur la pédale… Les freins ne répondaient plus, et les pneus du coupé sport, lancé à tombeau ouvert, mordaient déjà le bord du gouffre…

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Illégitime défense

Illégitime défense

Antoine souffrait, depuis toujours, d’une timidité presque maladive. Peut-être à cause de sa petite taille et de sa silhouette un peu chétive. Il aurait tant voulu posséder, comme son ami Vincent, cette tranquille assurance qui plaisait tant aux filles de son âge. Oh, ce n’est pas qu’il pensait être un lâche ! Il n’avait pas souvent eu l’occasion de faire la démonstration de son courage, voilà tout. Et le complexe d’infériorité qui le rongeait l’empêchait de nouer avec son entourage féminin des relations normales. Et plus si affinités…

Aussi, lorsque Antoine avait rencontré Jade, quelques semaines auparavant, lors d’une fête chez Vincent, il avait décidé de tout faire pour la séduire. Vincent n’avait pas pu donner à Antoine beaucoup de précisions sur cette belle jeune fille d’origine asiatique, plutôt réservée, invitée par l’amie d’une amie. Par chance, cependant, le caractère discret, pour ne pas dire effacé, d’Antoine ne semblait pas trop déranger Jade. Pendant une bonne partie de la soirée, il lui avait parlé de la thèse qu’il préparait, à sa fac de cinéma, sur l’âge d’or du western américain. Elle l’avait poliment écouté et, grisé par ce succès, il avait même osé l’inviter au cinéma…

Mais Antoine craignait que ce premier succès soit sans lendemain… Malgré son intérêt tout intellectuel pour le western, il n’avait rien d’un cow-boy, il le savait. La belle Jade se laisserait-elle vraiment séduire par un garçon à l’allure aussi peu virile ?

Antoine s’ouvrit de ses craintes à son ami Vincent, qu’il devait voir avant son rendez-vous au cinéma avec Jade. Si seulement il avait l’opportunité de montrer à cette fille de quoi il était capable… Vincent l’écouta et tenta de le rassurer. Il savait, lui, qu’Antoine, en dépit de sa timidité et de son apparence un peu efféminée, était tout sauf timoré lorsqu’il avait à faire face à un danger réel. Vincent avait d’ailleurs déjà eu l’occasion de s’en rendre compte lorsqu’un soir, dans les couloirs du métro, Antoine était parvenu à mettre en fuite, par sa seule détermination, deux voyous qui entendaient racketter son ami. Vincent était très reconnaissant de ce qu’Antoine avait fait pour lui ce soir-là, au lieu de se tenir prudemment à l’écart. Mais Jade, qui connaissait à peine Antoine, saurait-elle déceler en lui cette force de caractère trop bien cachée ?

Quelques heures plus tard, Antoine, plus tendu que jamais, retrouvait Jade devant le cinéma. Il la salua avec un air embarrassé, n’osant même pas lui faire la bise, avant d’aller prendre les billets. Comme Jade semblait aussi gênée que lui, ils n’échangèrent presque aucun mot avant que la lumière s’éteigne et que le film commence. Heureusement, Antoine avait déjà vu trois fois ce grand classique du western, car il eu beaucoup de mal à se concentrer pendant toute la durée de la séance. Il ne rêvait que d’une chose : prendre la main de Jade, posée à quelques centimètres de la sienne sur l’accoudoir. Mais il n’eut pas ce courage-là…

Lorsque la lumière se ralluma, ils échangèrent un regard embarrassé, et quittèrent la salle en silence. Antoine proposa quand même à Jade de la raccompagner jusqu’au métro. En arrivant devant la bouche, dans cette rue presque déserte à cette heure tardive, Antoine ne remarqua pas tout de suite la présence d’un homme, de dos, accoudé dans la pénombre à la balustrade. Ce n’est que lorsqu’il s’apprêtait à tourner les talons après avoir dit au revoir, et probablement adieu, à la timide Jade, qu’Antoine aperçut le visage de l’inconnu, qui venait de se tourner vers la jeune fille. Antoine vit que l’individu était cagoulé. Ce qui ne présageait rien de bon… En effet la voix de l’homme, déformée par le fait qu’il parlait à travers sa cagoule, ordonna à Jade de lui remettre l’argent qu’elle avait sur elle…

N’écoutant que son courage, Antoine rebroussa immédiatement chemin avec la ferme intention de s’interposer. Au moins, cette mésaventure lui permettrait de montrer à la belle asiatique qu’il n’était pas un lâche. Même s’il devait y laisser une ou deux dents, il ne laisserait personne faire du mal à Jade. Mais Antoine n’eut pas le temps d’intervenir. À son grand étonnement, au lieu de paniquer, la frêle Jade décocha à son agresseur un fulgurant coup de pied au menton qui l’envoya directement au tapis. Tapis qui en l’occurrence était constitué d’un dur bitume peu apte à amortir le choc. La tête du voyou heurta lourdement le sol, et il resta allongé par terre, sans connaissance.

Antoine resta pétrifié un instant. Plus que cette agression inattendue, c’était la réaction surprenante de Jade qui l’avait stupéfié. La timide jeune fille s’en expliqua d’un mot. « Je suis ceinture noire de karaté », lâcha-t-elle de sa petite voix. « Mais je ne voulais pas lui faire de mal… ». Décidément plus sûre d’elle qu’elle ne le paraissait, Jade se pencha sur l’individu cagoulé pour l’examiner. « Il respire normalement, mais il est évanoui », diagnostiqua-t-elle. « Mieux vaut ne pas le toucher, au cas où il aurait une fracture du crâne. Sa tête a peut-être heurté le rebord du trottoir… Tu peux appeler les pompiers… et la police ? ». Antoine acquiesça en bredouillant, et composa le premier numéro sur son portable. Jade semblait si déterminée… Décidément, ce n’est pas encore aujourd’hui qu’il pourrait jouer les héros…

Quelques minutes plus tard, ils entendirent une sirène se rapprocher. C’est alors que l’inconnu, reprenant connaissance, releva la tête et ôta lui même sa cagoule, qui l’empêchait de respirer convenablement. Antoine et Jade écarquillèrent alors les yeux en reconnaissant Vincent, chez qui ils s’étaient rencontré pour la première fois ! Heureusement indemne, Vincent se frotta la tête en poussant un douloureux soupir. « Bon sang, je ne savais pas que tu faisais du karaté », lança-t-il à Jade. Jade, quant à elle, jeta un regard suspicieux vers Antoine. « Alors c’était une petite mise en scène pour m’impressionner, c’est ça ? ». Antoine, qui décidément n’y comprenait plus rien, protesta confusément. Vincent vint à son secours. Il jura qu’Antoine n’était au courant de rien. « J’ai seulement fait ça pour l’aider », expliqua-t-il embarrassé. « Je pensais lui glisser un mot à l’oreille quand il serait intervenu, et puis j’aurais pris la fuite… ».

« L’aider ? Eh bien c’est réussi », répondit Jade alors que le camion des pompiers, suivi de peu par une voiture de police, se garait à leur hauteur. « Maintenant, il va falloir expliquer tout ça au commissariat… ».

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Le viager

LE VIAGER

Lorsque Marc m’avait montré cette annonce, trouvée dans notre boîte aux lettres, je n’avais pas été très emballée. Acheter une maison en viager, c’était parier sur la mort. Cela ne pourrait que nous rapporter des ennuis, je le sentais. Et des ennuis, dans le passé, j’en avais déjà eu mon compte… Sans parler du fait que cette dame pouvait très bien devenir centenaire ! Elle n’était pas si âgée… Marc, mon mari, voyait les choses plus sereinement. En tant que médecin, avait-il prévu au premier coup d’œil que notre propriétaire ne ferait pas de vieux os ?

Malgré mes réticences, je finis par céder. Une vraie maison en plein Paris, avec un jardin ! C’était un rêve que nous aurions cru inaccessible. Surtout depuis l’envolée des prix de l’immobilier… Le contrat passé avec la propriétaire paraissait avantageux. Elle occuperait deux pièces indépendantes donnant directement sur le jardin, et nous laisserait l’usufruit du reste de la maison. En l’échange d’un petit capital et d’une rente à vie qui, finalement, nous reviendrait moins cher qu’un crédit sur vingt ans ou trente ans…

Nous n’avions donc aucune raison d’être trop pressés que cette brave dame disparaisse. Même si, à l’évidence, nous ne serions vraiment chez nous qu’après sa mort. Heureusement, Monique, la dame en question, était très discrète. Dès notre emménagement, mon mari devint naturellement son médecin traitant. Elle souffrait, en effet, de divers maux propres à son âge. Mais rien de grave. Apparemment, en tout cas… Pour le reste, nous n’eûmes, hélas, guère le temps de faire sa connaissance. Quelques jours après notre arrivée dans la maison, la femme de ménage la trouva morte dans son lit…

Ce décès constituait en soi une aubaine d’un strict point de vue financier, puisque nous nous retrouvions, mon mari et moi, en moins d’une semaine, propriétaire d’un bien immobilier exceptionnel pour une bouchée de pain. Mais je n’eus pas le cœur à m’en réjouir. Je me doutais bien que cette bonne affaire ne manquerait pas d’attirer l’attention…

Ce qui devait arriver arriva. Trois jours après le décès de Monique, nous fûmes convoqués au commissariat pour répondre à quelques questions. Même si j’avais un sinistre pressentiment, je m’efforçais de rester calme. Compte tenu du contexte de cette disparition, ces soupçons étaient parfaitement légitimes.

Hélas, ce que nous appris l’inspecteur qui nous reçus ne nous rassura guère. L’autopsie venait de révéler que le décès de la vieille dame n’était pas dû à une cause naturelle. Elle avait succombé à une surdose de morphine. Mon mari reconnut sans difficulté avoir été le dernier le médecin traitant de Monique, mais nia lui avoir administré cette injection fatale.

Les protestations d’innocence de Marc, hélas, furent vaines. Cette vieille dame très digne n’était pas, a priori, une droguée. Il était donc peu probable qu’elle ait succombé à une overdose en s’injectant elle-même de la morphine. On ne voyait pas davantage pourquoi elle se serait suicidée par ce moyen étrange quelques jours après avoir vendu sa maison en viager…

Son médecin, en revanche, avait pu aisément se procurer de la morphine, et lui en administrer une dose mortelle sous un prétexte quelconque. Une vaccination contre la grippe, par exemple, puisque c’était la saison. Quant à l’erreur médicale, avertit l’inspecteur, elle serait difficile à plaider… puisque le décès fort opportun de cette patiente permettait à son médecin d’échapper à la rente à vie qu’il s’était engagé à lui payer…

Après le versement d’une lourde caution, je fus libérée sous contrôle judiciaire. Mais Marc resterait incarcéré jusqu’à son procès, qui ne s’annonçait pas sous les meilleures auspices… En attendant un jugement définitif, j’étais autorisée à garder la maison. Ce ne fut pas ce que je fis de mieux. Me retrouver seule dans cette sinistre demeure, cause de mon malheur, précipita ma déchéance. J’en vins moi-même à douter de l’innocence de mon mari. Je tombai dans une profonde dépression et me mis à boire…

Depuis mon accident, huit ans auparavant, ma santé, surtout psychique, était restée fragile. Ce deuxième revers était en passe de me détruire. Pourquoi le sort s’acharnait-il ainsi contre moi ? A l’époque, au volant de ma voiture, j’avais causé la mort d’un homme… Grâce au talent de mon avocat, j’avais pu échapper à une condamnation. Mais je gardais de ce drame un sentiment de culpabilité…

Privée de la présence réconfortante de mon mari, je repensai à cet homme que, par mon imprudence, j’avais lui aussi arraché à sa famille, et je décidai d’aller me recueillir sur sa tombe. Je n’y étais allée qu’une fois, à ma sortie de l’hôpital. Pendant le procès, auquel je n’avais pas eu le courage d’assister, j’étais encore en soins intensifs… C’était d’ailleurs à l’hôpital que j’avais fait la connaissance de Marc, encore interne alors, et qui s’était si bien occupé de moi…

En arrivant au cimetière, je retrouvai facilement l’endroit où était inhumé l’homme à qui j’avais malencontreusement arraché la vie. Il s’agissait d’un tombeau de famille. Je remarquai aussitôt qu’un autre nom avait été très récemment inscrit sur la pierre tombale. L’épouse de ma victime l’avait rejoint dans l’au-delà. Était-elle morte de chagrin, comme je mourrais peut-être moi-même si Marc était condamné à la prison à vie pour un meurtre qu’il n’avait pas commis ?

Soudain, mon sang se glaça. À coté du nom de cette dame figurait une photo dans un médaillon. Je la reconnus aussitôt. C’était la femme qui nous avait vendu sa maison en viager ! Elle ne s’était pas présentée à nous sous ce nom gravé dans le marbre, mais elle avait parfaitement pu reprendre son nom de jeune fille pour brouiller les pistes…

C’est alors que je compris. J’avais arraché son mari à Monique. Par ce suicide déguisé en meurtre, elle m’enlevait le mien. Elle s’était vengée de moi. Comme elle, j’étais condamnée à vivre seule, comme une veuve, dans cette sinistre maison où elle avait elle-même pleuré l’époux dont je l’avais privée…

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Un visage familier

Un visage familier

C’était mon dernier rendez-vous de la journée. Lorsque je l’ai aperçu dans la salle d’attente de mon cabinet, je ne l’ai pas reconnu tout de suite. Il portait des lunettes noires, et une écharpe masquait l’autre moitié de son visage. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un grand brûlé, tentant de cacher ainsi sa face défigurée. Hélas, dans ma clinique, je reçois tous les jours ce genre de malheureux, auxquels je m’efforce de venir en aide. Je suis chirurgien esthétique. Et je me targue de compter parmi les meilleurs spécialistes de Paris en ce qui concerne les opérations réparatrices du visage. Évidemment, parce qu’il faut bien vivre, je m’occupe aussi de rectifier, d’embellir ou de rajeunir les attributs naturels de patients tout à fait bien portants, mais désireux de mieux coller aux canons de beauté imposés par les magazines. Un créneau infiniment plus lucratif, touchant principalement une cible féminine. À tort ou à raison, les hommes éprouvent beaucoup moins que les femmes le désir de changer de tête. À moins, bien sûr, de circonstances exceptionnelles…

Ce n’est donc que lorsqu’il s’est assis en face de moi dans mon bureau, et qu’il a ôté lunettes et écharpe, que je l’ai reconnu. Son visage était parfaitement intact, et il m’apparut étrangement familier. Alfred Charlant ! Quelques semaines auparavant, la photo de cet homme, jusque là peu connu du grand public, était à la une de tous les journaux. Ce haut fonctionnaire au passé sulfureux avait été reconnu coupable dans une sombre affaire de détournement de fonds publics à grande échelle. Depuis, il était en fuite, et tout le monde le croyait déjà réfugié sous une fausse identité dans un paradis fiscal peu regardant sur la moralité de ses hôtes, pourvu que leurs comptes en banque soient bien fournis. Apparemment, l’homme, sous le coup d’un mandat d’arrêt européen, n’avait pas osé prendre le risque d’être reconnu à l’aéroport en tentant de quitter le pays. Quand on a un visage aussi médiatique, des faux papiers ne suffisent pas pour espérer passer inaperçu. C’est l’un des quelques inconvénients de la célébrité…

« Je veux changer de tête » me déclara l’homme sans autre préambule. Même si sa requête ne m’étonna guère, au vu de la situation délicate dans laquelle il se trouvait, il me fallut un instant pour répondre. « Je ne peux pas faire ça, vous le savez bien. Je me rendrais coupable de complicité en vous aidant ainsi à échapper à la police… ». L’homme ne parut pas le moins du monde désarçonné. « Vous allez pourtant le faire » affirma-t-il sans sourciller. Son assurance me glaça le sang. À l’évidence, il ne plaisantait pas. « Et pourquoi vous rendrais-je ce service ? » demandai-je la voix un peu tremblante. « Parce que des amis à moi retiennent votre fils en otage » répondit-il. « Ils ne le libéreront que quand j’aurais quitté le pays. Avec sur mon nouveau passeport, la photo du visage tout neuf que vous allez me sculpter de votre main d’artiste. ». Il esquissa un sourire. « Je vous laisse carte blanche, Docteur. Mais tant qu’à faire, rendez-moi plus beau pour commencer ma nouvelle vie. J’ai toujours rêvé d’avoir une tête de danseur de tango. Je veux être votre chef-d’œuvre… ».

Je n’avais pas le choix et, après avoir vérifié par téléphone auprès de ma femme que les menaces d’Alfred Charlant n’étaient pas du bluff, je dus m’exécuter dans la nuit même. J’étais un peu pris de court. Généralement, mes patients veulent seulement améliorer quelques détails ça et là, en gommant au passage leurs défauts les plus grossiers. Leur but n’est pas de se réveiller avec un visage entièrement différent, au point que leurs propres mères ne puissent les reconnaître. Il me fallait donc un modèle. Dans la précipitation, c’est en feuilletant une revue en lecture dans la salle d’attente de mon cabinet que je trouvai l’inspiration pour modeler le visage de playboy latin que mon machiavélique client semblait désirer. Je lui présentai la photo découpée dans le magazine et, ayant reçu son approbation, l’opération commença. Elle dura presque toute la nuit, mais au matin, malgré les bandelettes qui cachaient encore le nouveau visage d’Alfred Charlant, je savais que j’avais réalisé mon grand œuvre.

Après quelques jours de convalescence, un complice lui apporta un faux passeport flambant neuf, garni de la photo de sa nouvelle tête, et Alfred Charlant quitta ma clinique incognito en direction de l’aéroport. « Dès que j’aurais embarqué, quelqu’un vous fera savoir par téléphone à quel endroit vous pourrez retrouver votre fils. ». À sa décharge, je dois reconnaître que l’homme tint parole.

Quant à la fin de l’histoire, c’est par le numéro suivant de ce même magazine dans lequel j’avais découpé la photo du nouveau visage d’Alfred Charlant, que j’en appris tous les détails. À peine arrivé à sa destination, que j’avais devinée être l’Amérique du Sud, puisqu’il souhaitait avoir un visage de « latin lover » pour se fondre plus facilement dans la foule, l’homme fut immédiatement appréhendé par la police des frontières. Il s’en étonna. Avec sa nouvelle identité, il était persuadé de passer inaperçu. Il cria donc au quiproquo et, pour tenter de convaincre la police de le laisser partir, il avoua qu’il avait subi une petite opération de chirurgie esthétique. Ce qui, en soit, n’est pas un crime, protesta-t-il en clamant son innocence. De là peut-être venait le fait qu’on le prenait pour quelqu’un d’autre…

Le policier qui lui passa les menottes mit fin à ses espérances de retraite dorée en lui lançant d’un ton ironique : « Une opération de chirurgie esthétique ! Tiens, on ne me l’avait jamais faite, celle-là… Eh bien la prochaine fois que tu changes de tête, évite de te faire faire le visage d’un narcotrafiquant recherché par toutes les polices d’Amérique… ». Le policier, hilare, se tourna vers ses collègues. « Allez, on l’embarque. C’est Pedro Semprini. Ça fait des années qu’on essaie de mettre la main dessus. Et il espérait nous filer entre les doigts en changeant seulement son nom sur son passeport ».

Pour garder un souvenir de cette aventure, j’ai soigneusement recollé la photo dans le magazine, à l’endroit où je l’avais découpée. Elle accompagnait un article annonçant la mise à prix de la tête d’un des plus gros trafiquants de drogue de Colombie.

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Un ataúd para dos

Una comedia de Jean-Pierre Martinez

2 hombres y 2 mujeres

Cuando dos candidatos a las elecciones, deben incinerar sus respectivas parejas el mismo día del escrutinio, se corre el riesgo de pucherazo en las urnas, sobre todo cuando el director de las pompas fúnebres ha contratado a una ayudante algo incontrolable.


Aquellos textos los ofrece gratuitamente el autor para la lectura. Sin embargo cualquier representación pública, sea profesional o aficionada (incluso gratuita), debe ser autorizada por la Sociedad de Autores encargada de percibir los derechos del autor en el país de representación de la obra. 


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TEXTO DE LA OBRA

UN ATAÚD PARA DOS

Personajes

Inmundo Buitre (IB)

María de los Dolores (MD)

José Luis Rodríguez Zapatilla (FZ)

Lita Barberó (LB)

Recepción de una empresa de pompas fúnebres, igual a la de cualquier otra empresa. Sobre la mesa de despacho un teléfono que suena insistentemente. Entra, gruñendo, el sr. Buitre. Viste con toda seriedad.

INMUNDO – ¡Ya voy… Ya voy! No sé qué prisa tiene hoy todo el mundo… Acabarán conmigo… (descuelga) Inmundo Buitre Pompas Fúnebres a su servicio… (con amabilidad comercial) Si señor Verdugo, vamos a recibirlo esta mañana… Sí, de roble con los tiradores dorados y capitoné verde manzana… La colección otoño-invierno, claro… Ya sabe que la señora Verdugo era muy coqueta. Créame, este modelo no la decepcionará. La verdad es que nunca hemos tenido ninguna reclamación… El martes… Sí, claro… Que usted lo pase bien, señor Verdugo… Mejor dicho… Hasta el martes señor Verdugo y, de nuevo, todas mis condolencias… (cuelga)   No sé dónde tengo la cabeza… (suena el teléfono de nuevo, sin dejarle un segundo de respiro) ¡Coño con el telefonito! (descuelga) Inmundo Buitre pompas fúnebres a su servicio.. ¡Ah, eres tú, cariño! ¿Has ido al médico? ¡Que tienes gripe…! Me lo temía, con la epidemia tan virulenta que hay este invierno… Pues aquí no deja de sonar el teléfono… Menos mal que me mandan la nueva colección esta mañana… Espero no me caiga ningún muerto más… No, no lo digo por ti, cariño… Pero la verdad es que estoy desbordado. Desde luego has ido a ponerte enferma en el momento menos oportuno… Yo aquí, solo… No sé cómo me las voy a arreglar… Pues no, la chica que me envía la agencia no ha llegado todavía y ya son más de las nueve. Empezamos bien … (mira por la ventana) Me parece que ya llega. Bueno, te dejo. Cuídate, mi amor… Si, yo también te quiero…

Entra María de los Dolores, una chica joven con un aspecto poco apropiado para el trabajo (a elegir, excesivamente sexi, o hippy o gótica, por ejemplo)

MARIA DE LOS DOLORES – Buenos días… Se me ha hecho un poco tarde, lo sé…

INMUNDO – En efecto… Se le han pegado las sábanas, como si lo viera.

MD – ¡Qué va…! El despertador sonó a su hora, me levanté, me duché y todo, todo… Pero, me dormí en el autobús y el chofer me despertó al final del trayecto. Y, claro, tuve que volver a recorrer el mismo camino. (suena el móvil y descuelga) Usted perdone… Hola tía… No; acabo de aterrizar en el curro… Si, en Inmundo Buitre. Para una vez que me despierto temprano voy y me duermo en el bus…

IB – Bueno… Ya está bien…

MD – Perdona guapa, te llamaré cuando esté esto más tranquilito, ¿vale? (guarda el portátil) Pamela, mi colegui…

IB – ¿Y usted cómo se llama?

MD – María de los Dolores

IB – ¿María de los Dolores…?

MD – ¿Algún problema?

IB – No… Realmente me parece un nombre muy apropiado para este negocio.

MD – Cosa de mis viejos, muy mea pilas ellos…

IB – Lo que no me gusta nada es su forma de vestir.

MD – ¿Qué tiene de malo?

IB – No sé… ¿Le han dicho en la agencia que tendrá que atender a los clientes?

MD – Me dijeron que se trataba de un trabajo de recepcionista.

IB – Comprenderá que para este tipo de negocios, sería mejor que se vistiera de forma sencilla y austera.

MD – ¿Sí?

IB – Se supone que habrá trabajado alguna vez como recepcionista…

MD – Tengo el título de steticienne y he trabajado en el Corte Inglés para la campaña de navidad.

IB – ¿steticienne? Sí, eso podría ayudarnos bastante

MD – Si usted lo dice…

IB – No sabía que el Corte Inglés se dedicara también a estas cosas… Es que lo abarcan todo…

MD – Yo estaba en charcutería…

IB – En cierto modo viene a ser lo mismo… Nosotros también tenemos fiambres.

(Suena el teléfono)

IB – Bien… Pues ha llegado el momento de que demuestre lo que sabe hacer… Tendrá que arreglárselas solita… Yo estoy a tope de trabajo y no tendré tiempo de enseñarla. Coja el teléfono y conteste…

MD – Eso está hecho… (descuelga el teléfono con mucha seguridad) Fiambres Buitre al habla… Pues no señora, lo siento, ha debido equivocarse… No se preocupe… Adiós, señora….

Se la ve visiblemente contenta por lo que ha hecho. Se vuelve sonriendo hacia Inmundo Buitre que la mira horrorizado

MD – ¿Ocurre algo?

IB – Me están gastando una broma ¿no es así? Seguro que hay por ahí una cámara oculta.

MD – No sé de qué me habla… Era una señora que lloraba y que pensó que hablaba con las Pompas Fúnebres…

IB – ¡Es que esto es una empresa de Pompas Fúnebres!

MD – (que se ha quedado de piedra) ¿No me diga…?

IB – ¿Los de la Agencia no le dijeron a qué nos dedicamos?

MD – Tan sólo que se trataba de eso, de fiambres…

IB – Es como una pesadilla… (conformándose) Bueno, por desgracia ya no se puede hacer nada.

MD – ¿O sea que en esto es una funeraria? Pues yo nunca había trabajado en un sitio así…

IB – Lo único que tiene que hacer es contestar al teléfono y tomar nota de los recados. Si entra alguien me avisa inmediatamente. Y, sobre todo, no tome ninguna iniciativa. ¿De acuerdo?

MD – De acuerdo.

IB – Ahora tengo que ocuparme de mi diputado…

MD – ¿Un diputado?

IB – Sí un diputado. Son las legislativas anticipadas… ¿No ha fijado en los carteles electorales en la pared del cementerio? Esta misma noche conoceremos el resultado…

María de los Dolores echa un vistazo a los carteles

MD – Pues yo ahí veo a la diputada Lita Barberó y no parece que esté enferma…

IB – No se trata de ella, sino de su marido, el señor Barberó, que es el diputado saliente. Su mujer se presenta a las elecciones para sucederle.

MD – Ya…

IB – Hoy es el funeral por el señor Barberó y me está costando darle un aspecto presentable… El cuerpo estuvo sumergido bastante tiempo en el agua y claro…

MD – (horrorizada) ¿En el agua?

IB – Sí, pero estoy haciéndole con un perfecto trabajo de reconstrucción, ahí mismo, en la trastienda… Y, créame que no resulta nada fácil… Le quedaría muy agradecido si usted, como stéticienne que es, le diera el último toque al cadáver. Normalmente es mi mujer la que se ocupa de estas cosas, pero como no está…

MD – ¿Quiere decir que yo…?

IB – Me dijo que tenía el título ¿no es así?

MD – Sí… Más o menos…

IB – Pues tendrá que ayudarme…

MD – Sí… Claro…

IB – En esa confianza la dejo sola de momento (se vuelve hacia ella) Por cierto, espero una entrega de una mercancía a lo largo de la mañana. Me avisa inmediatamente, por favor…

MD – ¿Una mercancía? (horrorizada) ¿Quiere decir que van a traer algún fiambre?

IB – Señorita, aquí no llamamos “fiambres” a nuestros clientes, sino nuestros queridos desaparecidos.

MD – Si usted lo dice…

IB – Además no consideramos su llegada como una “entrega de mercancía” sino como la última visita antes de emprender el camino al más allá.

MD – Vale, vale…

IB – Imagine que trabaja en una agencia de viajes. Nuestros clientes, en cierto modo, hacen un crucero pero sólo con billete de ida.

MD – Ya veo… Pero entonces ¿de qué mercancía se trata?

IB – Me refería a la entrega de ataúdes. La nueva colección. Ahí tiene el catálogo.

Sale Inmundo. María de los Dolores echa un vistazo al catálogo y pone cara de asco

MD – ¡Coño! ¿Y a esto llamas tú un crucero…? (saca el móvil y marca) ¿Pamela? No vas a creerlo… ¿A que no imaginas el trabajo que me han buscado esos hijos de puta de la agencia? ¡Pues nada menos que en unas pompas fúnebres! ¡Lo que hay que hacer para ganarse la vida! De momento esto está tranquilo. Sí, como recepcionista… (suena el teléfono fijo) Perdona, tengo que dejarte… (guarda el portátil) Inmundo Buitre… Pompas Fúnebres al habla… Si… Si (toma nota) La promoción del mes… De acuerdo… El modelo Pino Básico… a 99 euros más IVA… Perfecto… Se lo diré, señora Barberó… Puede estar segura… Hasta pronto señora Barberó…

Cuelga el teléfono y respira aliviada, aunque por poco tiempo ya que entra un hombre y se acerca a la mesa

MD – ¿Trae la mercancía?

JOSÉ LUIS RODRIGUEZ ZAPATILLA – ¿Qué…? No… Soy José Luis Rodríguez Zapatilla y tengo una cita con el señor Buitre… Para elegir un modelo.

MD – (con sonrisa comercial) Enseguida le llamo… Si quiere puede ir echando un vistazo al catálogo… (se lo entrega) ¿Es para hacer un regalo?

JZ – No. Es para mi esposa…

María de los Dolores le mira de reojo mientras el hombre echa un vistazo al catálogo.

MD – Ya decía yo que no tenía pinta de transportista.

JZ – ¿Decía usted?

MD – Perdone pero… Me parece haberle visto en alguna parte…

JZ – Pues si… Mi foto está por toda la ciudad.

MD – ¿Le busca la policía?

JZ – Todavía no… Por el momento tan sólo me presento a las elecciones (con un gesto señala los carteles en el muro del cementerio) Ese, el de los carteles, soy yo…

MD – ¡José Luis Rodríguez Zapatilla! ¡El rival de la señora Barberó!

JZ – Por ahí van los tiros…

MD – Usted se presenta por la derecha ¿no es así?

JZ – No… ni mucho menos. La señora Barberó sí… Yo soy de centro. Pero, ya sabe lo que dicen: “el centro está en todas partes”

MD – ¡Es fantástico! Jamás hubiera pensado que trabajando en un sitio como éste conocería a gente famosa…

JZ – Todos morimos un día, incluso los famosos…

MD – O sea que usted también ha perdido a su pareja.

JZ – Pues sí…

MD – Ha tenido suerte…

JZ – ¿Decía?

MD – Con un difunto en su haber la señora Barberó partía con ventaja, pero ahora… la cosa está más equilibrada.

JZ – ¿Usted cree?

MD – Por supuesto… Mire, si la abuela de Obama no hubiera muerto justamente antes del escrutinio ¿cree usted que un negro hubiera podido llegar a ser presidente de los Estados Unidos?

JZ – Puede que tenga razón… Ya veo que está muy al tanto de la política internacional… Por cierto, ¿sabe si está aquí el señor Buitre?

MD – Ahora mismo le llamo. (leyendo lo que pone en el teclado del teléfono) Veamos… Cámara fría… Cocina… Tanatopraxia… No sé lo que significa eso, pero pulsaré aquí, por si acaso (apoya sobre la tecla correspondiente y espera) ¿Señor Buitre? Don José Luis Rodríguez Zapatilla ha llegado… (cuelga) Ahora mismo viene…

Silencio un tanto embarazoso. José Luis ojea el catálogo por hacer algo

JZ – ¿Y usted ya ha elegido?

MD – Me parece poco delicado por su parte, señor Zapatilla. Todavía soy un poco joven para elegir un ataúd…

JZ – Me refería a las elecciones… Hoy se sabrá el resultado. ¿Ha ido ya a votar?

MD – No… Aún no…

JZ – O sea que todavía puede votar por mí… ¿Conoce mi programa?

Llega Inmundo Buitre

IB – Buenos días señor Zapatilla. Mis condolencias…

El señor Zapatilla pone de nuevo cara de circunstancias

JZ – El Destino que es inexorable…

IB – Al menos murió dignamente

JZ – ¿Usted cree?

IB – ¿No es así?

JZ – La pilló un tranvía…

IB – Usted perdone, debo confundirle con la señora Verdugo… que murió en su cama mientras dormía. Tenía 91 años…

JZ – Mi mujer era algo más joven…

Inmundo se da cuenta de que María de los Dolores está pendiente de lo que hablan con una curiosidad poco discreta.

IB – ¿Le importaría traernos unos cafés, María de las Angustias?

MD – De los Dolores, señor Buitre, María de los Dolores

IB – De acuerdo… De acuerdo… Por cierto, ¿sabe usted utilizar la cafetera express?

MD – Puedo intentarlo

JZ – Para mí extrafuerte, por favor

IB – La máquina está por ahí…

Sale MD.

IB – Perdone… Es tan difícil encontrar hoy en día personal competente… Mi mujer se ha tenido que quedarse en casa por la gripe. Este año es realmente virulenta.

JZ – Me lo va a decir a mí… Mi mujer murió de gripe…

IB – Creí que la había pillado un tranvía.

JZ – Si, mientras iba a comprar la vacuna a la farmacia…

IB – Siempre me pareció una vacuna peligrosa… Y le aseguro que estoy en el lugar ideal para saber lo que digo… A mi mujer le prohibí que se vacunara…

JZ – ¿Y cómo sigue?

IB – Parece un ligero resfriado. En pocos días creo volverá a trabajar. Es mejor dejar que la naturaleza actúe ¿No le parece?

JZ – Para mi mujer, el resfriado fue definitivo.

IB – ¿Ha elegido ya el ataúd, señor Zapatilla? Como habrá podido comprobar por el catálogo, nuestra colección es francamente soberbia…

JZ – (echando una ojeada rápida al catálogo) – Mmm…

IB – Como siempre digo a mis clientes : el precio que se paga por el ataúd va en relación directa con el cariño que tenemos a nuestros difuntos…

JZ – Prefiero algo muy sencillo, total para…

IB – Ya veo… Quiere algo elegante y discreto… ¿Tiene idea del modelo?

JZ – (señalando el catálogo) ¿Por qué no este mismo?

IB – (decepcionado) Pino básico. Un modelo descatalogado y en promoción en estos momentos.

JZ – A 99 euros más IVA, ¿no es así?

IB – Así es, señor Zapatilla

JZ – Total, para quemarlo…

IB – Tiene usted razón. Con el de pino bastará. Está usted de suerte, tan sólo nos queda uno. Se trata de un modelo que tiene muy buena salida… Por lo que respecta a los adornos quiero proponerle…

JZ – Lo más básico

IB – O sea pino sin adornos. Perfecto. ¿Desea algo más?

JZ – Nada más, por el momento…

IB – Pues, tomo nota señor Zapatilla.

Entra María de los Dolores con los cafés. Le da una taza a cada uno

JZ – Gracias, señorita…

MD – María de los Dolores

JZ – Muy apropiado… Sí señor, muy apropiado…

El señor Zapatilla vacía la taza de un trago. Hace un gesto de desagrado. Inmundo lo prueba y lanza una mirada furiosa a M.D.

IB – (excusándose con José Luis) Quizá, demasiado concentrado… ¿No le parece señor Zapatilla

JZ – Sí… Posiblemente…

IB – Esto resucitaría a un muerto…

MD – ¿Le apetece una caricia, señor Diputado?

José Luis se acerca a ella, ilusionado

IB – María de las Angustias…

MD – ¡De los Dolores!

IB – Eso… María de los Dolores le propone degustar las caricias de mi mujer.

JZ – Si es su mujer la que hace las caricias, me abstengo.

MD – La abstinencia no está bien en un diputado.

IB – Creo que la señorita ha querido decir “abstención”

JZ – Si, pero es que todavía no soy diputado.

IB – Por cuanto a las caricias se refiere, es el nombre que le damos a las galletas que hace mi mujer…

JZ – Ya…

Suena el portátil de José Luis con un timbre estridente

JZ – Perdonen (descuelga) Si…? Ya han salido las primeras estimaciones de voto? Sí… Muy bien. Voy ahora mismo… No, la ceremonia será a las once… Sí, en una hora… Por supuesto en la más estricta intimidad… No quisiera que mi dolor sirviera para atraer la simpatía de los electores… Supongo que no habréis olvidado avisar a la prensa… Muy bien… Hasta ahora…

IB – ¿Cómo se presenta la campaña electoral, señor Zapatilla?

José Luis deja el móvil sobre la mesa de recepción y saca del bolsillo dos papeletas electorales.

JZ – Como usted sabe era mi mujer la que tenía que presentarse a las elecciones, pero a causa de esta gran tragedia…

IB – Le comprendo perfectamente…

MD – A veces se han contabilizado papeletas de difuntos.

IB – La verdad es que visto el absentismo en el Congreso de los Diputados, no creo que nadie se diera cuenta inmediatamente.

JZ – (entregando a ambos las papeletas) Tengan. Les dejo información sobre nuestro programa.

IB – ¿Pero tiene usted un programa? Pensé que sería… No… Nada…

JZ – La verdad es que no tengo experiencia alguna en política. Pero como el centro tiene tantos problemas para encontrar candidatos… Me doraron la píldora y les dejé hacer… Ahora, he de marcharme… Han surgido algunos problemillas…

MD – Con toda seguridad no será nada grave…

Inmundo la fusila con la mirada

JZ – Como no encontraba colaboradores tuve que contratar a la hija de mi asistenta y acaban de decirme que está detenida por robo…

IB – Si necesita una nueva colaboradora estoy dispuesta a ayudarle…

JZ – ¿Por qué no? Lo pienso y le digo algo…

IB – Le esperamos para la ceremonia, no vaya a olvidarse

JZ – Por supuesto…

José Luis sale. Inmundo se vuelve hacia M.D. con cara de reproche

IB – ¿Qué le había dicho?

MD – Sobre qué…

IB – ¡Que debía limitarse a contestar al teléfono!

MD – Tan sólo intentaba ser amable con los clientes…

IB – ¿Ha llegado ya la mercancía?

MD – Todavía no…

IB – Si tardan mucho vamos a quedarnos sin stock.

MD – Se me olvidaba decirle que he hecho ya la primera venta. ¿No le parece estupendo?

IB – (inquieto) Le dije que no tomara iniciativas por su cuenta…

MD – Doña Lita Barberó, la viuda del diputado, ha elegido el modelo de pino básico.

IB – ¿Pino básico?

MD – Ya sé que es el más barato… Pero, una venta es una venta.

IB – ¡Tan sólo nos queda uno y acabo de prometérselo al señor Zapatilla para su mujer!

Entra la señora Barberó

LITA BARBERÓ – ¡Señor Buitre…! Precisamente es a usted a quién quería ver.

IB – Buenos días doña Lita … La acompaño en el sentimiento por la muerte de su esposo. Estoy seguro que aprobaría su elección.

LB – Se refiere al ataúd, imagino… Ciertamente era un hombre muy cercano al pueblo; que tenía gustos muy sencillos.

IB – Hablando de su candidatura para sucederle en el Parlamento…

LB – Mi cabeza no está para políticas en este momento (aprovecha para entregar a ambos papeletas electorales) Han sido los electores de mi marido los que han insistido en que me presentara con el fin de salvar el escaño… Pero… hablemos de la ceremonia…

IB – ¿Quizá prefiere otro modelo más adecuado a su categoría? La verdad es que el pino básico para un diputado…

LB – No… El pino me parece perfecto…Sobre todo porque he decidido incinerarle y, claro…

IB – ¿Usted también?

LB – ¿Decía?

IB – Nada… Es una decisión que se toma con mucha frecuencia últimamente… Pero, ¿no le gustaría echar un vistazo al catálogo?

MD – (en plan comercial) Se trata de la nueva colección. Mirar no compromete a nada…

IB – (enseñándole el catálogo) El modelo Luis XVI en caoba… tiene treinta años de garantía…

La señora Barberó mira distraídamente el catálogo

LB – No, gracias

MD –¿No le parece demasiado IKEA el pino básico?

IB – Si se decide por un modelo de más calidad, estaríamos encantados de hacerle un pequeño descuento. Piénselo, por favor.

LB – Miren, no tengo tiempo para pensar. El pino básico será suficiente.

IB – Lo que ocurre es que…

LB – ¿Algún problema?

IB – Lo siento en el alma señora Barberó. Ese modelo se ha acabado.

LB – Pero su secretaria me dijo por teléfono hace un rato que…

IB – Tiene usted razón, pero mientras tanto yo le prometí el último ejemplar al señor Zapatilla…

LB – ¿Zapatilla? ¿Mi adversario en las elecciones?

IB – Se trata de un malentendido. Le pido que acepte mis excusas… Esta señorita es novata y, claro…

LB – A mí eso me trae sin cuidado…

IB – Puedo proponerle otro modelo… Le haría un buen descuento…

LB – Eso se lo ofrece usted al señor Zapatilla.

En ese instante vuelve José Luis

JZ – Me parece que he dejado el móvil por aquí… (sorprendido al ver allí a su adversaria) ¡Doña Lita Barberó…!

IB – Seguramente ya se conocen…

LB – Un poco… La señora Zapatilla fue la rival de mi marido en las últimas elecciones…

IB – Entonces se trata casi de algo familiar…

JZ – Aprovecho para presentarle mis condolencias, señora Barberó

IB – El señor Zapatilla es todo un caballero. Seguramente no dudará en renunciar a su favor…

JZ –¿Pero, qué está diciendo?

LB – Parece ser, señor Zapatilla, que no sólo somos rivales para el escaño en el Congreso de Diputados…

IB – Mi ayudante le prometió a la señora Barberó el último modelo de pino básico que quedaba…

MD – Eso no es tan grave… En política también se prometen muchas cosas que no se cumplen…

JZ – Seguramente encontraremos una solución amistosa… ¿No es así señor Buitre?

IB – Por supuesto… Precisamente la nueva colección está a punto de llegar…

Suena el teléfono. Contesta M.D.

MD – Pompas Fúnebres Inmundo Buitre a su servicio… No se retire. Se lo paso… (entregándole el teléfono a Inmundo) Es para usted…

IB – Perdonen… Será sólo un momento… Sí… ¡No puede ser! ¿Su transportista tiene la gripe? Me está tomando el pelo ¿verdad? ¿Cuándo? ¿Esta tarde? Ya no llegaremos a tiempo… Esto no va a quedar así, se lo aseguro!

Cuelga, consternado

JZ – Bueno, no perdamos el tiempo… Yo estoy dispuesto a cambiar de modelo, si eso satisface a la señora Barberó. ¿Qué es lo que puede ofrecerme?

IB – La verdad es que… acabo de enterarme que no llegarán los ataúdes hasta dentro de unas cuantas horas…

JZ – ¿Entonces?

IB – El de pino básico era el último en stock…

JZ – ¿El último? ¿Y eso qué quiere decir?

IB – Lo siento, en este momento no tengo ningún otro ataúd disponible… a menos que dejemos a la señora Zapatilla en el frigorífico… El problema es que ya está en el tanatorio rodeada de su familia…

MD – Una situación delicada…

Consternación generalizada

LB – ¡El funeral por mi marido será hoy a las 11 en punto!

JZ – También el de mi esposa.

IB – (Para sí mismo, destrozado) Un ataúd para dos… Sólo faltaba eso…

LB – ¿No estará pensando en meter a mi marido y a la mujer de este señor en la misma cajita.

JZ – Desde luego, no estaría bien visto

IB – Podríamos aplazar una de las dos ceremonias hasta mañana…

MD – No creo que a ellos les importe demasiado

LB – A ellos no, pero a mí sí…

JZ – ¿Aplazarlo? ¡Ni hablar! ¡La prensa que me apoya ya está avisada!

LB – La mía también… No hay razón alguna para deje el protagonismo a mi adversario…

IB – ¿Qué hacemos entonces?

JZ – No creo que a mi mujer le importe que la chamusquemos sin ataúd

IB – ¿Qué está usted diciendo?

JZ – El ataúd tan sólo es un vehículo para llegar a la cremación. Total, cuestión de pocos minutos.

MD – Tiene usted razón. Es poco ecológico el cargarse un montón de encinas para fabricar ataúdes y luego quemarlos.

JZ – Eso sin contar con el humo y el efecto invernadero.

MD – Se podría hacer como en la India, un montón de leña al borde del …. (aquí poner el nombre del río que pase donde se está representando la pieza)

LB – Seguro que eso les gustaría a los chicos de la prensa.

OSCURO

ACTO 2º

José y Lita acuden juntos a la ceremonia con cara de circunstancias. Él mira discretamente su reloj.

JZ – ¿Cuándo van a terminar las cremaciones?

LB – No tengo ni idea… Es por la falta de costumbre…

JZ – Tengo la extraña sensación de estar en una maternidad esperando el feliz acontecimiento.

LB – Sí. Resulta extraño…

JZ – ¿Sabe ya lo que va a hacer?

LB – ¿Respecto a qué?

JZ – Respecto a las cenizas de su marido… ¿Dónde piensa guardarlas?

LB – No tengo ni idea… (después de unos segundos) ¿Abultan mucho?

JZ – Tampoco lo sé… Por lo general las entregan en una urna

LB – ¿Una urna…?

JZ – Una urna funeraria, claro…

LB – Claro…

JZ – Resulta irónico que un diputado acabe en una urna…

LB – Y usted, ¿qué piensa hacer?

JZ – Desde luego no la pondré en mi dormitorio…

LB – Por supuesto…

JZ – Quizá esparciré las cenizas por la hierba, aunque no sé si es legal hacerlo.

LB – Me parece que sí… No creo que nadie haya acabado en la cárcel por algo tan sentimental…

JZ – Por otro lado saber que lo que queda de tu media naranja anda tirado por ahí, entre la caseta del perro y la barbacoa… resulta peculiar también… ¿No le parece?

LB – Pues sí, la verdad…

JZ – Es una decisión bastante difícil de tomar. Conviene pensárselo bien antes de hacer nada porque después, ya sería demasiado tarde…

LB – Se puede utilizar la aspiradora…

JZ – Lo que no sé es si estamos obligados a llevárnoslas…

LB – Creo que sí… Es como en la maternidad…

En ese momento entran en escena Edmundo Buitre y María de los Dolores, cada uno con una urna.

IB – ¿Dónde están la placas con los nombres?

MD – ¿Las placas…?

IB – Sí, las placas. Cada urna debería llevar la suya.

MD – Olvidé ponerlas…

IB – Coloqué un post-it en cada una con el nombre del difunto. Lo único que tenía que hacer era colocar la placa en su sitio correspondiente.

MD – De verdad que lo siento…

IB – ¿Tampoco recuerda en qué urna está el diputado?

Silencio embarazoso. Inmundo Buitre no tiene tiempo de reaccionar antes de que José Luis y Lita se acerquen a ellos con cara de circunstancias. Tras unos segundos de duda, Inmundo le entrega la urna a Lita y María de los Dolores a José Luis.

IB – Les dejamos solos para que recen por sus muertos…

Inmundo y M.D. se retiran. Inmundo está furioso. En un aparte.

IB – ¡A usted también deberían haberla incinerado!

MD – No se ponga así. Al fin y al cabo fui yo la que le sacó del apuro acudiendo a IKEA.

IB – ¡Un ataúd con las indicaciones para montarlo uno mismo! ¡No sé a dónde vamos a llegar!

MD – Al menos ellos los tenían en stock…

IB – Sí, pero hay que ver lo que cuesta hacer que todas las piezas encajen…

MD – Una vez terminado nadie puede decir si el ataúd es de Inmundo Buitre o de IKEA. La verdad es que no se ve la diferencia.

IB – El problema es que en estos momentos la señora Barberó puede estar llorando sobre las cenizas de la señora Zapatilla.

MD – Y el señor Zapatilla sobre las cenizas del señor Barberó.

Salen. Mientras, la señora Barberó y el señor Zapatilla parecen sumidos en sus pensamientos

JZ – Sólo somos polvo

LB – Que vuelve al polvo…

JZ – ¿Puedo preguntarle cómo murió su marido?

LB – Ahogado

JZ – ¿Ahogado?

LB – Adoraba la pesca. Debió caerse del barco. Encontraron el cuerpo seis semanas después…

JZ – ¿No sabía nadar?

LB – La verdad es que nunca le vi en el agua mientras estuvimos juntos

JZ – Es raro que no supiera nadar o al menos que no llevara un chaleco salvavidas…

Silencio embarazoso

LB – ¿Y su mujer?

JZ – Un accidente de carretera

LB – ¡Caramba!

JZ – En un paso a nivel peligroso… Su coche se quedó enganchado en medio de los raíles… No tuvo tiempo de arrancar…

LB – Si salgo elegida le prometo arreglar ese paso a nivel.

JZ – Gracias… Si salgo yo elegido, le prometo crear una ley para que todos los pescadores tengan la obligación de saber nadar…

Se quedan un rato en silencio, contemplando las urnas.

LB – ¡Pensar que eran enemigos en las últimas elecciones… ¡ Y, ahora, mírelos… cada uno en su urna.

JZ – ¡Qué pena! ¡Los pobres no han podido ver realizadas sus expectativas políticas!

LB – Desde luego…

JZ – Es de esperar que nosotros no acabemos así…

LB – Al menos no inmediatamente…

JZ – A propósito… ¿Le han informado de los últimos sondeos?

LB – Sí… Claro…

JZ – Creo que estamos a la par…

LB – Más bien me parece que yo voy por delante… Mi marido puede descansar en paz…

JZ – Se dice que, en las últimas elecciones, sus partidarios metieron mano en las urnas

Vuelven Inmundo y M.D.

IB – Parece que simpatizan…

MD – Estos acaban en boda, sino… al tiempo… (Inmundo le lanza una mirada reprobadora) … Los dos son viudos, ¿no?

José Luis y Lita se dan cuenta de su presencia

JZ – Nos tenemos que marchar…

IB – No tengan prisa… Pueden tomarse todo el tiempo que quieran.

MD – En esta casa siempre serán bienvenidos…

Inmundo le lanza otra mirada furiosa

JZ – Si quiere puedo acompañarla …

LB – No sé si debo…

JZ – Tiene usted razón… Perdóneme… Podría resultar… embarazoso…

MD se acerca a la señora Barberó.

MD – Permita que la ayude… Parece que no, pero esta urna pesa lo suyo…

LB – No se preocupe, puedo llevarla yo misma…

MD hace un gesto torpe en su intento de hacerse con la urna y choca con la de José Luis, que cae al suelo, esparciéndose las cenizas. Inmundo observa la escena fuera de sí.

LB – ¡Dios mío!

IB – Esto es una pesadilla…

MD – Lo siento muchísimo… Enseguida lo soluciono.

IB – No, por favor, no toque nada… Yo me ocuparé.

Inmundo desaparece

MD – Es la primera vez que me pasa algo así, se lo puedo asegurar.

Vuelve Inmundo envuelto en un delantal de fantasía, con una escoba y un recogedor

IB – En un momento lo arreglo

Los tres le miran consternados mientras empuja las cenizas hacia el recogedor con la intención de devolverlas a su urna pero, se equivoca de recipiente.

JZ – ¡Ahí no…! ¡Ese es el marido de la señora!

IB – No se preocupen. (Inmundo devuelve las cenizas a su urna) Ahora, ya está todo en orden.

MD se agacha y recoge algo del suelo

MD – ¿Qué es esto?

IB – (disculpándose) Ocurre que, a veces quedan restos de plomo…

MD – En efecto… Se trata de una bala de plomo… Y de gran calibre…

Consternación general.

IB – (examinando la bala) ¿Su mujer murió en un accidente de caza?

JZ – No… Ya le dije que fue un accidente provocado por la vacuna…

MD – Pues esto más bien parece un supositorio que una vacuna…

IB – Además, hay perdigones…

MD – ¿Acaso confundió usted a su mujer con un jabalí? Si esto llega a oídos de la prensa adiós a su candidatura.

José Luis coge la bala y la mira.

JZ – (como disculpándose) Les aseguro que no tengo nada que ver…

Silencio embarazoso

MD – Perdonen… pero lo cierto es que no estoy segura de que estas sean las cenizas de su mujer

JZ – No me diga

MD – Debo confesar que cambié las placas…

IB – La señorita quiere decir que, posiblemente este artefacto provenga de la urna del señor diputado.

José Luis dirige su mirada a Lita, que parece totalmente consternada.

JZ – O sea que…

LB – Puedo explicarlo todo…

JZ – (asombrado) Entonces es verdad que…

LB – (dirigiéndose a Inmundo y MD) Por favor, pueden dejarnos solos un momento.

Inmundo y MD desaparecen discretamente

JZ – Creo que me debe una explicación

Lita intenta coger la bala.

JZ – No tan deprisa…

Lita está descompuesta

LB – De acuerdo… Yo le maté…

JZ – ¿Usted?

LB – Mi esposo no murió ahogado.

JZ – Le asesinó e hizo creer a todos que se trataba de un accidente…

LB – Pues sí…

JZ – Pero ¿por qué?

LB – Para que no me metieran en chirona, claro está.

JZ – No, si lo que quiero saber es por qué le ha matado.

LB – No me diga que usted no sabía nada.

JZ – ¿Qué es lo que tenía que saber?

LB – Mi marido me engañaba.

JZ – Y por qué iba yo a saber una cosa así.

LB – ¡Porque me engañaba con su mujer…¡ ¿De verdad no lo sabía?

JZ – (consternado) No tenía ni la menor idea…

LB – Maté a mi marido con su fusil de caza y me las arreglé para que pareciera un accidente de pesca…

JZ – ¡Vaya lío!

LB – Al principio todo parecía ir bien… hasta que el cuerpo decidió salir a la superficie…

JZ – Por desgracia, el pasado siempre vuelve…

LB – Pensé que, al elegir la cremación, todo se habría acabado… Pero, aparentemente, la bala no se fundió con el calor.

JZ – ¿Acaso no le hicieron la autopsia?

LB – El médico de casa fue quien autorizó su entierro. Es bastante mayor y un tanto miope. No pudo fijarse demasiado.

JZ – Ya veo… Pero para mí no queda claro que se trate de un crimen pasional… Más bien creo que usted asesinó a su marido para quedarse con su escaño.

LB – Si me presento a las elecciones es sobre todo para ser aforada si se descubriera el crimen.

JZ – Una especie de seguro a todo riesgo ¿no es así?

LB – ¿Va a denunciarme?

JZ – Eso depende de usted (mostrándole la bala) Yo soy el único que está al corriente de todo.

Lita se le acerca con aire lascivo

LB – Puede hacer conmigo lo que quiera… Me convertiré en su objeto sexual

En sus avances, Lita vuelca también la urna de José Luis, cuyo contenido se esparce por el suelo.

JZ – Lo primero es que renuncie a mi favor

OSCURO

ACTO 3º

Inmundo está en la recepción. Llega MD.

MD – Buenos días…!

IB – Vamos haciendo progresos… Tan sólo media hora de retraso… ¿Hoy no se ha dormido en el autobús?

MD – Sí…Pero me desperté antes del final de trayecto… Me ha echado de menos, ¿a que sí?

IB – Mmm

MD – ¿Cómo va el negocio, señor Buitre?

IB – Más bien tranquilo en este momento, después de la semanita que hemos pasado.

MD se quita el abrigo. Se fija en los paneles electorales

MD – ¿Sabe que, finalmente, ganó el centrista?

IB – La señora Barberó se retiró…

MD – Sí, pero figura como su suplente… Ya le dije que esto acabaría en boda

IB – Es usted muy perspicaz.

MD – ¿Ha venido su mujer?

IB – Está ahí al lado.

MD – (decepcionada) Entonces ya no me necesita…

IB – Está aquí, pero de cuerpo presente. Finalmente cogió la gripe.

MD –¡No sabe cuánto lo siento! ¡Mi más sentido pésame, señor Buitre!

IB – Gracias.

MD – ¿Cuándo ocurrió el óbito?

IB – Esta noche. Finalmente debería haberla dejado que se vacunara.

MD – Al menos tendrá un entierro digno.

IB – Eso sí…

MD – Ahora podrá probarla cuánto la amaba. Como usted siempre dice: en el precio del ataúd es donde se ve cuánto queríamos a nuestros difuntos… ¿Qué modelo ha elegido?

IB – Pino básico…

MD – Ah… sí… la madera natural es mucho más cálida.

IB – Muy calorífica. Finalmente también he optado por la incineración.

MD – Es lógico

IB – Ahora tendré que buscar quien la reemplace…

MD – ¿Reemplazarla?

IB – Sí, aquí en el negocio.

MD – Pues esa tengo que ser yo… Entonces ¿me hará un contrato definitivo?

IB – En todo caso, puedo hacerle un contrato de prueba. Claro que… quedará libre el puesto de tanatopráctico.

MD – ¿Tanatopráctico?

IB – Mi especialidad es más bien la reconstrucción. Es algo así como hacer un puzzle… en muchas ocasiones sin todas las piezas…

MD – Como con la señora Mortem… La verdad es que fue parecía un milagro.

IB – Ni que lo diga… Cuando me la trajeron, después de que su coche fuera arrastrado por el tren, estaba bien machacadita, la pobre.

MD – Sí, pobrecilla.

IB – Resumiendo, mi mujer es la que se ocupaba de darles el toque final. Ahora que no está… quizá podría usted ocuparse de rematar la faena

MD – No sé qué decirle…

IB – No es muy complicado; algo así como un maquillaje de estética, con la ventaja de que el cliente no se mueve y siempre queda contento.

MD – Podría intentarlo…

IB – Además se trata de un oficio lleno de sorpresas. Como ha podido comprobar aquí nunca nos aburrimos.

MD – Incluso nos podemos codear con la JET

IB – Porque un día u otro, pobre o rico, famoso o anónimo, todos pasan por nuestras manos.

MD empieza a barrer

MD – ¿Piensa hacer algo con lo de la bala que encontramos en la urna del diputado?

IB – No somos policías… Además nos debemos al secreto profesional. En este oficio, por fuerza, se entra en la intimidad de las familias.

MD – Eso sí…

IB – No se puede hacer una idea de lo que llegamos a encontrar en los bolsillos de los difuntos… Una vez, incluso, una quiniela con 12 aciertos.

MD – La viuda se pondría contenta

IB – Opté por no decirle nada. Me pareció que estaba fuera de lugar.

MD – Tiene razón.

IB – Con ese dinero compré la cafetera Express… Hablando de cafetera ¿le apetece un café?

MD – Por qué no…

Inmundo desparece un instante para buscar el café

IB (en off) – Sin ir más lejos, la semana pasada encontré unas tijeras dentro de un cadáver.

MD – ¿También le habían asesinado?

IB – No. Se trataba de tijeras de cirujano. Acababan de operarla de apendicitis… Murió en la operación…

MD – Cuando pueda me da el nombre de la clínica, para no acercarme por allí…

Vuelve inmundo con el café.

MD – Le estoy muy agradecida por confiar en mí. Le aseguro que no le defraudaré.

IB – No lo tengo tan claro; ya conozco alguno de sus “talentos…”

MD encuentra algo extraño entre la basura que está a punto de recoger.

MD – ¿Qué puede ser esto?

Se aproxima Inmundo, lo toma y lo observa

IB – ¡Otra bala!

MD – (dándose aires de experta) Por lo tanto hay un cómplice en el asesinato del señor Barberó… ¡Más que un asesinato esto parece un fusilamiento!

IB – Usted ve demasiado la tele, María de los Dolores… Se trataba de un diputado. Cierto es que no era un Kennedy… (reflexionando también) ¿Y si esta bala viene de la segunda urna?

MD – ¡Bravo inspector…! ¿Piensa usted que el señor Zapatilla ha podido también cargarse a su mujer?

IB – Entra dentro de lo posible…

MD – Pero, ¿por qué?

IB – ¡Los celos! ¿Recuerda lo que se decía de la señora Zapatilla?

MD – No, la verdad…

IB – Pues que tenía infinidad de amantes.

MD – También podría haber matado a su mujer para sensibilizar a sus electores y así tener más posibilidades de salir elegido.

IB – ¡Vaya usted a saber!

MD – En cualquier caso ahora goza de inmunidad parlamentaria…

Inmundo mira hacia la ventana.

IB – Hablando del rey de Roma…

José Luis y Lita entran en la tienda.

MD – El negocio sigue en marcha…

IB – Señor Zapatilla, señora Barberó, ¿qué les trae por aquí? ¿Otra muerte en la familia?

JZ – No, nada de eso…

IB – En todo caso su visita me da la oportunidad de felicitarle por su elección, señor Zapatilla.

JZ – Gracias, Inmundo.

MD – (A Lita) Usted se habrá quedado chafada.

LB – Por lo menos soy suplente… Lo que significa que si le ocurriera algo al señor Zapatilla, su escaño de diputado pasaría a mí de oficio. Por eso no me aparto de él ni un ápice.

MD – Pues tenga cuidado porque hay balas perdidas que llegan hasta quienes han ido a pescar.

IB – O cuando se espera tranquilamente ante un paso a nivel.

Lita mira de soslayo a José Luis que prefiere cambiar de asunto

JZ – Estamos aquí para darle el pésame, señor Buitre.

IB – ¿Por…?

JZ – ¿No se ha muerto su esposa?

IB – ¡Es verdad! Perdonen, estoy tan traumatizado…

JZ – En todo caso, la vida sigue…

LB – También queríamos anunciarle un feliz acontecimiento.

MD – ¿Esperan un bebé?

LB – Todavía no…

JZ – Lita y yo nos vamos a casar.

LB – Con separación de bienes, claro…

Se escucha el avisador de un horno que ha terminado de cocer.

LB – ¿Estaba usted cocinando? Mejor será que eche un vistazo… Parece como si algo se quemara.

IB – Ah… Sí… Mi mujer…

JZ – ¿Su mujer?

IB – Mejor dicho… Sus cenizas

LB – Ya…

IB – María de los Dolores le importaría ir a ver qué ocurre? No soy capaz de ocuparme de ese asunto en estos momentos.

MD – Por supuesto, señor Buitre.

JZ – Nosotros tenemos que marcharnos…

LB – Hemos venido tan sólo por lo de la corona

IB – ¿Una corona? ¿Para la boda?

LB –No, para el funeral de su esposa.

JZ – En nombre del señor Diputado

LB – Y de su suplente.

JZ – Puede elegirla usted mismo… Y, luego manda la factura a la cuenta del Congreso.

IB – Muchísimas gracias señor Diputado, señora Suplente. Puedo asegurarles que me ha tocado profundamente su detalle en un momento tan delicado para mí.

LB – Hasta pronto, señor Buitre

JZ – (con un apretón de manos) Inmundo…

Salen             José Luis y Lita. Entra MD

MD – ¿Ya se han ido?

IB – Tenía usted razón… Finalmente se van a casar…

Samanta mira por la ventana.

MD – ¡Se les ve tan bien juntos! Era algo evidente.

IB – Creo que nosotros tampoco hacemos mala pareja.

MD – ¿Usted cree?

IB – Además, ahora soy viudo.

MD – A propósito… Mire lo que he encontrado entre las cenizas de la señora Buitre…(le enseña una tercera bala) Pensé que su mujer había muerto de gripe.

IB – Ya le dije que la gripe venía muy virulenta este año…

OSCURO

Este texto está protegido por las leyes relativas al derecho de propiedad intelectual. Toda copia es susceptible de una condena, hasta de 300 000 euros y 3 años de prisión.

París – Marzo de 2016

© La Comédi@thèque – ISBN 979-10-90908-08-6

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