.

Mal au cœur

Le patron est derrière le comptoir. L’homme (ou la femme) arrive, la tête ailleurs.

Patron – Qu’est-ce que je vous sers ?

L’autre – Je ne sais pas… Ce que vous voulez…

Patron – Ce que je veux ? Vous êtes sûr ?

L’autre – Au point où j’en suis… Qu’est-ce que je risque ? Surprenez-moi…

Patron – Alors je vous sers un Viandox. Vous avez le teint cireux, ça vous fera du bien.

Il lui prépare son Viandox.

L’autre – Un Viandox ? Ça existe encore ?

Patron – Je vous avoue que je n’en vends pas très souvent… et que je ne compte pas en recommander.

L’autre – À supposer qu’ils en fabriquent encore. Il n’a pas dépassé la date limite de péremption, au moins ?

Patron – Vous m’avez dit « ce que vous voulez », il faudrait savoir ! Alors vous le prenez ou pas, ce Viandox !

L’autre – Si je peux vous aider à liquider votre stock...

Le patron lui sert son Viandox.

Patron – Ça n’a pas l’air d’aller bien fort…

L’autre – Non… Je cherche un cœur disponible.

Patron – On en est tous là, vous savez… À partir d’un certain âge… il y a plus de demandes que d’offres.

L’autre – Vous ne croyez pas si bien dire.

Patron – Vous êtes veuf ?

L’autre – C’est ma femme qui le sera bientôt… si je ne trouve pas rapidement quelqu’un pour me donner son cœur.

Patron – Je ne suis pas sûr de vous suivre…

L’autre – Je sors de l’hôpital. J’attends une greffe. Pour l’instant, il n’y a pas de donneur.

Patron – Un donneur ? Ah oui…

L’autre – Évidemment, on ne donne pas son cœur comme on donne son sang. Il faut que le donneur soit mort, et que toutes les conditions soient réunies.

Patron – Je vois…

L’autre – Que le donneur soit encore jeune, donc qu’il soit plutôt mort dans un accident. Que le cœur soit en bon état. Que la famille soit d’accord.

Il s’apprête à boire.

Patron – Vous êtes sûr que vous voulez boire ça ?

L’autre – Il faut bien mourir de quelque chose…

Il goûte son Viandox, et fait la grimace.

Patron – Alors ?

L’autre – Ah oui, il vaut mieux avoir le cœur bien accroché… Vous n’en avez jamais bu ?

Patron – J’attendais de voir l’effet que ça faisait sur un cobaye.

L’autre – Si je suis encore vivant demain matin, je viendrai vous le dire.

Patron – Si j’avais su, je vous aurais servi autre chose. Vous auriez dû me le dire, maintenant je vais m’inquiéter.

L’autre – Je me demande si ce ne serait pas plus simple comme ça. Je vois déjà ma photo à la page faits divers : désespéré de ne pas trouver un cœur compatible avec le sien, il met fin à ses jours en avalant un Viandox périmé depuis… (regardant l’étiquette de la bouteille vide) 1984 !

Patron – Ah oui, quand même… Remarquez, on est sur un grand millésime… Allez, il ne faut pas désespérer. Un accident est si vite arrivé.

L’autre – Un accident ?

Patron – Pour votre donneur ! La rue en face est très dangereuse. Avec tous ces poids lourds. Il y a un projet de rond point, mais bon… Presque tous les mois, un piéton se fait renverser sur le passage clouté. Et comme l’hôpital est juste en face…

L’autre – Merci… Ça m’a remonté le moral de discuter un peu avec vous…

Patron – C’est la vie… La roue tourne… Le malheur des uns…

L’autre – Je crois que je ne vais pas le finir, ce Viandox, finalement. Je vous dois combien ?

Patron – C’est pour moi. Vous voulez autre chose ? Pour faire passer le goût du Viandox. Un bloody mary ? C’est très reconstituant aussi. Ou alors un Fernet-Branca ?

L’autre – C’est très tentant mais… merci, ça ira.

Patron – Bon, alors à une prochaine fois…

L’autre – Qui sait ?

Il se lève pour partir.

Patron – Faites attention en traversant la route.

L’autre – Merci pour le Viandox.

Il sort. L’autre prend la tasse et hume le fumet qui en sort. Il retrousse le nez avec un air dégoûté.

Patron – Ah oui, quand même…

On entend un bruit de freinage suivi d’un fracas de tôles froissées. Il lève la tête, et jette un regard vers le quatrième mur, figurant la vitrine du café donnant sur la rue.

Patron – Ah oui, quand même…

À cœurs ouverts

Mal au cœur Lire la suite »

Don du cœur

Le patron attend derrière son comptoir, désœuvré. Un homme et une femme arrivent.

Elle – Salut Marcel.

Le patron répond d’un hochement de tête. Ils s’asseyent à une table. Le patron arrive pour prendre la commande.

Patron – Qu’est-ce que je vous sers ?

Elle – Comme d’habitude.

Patron – Et vous ?

Lui – Pareil.

Patron – Pareil que la petite dame ou pareil que d’habitude ?

Lui – Pardon ?

Patron – Je ne sais pas ce que vous prenez d’habitude, moi !

Lui – Je viens pourtant tous les matins, comme elle.

Patron – C’est comme ça. Il y a des têtes dont je me souviens, et d’autres que je préfère oublier…

Lui – Disons pareil qu’elle, alors.

Patron – Et deux cafés…

Le patron s’éloigne.

Lui – Toujours aussi aimable…

Elle – Il faut savoir le prendre.

Lui – Quel con.

Elle – Tu sais comment il s’appelle, ce con ?

Lui – Non.

Elle – Marcel.

Lui – Vous avez l’air très intimes… ce con de Marcel et toi.

Elle – Je viens tous les jours prendre un café avant d’aller bosser…

Lui – Moi aussi… Mais moi, il fait mine de ne pas me connaître.

Elle – Tu es jaloux ?

Lui – C’est peut-être lui qui est jaloux… Tu le connais si bien que ça ?

Elle – On ne s’est jamais vraiment parlé.

Lui – Comment tu sais qu’il s’appelle Marcel

Elle – Je ne sais pas… Tout le monde le sait… En tout cas, tout le monde l’appelle Marcel, et il ne s’est jamais plaint.

Un temps.

Lui – Ça va ?

Elle – Oui.

Lui – Qu’est-ce que tu as envie de faire ?

Elle – Je ne sais pas…

Lui – Il fait beau… On ne va pas aller s’enfermer dans une salle de ciné. On se balade un peu ?

Elle – Comme tu veux.

Lui – Cache ta joie… Il y a quelque chose qui te préoccupe ?

Elle – Non… Pas spécialement.

Lui – Je ne sais pas moi… Quelque chose dont tu voudrais me parler.

Un temps.

Elle – OK… S’il m’arrive quelque chose un jour, je veux donner mes organes.

Il reste un instant interloqué.

Lui – À qui

Elle – Je ne sais pas ! Pour quelqu’un qui en aurait besoin.

Lui – Besoin…?

Elle – Tu le fais exprès ou quoi ? Une transplantation !

Lui – Ah oui… Très bien…

Elle – J’ai ma carte de donneur sur moi, mais au cas où…

Lui – D’accord.

Elle – Il faut bien que je le dise à quelqu’un. Parce que quand on n’est plus en état de parler…

Lui – OK.

Elle – Et si je suis en état de mort cérébrale, je ne veux surtout pas qu’on me maintienne en vie artificiellement.

Lui – Pas de problème… Mais tu sais, on n’est pas encore mariés. Je ne suis même pas sûr que j’aurais mon mot à dire. Ce serait sûrement à tes parents de prendre la décision.

Elle – Ils sont morts.

Lui – Ah oui, c’est vrai… À tes frères et sœurs, alors.

Elle – Je suis fâchée avec toute ma famille.

Lui – Bon… On n’a plus qu’à se marier, alors. Pour que je puisse disposer moi-même de tous tes organes.

Elle – C’est une demande en mariage ? Parce que ce serait sans doute la plus originale de toute l’histoire des demandes en mariage.

Lui – Tu veux bien m’épouser ?

Elle – Oui… (Un temps) Et toi ?

Lui – Ben oui, puisque je viens de te demander ta main… Enfin, ta main, ton cœur, tes poumons, ton foie, et tout le reste…

Elle – Non, je veux dire, et toi, s’il t’arrivait quelque chose. Maintenant que je vais pouvoir disposer de tous tes organes, moi aussi.

Lui – Ah oui… Là on nage en plein romantisme…

Elle – Alors ?

Lui – Je ne sais pas… Je n’y ai pas vraiment réfléchi… Je ne donne déjà pas mon sang… sauf à quelques moustiques.

Elle – Tu as tort.

Lui – Si en mourant, je pouvais te léguer mon cœur pour te sauver la vie, je le ferai sûrement. Mais alors donner mon cœur à un inconnu… C’est vrai, tu peux toujours tomber sur un con. Les cons aussi ont des problèmes cardiaques. Moins que les autres, d’accord, mais ils en ont…

Le patron arrive.

Patron – Et deux cafés… (S’adressant à l’homme) Je peux encaisser tout de suite ?

L’homme sort quelques pièces qu’il pose sur la table. Le patron s’en saisit, et repart sans un mot.

Lui – Imagine que je meurs et que ce connard ait besoin d’une transplantation. Franchement, ça me ferait bien chier de lui donner mon cœur.

Elle – C’est un risque à courir.

Lui – Bon… Si ça te fait plaisir, je prendrai ma carte, moi aussi…

Elle – Oui, ça me fait plaisir. Et maintenant, j’ai envie d’aller me balader en forêt avec toi.

Lui – En forêt ?

Elle se lève.

Elle – On y va ?

Lui – Je peux boire mon café d’abord ?

Elle – D’accord, mais dépêche-toi.

Il s’apprête à avaler son café.

À cœurs ouverts

Don du cœur Lire la suite »

Haut-le-cœur

Le patron ramasse des verres sur le comptoir et les plonge dans un évier qu’on ne voit pas. Un homme et une femme arrivent. L’homme jette un regard suspicieux et un peu dégoûté vers le bar. Ils s’asseyent à une table.

Lui – C’est vraiment crado. Je me demande pourquoi je continue à venir ici.

Elle – C’est le seul bistrot en face de l’hôpital…

Lui – Quand tu vois les normes d’hygiène qu’on nous impose dans notre boulot… Un patient attrape une maladie nosocomiale dans ton service, même un rhume, il te fait un procès. Ensuite il vient prendre son petit ballon de rouge ici dans un verre à peine rincé entre deux clients, dont l’un a peut-être une hépatite et l’autre le virus Ebola.

Elle – Ouais…

Lui – Tu as vu ça ? La vaisselle sale baigne dans l’évier du matin au soir. Je ne te raconte pas le bouillon de culture… À la fin de la journée, tu as partagé tes microbes avec la moitié de la ville. Maladies nosocomiales, tu parles. Et une maladie que t’attrape dans un bistrot, comment ça s’appelle ?

Elle – Une cirrhose du foie ?

Le patron s’approche.

Patron – Et pour ces messieurs-dames, qu’est-ce que ce sera ?

Lui – Je ne sais pas… Un jus de tomate.

Elle – Un café.

Le patron s’éloigne.

Lui – Je ne sais pas pourquoi je prends du jus de tomate, j’ai horreur de ça.

Elle – On ne sait plus quoi prendre, à force.

Lui – Les sodas, c’est tellement sucré. J’aurais dû prendre un jus de fruits.

Elle – Il est encore temps…

Lui – Je ne sais pas… Tu as vu la gueule du patron Il n’a pas l’air aimable.

Elle – Tu veux que j’y aille ?

Lui – Trop tard, il vient de déboucher la bouteille. C’est tout moi, ça. Je vais devoir m’enfiler un jus de tomate alors que j’ai horreur de ça. En plus, la tomate, ça me donne des brûlures d’estomac. Pas toi ?

Elle – Non.

Lui – Tant pis, je ne le boirai pas…

Elle (pour changer de sujet) – Qu’est-ce que tu fais cet été ?

Lui – Je ne sais pas encore… J’irai sans doute passer une semaine ou deux chez mes parents, comme tous les ans.

Elle – Tu es très lié avec tes parents, alors.

Lui – Pas spécialement. Ils sont chiants, mais ils ont une villa avec piscine près d’Antibes.

Elle – Quand on est chiants, si on veut encore voir ses enfants après qu’ils ont quitté la maison, il faut investir dans une piscine. Tu devrais y penser pour les tiens, le moment venu…

Lui – Ouais… Sauf si je n’ai pas envie de les voir trop souvent.

Elle – Et à part ça, ça va ?

Lui – Oui, enfin… ma femme a encore invité les voisins à dîner.

Elle – Et alors ?

Lui – Ce n’est pas qu’ils ne sont pas sympas, mais… ils sont un peu chiants, eux-aussi…

Elle – Pourquoi elle les a invités ?

Lui – On vient d’arriver dans le quartier. Ils ont eu la gentillesse de nous inviter chez eux pour faire connaissance. Du coup on s’est sentis obligés de leur rendre l’invitation. Je crains que ça devienne une habitude, tu vois ?

Elle – Je vois très bien.

Lui – Maintenant qu’on a mis le doigt dans l’engrenage…

Elle – J’ai peut-être une solution.

Lui – Une solution

Elle – Pour être sûr qu’ils ne reviendront jamais bouffer chez toi.

Lui – Comment ça ?

Elle – Il m’est arrivé la même chose il y a quelques années, quand j’ai acheté la maison.

Lui – Et alors ?

Elle – Les voisins nous invitent. Des enseignants, tu vois. Abonnés à Télérama, meublés par la CAMIF. De gauche, évidemment. Écolos tendance végétariens mais qui mangent quand même de la viande de temps en temps si elle est bio.

Lui – Je vois très bien. Gentils, mais totalement assommants. Et comment tu as fait pour t’en défaire ?

Elle – Quand on leur a rendu l’invitation, je leur ai servi un plat un peu spécial.

Lui – Spécial

Elle – Un cœur.

Lui – Un cœur ? Comment ça un cœur ?

Elle – Un cœur de bœuf. Direct. Juste avec une salade.

Lui – Un cœur de bœuf ? Je ne savais même pas que ça se mangeait… Où est-ce que tu as trouvé ça ?

Elle – À la boucherie du coin.

Lui – Je ne savais pas que ça se vendait.

Elle – Ah non, mais il ne me l’a pas vendu. Il me l’a donné.

Lui – Non ? Et ils en ont bouffé ?

Elle – Ce sont des gens polis, tu comprends. Je t’ai dit, des enseignants, tu vois. Alors tolérance, respect de la différence, ils n’ont pas osé moufter, tu penses bien. Genre je respecte les coutumes de chacun, même si elles sont différentes des miennes, et je fais un effort pour partager quelque chose avec eux, même si ce n’est pas exactement mes valeurs. Ils se sont pincés le nez, et ils ont tout bouffé.

Lui – Et après ?

Elle – On ne les a jamais revus.

Lui – Jamais ?

Elle – On se croise de temps en temps, évidemment, on est voisins. Mais ils n’ont plus osé nous réinviter, de peur qu’on leur rende l’invitation, et qu’on leur serve un truc encore pire que la dernière fois… On les a totalement traumatisés, je te dis.

Lui – C’est dingue…

Elle – Ah, non, tu aurais dû voir leurs têtes quand j’ai posé ça sur la table… J’aurais dû prendre une photo. D’ailleurs je crois que je l’ai fait…

Lui – Merde… Mais du coup, tu as dû en bouffer aussi.

Elle – Il faut savoir ce qu’on veut, mon vieux. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Mais après, tu es tranquille pour le restant de ta vie.

Lui – D’accord… Ouais, je ne sais pas trop… Je vais en parler à ma femme…

Elle – Surtout pas, malheureux !

Lui – Pourquoi ça ?

Elle – Elle ne serait pas d’accord, évidemment !

Lui – Oui… Il y a des chances.

Elle – Non, tu lui fais la surprise. Tu lui dis, ce soir, c’est moi qui cuisine, chérie.

Lui – Ah oui, rien que ça, ça va la surprendre, c’est sûr…

Elle se lève.

Elle – Bon allez, il faut que je te laisse.

Lui – OK.

Elle – Tu me raconteras ta soirée, promis ?

Lui – Attends, il ne m’a même pas encore servi mon jus de tomate…

Elle – Tu verras, ça marche à tous les coups. Si tu ne veux plus jamais les avoir à dîner sans te fâcher avec eux, c’est la seule solution, je t’assure… Il y a une boucherie juste en face.

Lui – Merci du conseil ! Tu as raison, je vais faire ça…

Elle – Quand on peut aider…

Elle sort.

À cœurs ouverts

Haut-le-cœur Lire la suite »

Gros sur le cœur

Le patron passe un coup de chiffon sur son comptoir. Un couple arrive et s’assied à une table.

Lui – Tu es sûre que c’est une bonne idée ?

Elle – Quoi ?

Lui – De prendre un dernier verre ensemble.

Elle – On a été mariés pendant dix ans. On ne va pas se quitter comme ça, dans le bureau d’un juge. Ce serait trop triste.

Lui – Oui…

Le patron arrive.

Patron – Et pour ces messieurs-dames ?

Elle – Qu’est-ce que tu prends ?

Lui – Je ne sais… (Ironique) Champagne ?

Elle – Pourquoi pas…?

Lui – Alors deux coupes, s’il vous plaît.

Patron – Désolé, je n’ai que de la blanquette de Limoux. Pour les kirs. Vous savez, ici, on est en face d’un hôpital, on n’a pas souvent l’occasion de faire péter la Veuve Clicquot.

Lui – Bon… Alors un café.

Elle – Moi aussi.

Patron – Et deux expressos.

Le patron s’éloigne.

Elle – Alors ça y est… Cette fois, c’est vraiment fini ?

Lui – C’est ce qu’on voulait, non ?

Elle – Bien sûr. Ça n’empêche pas…

Lui – Tu ne regrettes pas ?

Elle – Un divorce, c’est toujours un échec. Je regrette que ça n’ait pas marché.

Lui – Moi aussi…

Un temps.

Elle – En même temps, c’est toi qui m’as trompée.

Lui – Oui…

Elle – Excuse-moi, je ne voulais pas revenir là-dessus… On est divorcés, tu n’as plus de comptes à me rendre.

Lui – Non… (Un temps) Et toi, tu ne m’as jamais trompé ? Tu peux me le dire, maintenant.

Elle – Non.

Lui – Un simple dérapage sans lendemain ?

Elle – Non.

Lui – Un petit baiser furtif, un soir, après quelques verres de trop ?

Elle – Non.

Lui – Non, bien sûr… Tu es tellement parfaite…

Elle – Je crois comprendre que dans ta bouche, ce n’est pas un compliment…

Le patron rapporte les deux cafés.

Patron – Et voilà…

Elle – Merci.

Le patron repart.

Lui – Je peux te demander quelque chose ? Maintenant que c’est fini, de toute façon…

Elle – Encore ?

Lui – Pour l’instant, tu n’as rien avoué…

Elle – Si c’est un interrogatoire, alors… Vas-y, je t’écoute…

Lui – Est-ce qu’au moins une fois, pendant toutes ces années qu’on a passées ensemble, tu m’as menti ?

Elle – Menti ?

Lui – Même par omission. Quelque chose d’important que tu m’aurais caché. Quelque chose dont tu ne serais pas fière, évidemment. Sinon, ça n’a aucun intérêt…

Elle – Pourquoi tu me demandes ça, maintenant ?

Lui – Je ne sais pas… Savoir que finalement, tu n’étais pas si parfaite… Ça m’aiderait à faire mon deuil.

Elle – Je ne suis pas morte tout de même.

Lui – Je veux dire le deuil de notre relation. De notre amour, si je peux me permettre.

Elle – Tu peux.

Lui – Alors ?

Elle – Si ça peut t’aider…

Lui – Je t’écoute.

Elle – Ce n’est pas si facile…

Lui – Ne me dis pas que tu as l’embarras du choix.

Elle – Non, justement. Je réfléchis…

Lui – J’ai tout mon temps.

Elle – Tu te souviens de notre première voiture ?

Lui – Oui.

Elle – Un matin, on l’a retrouvée dans la rue avec une aile complètement enfoncée.

Lui – Oui.

Elle – Évidemment, personne n’avait laissé de mot pour le constat.

Lui – Non.

Elle – C’était moi. J’avais embouti le pilier du portail en sortant en marche arrière. La voiture était neuve, je n’ai pas osé te le dire. J’avais tellement honte. J’ai garé la voiture dans la rue, et je n’ai rien dit.

Lui – Je sais.

Elle – Tu sais ?

Lui – Il y avait la trace de la peinture sur le pilier du portail. Elle doit y être encore.

Elle – Et tu n’as rien dit ?

Lui – Tu avais l’air d’y tenir tellement à ce mensonge… Qu’est-ce que ça aurait changé ?

Elle – Rien, probablement. Mais pourquoi n’avoir rien dit ?

Lui – Tu bousilles notre voiture toute neuve. Tu mens de façon totalement pathétique. Je ne suis pas flic. Qu’est-ce que j’aurais pu dire ?

Elle – Je ne sais pas. Tu aurais pu… marquer un point.

Lui – Ce n’est pas comme ça que je voyais notre couple. C’était tellement enfantin, ce mensonge. Presqu’attendrissant. Je me suis dit que ça devait être important pour toi. J’ai préféré te laisser ta dignité…

Elle – Merci… c’est gentil.

Lui – Oui… (Un temps) Et toi, tu te fous de moi.

Elle – Pas du tout. C’est vrai, je t’assure.

Lui – Quand tu m’as demandé si je t’avais déjà trompé, j’ai été honnête avec toi. J’aurais pu nier. On serait peut-être encore mariés. À toi de jouer le jeu, maintenant. Il y a forcément autre chose… Quelque chose de plus grave…

Silence.

Elle – D’accord… Tu te souviens quand tu étais parti trois jours à Toulouse pour un congrès.

Lui – Oui.

Elle – Je t’avais dit que j’irais à l’hôpital pour un examen de routine.

Lui – Ah oui… je me souviens.

Elle – C’était pour une IVG.

Lui – Une IVG…

Elle – Un avortement, si tu préfères…

Lui – On avait décidé d’avoir un enfant… Tu avais arrêté la pilule…

Elle – Oui…

Lui – Je ne comprends pas.

Elle – Moi non plus…

Lui – Et alors ?

Elle – Je ne sais pas… J’ai eu peur.

Lui – Peur ?

Elle – Peur de ne pas y arriver. Peur que tu me quittes… Entre nous, je n’avais pas tout à fait tort.

Lui – Ne renverse pas les rôles… Si on avait eu cet enfant, les choses auraient peut-être été différentes.

Elle – Peut-être…

Un temps.

Lui – Comment tu as pu nous faire ça ?

Elle – Merci de ne pas avoir dit me faire ça… Ça ne s’explique pas. Je ne me suis pas sentie capable. Capable d’assumer ça.

Lui – Ça ?

Elle – Donner la vie. Devenir mère.

Lui – Tu aurais pu m’en parler. Partager ça avec moi.

Elle – Je n’ai jamais osé te le dire… J’avais trop honte…

Lui – Comme pour la voiture.

Elle – Je suis vraiment désolée. J’ai eu peur…

Lui – Je te faisais peur à ce point ? Même pour la voiture…

Elle – C’est de moi dont j’avais peur. (Un temps) Tu crois vraiment que les choses auraient pu être différentes ?

Lui – Les choses sont toujours comme elles sont. Ça ne sert à rien de les imaginer autrement après coup. Il faut croire que nous deux, ce n’était pas possible.

Silence.

Elle – Je crois qu’on ferait mieux d’y aller.

Lui – Oui…

Ils se lèvent pour partir.

Elle – Tu la revois toujours ?

Lui – Qui ?

Elle – Celle avec qui tu m’as trompée.

Lui – Ah, celle-là…

Elle – Tu ne m’as jamais dit qui c’était. Tu peux me le dire, maintenant. Je la connais ?

Lui – À quoi ça servirait…?

Un temps.

Elle – Tu ne m’as jamais trompée.

Lui – Non…

Elle – Alors pourquoi

Lui – C’était plus facile comme ça.

Elle – Tu veux dire plus facile pour moi.

Lui – Plus facile pour nous deux… Je crois qu’on ferait mieux d’y aller, maintenant…

Elle – Allons-y.

Ils partent.

À cœurs ouverts

Gros sur le cœur Lire la suite »

Cœur sensible

Le patron est derrière son comptoir. Il lit le journal. Un homme et une femme arrivent. Ils s’asseyent à une table.

Elle – Je te préviens, je n’ai pas beaucoup de temps… Je reprends mon service dans une heure. Et mon patron n’attend qu’une occasion pour me virer…

Lui – Merci de me sacrifier ta pause déjeuner.

Elle – Non, mais je ne te sacrifie rien… (Regardant la carte) Je vais manger quelque chose. Pas toi ?

Lui – Si, si, bien sûr, je veux dire… Merci d’avoir accepté de déjeuner avec moi.

Elle repose la carte. Un temps.

Elle – Donc, tu avais quelque chose à me dire…

Lui – Oui…

Silence embarrassé.

Elle – Je t’écoute…

Le patron lance un regard intrigué vers eux.

Lui – Je ne sais pas trop comment te dire ça…

Elle – Comme on n’a pas trop le temps, je vais t’aider un peu… Tu veux sortir avec moi, c’est ça ?

Lui (pris de court) – Oui, enfin…

Le patron arrive, interrompant cette scène un peu pathétique.

Patron – Qu’est-ce que je vous sers ?

Elle – Une salade niçoise… sans anchois et sans thon.

Lui (pour plaisanter) – Un jambon-beurre… sans beurre. (La femme ne rit pas et le patron lui lance un regard glacial.) Non, je déconne. Un jambon-beurre, s’il vous plaît.

Patron – Une niçoise et un Paris-beurre. C’est parti.

Le patron repart.

Elle – Tu manges de la viande ?

Lui – Euh… oui. Enfin, non.

Elle – Mais tu manges du jambon…

Lui – Oui, mais… Du jambon, ce n’est pas vraiment de la viande, si ?

Elle – Tu as vu la dernière enquête de L214 sur l’élevage des cochons en cage ?

Lui – Non.

Elle – Je pense que si tu l’avais vue, tu ne mangerais plus de jambon…

Lui – Excuse-moi, je… Je ne savais pas…

Elle – C’est ce que disaient les Allemands après la guerre au sujet des camps.

Lui – Qu’est-ce qu’ils disaient ?

Elle – Je ne savais pas…

Lui – D’accord… donc… tu es végétarienne.

Elle – Vegan.

Lui – OK…

Elle – Tu ne connais pas la différence, c’est ça ?

Lui – Non.

Elle – Je ne mange aucun produit d’origine animale. Je ne porte pas de cuir, non plus. Pas de fourrure, évidemment.

Lui – De ce temps-là…

Elle – Pardon ?

Lui – Non, je veux dire… Moi non plus, je ne porte pas de fourrure. C’est déjà un début, non ?

Elle – Écoute, je vais être franche avec toi, je ne pourrais jamais sortir avec un type qui bouffe du jambon. Mais on peut être amis, si tu veux… On n’est pas sectaires, non plus.

Lui – C’est si grave que ça ? Je veux dire… C’est juste une tranche de jambon.

Elle – Tu sais dans quelles conditions il a été élevé, ce cochon ? Comment il a vécu ? Dans quelles conditions il a été abattu ?

Lui – Non.

Elle – Tu as déjà visité un élevage de porcs ?

Lui – Non.

Elle – Tu as déjà visité un abattoir ?

Lui – Non… et toi ?

Elle – Moi non plus, mais j’ai vu beaucoup de vidéos là-dessus.

Lui – OK… Non, mais… je n’y tiens pas plus que ça, moi, au jambon… Enfin, je veux dire… à la viande en général.

Elle – Donc, tu pourrais devenir vegan, juste pour sortir avec moi ?

Lui – Pourquoi pas ? Bien sûr ! Absolument…

Elle – Et si j’étais musulmane ou juive, que je te demandais de ne plus manger de porc et de te convertir à ma religion, tu le ferais ?

Lui – Tu es musulmane ?

Elle – C’est juste une supposition. Alors ?

Lui – Je ne sais pas… Peut-être… Je suis catholique, mais… C’est comme pour la viande, je n’y tiens pas plus que ça…

Elle – Tu es vachement influençable, en fait.

Lui – Ou alors… je tiens vachement à sortir avec toi.

Elle – Ouais… mais ce ne serait pas par conviction.

Lui – Que je sortirais avec toi ?

Elle – Que tu arrêterais la viande ! Ce serait juste pour sortir avec moi.

Lui – Oui, enfin…

Elle – Et dès que je t’aurais largué, tu te remettrais à bouffer de la viande.

Lui – On ne sort pas encore ensemble, et tu envisages déjà de me larguer ?

Un temps.

Elle – C’est quoi ta pire expérience alimentaire ?

Lui – Pardon ?

Elle – Le pire repas de ta vie, si tu préfères.

Lui (plaisantant) – J’espère que ça ne va pas être celui-ci… (Elle reste à nouveau de marbre.) Non, je… Je ne sais pas…

Elle – Eh bien moi, je peux te le dire.

Lui – OK.

Éventuellement une musique mélodramatique accompagne le récit de cet épisode traumatique.

Elle – Je devais avoir une dizaine d’années. On était invités avec mes parents chez des amis à eux. Un médecin et sa femme. Ce n’était pas vraiment des amis, en fait. C’était juste nos nouveaux voisins. Ma mère les avait invités une première fois pour leur souhaiter la bienvenue dans le quartier, et ils nous rendaient l’invitation. Mes parents sont des gens très simples. Ça devait les flatter d’être invités à dîner chez un chirurgien. Ils s’attendaient sans doute à ce que ces grands bourgeois mettent les petits plats dans les grands. Donc on prend l’apéro, on bavarde un peu et on se met à table. C’est vrai que la vaisselle était en porcelaine, et la nappe d’une blancheur immaculée. Il y avait tellement de couverts sur la table qu’on se demandait lequel prendre pour commencer. Arrive le plat principal, après une salade verte, et qu’est-ce que le chirurgien met sur la table ?

La musique s’arrête brusquement.

Lui – Tu me fais peur…

Elle – Un cœur !

Blanc.

Lui – Un cœur humain ?

Elle – Non quand même… Enfin je ne crois pas. Un cœur de bœuf, j’imagine.

Lui – Un cœur de bœuf… Je ne savais même pas que ça se mangeait… Le mou, à la rigueur… Pour les chats… C’est du poumon, je crois… Mais un cœur !

Elle – Et ces deux sadiques ont encore le culot de nous demander si on aimait ça.

Lui – Et alors ?

Elle – Mes parents sont des gens extrêmement polis… Alors invités chez un docteur, tu penses bien… Donc ma mère de répondre poliment : mais bien sûr, vous pensez bien. On n’en a jamais mangé, mais bon. Il faut bien une première fois, pas vrai ?

Lui – Oh putain…

Elle – Et mon père qui en remet une couche : Ah oui, du cœur de bœuf, c’est original, ça change un peu. C’est vrai, on n’y pense jamais, on devrait en faire plus souvent, hein chérie ? Moi, je suis prise d’un haut-le-cœur, évidemment. Je dis que je n’aime pas ça. Ma mère insiste : tant qu’on n’a pas goûté, on ne peut pas dire qu’on aime pas ça ! Et le docteur de nous faire la leçon : vous savez que chez les peuples primitifs, les guerriers mangeaient le cœur de leurs ennemis pour s’approprier leur force ? Et la femme du docteur d’en rajouter : en tout cas, c’est très bon pour la santé, le cœur de bœuf. C’est plein de protéines. Et ne dit-on pas « fort comme un bœuf »… Et me voilà avec un énorme morceau de cœur dans mon assiette.

Lui – Il n’y avait rien d’autre à bouffer ?

Elle – De la salade verte.

Lui – Du cœur avec de la salade…

Elle – Ce n’est pas facile à couper non plus, je peux te le dire. Genre une semelle en caoutchouc, tu vois ? Tu en as déjà mangé ?

Lui – Une semelle en caoutchouc…?

Elle – Et tout le monde de mastiquer son cœur de bœuf avant de se forcer à l’avaler. Le tout en parlant de la pluie et du beau temps, pour faire comme si tout ça était parfaitement normal.

Lui – Et c’est bon ? Enfin, je veux dire… Quel goût ça a ?

Elle – Aucun. Ça a la consistance d’un chewing-gum. Depuis, je n’ai plus jamais mâché de chewing-gum. Et surtout, du jour au lendemain, je suis devenue vegan. Avant même que le mot existe. Je me demande même si ce n’est pas moi qui ai inventé le concept…

Lui – Ah oui… Il y a de quoi être traumatisée pour toujours…

Elle – Attends… et si c’est toi qui avais raison…?

Lui – Pardon ?

Elle – Maintenant, je me demande si c’était vraiment un cœur de bœuf.

Lui – Non ?

Elle – Ben c’était un chirurgien, tu vois… Quand ils transplantent un nouveau cœur à un patient, on ne sait pas trop ce qu’ils font de l’ancien. J’imagine qu’il n’y a pas beaucoup de malades qui demandent à le récupérer pour le garder en souvenir dans un bocal.

Lui – Tu crois qu’il y a des chirurgiens cannibales ?

Le patron revient avec le sandwich et la salade.

Patron – Et voilà. Un Paris-beurre et une niçoise sans anchois ni thon. J’ai mis du maquereau à la place. (La fille lui lance un regard assassin, et il poursuit pince-sans-rire.) Je plaisante. Bon appétit.

L’homme regarde son sandwich, avant de le repousser.

Lui – Non, c’est toi qui as raison. Ce ne serait pas honnête de ma part.

Elle – Quoi

Lui – D’arrêter la viande juste pour sortir avec toi. Il faut que j’y crois.

Elle – C’est sûr…

Lui – Le problème, c’est que d’arrêter la viande, c’est comme d’arrêter la clope. Quand on est accro…

Elle – Donc tu renonces à…

Lui – Je sais ce que j’ai à faire.

Elle – Là c’est toi qui me fais peur.

Lui – Je vais aller à la boucherie juste en face. Je vais acheter un cœur de bœuf, et je vais le bouffer tout entier. Après, je pense que je serai définitivement dégoûté de la viande. Comme toi.

Elle – Tu ferais ça pour moi ? Tu boufferais un cœur de bovin ?

Lui – À ton avis ?

Il se lève. Surprise, elle se lève aussi.

Elle – Mais… tu y vas maintenant ?

Lui – Si je réfléchis trop, je risque de ne pas y arriver.

Elle – Et… tu as une recette ?

Lui – Je vais le bouffer cru. Je suis un guerrier, non ?

Elle – Bon…

Lui – Allez, souhaite-moi bonne chance.

Il l’enlace et, jouant sur l’effet de surprise, il l’embrasse longuement et fougueusement sur la bouche. Il sort. Elle le regarde partir, interloquée. Le patron, qui a tout vu, revient.

Patron – Ça ne lui a pas plu, le Paris-beurre ?

Elle – Il a décidé de devenir vegan.

Patron – En tout cas, il a l’air vraiment motivé…

Elle – Oui…

À cœurs ouverts

Cœur sensible Lire la suite »

Cœur à prendre

Un bistrot. Le patron est derrière son bar, en train d’essuyer des verres. Une femme arrive, ne respirant pas la joie de vivre. Sans un regard vers lui, elle vient s’installer au comptoir. Le patron l’observe un instant du coin de l’œil.

Patron – Madame… Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?

Elle – Vous avez de l’arsenic ?

Patron – C’est pour emporter ou pour consommer sur place ?

Elle – J’hésite encore…

Patron – Prenez un café en attendant. Avec un petit calva, ça vous remontera. Le calva c’est pour moi.

Elle – Un calva ? À cette heure-ci ?

Patron – Sachez que le calva est connu depuis l’Antiquité pour ses vertus antidépressives. J’en prescris tous les jours à mes clients, et personne ne s’est encore suicidé jusqu’à maintenant.

Elle – C’est gentil, mais je me contenterai du café. Je travaille à l’hôpital, juste en face.

Il lui prépare son café.

Patron – Aide-soignante… Ça ne doit pas être marrant tous les jours…

Elle – Chirurgien.

Patron – Ah… Pardon Docteur…

Elle – C’est un peu mieux payé, mais ce n’est pas forcément plus marrant.

Patron – Je vois ça…

Elle – Et encore, je ne vous parle que de mon boulot. Heureusement que je bosse jour et nuit. Ne pas avoir de vie privée, ça n’a pas que des inconvénients, vous savez… quand on a une vie de merde…

Il lui tend un journal.

Patron – Jetez un coup d’œil à votre horoscope, il prévoit peut-être une amélioration passagère.

Elle jette un regard au journal.

Elle (lisant) – « Vous donnerez votre cœur à un inconnu »…

Elle repose le journal sur le comptoir.

Patron C’est une bonne nouvelle, non ?

Elle – Ça dépend.

Patron – Il ne faut pas donner son cœur à n’importe qui, c’est sûr.

Elle – Et surtout, il vaut mieux le donner de son vivant.

Patron – Je ne suis pas sûr de vous suivre…

Elle – « Vous donnerez votre cœur à un inconnu »… Regardez, ce n’est pas à la rubrique amour, c’est à la rubrique santé…

Patron – Ça doit être une erreur…

Elle – J’ai un patient qui attend une transplantation cardiaque. Il nous manque juste un donneur en bonne santé. Mais mort de préférence.

Patron – Ah oui…

Elle – On ne peut rien faire d’autre que d’attendre… Il faudra que quelqu’un meurt pour qu’un autre vive.

Patron – C’est le destin…

Elle – Un accident est si vite arrivé. Après tout ce sera peut-être moi. Puisque c’est dans mon horoscope.

Il pose le café devant elle.

Patron – Décidément, vous êtes de nature optimiste…

Elle – Je n’ai pas eu d’enfant, ce serait ma dernière chance de donner la vie…

Patron – Vous êtes vraiment sûre que vous ne voulez pas ce calva ?

Elle – Jamais pendant le service… Si un donneur se présente et que je dois opérer dans une heure…

Patron – Si c’est vous le donneur, il n’y aura plus personne pour faire cette opération.

Elle – En matière de transplantations cardiaques, ce sont les donneurs qui manquent, pas les chirurgiens. Ce genre d’opérations, ça reste exceptionnel. J’en connais qui seraient prêts à tuer pour réaliser leur première transplantation.

Patron – Bon, alors c’est moi qui vais le boire ce calva, et je vous offre le café.

Elle – Vous êtes un drôle de cafetier. Ce n’est pas comme ça que vous allez faire des affaires.

Le patron se sert un calva et le boit cul sec.

Patron – Il y a longtemps que j’ai renoncé à l’idée de faire fortune. Et puis je n’offre pas le café à tout le monde, vous savez…

Elle – Pourquoi moi ? On ne peut pas dire que je sois d’un commerce agréable…

Patron – Je me suis toujours méfié des gens trop aimables. J’ai mes têtes, c’est tout. Il y en a qui me reviennent et d’autres pas.

Elle – En somme, j’ai de la chance, alors…

Patron – Remarquez, on ne se connaît pas… C’est peut-être moi, votre bel inconnu…

Elle – Allez savoir… Bon, il faut que je file…

Patron – Encore une vie à sauver ?

Elle – Non, mais je suis garée sur une place « handicapé ».

Patron – Avec votre caducée sur le pare-brise, vous pouvez vous garer n’importe où sans avoir d’amende, non ? Rien que pour ça, j’aurais aimé faire médecine.

Elle – Merci pour le café…

Patron – Faites bien attention en traversant la rue.

Elle – On vient à peine de se rencontrer, et vous êtes déjà une mère pour moi. Si je suis encore célibataire dans dix ans, faites-moi penser à vous épouser.

Patron – Hélas… qui aurait envie d’épouser sa mère ? (Elle sort.) C’est le drame de ma vie…

 

À cœurs ouverts

 

Cœur à prendre Lire la suite »

театр

Анотація

Жан-П’єр Мартінес (Jean-Pierre Martinez, нар. 1955 р. в Овер-сюр-Уаз): відомий сучасний французький письменник, поет і драматург, а також вчений-семіотик. Він написав декілька романів, близько 100 сценаріїв для телебачення та понад 90 театральних п’єс. Його п’єси були перекладені англійською, іспанською, португальською, німецькою та іншими мовами й багаторазо во поставлені на сценах не тільки у Франції, а й в інших країнах Європи, Латинської Америки, США й незмінно користуються неабияким успіхом. Чудовий знавець людської душі, Жан-П’єр Мартінес у своїх творах розкриває її потаємні (часом неприємні чи дивні), трагікомічні сторони, завжди з надзвичайною добротою та дотепним гумором, завдяки чому ці п’єси сприймаються глядачем (або читачем) з великою зацікавленістю. Творчість цього непересічного майстра драматургії, на жаль, досі зовсім не була відома в Україні. Ця збірка п’яти його найвідоміших п’єс вперше дає читачам змогу з ними ознайомитися з перспективою представлення їх і на українських театральних підмостках.



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

театр Lire la suite »

Éditions bilingues théâtre français-anglais

French – english bilingual edition

Jean-Pierre Martinez est un dramaturge et scénariste français. Il est actuellement l’un des auteurs contemporains les plus représentés en France. Par ailleurs, plusieurs de ses pièces, traduites en espagnol, en portugais et en anglais, sont régulièrement à l’affiche aux États-Unis et en Amérique Latine.

Jean-Pierre Martinez is a French playwright and scriptwriter. Today he is among the most played contemporaries playwrights in France. Several of his plays have been translated in English, Spanish and Portuguese, and are regularly produced in the United States and Latin America.

AU BOUT DU ROULEAU – RUNNING ON EMPTY

Au bout du rouleau

Un dramaturge au bout du rouleau reçoit une journaliste pour une interview qui pourrait relancer sa carrière. Mais au théâtre les apparences sont parfois trompeuses…

Running on empty

A journalist visits a playwright on the down and out for an interview that could launch his comeback. But in the world of theatre, appearances can be deceiving…

  ACHETER LE LIVRE ACHETER LE LIVRE
amazon

 

VENDREDI 13 – FRIDAY THE 13TH

Vendredi 13

Jérôme et Christelle ont invité des amis à dîner. Mais Madame arrive seule, effondrée. Elle vient d’apprendre que l’avion qui ramenait son mari à Paris s’est crashé en mer. Suspendu aux nouvelles avec la veuve potentielle pour savoir si son mari fait partie ou non des survivants, le couple apprend qu’il vient de gagner au super tirage du loto de ce vendredi 13. Le mot d’ordre est dès lors « cache ta joie »…

Friday the 13th

John and Christine have invited two of their friends for dinner in their London home. Natalie arrives without her husband, distraught, having just heard that the plane bringing him home crashed at sea. With the potential widow they wait with baited breath for news confirming whether her husband is among the survivors …and learn that they are the winners of that evening’s super jackpot lottery draw. From then on, the operative words are “controlling emotions”. And that is just the beginning of this eventful evening, with twists, turns and revelations galore.

  ACHETER LE LIVRE ACHETER LE LIVRE
amazon

Éditions bilingues théâtre français-anglais Lire la suite »

Éditions bilingues théâtre français espagnol

Ediciones bilingües teatro español-francés

Jean-Pierre Martínez est un dramaturge et scénariste français d’origine espagnole. Né en 1955 à Auvers-sur-Oise, il monte d’abord sur les planches en tant que batteur dans divers groupes de rock, avant de devenir sémiologue publicitaire. Il est ensuite scénariste pour la télévision et revient à la scène en tant qu’auteur. Il a écrit plus de 60 scénarios pour différentes séries à la télévision française et 91 comédies pour le théâtre. Il est actuellement l’un des auteurs contemporains les plus représentés en France, et plusieurs de ses œuvres ont déjà été traduites en espagnol, en portugais et en anglais.

Jean-Pierre Martínez es autor teatral y guionista francés de origen español. Nacido en 1955 en Auvers-sur-Oise, sube al escenario primero como baterista en diversos grupos de rock, antes de hacerse semiológo para la publicidad. Luego trabaja como guionista para la televisión, y vuelve al teatro como autor. Ha escrito más de 60 guiones para distintas series de la televisión francesa, y 91 comedias para el teatro. Actualmente es uno de los autores contemporáneos más representados en Francia, y varias de sus obras han sido ya traducidas en español, en portugués y en inglés.

Quarantaine – Cuarentena

Quarantaine

Quatre personnes qui ne se connaissent pas se retrouvent malgré elles placées en quarantaine dans ce qui s’avère être un théâtre désaffecté. Derrière une vitre imaginaire, des gens (les spectateurs) les observent. Les présumés malades s’interrogent. Par quel virus auraient-ils bien pu être contaminés ? Que risquent-ils exactement ? Quand et comment tout cela va-t-il se terminer ? On comprend peu à peu que ce huis-clos se situe dans un futur proche où Big Brother règne en maître, et que la raison de cette quarantaine n’est peut-être pas strictement médicale.

Cuarentena

Cuatro personas que no se conocen se encuentran, por desgracia en cuarentena, en lo que resulta ser un teatro abandonado. Detrás de un cristal imaginario, unos individuos (los espectadores) les observan. Los supuestos enfermos se preguntan: «¿por qué virus podrían haber sido infectados? ¿qué riesgo tienen exactamente? ¿cuándo y cómo va a terminar todo esto?». Poco a poco se desvela que este callejón sin salida se sitúa en un futuro próximo en el que Gran Hermano reina como dueño, y que la razón de esta cuarentena no es quizás estrictamente médica.

  ACHETER LE LIVRE ACHETER LE LIVRE
amazon

 

Plagiat – Plagio

Plagiat

Une comédie amorale sur la vanité de la gloire littéraire. Depuis la publication de son premier roman, couronné par le Prix Goncourt, Alexandre jouit de sa réputation d’auteur à succès, et en perçoit les dividendes. On l’attend au Ministère de la Culture pour lui remettre la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres. C’est alors qu’il reçoit la visite d’une inconnue, qui pourrait bien remettre en cause cette belle réussite…

Plagio

Una comedia amoral sobre la vanidad de la gloria literaria. Desde la publicación de su primera novela, galardonada por el prestigioso Premio Nadal, Alex goza de su fama como escritor de moda, y percibe los correspondientes derechos de autor. Le están esperando en el Ministerio de la Cultura para entregarle la Cruz de Caballeros de las Artes y las Letras. Ahí es cuando Alex recibe la visita inesperada de una desconocida que podría poner en peligro esta « historia de éxito ».

  ACHETER LE LIVRE ACHETER LE LIVRE
amazon

 

Les naufragés du Costa Mucho – Los náufragos del Costa Mucho

Les naufragés du Costa Mucho

La vie est une croisière… qui tôt ou tard se termine en naufrage.

Los náufragos del Costa Mucho

La vida es un crucero… que tarde o temprano termina en naufragio.

  ACHETER LE LIVRE ACHETER LE LIVRE
amazon

 

Strip Poker – Strip Poker

Strip Poker

Una pareja invita a sus nuevos vecinos para conocerse, pero la cena se convierte en una verdadera pesadilla… Una comedia a la manera de Woody Allen…

Strip Poker

Un couple invite ses nouveaux voisins pour faire connaissance, mais le dîner tourne au cauchemar… Une comédie à la manière de Woody Allen…

  ACHETER LE LIVRE ACHETER LE LIVRE
amazon

 

Éditions bilingues théâtre français espagnol Lire la suite »

Pour de vrai et pour de rire

For real and for fun –  De verdad y de broma (español) – De verdade y de brincadeira (portugués)

Une comédie à sketchs de Jean-Pierre Martinez

Pour 3 à 25 comédiens (sexes des personnages indifférents)

S’il est parfois difficile de démêler le vrai du faux, on peut prendre un malin plaisir à les entremêler. Pour de rire.


Ce texte est offert gracieusement à la lecture. Avant toute exploitation publique, professionnelle ou amateur, vous devez obtenir l’autorisation de la SACD.


TÉLÉCHARGER
PDF GRATUIT
ACHETER
LE LIVRE 
ACHETER
LE LIVRE
amazon

 

Pour de vrai et pour de rire Lire la suite »