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Noir et blanc

Elle est là. Il arrive, un gros cahier à la main.

Elle – Bonjour, bonjour… Entrez, entrez…

Lui – Merci, merci…

Elle – Vous n’avez pas eu trop de mal pour venir ? Avec ces grèves…

Lui – J’habite juste en face.

Elle – En face ? Vous voulez dire…

Lui – L’immeuble en face.

Elle – D’accord, d’accord… Je ne savais pas que… C’est curieux, j’étais persuadée que cette fenêtre-là, sur le mur d’en face, c’était un trompe-l’œil.

Lui – Un trompe-l’œil ?

Elle – Oui. Que la fenêtre était peinte sur le mur. Je n’ai jamais rien vu bouger derrière cette fenêtre.

Lui – Et pourtant, je suis là, vous voyez…

Elle – Je vois… Et donc, de votre salon, vous voyez tout ce qui se passe ici.

Lui – Absolument tout…

Elle rit nerveusement, comme pour se rassurer.

Elle – Remarquez… qu’est-ce qui pourrait bien se passer d’intéressant dans le bureau d’un agent littéraire ?

Lui – Ça, c’est à vous de me le dire.

Elle – Bien sûr, bien sûr… Alors, ce nouveau roman, ça avance ?

Lui – J’ai presque terminé.

Elle – Très bien, très bien… J’espère que c’est original, parce que vous savez, en ce moment… La rentrée littéraire est de plus en plus encombrée… Des tas de gens qui racontent leur petite vie, et leurs petits malheurs, persuadés que ça va passionner la Terre entière.

Lui – Rassurez-vous, ce n’est pas une autofiction.

Elle – Tant mieux, tant mieux… Non, ce dont on aurait besoin aujourd’hui, c’est d’un nouveau Robbe-Grillet. D’un nouveau Pérec. D’un nouveau Butor. Quelqu’un qui soit encore capable de renouveler les codes du roman classique.

Lui – Vous allez voir. Ça va vous étonner. Et je ne serais pas surpris qu’en sortant d’ici, vous me traitiez de butor.

Elle – Mais bien sûr ! Il faut tout faire péter. Comme en mai 68. On sait que ça ne durera pas, que six mois après on votera pour De Gaulle, et que soixante ans après c’est Cohn-Bendit qui se prendra pour De Gaulle, mais sur le moment, ça soulage…

Lui – C’est drôle que vous disiez « soulage » parce que justement… Vous comprendrez pourquoi quand vous aurez jeté un coup d’œil à mon manuscrit…

Elle – Là… vous commencez à m’intriguer, cher ami. J’ai hâte de voir ça. Vous m’avez apporté quelques bonnes feuilles ?

Lui – J’ai presque terminé. Tenez, si vous voulez y jeter un coup d’œil…

Il lui tend le gros cahier.

Elle – Très bien, très bien… Ah oui, c’est du lourd, on dirait… Ce n’est pas trop long quand même ? Vous savez, maintenant, au-delà de 200 pages… Que voulez-vous ? C’est la génération SMS. Les gens ont perdu l’habitude de tourner les pages…

Elle sort ses lunettes de presbyte.

Lui – Ça fera dans les 900 pages. Mais vous verrez, ça se lit très facilement.

Elle – Bon, bon… Et c’est quoi, le titre ?

LuiLe blanc et le noir.

ElleLe blanc et le noir… Un hommage à Stendhal, peut-être ?

Lui – À Soulages, plutôt… C’est pour ça que tout à l’heure, je vous disais que…

Elle – Soulages ? Tiens donc… J’adore Soulages.

Lui – D’ailleurs, pour le titre, j’avais d’abord pensé à… Les mémoires d’outrenoir.

Elle – Ah oui… Un clin d’œil à Chateaubriand, donc… Mais dites-moi, Stendhal, Chateaubriand… Vous êtes sûr qu’avec tout ça, vous allez vraiment révolutionner l’histoire de la littérature ?

Lui – Vous allez voir, c’est très étonnant.

Elle – Très bien, très bien… alors voyons ça.

Elle ouvre le cahier et commence à regarder. Elle tourne quelques pages.

Lui – Je vous laisse le temps de vous faire une idée…

Elle – Oui… mais dites-moi. Apparemment, vous avez laissé quelques pages blanches au début. Ça commence à quelle page, exactement ?

Lui – C’est déjà commencé.

Elle – Pardon ?

Lui – Ces pages blanches, ça fait partie du roman.

Elle – Je ne suis pas sûre de vous suivre…

Lui – Je vous avais dit que ça vous surprendrait. Alors voilà. J’ai calculé que sur une page de roman, en moyenne, les caractères d’imprimerie, en noir donc, occupent huit pour cent de la surface de la page blanche.

Elle – Huit pour cent ?

Lui – En moyenne. Ça dépend du type de caractères employés par l’imprimeur, évidemment. Pour un caractère plus gros et plus gras, ça peut monter jusqu’à neuf ou même dix pour cent.

Elle – Vraiment…? Et donc…

Lui – Donc, j’ai eu l’idée de séparer le blanc du noir.

Elle – Voyez-vous ça.

Lui – Après, je me suis demandé si je devais mettre le blanc d’abord et ensuite le noir, ou bien l’inverse…

Elle – Ah oui…

Lui – Finalement, j’ai décidé de commencer par le blanc… Pour créer… une attente de la part du lecteur, vous voyez ?

Elle – Je vois, je vois…

Lui – Une sorte de suspense, si vous préférez.

Elle – Je ne suis pas sûre de savoir ce que je préfère… (Tournant les pages) Et donc, toutes les pages sont blanches.

Lui – Pas du tout. Et c’est là où ça devient intéressant. Pour simplifier, je suis parti sur une moyenne de dix pour cent. Donc, systématiquement, après neuf pages blanches vient une page noire.

Elle – Noire ?

Lui – Totalement noire.

Elle – Pourquoi noire ?

Lui – Je savais que ça vous déstabiliserait un peu. Mais c’est ce que vous vouliez, non ? Du nouveau ?

Elle – Oui, enfin…

Lui – Cette page noire, qui vient après neuf pages blanches, rassemble toute l’encre qu’on aurait normalement dû utiliser pour noircir, comme on dit, les neuf pages précédentes, qui en l’occurrence, dans mon roman, resteront vierges. Vous comprenez ?

Elle – Je comprends, je comprends…

Lui – Je vois que ça vous laisse un peu perplexe, c’est normal. Comme tout ce qui est nouveau, ça peut surprendre un peu au début, alors vous me permettrez d’utiliser une métaphore, pour vous aider à mieux appréhender le caractère révolutionnaire de ce roman.

Elle – Une métaphore ?

Lui – Un roman, c’est comme une omelette. Mais des omelettes comme ça, on en a fait le tour. On a beau rajouter des oignons, des pommes de terre, des herbes de Provence… Une omelette, ça reste une omelette. Là, je fais un choix radical, et je reviens aux fondamentaux. Je sépare le blanc du jaune. Ou le blanc du noir, en l’occurrence. D’où le titre…

Elle – Vous vous foutez de moi, c’est ça ?

Lui – Je savais que vous alliez dire ça… Mais non… Pas plus que tous ces peintres qui vous vendent des tableaux complètement blancs ou complètement noirs, en baptisant pompeusement ça monochrome !

Elle – Évidemment…

Lui – Ce premier roman du genre est un geste fondateur. Par la suite, bien sûr, je pourrais en écrire d’autres, dans lesquels le blanc ne sera plus tout à fait blanc, et le noir plus tout à fait noir. Mais attention ! Toujours en respectant cette proportion sacrée de dix pour cent !

Elle – Dix pour cent.

Lui – Les peintres ont bien leur nombre d’or, pourquoi pas nous, les auteurs ? Et la preuve que ce chiffre est sacré, dix pour cent, c’est ce que vous me prenez en tant qu’agent sur tous mes droits d’auteur !

Elle – Et vous croyez vraiment que je vais vous verser une avance pour cette fumisterie ?

Lui – Je vous l’ai dit, j’habite juste en face… et de chez moi, je vois tout ce qui se passe dans ce bureau.

Elle – Tout ?

Lui – Tout. J’ai même des vidéos…

Elle – Je vois… Et… vous voulez combien, pour oublier tout ce que vous avez vu ?

Noir.

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Trompe-l’œil

Debout face au public, ils regardent vers le mur du fond.

Lui – Il fait beau, hein ?

Elle – Mais il y a beaucoup de vent.

Lui – Oui. C’est le vent qui a chassé les nuages…

Un temps.

Elle – Tu vois la fenêtre d’en face ?

Lui – Quelle fenêtre ?

Elle – Là-bas, légèrement cachée par le feuillage de cet arbre.

Lui – Ah oui, celle-là… C’est curieux, on ne voit jamais de lumière la nuit.

Elle – Je ne sais pas qui peut bien habiter là.

Lui – Personne, peut-être. Le logement doit être inoccupé. Ça arrive…

Elle – Je ne sais pas… Pendant la journée, il me semble apercevoir des silhouettes derrière ces vitres. À travers ces branches.

Lui – Ah oui ?

Elle – Un homme et une femme, je crois.

Lui – Ça me rappelle un film…

Elle – Quel film ?

Lui – Fenêtre sur cour ! Ne me dis pas qu’en plus, tu as cru voir cet homme assassiner sa femme…

Elle – Non, mais tout de même… J’ai l’impression qu’il se passe quelque chose de bizarre derrière cette fenêtre.

Lui – Tu n’as rien d’autre à faire que d’épier ce qui se passe dans l’immeuble d’en face ?

Elle sourit et regarde à nouveau avec plus d’attention.

Elle – Attends un peu… C’est dingue. On dirait que…

Lui – Quoi ?

Elle – Il y a un vent terrible aujourd’hui, et les feuilles de cet arbre ne bougent absolument pas.

Il regarde lui aussi.

Lui – Ah oui, c’est curieux en effet…

Elle – Tu vas rire mais…

Lui – Oui ?

Elle – L’arbre… C’est un trompe-l’œil.

Lui – Un trompe-l’œil ?

Elle – Je t’assure. Regarde.

Il regarde plus attentivement.

Lui – Ah oui. Je n’avais jamais remarqué.

Elle – Je me disais aussi…

Lui – Mais alors… si l’arbre est un trompe-l’oeil, c’est que la fenêtre en est un aussi.

Elle – Tu crois ?

Lui – Comment veux-tu qu’un faux arbre puisse cacher une vraie fenêtre ?

Elle – Oui, ce n’est pas faux.

Elle – Si l’arbre est un trompe-l’œil peint sur le mur d’en face, c’est que la fenêtre aussi est peinte sur le mur.

Lui – Un arbre qui n’existe pas, cachant une fenêtre qui n’existe pas.

Elle – C’est pour ça que ça que l’illusion marche aussi bien. On se dit que quelque chose qui est caché, c’est forcément quelque chose de réel. Pourquoi cacher quelque chose qui n’existe pas ?

Lui – Un peu comme Dieu, finalement. Les gens y croient d’autant plus qu’on ne le voit jamais.

Elle – Si Dieu se trimbalait dans les supermarchés avec une fausse barbe et un costume élimé, comme le Père Noël au moment des fêtes, c’est sûr que les gens n’y croiraient pas longtemps.

Lui – Oui…

Un temps.

Elle – Et si on était des trompe-l’œil, nous aussi ?

Lui – Quoi ?

Elle – Peut-être que les gens qui nous regardent nous voient comme des illusions d’optique. Des peintures ou des photos de nous-mêmes.

Lui – Mais nous on est là, on bouge, on parle.

Elle – Les vidéos, ça bouge aussi.

Lui – On est en trois dimensions.

Elle – Les hologrammes, c’est aussi en relief. On est peut-être des trompe-l’œil en trois D.

Lui – Il faudrait demander à ceux d’en face.

Elle – En même temps, quel crédit accorder aux voisins… si ce ne sont que des trompe-l’œil eux-aussi…

Lui – Je crois qu’on commence à devenir fous.

Elle – Tu as raison, je vais refermer la fenêtre.

Elle hésite.

Lui – Ne me dis pas qu’elle est peinte contre le mur…

Ils échangent un regard inquiet.

Noir.

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Antipathie

Ils sont debout chacun d’un côté de la scène. Ils se lancent des regards à la dérobée. Il finit par s’approcher d’elle.

Lui – Excusez-moi, ça fait un moment que je vous regarde et… Ne prenez surtout pas ça pour un mauvais plan drague… Je vous rassure, vous n’êtes pas du tout mon genre…

Elle – Merci…

Lui – Non, ce que je veux dire c’est que… j’ai l’impression de vous avoir déjà vue quelque part. Enfin… pas seulement de vous avoir déjà croisée, vous voyez ? J’ai l’impression… de vous connaître.

Elle – Ah oui…?

Lui – Excusez-moi, je suis complètement ridicule…

Elle – Non, non, pas du tout… Enfin si, vous êtes complètement ridicule, mais… moi aussi, j’ai l’impression de vous connaître. De très bien vous connaître même.

Lui – Ah bon… Alors je ne suis pas fou.

Elle – Ça dépend.

Lui – Ça dépend ?

Elle – On s’est peut-être rencontrés dans un asile de fous. Ce qui expliquerait qu’on préfère ne pas s’en souvenir…

Lui – Ah oui… Donc vous aussi, vous…

Elle – Tout à fait… votre tête me dit quelque chose, mais… je ne sais pas du tout quoi.

Ils se dévisagent encore un instant.

Lui – Non, ce qui est bizarre c’est que… votre visage m’est vraiment familier. Comme si… Je suis désolé… Ce serait très embarrassant évidemment, mais… Vous ne seriez pas une de mes ex, par hasard ?

Elle – Ah oui, là… Comme plan drague, ce serait vraiment très original… Mais comme je ne suis pas du tout votre genre… A priori, je ne peux pas avoir été…

Lui – Ça expliquerait qu’on ne soit pas restés ensemble, mais bon… Excusez-moi, je deviens vraiment…

Elle – Non, non, ne vous excusez pas. D’ailleurs, vous non plus, vous n’êtes pas du tout mon genre…

Lui – Bon…

Elle – Sans vouloir vous vexer, j’irais même jusqu’à dire que… votre tête ne me revient pas du tout.

Lui – Non, moi non plus…

Elle – Non mais ce n’est pas seulement votre nom que ne me revient pas. Ce que je veux dire c’est que votre tête ne m’est pas du tout sympathique.

Lui – Bien sûr… C’est drôle que vous disiez ça parce que… Je ne savais pas comment vous le dire sans être blessant mais… Vous aussi. Votre tête… m’est tout à fait antipathique.

Elle – Ça nous fait au moins quelque chose en commun.

Lui – Oui… Mais ça ne nous dit pas comment on se connaît, et où on aurait bien pu se rencontrer.

Elle – Remarquez, vu les bases sur lesquelles on est partis… et la profondeur à laquelle vous vous êtes déjà enfoncé… je me demande si c’est absolument nécessaire de creuser davantage.

Lui – Vous avez raison… Mieux vaut en rester là… Imaginez qu’on se souvienne tout d’un coup que…

Elle – Oui, ce serait vraiment…

Lui – Après tout… Il y a des choses qu’il vaut mieux oublier.

Elle – C’est vrai… Imaginez que tout à coup je me souvienne que… (Elle le regarde bizarrement.) Attendez un instant… Ça y est, ça me revient maintenant…

Lui – Non…? Quoi ?

Elle (outrée) – Tu ne te souviens vraiment pas ?

Lui – Euh… non, mais… Et donc, maintenant, on se tutoie ?

Elle le dévisage à nouveau, mais cette fois avec un rictus haineux sur les lèvres.

Elle – Espèce de salopard !

Lui – C’est si grave que ça ?

Elle – Et tu oses me demander si c’est grave ?

Lui – Désolé, je… Je ne me souviens pas du tout…

Elle – Tu ne te souviens pas de moi ? Après ce que tu m’as fait ?

Lui – Je ne sais pas quoi vous dire… Je ne me vois pas faire du mal à quelqu’un. Encore moins à une femme. Mais en même temps, j’avoue que… Vous m’êtes tellement antipathique… Dans des circonstances exceptionnelles, je dois reconnaître que j’aurais sans doute pu…

Elle – Espèce d’ordure… Donc, tu n’essaies même de nier ?

Lui – Si… Si, si… Enfin, non mais… Dites-moi, je vous en prie ! Il faut que je sache, maintenant… Je suis prêt à tout entendre, je vous assure.

Elle s’avance vers lui, menaçante.

Elle – Je ne sais pas ce qui me retient de…

Lui – Non mais allez-y… Si vous pensez que je l’ai mérité…

Elle reprend soudain un air détaché, avec un léger sourire sur les lèvres.

Elle – Mais non, je déconne. Je ne me souviens de rien du tout.

Lui – Ah d’accord…

Elle – Ceci dit, moi aussi, je crois que dans une vie antérieure, j’aurais pu vous tuer. Vous avez vraiment une tête à claques. On ne vous l’a jamais dit ?

Lui – Non… Enfin, jamais d’une façon aussi directe, en tout cas.

Elle – Franchement ça m’étonne, mais bon…

Lui – Oui… Je crois qu’on ferait mieux d’en rester là, non ?

Elle – Ça me paraît plus raisonnable, en effet.

Lui – Bon alors… au revoir.

Elle – Au revoir ?

Lui – Il n’est pas impossible qu’on ait l’occasion de se recroiser, non ?

Elle – Au moins, si on se revoit un jour, on saura pourquoi on a l’impression de s’être déjà vus.

Lui – Tout à fait… (Elle s’apprête à partir.) Non, mais vous pouvez rester…

Elle – J’allais partir, de toute façon.

Lui – Je partais aussi.

Elle – Bon… Alors allons-y…

Lui – OK. J’allais par là. Vous aussi ?

Elle – Oui…

Lui – Faisons un bout de chemin ensemble, ça nous reviendra peut-être.

Elle – Si on ne s’entretue pas avant…

Lui – C’est un risque, en effet… Vous m’êtes de plus en plus antipathique.

Elle – Oui, moi aussi.

Ils partent.

Noir

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Virgule

Ils sont tendrement enlacés. Ils relâchent leur étreinte, en gardant un sourire béat sur les lèvres.

Lui – On est bien ensemble, non ?

Elle – Oui… (Un temps) Mais tu veux dire… « On est bien ensemble ? » Ou « On est bien, ensemble ? »

Lui – Euh… Je ne sais pas… C’est quoi la différence ?

Elle – Ben… la virgule.

Lui – La virgule ?

Elle – Avec la virgule, ça veut dire « Est-ce qu’ensemble on est bien ? ». Sans la virgule, ça veut dire… « Est-ce qu’on est vraiment ensemble ? »

Lui – Ah oui.

Elle – Ben oui.

Moment d’inquiétude. Nouvelle étreinte pour se rassurer. Et nouvelle séparation. Ils ont à nouveau un sourire épanoui.

Lui – Tu te souviens comment on s’est rencontrés ?

Elle – Oui… (Un temps) Enfin… non. Et toi ?

Lui – Non, moi non plus. Je pensais que toi tu le savais…

Elle – Où est-ce qu’on aurait bien pu se rencontrer ?

Lui – Si on est ensemble, c’est bien qu’on s’est rencontrés quelque part.

Elle – Bien sûr…

Lui – Mais où ?

Elle – Je ne sais pas… Où est-ce que les gens se rencontrent, en général ? Je veux dire… un homme et une femme.

Lui – Chez des amis ?

Elle – On a des amis en commun ?

Il jette un coup d’œil à son portable.

Lui – Pas d’après Facebook, en tout cas.

Elle – Il paraît qu’un couple sur quatre s’est rencontré sur son lieu de travail.

Lui – Tu travailles où ?

Elle – Je suis… Je suis strip-teaseuse… Enfin, je crois… Et toi ?

Lui – Plombier…

Elle – Plombier ?

Lui – Ils ont refait la plomberie récemment, dans ton club de strip-tease ?

Elle – Ah non, mais je ne travaille pas dans un club. Je fais ça en amateur. À la maison…

Lui – Ah oui…

Elle – Et toi ?

Lui – Non, non, moi je… Je suis plombier professionnel. Je veux dire… Je fais ça chez les autres. Enfin, je crois…

Elle – Je vois.

Lui – Et donc… tu as fait venir un plombier chez toi, récemment ?

Elle – Non… mais il me semble avoir eu un dégât… des eaux il n’y a pas très longtemps.

Lui – Un des gars des eaux… Tu veux dire un employé de la compagnie des eaux ?

Elle – Non… Un dégât des eaux. Une fuite.

Lui – Ah oui, pardon, je… Une fuite, évidemment, un délit de fuite… Enfin, je veux dire… Je vais peut-être y aller, non…?

Elle – Y aller ? Où ça?

Lui – Je… Je ne sais pas… Chez moi ?

Elle – Tu n’habites pas ici ?

Lui – Tu crois que j’habite ici ?

Elle – Je ne sais pas. Tu habites ailleurs ?

Lui – Ça ne me revient pas, non. Et toi, tu es sûre d’habiter ici ?

Elle regarde autour d’elle.

Elle – Ça ne me dit rien non plus.

Il regarde également autour de lui, et ramasse un carton, par terre.

Lui – Tiens…

Elle – Qu’est-ce que c’est ?

Lui – Un carton.

Elle – Il y a marqué quoi ?

Lui – Ne pas déranger.

Elle – Et de l’autre côté ?

Lui – Merci de faire la chambre.

Elle – Ah oui.

Elle se met en mouvement comme pour faire quelque chose.

Lui – Qu’est-ce que tu fais ?

Elle – Ben je vais faire la chambre. Ce n’est pas ce que tu viens de me dire ?

Lui – Si… Enfin, oui, mais… C’est ce qu’il y a marqué sur le carton.

Elle – Tout ça est vraiment très bizarre.

Lui – Oui… Je me demande si on ne ferait pas mieux de se recoucher.

Elle – Se recoucher ? Tu veux dire… ensemble.

Lui – Je ne sais pas… Non ?

Elle – Si, si…

Lui – On y verra peut-être plus clair en se réveillant.

Elle – Oui, j’espère…

Lui – Je vais mettre le carton ne pas déranger.

Elle – Oui, je crois que c’est mieux.

Noir.

Virgule Lire la suite »

Vaguement

Ils sont debout l’un à côté de l’autre, et ils échangent un regard tendre.

Lui – Ça va ?

Elle – Oui… Et toi ?

Lui – Ça va. (Un temps) On est morts, non ?

Elle – Pourquoi tu dis ça ?

Lui – Je ne sais pas… La dernière chose dont je me souviens, c’est une vague de trente mètres de haut s’apprêtant à déferler sur la piscine au bord de laquelle on venait de s’allonger pour faire une sieste.

Elle – Ah oui…

Lui – Pas toi ?

Elle – Si.

Lui – Donc, on est morts.

Elle – Ou alors c’est que cette vague nous a entraînés tous les deux à des kilomètres de là, pour nous déposer délicatement, sans nous réveiller, au bord de la piscine d’un autre hôtel…

Lui – Qui s’appellerait aussi le Paradise Hotel.

Elle – Absolument indemnes et même pas mouillés.

Lui – Ce n’est pas le plus probable, non ?

Elle – Alors c’est qu’on est morts.

Lui – Enfin morts…

Elle – Tu as raison. Je ne vois pas trop la différence avec quand on était vivants.

Lui – Sauf que dans ce monde-ci, apparemment, on n’est pas encore mariés.

Elle – Pourquoi tu dis ça ?

Lui – On n’a pas d’alliances.

Elle – Tu crois qu’on n’a pas encore d’enfants non plus ?

Lui – En tout cas, je ne vois pas leurs serviettes au bord de la piscine.

Elle – Ni leurs bouées.

Un temps.

Lui – Peut-être qu’on ne s’est même pas encore rencontrés…

Elle – Tu veux dire… qu’on ne se connaît pas ?

Lui – Je ne sais pas. On se connaît ?

Elle – Je ne crois pas.

Un temps.

Lui – Alors ce serait ça ce qu’on appelle la mort.

Elle – Un monde parallèle dans lequel l’heure de notre mort n’a pas encore sonné.

Lui – Un paradis sur lequel ce tsunami n’aurait pas encore déferlé.

Elle – Pourtant on l’a bien vue, cette vague. Tous les deux.

Lui – Oui.

Elle – J’imagine que si ça marche comme ça, on n’est pas supposés se souvenir de notre ancienne vie ? Tu t’en souviens, toi ?

Lui – Vaguement.

Elle – Moi aussi. Je me souviens juste de cette vague… De toi et des enfants. Enfin surtout des enfants… Et toi ?

Lui – Surtout de la vague.

Elle – Tout ça est vraiment très bizarre.

Lui – Ça doit être un bug dans le système. On n’est pas supposés se souvenir de quoi que ce soit.

Elle – Sinon, les gens sauraient qu’ils sont déjà morts.

Lui – Tu crois qu’on doit leur dire ?

Elle – Quoi ?

Lui – Qu’ils sont morts.

Elle regarde en direction du public.

Elle – Regarde les… Ils ont l’air heureux… Ils ne nous croiraient pas…

Lui – Ils nous prendraient pour des fous, et c’est nous qu’on enfermerait dans un asile.

Elle – Il vaut mieux garder ça pour nous.

Lui – Tu as raison.

Elle – Ce sera notre secret.

Un temps.

Lui – Bon, on y va ?

Elle – Où ça ?

Lui – Découvrir ce qu’il y a de différent dans ce monde parallèle, où aucun tsunami n’a submergé le Paradise Hotel…

Elle – Et où on ne s’est pas encore rencontrés.

Lui – Je suis curieux de voir ça.

Elle – Oui… Et en même temps, ça me fait un peu peur.

Lui – Il faudrait déjà savoir dans quelle chambre on est.

Elle – Puisqu’on ne se connaissait pas encore, on n’était sûrement pas dans la même chambre.

Lui – On n’a qu’à demander à la réception.

Elle – On va faire comme ça.

Lui – Allons-y.

Ils commencent à s’en aller.

Elle – C’était pourtant une belle journée, non ?

Lui – Oui.

Elle – Comment on aurait pu deviner…

Lui – Qu’on allait se rencontrer aujourd’hui.

Ils s’en vont.

Noir.

Vaguement Lire la suite »

Quarantaine

Quarantine  – Cuarentena  –  Quarentena – KARANTÉNA 

Une comédie de Jean-Pierre Martinez

4 hommes ou 3H/1F ou 2H/2F ou 1H/3F ou 4 femmes

Quatre personnes qui ne se connaissent pas se retrouvent malgré elles placées en quarantaine dans ce qui s’avère être un théâtre désaffecté. Derrière une vitre imaginaire, des gens (les spectateurs) les observent. Les présumés malades s’interrogent. Par quel virus auraient-ils bien pu être contaminés ? Que risquent-ils exactement ? Quand et comment tout cela va-t-il se terminer ? On comprend peu à peu que ce huis-clos se situe dans un futur proche où Big Brother règne en maître, et que la raison de cette quarantaine n’est peut-être pas strictement médicale.


Ce texte est offert gracieusement à la lecture. Avant toute exploitation publique, professionnelle ou amateur, vous devez obtenir l’autorisation de la SACD.


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Création de QUARANTAINE au Théâtre Baltazar Dias de Funchal (Madère, Portugal).



Création de QUARANTAINE à Gostivar (Macédoine).

https://www.facebook.com/tv21hd/videos/1049517349507050




Quarantaine

Personnages :

Dom

Pat

Max

Sam/Kim

Les sexes sont indifférents, et l’aspect unisexe voire uniforme sera une caractéristique de tous les personnages. Les comédiens pourront d’ailleurs changer de rôles au cours du spectacle, chaque rôle étant symbolisé par un costume (blouses de patients bleues, roses ou vertes, blouse d’infirmier blanche, costume Mao noir). Dans cette version, Dom et Max seront des hommes, Pat et Sam/Kim des femmes.

Acte 1

Le plateau pourra rester nu à l’exception d’une ou deux chaises. Dom arrive d’un pas incertain. Il porte le genre de blouses (bleues, roses ou vertes) qu’on met aux patients à l’hôpital. Il jette autour de lui un regard intrigué, avant de découvrir avec stupéfaction la présence des spectateurs, et de s’avancer pour les observer avec un air inquiet. Pat, portant la même tenue, arrive derrière lui.

Pat – Bonjour.

Surpris, Dom sursaute, se retourne et aperçoit Pat.

Dom – Vous m’avez fait peur…

Pat – Désolée… Alors vous aussi vous…?

Dom – Oui…

Moment d’embarras.

Pat – On s’est déjà vus, non ?

Dom – On était dans le même wagon, je crois.

Pat – Voiture 13, c’est ça ! Je ne sais pas si ça a un rapport…

Dom – Un rapport ? Avec le numéro 13, vous voulez dire ?

Pat – Avec le fait qu’on soit là tous les deux ! Parce qu’on était dans le même wagon…

Dom – Je ne sais pas. À vrai dire, je ne sais pas du tout pourquoi on est là.

Pat – Moi non plus. Je n’y comprends rien. À la descente du train, deux agents m’ont demandé de les suivre…

Dom – Vous êtes sûre que c’était des policiers ?

Pat – Je pense, oui… Ils portaient un masque. Enfin pas un masque… Comme dans les hôpitaux, je veux dire. Ils m’ont fait monter dans une ambulance et…

Dom – Une ambulance, vous êtes sûre ? Non, parce que si c’était des policiers…

Pat – Disons… un fourgon, alors.

Dom – Un fourgon de police médicalisé.

Pat – C’est ça… Ils m’ont conduite jusqu’ici et… ils m’ont dit d’attendre. Et vous ?

Dom – Pareil… Donc on ne vous a rien dit non plus.

Pat – On m’a dit d’attendre.

Dom – Et… vous n’avez rien entendu d’autre ?

Pat – Non… (Un temps) Je crois que le mot quarantaine a été prononcé.

Dom – Ah oui….?

Pat – Vous avez entendu ça, vous aussi ?

Dom – Pas vraiment…

Pat – C’est le plus probable, non ?

Dom – Une quarantaine, oui… Qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ?

Pat – Ça expliquerait les masques.

Dom – Oui… Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

Pat – On attend… C’est ce qu’on nous a dit, non ? On nous a dit d’attendre.

Un temps.

Dom – Une quarantaine… Si ça dure vraiment quarante jours… J’espère qu’on nous donnera quelques explications avant.

Pat – On dit une quarantaine, mais… ce n’est pas forcément aussi long. Ça dépend des maladies.

Dom – Vous croyez qu’il s’agit d’une maladie ?

Pat – Quoi d’autre ? Si on nous met en quarantaine…

Dom – Oui… Ça doit être un virus.

Pat – Très contagieux, j’imagine.

Dom – Oui… sûrement.

Pat – Je ne ressens aucun symptôme, et vous ?

Dom – Non, moi non plus.

Pat – Remarquez… Ça ne veut pas dire qu’on n’est pas malades. Ça dépend du temps d’incubation.

Dom – Vous êtes médecin ?

Pat – Ordonateur.

Dom – Ordonateur ?

Pat – Autrefois, on disait informaticien, je crois.

Dom – D’accord… Donc les virus, vous connaissez…

Pat – J’ai surtout trois enfants… Et vous ?

Dom – Je n’ai pas d’enfants.

Pat – Non, je voulais dire… Vous non plus, vous n’êtes pas médecin.

Dom – Je suis formateur.

Pat – Formateur…

Dom – Avant on disait professeur, je crois. Demain on dira… dresseur, peut-être.

Pat – Je vois…

Dom – Ah oui ? Et qu’est-ce que vous voyez ?

Pat – Non, je veux dire… Vous en savez encore moins que moi sur les virus…

Un temps.

Dom – Et donc le temps d’incubation, ça dépend des virus ?

Pat – Tout à fait… Parfois on ressent les premiers symptômes une semaine après la contamination. Parfois moins, parfois plus.

Dom – Vous m’avez l’air d’en connaître un rayon sur la propagation des épidémies… pour quelqu’un qui n’est pas médecin.

Pat – Je vous l’ai dit, j’ai trois enfants. Quand il y en a un de malade, c’est rare que les deux autres ne suivent pas quelques jours après.

Dom – Mais nous on n’est pas malades !

Pat – On est peut-être contagieux bien avant d’être malade soi-même.

Dom – Oui… Si on est vraiment porteur du virus.

Pat – D’où la quarantaine, probablement… Mais, on va sûrement nous expliquer tout ça.

Dom – Oui, sûrement…

Max arrive, portant la même tenue qu’eux.

Dom – Ah… Plus on est de fous…

Pat – Plus on est de fous ?

Dom – C’est une expression qu’on disait autrefois… Plus on est de fous… Non rien…

Pat – Monsieur va peut-être pouvoir nous en dire plus.

Max, l’air passablement déboussolé, s’avance vers le public.

Dom – Je ne parierais pas là-dessus. Il n’a pas l’air très net.

Pat – Bonjour.

Max – Ah, bonjour… Je… Je viens d’arriver, moi aussi…

Dom – Comment savez-vous qu’on vient d’arriver ?

Max – Pardon ?

Dom – Vous avez dit : je viens d’arriver moi aussi. Comment savez-vous qu’on vient d’arriver ? On pourrait être déjà là depuis des semaines…

Max – Vous êtes là depuis plusieurs semaines ?

Pat – On vient d’arriver.

Max – Ah… Comme moi alors… C’est bien ce que je disais.

Pat – Oui…

Max – Et… vous savez pourquoi on est là ?

Dom – On comptait un peu sur vous pour nous le dire…

Max – Je ne sais pas… Ils m’ont cueilli à la descente du train, sans aucune explication. Je n’ai pas que ça à faire, moi.

Pat – Et moi donc… Mes trois enfants m’attendent à la maison. Sans parler de mon mari. Et vous ?

Max – Je ne suis pas marié. J’avais juste fait un saut dans le Sud pour voir ma mère à l’hôpital.

Dom – Elle est malade, elle aussi ?

Max – Elle s’est cassé le col du fémur.

Pat – Ça au moins, ce n’est pas contagieux…

Max – Oui, mais qui est-ce qui va me payer, moi ? J’ai deux chantiers à terminer avant la fin de la semaine…

Pat – On nous donnera peut-être un dédommagement. Vous êtes artisan ?

Max – Je suis plombier.

Dom – Et dire que quand on en cherche un, on n’en trouve jamais…

Max – Pardon ?

Dom – Non, rien…

Pat – Plombier… J’ai déjà entendu ce mot, mais je ne sais plus ce que ça veut dire exactement.

Dom – On dit réparateur, maintenant.

Pat – Ah, oui…

Dom – Monsieur est réparateur spécialisé. Il répare des tuyaux, des canalisations, des robinets… Plombier, comme on disait autrefois.

Max – C’est ça.

Dom – Donc, vous ne savez pas non plus pourquoi on nous a enfermés ici ?

Pat – Parce que vous pensez qu’on est enfermés ?

Dom – Enfermés ou pas, si on est en quarantaine, on n’a pas le droit de sortir, non ?

Max – Alors vous croyez qu’on est en quarantaine ?

Dom – D’après Madame, qui est une grande spécialiste, on est porteurs d’un virus, et on est contagieux. C’est pour ça qu’on nous a mis à l’isolement.

Max – Un virus ? Quel virus ?

Pat – Ça… C’est sûrement un virus inconnu. Sinon, il y aurait déjà des vaccins, et on ne nous aurait pas placés en quarantaine.

Max – D’accord… Mais pourquoi nous ? Vous le savez ?

Pat – On a dû être en contact sans le savoir avec une personne malade… Vous disiez que vous êtes allé voir votre mère à l’hôpital ?

Max – Pour une fracture !

Pat – Oui… Mais les hôpitaux, c’est bourré de virus, non ? C’est bien connu…

Max – Ça va être de ma faute, maintenant…

Dom – Ne vous énervez pas, mon vieux. Personne ne vous reproche rien.

Pat – Et puis si on est enfermés ici pendant des semaines, il vaut mieux rester solidaires.

Max – Parce que vous pensez qu’ils vont nous garder pendant des semaines ?

Pat – On ne sait pas. Pour l’instant, on ne sait rien.

Un temps.

Max – Et vous ça va ?

Pat – Ça va… J’aurais préféré rentrer directement chez moi, retrouver mon mari et mes enfants, mais bon…

Max – Non, mais ça on s’en fout. Je veux dire… Est-ce que vous avez l’impression d’être malade.

Pat (froissée) – Pas pour le moment.

Max – Et vous ?

Dom – Ça va. Mais… merci de vous préoccuper de ma santé.

Max – Moi non plus, je… Je suis en pleine forme.

Dom – Tant mieux, tant mieux… On est contents pour vous…

Max jette à nouveau un regard autour de lui.

Max – Vous savez où on est, exactement ?

Dom – Non… On ne voyait rien depuis le fourgon mortuaire qui nous a amenés ici. Les stores étaient tirés.

Max – C’était un fourgon mortuaire, vous êtes sûr ?

Dom – J’ai dit ça ? Non, je voulais dire fourgon sanitaire, évidemment.

Pat – On a roulé à peine un quart d’heure. On ne doit pas être très loin de la gare…

Max – Ouais… mais ce n’est pas un hôpital.

Pat – Non… Mais comme pour l’instant on n’est pas malades.

Max – C’est bizarre… C’est quoi, cet endroit…? (Il fait le tour de la scène, et son visage se fige en apercevant les spectateurs.) Et ceux-là, c’est qui ?

Pat – Ceux-là ? Qui donc ?

Max (désignant le public) – Ceux-là !

Pat s’avance en plissant les yeux.

Pat – Je ne vois rien… Avec ces lumières… C’est aveuglant…

Max – Là ! Tous ces gens qui nous regardent !

Pat (apercevant le public) – Non… Mais c’est quoi ça…? (À Dom) Vous avez vu ?

Dom – Oui… C’est la première chose que j’ai vue en entrant.

Pat – Vous auriez pu nous le dire !

Dom – Quoi ?

Pat – Qu’on nous regardait ! Qu’on nous écoutait !

Dom – Ça m’est sorti de l’esprit… Qu’est-ce que ça aurait changé ? On n’a rien fait de mal, non ? Et on n’a rien dit de mal…

Pat – J’espère…

Max – Moi, je n’ai rien dit du tout.

Pat – C’est un cauchemar…

Max – Vous croyez qu’ils nous entendent ?

Dom – Je pense même qu’ils sont là pour ça.

Max – Pour nous écouter ?

Pat – Pour nous observer, en tout cas. Puisqu’on est en observation. Pour voir comment la maladie va évoluer…

Max – C’est curieux. Nous, on ne les entend pas.

Dom – Peut-être parce qu’ils ne disent rien.

Pat – Ou alors ils sont derrière une vitre.

Max – Une vitre ?

Pat – Comme dans une salle d’interrogatoire, vous voyez… (Plissant les yeux face aux projecteurs qui l’aveuglent) Et avec ces lumières qu’on nous envoie dans les yeux…

Dom – Je ne me suis encore jamais trouvé dans une salle d’interrogatoire. Pas avant aujourd’hui en tout cas.

Pat – Mais si, vous savez bien. Quand on est du bon côté, on peut voir les gens, et eux ils ne nous voient pas.

Max – Les gens ?

Pat – Les suspects !

Max – Oui, mais là, on les voit.

Dom – Il y a une chose dont je suis sûr, c’est que si un jour je me retrouve dans une salle d’interrogatoire, je ne serai certainement pas du bon côté.

Max – Le bon côté…? C’est lequel, à votre avis ?

Dom – Le bon côté de la vitre ! Celui d’où on voit sans être vu…

Max – Alors d’après vous, c’est eux qu’on va interroger… et nous on est là pour regarder.

Pat – Vous avez raison, ça ne tient pas debout. On n’est pas des policiers…

Dom – Si vous le dites…

Pat – Pardon ?

Dom – Vous avez l’air d’en connaître un rayon aussi sur les salles d’interrogatoire…

Pat – Qu’est-ce que vous voulez insinuer ?

Dom – Je ne sais pas… Vous savez tout sur les virus, ou presque… Vous savez à quoi ressemble une salle d’interrogatoire. Ce n’est pas eux qui vous envoient, au moins ?

Pat – Eux ? Je ne comprends pas…

Max – Vous pourriez être une infiltrée. Je crois que c’est ça que ce monsieur essaie d’insinuer. Une espionne, si vous préférez…

Pat – Je crois surtout qu’on commence tous à devenir fous. Ces gens sont sûrement des médecins. Ils sont là pour observer l’évolution de notre maladie, sans risquer d’être contaminés.

Max – On n’a qu’à faire comme s’ils n’étaient pas là.

Dom – Voilà. On va faire comme ça… Comme si de rien n’était. Comme si on n’était pas des cobayes dans un laboratoire, épiés jour et nuit par une centaine de spécialistes pour voir en combien de temps on va mourir, et de quelle façon…

Sam, portant la même tenue, arrive derrière eux.

Sam – Bonjour…

Pat – Madame va peut-être pouvoir nous renseigner… Bonjour Madame, vous êtes médecin ?

Sam – Je suis informateur.

Pat – Informateur ?

Dom – Autrefois, on disait journaliste, je crois.

Max – Ah… Donc vous êtes comme nous.

Sam – Vous êtes tous des informateurs ?

Max – Non… Je veux dire vous êtes comme nous… Vous ne savez pas pourquoi on nous a conduits ici.

Sam – Désolée, mais je n’en ai aucune idée. Juste en descendant du train…

Dom – Oui, bon, ça va, on le sait…

Sam – Je vous réponds… Si vous savez, pourquoi vous me demandez ?

Max – Mais on ne sait rien, on vient de vous le dire !

Sam – Ce n’est pas la peine de vous énerver, non plus.

Max – Excusez-moi, vous avez raison.

Sam – Donc, je descendais du train et… des policiers m’ont amenée jusqu’ici. Je n’ai aucune autre information. Je ne sais pas du tout pourquoi on nous a arrêtés.

Dom – On vous a dit qu’il s’agissait d’une arrestation ?

Sam – Non, pas explicitement, mais…

Pat – Moi j’ai entendu quarantaine, plutôt. Enfin, c’est ce que j’ai compris.

Sam – Ils parlaient peut-être de votre âge…

Dom – Nous voilà bien avancés…

Sam – Si on nous a placés en garde à vue, il y a sûrement une bonne raison.

Dom – Ah parce qu’on est en garde à vue, maintenant ?

Sam – Désolée… Je voulais dire en observation…

Pat baisse un peu la voix en désignant discrètement le public.

Pat – Donc vous ne savez pas non plus qui sont tous ces gens qui nous regardent…

Sam remarque l’assistance, mais ne montre aucune surprise.

Sam – Non…

Max – Alors vous aussi, vous étiez dans ce train ?

Sam – Voiture 13. Siège 40. Et vous ?

Pat – 42.

Max – 41.

Dom – 43.

Sam – Donc on était assis l’un à côté de l’autre.

Pat – Ou l’un en face de l’autre.

Sam – Ça pourrait expliquer qu’on ait été contaminés par la même personne… Mais par qui ?

Il lance un regard suspicieux aux trois autres. Perplexité générale.

Pat – On a une de ces allures avec ces tenues. J’ai l’impression d’être dans un asile de fous…

Max – Mais la folie, ça n’est pas contagieux… Si ?

Sam – On va quand même éviter tout contact physique.

Dom – Ah, parce que vous aviez l’intention de…

Pat – On va éviter de tousser, aussi. Ou alors on met sa main devant sa bouche.

Dom – Pourquoi on ne nous a pas donné de masques, alors ? Si on est contagieux.

Pat – Ils doivent considérer qu’entre nous ce n’est pas la peine. Si on est déjà tous condamnés…

Sam – Condamnés ?

Pat – Désolée, je voulais dire contaminés.

Max – Dans ce cas, ça ne sert à rien de mettre la main devant sa bouche avant de tousser.

Dom – Et donc on peut se toucher aussi, non ?

Sam – On pourrait au moins se présenter, avant. (Tendant la main à Dom) Sam.

Après une petite hésitation, Dom lui sert la main que lui tend Sam.

Dom – Dom.

Même manège avec les deux autres.

Pat – Pat.

Max – Max.

Ils se serrent tous la main, avec une certaine appréhension. On entend soudain un grésillement de haut-parleur et une voix off se fait entendre.

Voix – Bonjour à tous. Vous nous entendez ?

Moment de flottement.

Sam – Affirmatif. On vous reçoit cinq sur cinq.

Dom – Enfin disons quatre sur cinq.

Voix – Nous vous prions tout d’abord de nous excuser pour tous ces désagréments, rendus hélas nécessaires par la crise à laquelle nous sommes tous confrontés. Nous avons dû réagir en urgence. Et nous n’avons pas eu le temps de vous expliquer clairement les raisons de votre détention… Je veux dire de votre rétention dans ce lieu de confinement, pour éviter tout contact avec l’extérieur…

Pat – Et on peut savoir à présent quelle est la nature exacte de cette crise sanitaire ?

Voix – C’est un peu difficile à expliquer par le truchement d’un haut-parleur. Mais ne vous inquiétez pas. Nous allons bientôt venir à votre rencontre. En attendant, nous veillerons à ce que vous ne manquiez de rien. Il y a dans l’entrée un frigo et des placards bien garnis, qui vous permettront de vous restaurer. Il y a aussi une porte qui ouvre sur un couloir desservant des chambres, chacune équipée d’une salle de bain et d’un minibar. C’est assez sommaire, mais vous verrez, il y a tout ce qu’il faut…

Dom – Tout ce qu’il faut ?

Voix – Il y a même un babyfoot.

Max – Peut-on au moins savoir combien de temps tout ça va durer ?

Pat – Mon mari et mes enfants m’attendent à la maison. Enfin, surtout mes enfants…

Voix – Rassurez-vous. Vos familles, vos employeurs ou vos clients sont prévenus. Bon séjour avec nous, et à très bientôt.

On entend un nouveau grésillement puis plus rien.

Pat – Bon séjour ?

Dom – Et voilà… C’est tout… On n’a plus qu’à la fermer et attendre…

Sam – C’est dingue…

Moment de stupéfaction générale.

Pat – Je vais appeler mon mari. Au moins pour le prévenir. (Elle sort son portable.) Et puis dehors, ils ont peut-être plus d’informations… (Elle appuie sur une touche et son visage se fige.) Je n’ai pas de réseau… Et vous ?

Dom sort son portable.

Dom – Moi non plus.

Sam – Ils doivent utiliser un brouilleur…

Max – Mais pourquoi ?

Moment de perplexité.

Pat – Alors on est vraiment coupés du monde…

Dom – Qu’est-ce qu’on fait ?

Sam – Que voulez-vous qu’on fasse ?

Un temps.

Max – On n’a qu’à bouffer.

Dom – Pardon ?

Max – Ils nous ont dit où était la bouffe.

Dom – Alors on est séquestrés ici sans même savoir pourquoi, sans aucune possibilité de communiquer avec l’extérieur, et lui il ne pense qu’à bouffer…

Max – Vous avez une meilleure idée ?

Dom – Non…

Max – Alors vous faites ce que vous voulez, mais moi j’ai les crocs…

Il sort. Les trois autres se regardent.

Sam – C’est vrai que j’ai un peu faim, moi aussi…

Il sort.

Dom – Qu’est-ce que vous en pensez ?

Pat – Après tout… à quoi ça nous avancerait de nous laisser mourir de faim.

Elle sort. Après une hésitation, il la suit.

Noir.

Acte 2

La lumière revient sur le plateau. Dom et Pat font les cent pas, comme des lions en cage. Max les observe avec un air détaché, en mangeant une tranche de pizza.

Pat – On n’était pas quatre, avant ?

Dom – Si…

Pat – La quatrième a disparu…

Dom – Comment elle s’appelait, déjà ?

Max – Kim.

Pat – Kim ?

Dom – Sam, je crois.

Max – Sam, c’est ça…

Dom – Qu’est-ce qu’ils ont bien pu en faire ?

Max – Ils l’ont peut-être libérée.

Pat – Ils l’auraient libérée ? Et pourquoi pas nous ?

Dom – Ou alors, elle est morte…

Pat – Morte ? Vous voulez dire… de cette maladie ?

Dom – Je ne sais pas. (À Max) Qu’est-ce que vous en pensez, vous ?

Max – Oui, elle est peut-être morte.

Pat – Ça n’a pas l’air de vous couper l’appétit, au moins…

Un temps.

Dom – Ça fait combien de temps qu’on est là ?

Pat – Je dirais une semaine, non ?

Max – Sept jours exactement.

Pat – Oui, c’est bien ce que je disais… Une semaine. J’ai l’impression de devenir folle.

Dom – Moi aussi.

Pat – Fous à lier, pas encore. Mais enfermés, on l’est déjà.

Max – De toute façon, on nous a dit de rester ici.

Dom – On ? C’est qui on ?

Max – L’Autorité. Enfin, les autorités sanitaires. Ils l’ont dit, dans le haut-parleur. Vous n’avez pas entendu ?

Pat – C’est juste une voix anonyme dans un haut-parleur…

Dom – C’est vrai, qu’est-ce qu’on en sait après tout ? On a peut-être été enlevés…

Max – Par des policiers ?

Pat – C’était peut-être des faux policiers. Ils étaient masqués…

Max – Pourquoi on nous aurait enlevés ?

Dom – Pour rançonner nos familles ? Je n’ai aucune famille… J’imagine que vous n’êtes pas milliardaires non plus.

Pat – Je n’ai que mon appartement, qui reste la propriété de la banque tant que je n’ai pas remboursé mon crédit sur cinquante ans. Je ne pense pas que ma banque paierait une rançon pour me faire libérer… dans le seul espoir que je puisse continuer à rembourser mon crédit.

Dom – Et puis personne ne nous a demandé de rançon.

Max – Pas à ma connaissance, en tout cas.

Dom – Nos ravisseurs ont dû se rendre compte qu’on n’était pas des bons clients, et ils se sont barrés. En oubliant de nous libérer…

Pat – Ou alors, c’est une prise d’otages. Les prises d’otages, c’est souvent très long. Ça dure des années, parfois.

Max – Une prise d’otages ?

Pat – Pourquoi pas ? Ils ont des revendications, et ils menacent de nous tuer si les autorités ne leur donnent pas ce qu’ils veulent.

Max – Dans ce cas-là, vous êtes mal barrés.

Dom – Vous ?

Max – Non, je veux dire… nous. On est mal barrés. Il y a bien longtemps que les autorités ne cèdent plus au chantage des terroristes. Même lorsque la vie des otages est en danger.

Un temps.

Pat – Je crois qu’on commence à délirer… Non, c’est une simple quarantaine, et puis voilà.

Dom – Vous croyez ?

Pat – C’est ce que je préfère croire, en tout cas. Pour ne pas devenir folle…

Max – Vous avez raison. Il ne faut pas voir tout en noir.

Pat – Le principal, c’est que personne n’est malade… Si c’est vraiment une quarantaine, on va finir par nous laisser sortir…

Max – Par quel mal on aurait bien pu être contaminés ?

Dom – C’est curieux, vous avez dit par quel mal, et pas par quelle maladie.

Pat – Par quoi d’autre on pourrait être contaminés ? À part une maladie ?

Max – Je ne sais pas… J’ai dit ça comme ça… Qu’est-ce que vous en pensez ?

Dom – Rien. Je n’en pense rien. Et si j’en pensais quelque chose, ce n’est pas à vous que je le dirais.

Pat fait face aux spectateurs.

Pat – Et eux, ils sont toujours là aussi…

Max – Peut-être qu’ils ne peuvent pas se barrer non plus.

Pat – On les retiendrait en otages, comme nous ?

Dom – S’ils sont libres de partir, je me demande vraiment pourquoi ils ne l’ont pas déjà fait.

Max – Oui… Parce qu’il ne se passe pas grand chose de très passionnant.

Pat – On se croirait dans une émission de télé-réalité. Même nous on va finir par s’ennuyer…

Le docteur Kim arrive derrière eux. C’est la même comédienne qui auparavant incarnait Sam. Elle porte un costume Mao noir et affiche un sourire de présentateur télé.

Kim – Chers amis, bonjour !

Les trois autres se retournent, surpris.

Pat – Elle ne porte pas la même blouse que nous. Elle doit être médecin.

Dom – C’est curieux, sa tête me dit quelque chose…

Pat – Moi aussi, j’ai l’impression de l’avoir déjà vue.

Max – Elle va peut-être nous expliquer ce qu’on fait là…

Dom – Enfin !

Pat – Bonjour Docteur. Alors ça y est, on nous libère ?

Kim – Pas tout à fait encore…

Dom – Si vous nous disiez d’abord qui vous êtes, et pourquoi on est là.

Kim – Je suis…. votre reformateur.

Pat – Reformateur ?

Kim – Je suis là pour vous remettre en forme.

Dom – Autrefois, on disait thérapeute, je crois.

Pat – Mais vous êtes médecin ?

Kim – En tout cas, je suis docteur… Je suis le docteur Kim. Et je suis là pour vous soigner.

Dom – Nous soigner ?

Kim – Disons… vous remettre dans le droit chemin. Le chemin de la guérison…

Pat – Et comment vous comptez vous y prendre ?

Kim – En vous reformatant, justement. Si c’est encore possible…

Pat – Donc vous n’avez pas de vaccin.

Max – Voilà qui est tout à fait rassurant…

Pat – Mais enfin… pourquoi nous retenez-vous ici ? Le moment est venu de nous le dire.

Kim – Vous avez été en contact avec quelqu’un de dangereux.

Max – Vous voulez dire… quelqu’un porteur d’un virus dangereux ?

Kim – Oui, en quelque sorte. Nous attendons de voir si vous êtes contaminés vous aussi…

Dom – Mais nous n’avons reçu aucun traitement !

Kim – Il n’existe aucun traitement.

Dom – Vous voulez dire aucun traitement d’ordre médical ?

Pat – Mais puisque nous ne souffrons d’aucun symptôme !

Kim – C’est une affection dont l’incubation peut être très longue.

Dom – Et si on est vraiment atteints par ce virus, qu’est-ce que vous allez faire de nous ?

Kim – Nous attendons des instructions à ce sujet.

Dom – J’ai l’impression de parler à un robot, dont le disque dur serait un peu rayé. Vous êtes sûre que ce n’est pas vous qui avez un virus ?

Pat – Ce qui est sûr, c’est que nous sommes enfermés ici depuis une semaine, sans aucun contact avec nos familles…

Dom – Même par téléphone !

Pat – Le réseau est brouillé. Les virus, ça ne se transmet pas par téléphone, si ?

Kim – Ça dépend lesquels…

Pat désigne le public.

Pat – Et puis c’est qui, tous ces gens qui nous observent ?

Kim – Ce sont des cobayes eux aussi.

Pat – Eux aussi ? Donc, nous sommes bien des cobayes.

Kim – Nous voulons voir quelles seront leurs réactions après un contact prolongé avec des personnes sévèrement atteintes, comme vous.

Dom – Mais on a aucun contact avec eux !

Kim – Oui. Mais eux ils vous entendent. Et ils vous voient.

Max – J’ai l’impression d’être un hamster dans un laboratoire.

Pat – Si encore on avait une roue pour faire un peu d’exercice.

Kim – Ce n’est pas un jeu, croyez-moi.

Pat – Mais enfin, c’est quoi ce virus, exactement ?

Kim – En réalité… ce n’est pas exactement un virus.

Max – C’est quoi alors ?

Kim – C’est plutôt quelque chose qui se transmet par un contact auditif. Ou visuel. Ou les deux. Par mimétisme, en quelque sorte.

Dom – Ah oui, c’est tout de suite beaucoup plus clair.

Kim – Quelqu’un dans la voiture 13 a eu devant vous un comportement inapproprié, déviant, et donc dangereux.

Pat – Quel genre de comportement ?

Kim – Vous ne vous souvenez vraiment pas ?

Pat – Non.

Kim – Aucun d’entre vous ?

Dom – Non.

Kim – Nous verrons cela. On vous a justement confinés ici pour vérifier que vous n’êtes pas contagieux.

Pat – Contagieux ? Mais vous dites qu’il ne s’agit pas d’un virus !

Kim – Que vous n’êtes pas tentés de reproduire ce dangereux travers, si vous préférez. Au risque de contaminer d’autres personnes.

Pat – Et combien de temps allez-vous nous retenir encore ici avant d’être sûrs que nous ne sommes pas… contagieux ?

Kim – Nous attendons des instructions à ce sujet. Pour l’instant, essayez de vous souvenir.

Sam – Nous souvenir de quoi ?

Kim – De ce que vous avez vu et entendu dans cette voiture 13. Je vous laisse y réfléchir encore un peu…

Pat – Mais enfin…

Kim – C’est tout pour aujourd’hui. Chers amis, nous nous reverrons bientôt. Et en attendant, si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas à nous le faire savoir.

Pat – Vous le faire savoir ? Comment ? On est enfermés ici, et on n’a aucun moyen de communiquer avec l’extérieur ! Ou même avec le room service…

Kim – Ne vous inquiétez pas… Demandez, et on vous donnera. Cherchez et vous trouverez…

Dom – Frappez et on vous ouvrira ?

Kim s’en va.

Pat – Nous souvenir…

Max – Vous vous souvenez de quelque chose, vous ?

Dom – Non… Et vous ?

Pat – Moi non plus…

Dom – Et puis si on se souvenait de quelque chose, personne ne le dirait, non ?

Max – Et pourquoi ça ?

Pat (désignant le public) – Je vous rappelle qu’on nous écoute…

Dom – Ça, on ne risque pas de l’oublier.

Max – Se savoir écouté… ça évite les comportements déviants, non ?

Dom – C’est quoi un comportement déviant ?

Pat – Déviant par rapport à quoi ?

Max – Ça… On ne sait pas…

Pat – On ne sait plus.

Dom – On a sûrement dû le savoir un jour… mais on a oublié.

Un temps.

Max – Ça me donne faim, moi, tout ça. Pas vous ?

Max sort.

Pat – Il ne pense vraiment qu’à bouffer, celui-là.

Dom – Je me demande si ce con n’est pas là pour nous surveiller.

Pat – On est déjà surveillés, non ?

Dom – Disons nous surveiller de l’intérieur, alors.

Pat – Un espion ? Ça pourrait être n’importe lequel d’entre nous.

Dom – Oui… Pourquoi pas moi ?

Pat – Je ne pense pas que vous soyez des leurs.

Dom – C’est peut-être vous, l’espionne. Et vous essayez de me faire parler.

Pat – Dans ce cas, ce n’est pas très réussi. Vous ne dites rien.

Dom – Je suis prudent, c’est tout…

Pat – Alors c’est moi qui vais parler.

Dom – Comme vous voulez.

Pat – J’ai dit que je ne me souvenais de rien, mais… ce n’est pas tout à fait vrai.

Dom – Vraiment ?

Pat – Je me souviens de quelque chose.

Dom – Je vous écoute… (Désignant le public) Tous, nous vous écoutons…

Pat – Je me souviens du couple qui était assis à côté de nous, dans ce train.

Dom – Ah oui…?

Pat – L’homme s’est mis à raconter à la femme une histoire.

Dom – Une histoire ?

Pat – Une histoire de fous.

Dom – Je serai curieux de l’entendre.

Pat – Un fou trouve un miroir. Il le regarde, voit son visage et s’exclame : la tête de ce con me dit quelque chose… L’autre prend le miroir, le regarde à son tour et répond : Évidemment, ce con, c’est moi !

Dom – Et vous trouvez que c’est une histoire de fous ?

Pat – En tout cas, seul un fou peut raconter une histoire aussi insensée. C’est ce qu’on nous a toujours appris, non ?

Dom – Oui…

Pat – Et cette histoire, vous la connaissiez déjà avant que je vous la raconte…

Dom – Peut-être.

Pat – Vous l’avez entendue comme moi, dans ce wagon.

Dom – Admettons. Et alors ?

Pat – Le visage de la femme est devenu… comme grimaçant. Elle a été secouée de spasmes des pieds à la tête. Elle a ouvert la bouche et une sorte de cri saccadé est sorti de sa bouche.

Dom – Un cri ? Quel genre de cri ?

Pat – Ah, ah, ah !

Dom – Ah, ah, ah ?

Pat – Ah, ah, ah !

Elle se met à rire d’une façon hystérique.

Dom – Moins fort, je vous en prie… Et après ?

Pat – Elle n’avait pas l’air de souffrir. Il l’a regardée et il s’est mis à avoir les mêmes symptômes.

Dom – Donc c’est bien contagieux. Et ensuite ?

Pat – Des policiers sont arrivés et les ont emmenés tous les deux.

Dom – Je vois…

Pat – Bien sûr que vous voyez. Vous étiez là, comme moi.

Dom – Je ne m’en souviens pas…

Pat – Je ne suis pas une espionne. Vous pouvez vous confier à moi.

Un temps. Il l’entraîne en fond de scène, loin du public.

Dom – Ça s’appelle le rire.

Pat – Pardon ?

Dom – Cette maladie contagieuse dont vous venez de décrire les symptômes. Ça s’appelle le rire.

Pat – Le rire ? Qu’est-ce que c’est que ça ?

Dom – Une maladie que les autorités sanitaires avaient réussi à éradiquer. Enfin pas tout à fait, la preuve.

Pat – Mais c’était quoi, cette maladie ?

Dom – Une affection très ancienne. Aussi ancienne que l’Humanité. Les symptômes étaient relativement bénins, mais cela poussait à des comportements désordonnés. Déviants, comme ils disent…

Pat – Mais je viens de vous raconter la même histoire, et vous n’avez pas ri.

Dom – La deuxième fois, c’est toujours moins marrant. Et puis nous avons perdu l’habitude de rire. Nous ne savons plus ce qui est drôle.

Pat – Drôle ?

Dom – Drôle. Ou comique. Ce qui déclenche le rire. Nous ne savons plus rire.

Pat – Et vous ? Il vous arrive… de rire ?

Dom – En cachette, vous voulez dire ? Parce que sinon… Vous avez vu le sort qui est réservé à ceux qu’on surprend en train de rire.

Pat – Et alors ?

Il se rapproche d’elle et lui parle à voix basse.

Dom – Je fais partie d’un groupe.

Pat – Un groupe terroriste ?

Dom – Oui, si vous voulez. Nous tenons des réunions secrètes. On se raconte des histoires drôles, et on rit. Enfin, on essaie…

Pat – Des histoires de fous ?

Dom – Faut-il être fou pour se moquer des autorités ? Ou même du Guide Suprême…

Pat – Mais critiquer les autorités, c’est interdit, non ? Et manquer de respect au Guide Suprême, c’est un blasphème.

Dom – Autrefois le blasphème était autorisé.

Pat – Comment savez-vous tout ça ?

Dom – On a retrouvé des livres.

Pat – Des livres ?

Dom – Et des journaux, aussi.

Pat – Qu’est-ce que c’est que ça ?

Dom – C’est comme des tablettes, mais les caractères sont imprimés à l’encre noire sur du papier.

Pat – Comme sur des emballages ?

Dom – Et comme ce n’est pas diffusé sur un réseau, c’est impossible à contrôler.

Pat – Et bien entendu, c’est interdit.

Dom – Il fut un temps où ça ne l’était pas… C’était une autre époque.

Pat – Je ne m’en souviens pas.

Dom – Une époque que tout le monde a oubliée. Les autorités ont tout fait pour ça. En brûlant tous les livres, notamment.

Pat – Le rire…

Dom – C’était le propre de l’homme, paraît-il. Ce qui le distinguait des animaux sociaux comme les abeilles, les fourmis ou les termites…

Pat – Il nous reste l’intelligence.

Dom – Mais pour combien de temps encore… Les professeurs sont devenus des formateurs. Les politiciens des reformateurs. Les informaticiens sont devenus des ordonateurs et déjà presque des ordinateurs…

Max revient. Ils abandonnent leur conversation et prennent un air détaché.

Pat – Vous avez bien mangé ?

Dom – C’était bon ?

Max – Excellent.

Pat – C’était quoi, aujourd’hui ?

Max – Pizza.

Dom – Encore ?

Pat – Combien de temps ils vont nous retenir enfermés ici, à bouffer des pizzas.

Max – J’aime bien, les pizzas.

Dom – Et si on s’évadait ?

Max – S’évader ? Mais c’est interdit, non ?

Dom – Bien sûr… Je plaisantais.

Max – Évidemment, que c’est interdit. Et puis on risquerait de contaminer les autres, dehors.

Dom – Le public, notamment. Là ils n’ont pas l’air de rigoler beaucoup, mais…

Max – Et puis de toute façon, on vous retrouverait vite…

Dom – Bon… Alors qu’est-ce qu’on fait ?

Pat – Il reste de la pizza ?

Max – Il y en a plein dans le congélateur. Il suffit de les passer au micro-ondes.

Dom – Je vous accompagne.

Dom et Pat sortent. Kim revient.

Kim – Alors ? Vous avez réussi à leur arracher quelques informations ?

Max – Aucune… Je me commence à me demander si je suis un très bon informateur…

Kim – Oui, moi aussi… Bon… Mais vous avez bien une opinion ?

Max – Une quoi ?

Kim – Qu’est-ce que vous en pensez ?

Max – Rien. Vous m’avez toujours dit que je pensais trop, Chef. Et que ça pouvait être dangereux…

Kim – De toute façon, on a déjà un dossier sur eux.

Max – Et sur moi, vous avez un dossier, aussi ?

Kim – Évidemment ! C’est même vous qui l’avez rédigé, après vous être dénoncé vous-même à la police pour toucher la récompense. Vous ne vous souvenez pas ?

Max – Si, si… Ça m’a valu dix ans d’internement, pour me remettre dans le droit chemin, comme vous dites.

Kim – Si tout le monde était comme vous, nous aurions beaucoup moins de problèmes, croyez-moi.

Max – Vous êtes sûre que ces gens sont dangereux, Chef ?

Kim – Vous en doutez encore ?

Max – Non, bien sûr…

Kim – Puisque vous êtes incapable de leur soutirer la moindre information, vous me rédigerez un nouveau rapport sur vous-même. Vous me ferez la liste de toutes vos pensées déviantes. Je le veux demain matin sur mon bureau.

Max – Bien chef.

Max regarde autour de lui, et du côté des spectateurs.

Kim – À quoi vous pensez, encore ?

Max – À rien, je vous assure.

Kim – Je vois bien que vous pensez à quelque chose ! Alors ?

Max – Je me demandais… C’est quoi ici ?

Kim – Un théâtre désaffecté.

Max – Un théâtre ?

Kim – Un lieu où des gens se réunissaient autrefois pour rire ensemble.

Max – Pour rire ?

Kim – À l’époque c’était légal. On pouvait se moquer de tout. Même des autorités.

Max – Même du Guide Suprême ?

Kim – Même de soi-même.

Max – Heureusement que cette époque est définitivement révolue.

Kim – Oui… Ne me dites pas que vous pensez encore à quelque chose…

Max – Je vais aller faire mon rapport.

Max sort. Kim se dirige vers le public.

Kim – Et vous ça va ? Pas de symptômes alarmants ? Pas de rires intempestifs ? Bon, alors si vous vous tenez à carreaux, on vous laissera sortir tout à l’heure…

Kim sort. Dom et Pat reviennent.

Dom – Vous croyez que c’est lui ?

Pat – Qui ?

Dom – Sam ! Vous croyez que c’est un espion !

Pat – Donc vous ne pensez plus que ça puisse être moi.

Dom – Non.

Un temps.

Pat – Ce couple, vous vous en souvenez très bien.

Dom – Quel couple ?

Pat – L’homme qui raconte une histoire à la femme, et ils rient tous les deux.

Dom – Et pourquoi pensez-vous que je m’en souviens ?

Pat – Parce que ce couple, c’était nous.

Dom – Oui peut-être. (Un temps) Vous n’aviez jamais ri auparavant ?

Pat – Non. Je ne savais pas ce qui m’arrivait. C’était comme… Je ne contrôlais plus rien… J’avais un peu honte.

Dom – Je comprends. Ça fait toujours ça la première fois.

Pat – Et vous ? Vous avez déjà ri avec d’autres femmes, avant ?

Dom – Oui. Avec d’autres femmes. D’autres hommes aussi. Parfois à plusieurs.

Pat – À plusieurs…

Dom – Et ça vous a plu ?

Pat – Je… Je ne sais pas…

Dom – Ça vous a plu.

Pat – Oui…

Dom – Vous verrez, après on ne peut plus s’en passer.

Pat – C’est bien ce qui me fait peur. Et c’est pour ça qu’on nous a enfermés ici, non ?

Dom – Oui… Les deux autres, en face de nous, ça devait être des policiers.

Pat – C’est eux qui nous ont amenés ici. Ils étaient masqués, mais j’ai reconnu leur voix.

Dom – Alors vous saviez.

Pat – Oui. Mais pourquoi deux personnes qui rient, ça les inquiète à ce point ?

Dom – Le rire a un effet dévastateur, ils le savent.

Pat – Dévastateur ? Vous voulez dire que c’est dangereux pour la santé ?

Dom – Pour la santé, non. Ce serait même plutôt bon. C’est pour eux que le rire est dangereux.

Pat – Et pourquoi ça ?

Dom – Quand on commence à rire de tout, on est beaucoup moins naïf et donc beaucoup moins docile. Le rire est subversif…

Pat – Et qu’est-ce qu’ils vont faire de nous ?

Dom – Je ne sais pas. On leur fait peur.

Pat – Peur ?

Dom – Ils craignent que ce rire soit contagieux. Et que cette épidémie emporte tout le système. Et eux avec…

Pat – Vous croyez qu’ils pourraient nous tuer.

Dom – Ils y ont sûrement déjà pensé. Mais ils ne peuvent pas tuer tout le monde…

Pat – Alors qu’est-ce qu’on fait ?

Dom – Vous voulez que je vous en raconte une autre ?

Pat – Une autre blague ?

Dom – Mourir pour mourir, autant mourir de rire…

Pat – Je vous préviens, je suis mariée.

Dom – Rassurez-vous, rire ce n’est pas vraiment tromper.

Pat – Je vous écoute…

Dom – Alors c’est l’histoire de…

Pat – Ne restons pas là, je crois qu’on nous écoute…

Dom – Vous avez raison… Allons plutôt dans ma chambre…

Ils sortent. Kim et Max reviennent.

Sam – Tenez, chef, voilà mon rapport.

Kim – Ce n’est pas très épais… Vous êtes sûr que vous n’avez rien oublié.

Sam – Absolument sûr, chef.

Kim – Où sont-ils passés ? Ils ne se seraient pas échappés, au moins…

Max – Ils doivent être dans leurs chambres.

On entend rire bruyamment Dom et Pat.

Kim – Maintenant au moins, on est fixés.

Max – Oui… Ils ont bel et bien attrapé le virus.

Ils les écoutent rire à nouveau, un peu gênés et un peu troublés.

Kim – Vous avez déjà ri, vous ?

Max – Non, et vous ?

Kim – Ça a l’air douloureux, non ?

Max – Je ne sais pas, je vous dis que je n’ai jamais ri. Vous essayez encore de me piéger ?

Nouveaux éclats de rire en off.

Kim – Cette fois, on n’a pas le choix. Il faut en référer à l’Autorité…

Noir.

Acte 3

Kim est debout, toujours en costume Mao. Dom, Pat et Max sont assis. Dom et Pat portent toujours leurs blouses bleues, roses ou vertes de patients, mais Max porte désormais une blouse blanche façon infirmier.

Kim – Chers amis, merci tout d’abord d’avoir répondu à notre invitation.

Pat – On n’a pas tellement le choix…

Dom – On est prisonniers !

Kim se racle la gorge et poursuit comme si de rien n’était.

Kim – Donc, je vous ai réunis ici pour une thérapie de groupe.

Pat – Vous voulez dire un interrogatoire…

Kim – Nous savons que deux d’entre vous ont été victimes d’une crise de rire depuis leur arrivée ici. Ce qui prouve que l’un ou l’autre était déjà contaminé avant cette mise en quarantaine. Et que le deuxième a contracté le virus à son contact.

Dom – Si vous le savez, pourquoi ce simulacre d’enquête ?

Kim – Nous attendons des coupables qu’ils se dénoncent eux-mêmes. Cela fait partie de la thérapie…

Max – Rire, nous ? Mais nous ne savons même pas ce que ça veut dire. N’est-ce pas, mes amis ?

Pat – Ça va, laissez tomber… On a compris que vous étiez un espion.

Max – Mais je vous assure que…

Dom – Un très mauvais espion, d’ailleurs.

Max – Bon d’accord, un infiltré, peut-être, mais je ne suis pas un espion. Les espions, c’est quand on est du mauvais côté. Nous on est du bon côté, n’est-ce pas Chef ?

Kim – Monsieur n’est pas un espion. C’est un informateur.

Dom – Et vous, vous êtes quoi, exactement ?

Kim – Je suis votre reformateur.

Dom – Un réformateur ?

Kim – Je suis ici pour vous reformater.

Dom – Ce n’est pas le sens originel du mot réformateur.

Kim – Regardez dans le dictionnaire, et vous verrez !

Dom – C’est vous qui l’avez entièrement réécrit, ce dictionnaire. Mais j’ai retrouvé un exemplaire d’une vieille encyclopédie, et je connais le sens que tous ces mots avaient autrefois.

Kim – C’est à l’Autorité qu’il appartient désormais de définir le sens de chaque mot, en prenant pour seule considération le bien de la Nation.

Dom – Vous avez tout réécrit, même la Bible ! Vous avez remplacé Dieu par le Guide Suprême ! Et vous avez brûlé tous les livres pour ne laisser aucune trace du passé !

Kim – Apparemment pas tous, puisque vous semblez en avoir lu quelques-uns.

Dom – Tout ce qu’on peut lire aujourd’hui, c’est sur un écran via un réseau dont vous avez entièrement le contrôle.

Pat – Donc, vous voulez nous reformater… Effacer le disque dur et réinstaller le système d’exploitation, c’est ça ?

Dom – Et aussi installer un anti-virus, probablement

Kim – Le rire, c’est très addictif. Quand on a ri une fois, on sera toujours tenté de recommencer.

Pat – Alors d’après vous, le rire serait une drogue ?

Dom – Une drogue douce, en tout cas.

Kim – L’addiction au rire, c’est comme l’addiction à l’alcool. On n’en guérit jamais tout à fait. On peut s’abstenir de rire. Mais la tentation sera toujours là.

Max – Alcoolique un jour, alcoolique toujours.

Kim – Vous savez de quoi vous parlez. On vous a envoyé en cure de désintoxication pendant dix ans. Vous buviez de l’alcool en cachette. Et vous vous étiez dénoncé vous-même à la police.

Max – Maintenant, je ne bois plus.

Dom – Mais qu’est-ce qu’il bouffe…

Max – Alors cette thérapie, c’est un peu comme une réunion des alcooliques anonymes ?

Kim – C’est ça… Une réunion des rieurs anonymes.

Pat – Dont le but est de démasquer ceux qui rient en cachette.

Kim – Exactement.

Dom – Et comment vous allez faire ça ?

Kim – Je vais vous raconter une histoire. Une histoire drôle, paraît-il. On verra bien qui d’entre vous se met à rire.

Pat – Je vois. Un test de dépistage, en somme.

Dom – C’est curieux, mais quelle que soit l’histoire que vous allez nous raconter, je doute que vous fassiez rire quiconque.

Kim – Et pourquoi ça ?

Dom – Parce que pour rire, on doit être entre gens consentants et de bonne compagnie.

Pat – Là, en gros, vous nous dites que le premier qui rira partira en camp de rééducation.

Dom – Ou pire, sera exécuté.

Kim – Comment vous avez deviné ?

Pat – Je suis déjà morte de rire…

Kim – Bon, je vous raconte quand même mon histoire.

Max – On vous écoute, Chef.

Kim – Un fou trouve un miroir. Il le regarde, voit son visage et s’exclame : la tête de ce con me dit quelque chose. L’autre prend le miroir, le regarde à son tour et répond : Évidemment, c’est moi.

Max – C’est complètement idiot.

Kim – C’est justement ça qui est drôle, non ? Enfin je crois.

Dom – Après, ça dépend comment on la raconte.

Pat – Et surtout qui la raconte.

Kim – Vous croyez ?

Pat – Quand on sait qu’on va être exécuté si on rit, ça n’aide pas.

Kim – Vous trouvez ?

Pat – Bah non.

Kim – Je vois ce que vous voulez dire… Alors on n’a qu’à dire… le premier qui rira aura une tapette !

Dom – Une tapette ?

Dom et Pat rient.

Max – Une tapette…

Le rire étant communicatif, Max se met à rire aussi.

Kim – Tout le monde est contaminé, alors…

Dom – Il est des nôtres, il s’est mis à rire comme les autres…

Kim Max) – Bon, vous, maintenant, vous êtes vraiment en quarantaine.

Max – Bien, Chef.

Dom – Le premier qui rira aura une tapette…

Max ne peut s’empêcher de continuer à rire.

Kim – Vous trouvez ça drôle ?

Max – Mais pas du tout ! Enfin si, mais…

Dom – Vous voyez que vous aussi, vous pouvez être drôle, quand vous voulez. Enfin plutôt quand vous ne voulez pas…

Ils continuent tous à rire de façon un peu hystérique. Kim semble très incommodée, et presque effrayée par ces rires.

Kim – Je vous ordonne d’arrêter de rire !

Mais les autres, emportés par ce fou rire, ne peuvent pas s’arrêter. Kim se bouche les oreilles, et sort précipitamment. Dom, Pat et Max cessent peu à peu de rire.

Dom – Eh bien vous êtes des nôtres, à présent. Alors, quel effet ça fait ?

Max – De rire ? Je ne sais pas… Je pensais que c’était douloureux. En réalité, c’est plutôt agréable.

Pat – Très agréable…

Max – En tout cas, ça soulage.

Dom – Et dire qu’autrefois, on avait le droit de rire en public…

Pat – Comment on en est arrivés là ?

Dom – Ça a débuté il y a très longtemps, mais ça s’est installé progressivement. On a commencé par interdire de rire à propos de certaines choses. De la religion, d’abord…

Max – Et des autorités, bien sûr.

Dom – Et puis on a fait du Guide Suprême un nouveau Dieu, et toute critique est devenue un blasphème.

Max – L’alcool a été interdit aussi, parce que quand on est saoul, on a tendance à rire plus facilement.

Dom – L’Autorité avait établi une liste de sujets dont on pouvait encore rire. Au fil des années, la liste est devenue de plus en plus courte.

Max – Au bout du compte, ils ont décidé que le plus simple, c’était d’interdire de rire.

Dom – Et c’est comme ça que peu à peu, de ne plus avoir le droit de rire de tout, on n’en est arrivé à ne plus avoir le droit de rire de rien…

Max – Finalement, on n’avait même plus le droit de rire de soi-même…

Dom – Même les pauvres n’avaient plus le droit de rire de leur propre malheur.

Pat – Mais comment ont-ils fait pour faire respecter cette interdiction ?

Dom – Les autorités ont traité le rire comme une maladie mentale. Ceux qu’on surprenait à rire étaient immédiatement internés.

Max – Et bien sûr, on a supprimé tout ce qui pouvait donner envie de rire.

Dom – Interdiction des journaux, fermeture des théâtres, autocensure généralisée…

Max – Les clowns, les humoristes et les comédiens étaient considérés comme de dangereux terroristes.

Dom – Le rire était traité comme la lèpre autrefois. Des gens ont été murés vivants chez eux parce qu’on les avait entendus rire.

Max – On a aussi forcé toute la population à porter un masque.

Dom – Au prétexte de se protéger d’un virus. En réalité, c’était pour qu’on ne voit plus ne serait-ce qu’un sourire sur le visage de personne. Ces masques étaient devenus comme des muselières.

Max – Comme dans certaines religions, autrefois.

Dom – Avant que l’Autorité ne devienne la seule et unique religion.

Max – Peu à peu, on n’a plus entendu rire personne.

Dom – En interdisant de rire, bien sûr, on interdisait aussi de critiquer, et de protester.

Max – Plus de conflits sociaux, plus de débats politiques, et donc plus d’élection.

Dom – Comme c’était déjà le cas dans bon nombre de dictatures laïques ou religieuses.

Max – L’Autorité pensait ce mal définitivement éradiqué. Mais quelques cas sporadiques ont resurgi récemment. Vous êtes parmi ceux-là.

Pat – Qu’est-ce qu’ils vont faire de nous ? Nous tuer ?

Max – Avant de vous éliminer, puisque vous êtes considérés comme des rieurs impénitents et donc incurables, ils voulaient vous utiliser pour faire des expériences.

Pat – Des expériences ?

Max – Étudier la réaction du public à votre contact, observer comment le mal se propage, et voir les ravages que peut provoquer le rire sur une population saine.

Pat considère le public.

Pat – Alors on était supposés les faire rire ?

Dom – On connaît seulement quelques mauvaises blagues…

Pat – Il va falloir réapprendre à rire et à faire rire.

Un temps.

Max – Mais qu’est-ce qui se passera si le Guide Suprême nous abandonne ?

Dom – Ce ne sera pas la fin du monde. Un recommencement plutôt. Les formateurs redeviendront professeurs. Et les reformateurs politiciens…

Max – Et les informateurs comme moi ? Je ne sais rien faire ! Qu’est-ce que je vais devenir ?

Dom – Si vous ne savez rien faire, vous pourrez toujours devenir comédien.

Noir.

Acte 4

Pat fait les cent pas, inquiète. Elle s’avance vers le public.

Pat – Ne vous inquiétez pas, on va bientôt vous libérer, vous aussi. Enfin, j’espère…

Dom arrive.

Dom – Alors, du nouveau ?

Pat – Toujours rien. Il m’a semblé entendre un peu d’agitation dehors. Mais le son est très atténué.

Dom – Les théâtres sont toujours très bien insonorisés.

Pat – Où est passé l’espion ?

Dom – Il est en train de finir les pizzas…

Pat – On est toujours enfermés ici, coupés du monde. Ça fait des jours qu’on n’a plus aucune nouvelle de l’extérieur.

Dom – Quand il n’y aura plus rien dans le congélo, on va mourir de faim. Nous qui pensions mourir de rire…

Pat – Vous pensez qu’on sortira d’ici vivants ?

Dom – Est-ce qu’on n’était pas déjà morts avant cette mise en quarantaine…?

Pat – Vous avez raison. La seule véritable maladie dont on souffre depuis longtemps, c’est la sinistrose.

Dom – Et le rire serait plutôt son antidote.

Max revient.

Max – J’entends des bruits bizarres, dehors… Pas vous ?

Dom – Non…

Ils prêtent l’oreille tous les trois.

Pat – Ah oui, peut-être… Ça vient de très loin…

Dom – Ça ressemble à… des explosions, non ?

Max – Des explosions ? Des explosions de rire, alors.

Kim revient. Le visage défait et sa tenue en désordre. Il porte un panneau d’interdiction de rire : sur un papier fixé à un cadre rond cerclé de rouge, un visage hilare façon émoticône, barré d’un trait rouge.

Max – Ça n’a pas l’air d’aller, Chef. Qu’est-ce qui vous arrive ?

Kim – La situation a évolué…

Max – Et pas dans le bon sens, apparemment.

Kim – Ça dépend pour qui.

Max – L’épidémie se propage ?

Kim – Hélas, c’est devenu une pandémie à l’échelle planétaire. Une crise de rire totalement hors de contrôle. Un fou rire généralisé. On rapporte des explosions de rire un peu partout en ville.

Max – C’est si grave que ça ?

Kim – Des rires éclatent à tous les coins de rues. La police est complètement dépassée. Pire. Beaucoup de policiers sont déjà morts de rire… Ils rient à s’en décrocher les mâchoires. Ils rient à s’en faire péter les côtes ! Ils se tordent de rire ! Ils sont écroulés de rire ! Ils rient comme des déments ! Ils rient comme des bossus ! Ils rient à s’en rouler par terre ! Ils pleurent de rire !

Max – Ah parce qu’on peut aussi pleurer de rire ?

Kim – Vous connaissez l’expression plus on est de fous, plus on rit ?

Max – Non.

Kim – Eh bien je peux vous dire que le monde entier est devenu fou !

Dom – Alors la révolution est en marche…

Kim – C’est notre système tout entier qui s’effondre. Les autorités ont démissionné, et le Guide Suprême a quitté le pays.

Max – Le Guide Suprême ? Mais pour aller où ?

Kim – Il a demandé l’asile politique au Vatican. Là-bas, au moins, il ne risque pas de mourir de rire.

Pat – Et qu’est-ce que vous allez faire de nous ?

Kim – Ça ne sert plus à rien de vous garder en quarantaine. Vous êtes libres.

Dom – Enfin… J’ai hâte de voir ça. Des gens qui rient sur la voie publique, dans les transports en commun, et pourquoi pas demain dans les cinémas et dans les théâtres.

Kim – Moi, ça ne me fait pas rire du tout.

Pat – Allez ! Venez vous fendre la poire avec nous !

Dom – Vous la connaissez, celle-là ? C’est l’histoire d’un fou qui voulait interdire de rire à la Terre entière…

Max – Et finalement, c’est lui qui s’étrangle de rire.

Les autres se mettent à rire à gorge déployée. Kim commence à être prise d’un fou rire nerveux elle aussi, qui se transforme bientôt en convulsions, et elle s’effondre. Pat se penche sur elle.

Pat – Elle est morte ! Alors on peut vraiment mourir de rire ?

Max – C’est un phénomène qu’on a observé récemment. Les responsables de l’Autorité meurent foudroyés quand ils sont exposés à un tonnerre de rires.

Dom – C’est pour ça qu’ils voulaient à tout prix enrayer l’épidémie.

Pat (à Max) Mais vous vous n’êtes pas mort.

Max – Sûrement parce que je n’y croyais déjà plus…

Dom – Vous étiez déjà vacciné, en quelque sorte. Comme nous !

Pat – Alors nous sommes libres ?

Dom – Libres de rire de tout à nouveau !

Pat – Et nous qui pensions être là pour la grippe aviaire ou le Tsingtaovirus.

Max – Qu’est-ce qu’on va faire, maintenant.

Dom – On va réapprendre à rire. On va réapprendre à vivre.

Pat – Ça me fait un peu peur…

Dom – C’est normal. Au début, les esclaves affranchis ne savent pas quoi faire de leur liberté.

Max – Je pourrais me remettre à boire ?

Pat – Bien sûr ! Mais vous n’en aurez peut-être même plus besoin.

Max – C’est merveilleux ! Mais c’est vrai que ça donne le vertige.

Dom – Oui… Nous sommes les colombes d’un magicien décédé.

Max – Qu’est-ce que ça veut dire ?

Dom – Nous sommes nés d’un tour de magie. Mais le magicien qui nous a fait surgir du néant n’est plus là. Nous ignorons tout de l’illusion qui nous a fait naître, et nous ne savons plus très bien quoi faire de nos ailes…

Pat – C’est beau ce que vous dites.

Dom – C’est de la poésie.

Pat – De la poésie ?

Dom – Un autre truc qu’ils avaient interdit.

Pat – Il y en a d’autres comme ça ?

Dom – Bien d’autres ! L’orgasme, par exemple. Vous ne savez pas non plus ce que c’est ?

Pat – Je vous l’ai dit, je suis mariée…

Dom – Je vous montrerai tout à l’heure, en privé… Vous verrez. L’orgasme est à l’amour, ce que le rire est à l’intelligence, ou ce que l’éternuement est au rhume. Ça ne soigne pas, mais sur le coup ça soulage.

Kim reprend conscience.

Pat – Tiens, on dirait qu’elle n’est pas tout à fait morte, finalement.

Max – Elle ne devait plus trop y croire, elle non plus.

Kim – Qu’est-ce qui m’est arrivé ?

Pat – Vous avez été victime d’une crise de rire. Ne vous inquiétez pas, ça va aller, maintenant.

Max – Et le public ? On l’avait oublié.

Dom – Maintenant qu’on a à nouveau le droit de les faire rire impunément…

Max – On a le droit, Chef ?

Kim – On est dans un théâtre, après tout.

Dom – Il va falloir qu’on invente de nouvelles histoires drôles, alors.

Kim – Oui, parce que cette histoire de fous qui se regardent dans un miroir, je n’ai toujours pas compris…

Dom – En fait c’est une histoire symbolique.

Kim – Symbolique ? Qu’est-ce que c’est que ça, encore ?

Dom – L’humour est un miroir. C’est le miroir que les comédiens tendent au public pour qu’il puisse rire de ses propres travers.

Pat – Et nous pouvons tous nous reconnaître dans ce miroir.

Dom – Tous. À part les fous, qui préfèrent briser le miroir pour ne pas voir la face grimaçante qu’il leur renvoie.

Max – Alors rions !

Dom – C’est notre liberté, et pour citer un humoriste du siècle dernier : La liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.

Pat – Rions ensemble, mais rions de tout…

Max – Car si aujourd’hui on ne peut plus rire de tout, demain on ne pourra plus rire du tout.

Max saisit le panneau d’interdiction de rire, et l’enfonce sur la tête de Kim. Ils éclatent tous d’un rire sonore, qu’on pourra amplifier par des rires préenregistrés.

Noir.

Fin

L’auteur

Né en 1955 à Auvers-sur-Oise, Jean-Pierre Martinez monte d’abord sur les planches comme batteur dans divers groupes de rock, avant de devenir sémiologue publicitaire. Il est ensuite scénariste pour la télévision et revient à la scène en tant que dramaturge. Il a écrit une centaine de scénarios pour le petit écran et plus de soixante-dix comédies pour le théâtre dont certaines sont déjà des classiques (Vendredi 13 ou Strip Poker). Il est aujourd’hui l’un des auteurs contemporains les plus joués en France et dans les pays francophones. Par ailleurs, plusieurs de ses pièces, traduites en espagnol et en anglais, sont régulièrement à l’affiche aux États-Unis et en Amérique Latine.

Pour les amateurs ou les professionnels à la recherche d’un texte à monter, Jean-Pierre Martinez a fait le choix d’offrir ses pièces en téléchargement gratuit sur son site La Comédiathèque (comediatheque.net). Toute représentation publique reste cependant soumise à autorisation auprès de la SACD.

Pour ceux qui souhaitent seulement lire ces œuvres ou qui préfèrent travailler le texte à partir d’un format livre traditionnel, une édition papier payante peut être commandée sur le site The Book Edition à un prix équivalent au coût de photocopie de ce fichier.

Ce texte est protégé par les lois relatives au droit de propriété intellectuelle.

Toute contrefaçon est passible d’une condamnation

allant jusqu’à 300 000 euros et 3 ans de prison.

Paris – Février 2020

© La Comédi@thèque – ISBN 978-2-37705-397-1

Ouvrage téléchargeable gratuitement

Quarantaine Lire la suite »

Trous de mémoire

Blackouts (english) –  En blanco (español) – Em branco (portugués)

Une comédie à sketchs de Jean-Pierre Martinez

Pour un ou plusieurs couples (sexes partiellement indifférents)

Comme les trous noirs, les trous de mémoire ouvrent sur des univers parallèles inconnus…


Ce texte est offert gracieusement à la lecture. Avant toute exploitation publique, professionnelle ou amateur, vous devez obtenir l’autorisation de la SACD.


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LIRE LE TEXTE INTÉGRAL

Trous de mémoire

1 – Vaguement

2 – Virgule

3 – Antipathie

4 – Trompe-l’œil

5 – Noir et blanc

6 – Retour vers le futur

7 – Confession

8 – Hommage

9 – Code confidentiel

10 – Amants d’enfance

11 – L’oubliée

12 – Trou de mémoire


1 – Vaguement

Ils sont debout l’un à côté de l’autre, et ils échangent un regard tendre.

Lui – Ça va ?

Elle – Oui… Et toi ?

Lui – Ça va. (Un temps) On est morts, non ?

Elle – Pourquoi tu dis ça ?

Lui – Je ne sais pas… La dernière chose dont je me souviens, c’est une vague de trente mètres de haut s’apprêtant à déferler sur la piscine au bord de laquelle on venait de s’allonger pour faire une sieste.

Elle – Ah oui…

Lui – Pas toi ?

Elle – Si.

Lui – Donc, on est morts.

Elle – Ou alors c’est que cette vague nous a entraînés tous les deux à des kilomètres de là, pour nous déposer délicatement, sans nous réveiller, au bord de la piscine d’un autre hôtel…

Lui – Qui s’appellerait aussi le Paradise Hotel.

Elle – Absolument indemnes et même pas mouillés.

Lui – Ce n’est pas le plus probable, non ?

Elle – Alors c’est qu’on est morts.

Lui – Enfin morts…

Elle – Tu as raison. Je ne vois pas trop la différence avec quand on était vivants.

Lui – Sauf que dans ce monde-ci, apparemment, on n’est pas encore mariés.

Elle – Pourquoi tu dis ça ?

Lui – On n’a pas d’alliances.

Elle – Tu crois qu’on n’a pas encore d’enfants non plus ?

Lui – En tout cas, je ne vois pas leurs serviettes au bord de la piscine.

Elle – Ni leurs bouées.

Un temps.

Lui – Peut-être qu’on ne s’est même pas encore rencontrés…

Elle – Tu veux dire… qu’on ne se connaît pas ?

Lui – Je ne sais pas. On se connaît ?

Elle – Je ne crois pas.

Un temps.

Lui – Alors ce serait ça ce qu’on appelle la mort.

Elle – Un monde parallèle dans lequel l’heure de notre mort n’a pas encore sonné.

Lui – Un paradis sur lequel ce tsunami n’aurait pas encore déferlé.

Elle – Pourtant on l’a bien vue, cette vague. Tous les deux.

Lui – Oui.

Elle – J’imagine que si ça marche comme ça, on n’est pas supposés se souvenir de notre ancienne vie ? Tu t’en souviens, toi ?

Lui – Vaguement.

Elle – Moi aussi. Je me souviens juste de cette vague… De toi et des enfants. Enfin surtout des enfants… Et toi ?

Lui – Surtout de la vague.

Elle – Tout ça est vraiment très bizarre.

Lui – Ça doit être un bug dans le système. On n’est pas supposés se souvenir de quoi que ce soit.

Elle – Sinon, les gens sauraient qu’ils sont déjà morts.

Lui – Tu crois qu’on doit leur dire ?

Elle – Quoi ?

Lui – Qu’ils sont morts.

Elle regarde en direction du public.

Elle – Regarde les… Ils ont l’air heureux… Ils ne nous croiraient pas…

Lui – Ils nous prendraient pour des fous, et c’est nous qu’on enfermerait dans un asile.

Elle – Il vaut mieux garder ça pour nous.

Lui – Tu as raison.

Elle – Ce sera notre secret.

Un temps.

Lui – Bon, on y va ?

Elle – Où ça ?

Lui – Découvrir ce qu’il y a de différent dans ce monde parallèle, où aucun tsunami n’a submergé le Paradise Hotel…

Elle – Et où on ne s’est pas encore rencontrés.

Lui – Je suis curieux de voir ça.

Elle – Oui… Et en même temps, ça me fait un peu peur.

Lui – Il faudrait déjà savoir dans quelle chambre on est.

Elle – Puisqu’on ne se connaissait pas encore, on n’était sûrement pas dans la même chambre.

Lui – On n’a qu’à demander à la réception.

Elle – On va faire comme ça.

Lui – Allons-y.

Ils commencent à s’en aller.

Elle – C’était pourtant une belle journée, non ?

Lui – Oui.

Elle – Comment on aurait pu deviner…

Lui – Qu’on allait se rencontrer aujourd’hui.

Ils s’en vont.

Noir.

2 – Virgule

Ils sont tendrement enlacés. Ils relâchent leur étreinte, en gardant un sourire béat sur les lèvres.

Lui – On est bien ensemble, non ?

Elle – Oui… (Un temps) Mais tu veux dire… « On est bien ensemble ? » Ou « On est bien, ensemble ? »

Lui – Euh… Je ne sais pas… C’est quoi la différence ?

Elle – Ben… la virgule.

Lui – La virgule ?

Elle – Avec la virgule, ça veut dire « Est-ce qu’ensemble on est bien ? ». Sans la virgule, ça veut dire… « Est-ce qu’on est vraiment ensemble ? »

Lui – Ah oui.

Elle – Ben oui.

Moment d’inquiétude. Nouvelle étreinte pour se rassurer. Et nouvelle séparation. Ils ont à nouveau un sourire épanoui.

Lui – Tu te souviens comment on s’est rencontrés ?

Elle – Oui… (Un temps) Enfin… non. Et toi ?

Lui – Non, moi non plus. Je pensais que toi tu le savais…

Elle – Où est-ce qu’on aurait bien pu se rencontrer ?

Lui – Si on est ensemble, c’est bien qu’on s’est rencontrés quelque part.

Elle – Bien sûr…

Lui – Mais où ?

Elle – Je ne sais pas… Où est-ce que les gens se rencontrent, en général ? Je veux dire… un homme et une femme.

Lui – Chez des amis ?

Elle – On a des amis en commun ?

Il jette un coup d’œil à son portable.

Lui – Pas d’après Facebook, en tout cas.

Elle – Il paraît qu’un couple sur quatre s’est rencontré sur son lieu de travail.

Lui – Tu travailles où ?

Elle – Je suis… Je suis strip-teaseuse… Enfin, je crois… Et toi ?

Lui – Plombier…

Elle – Plombier ?

Lui – Ils ont refait la plomberie récemment, dans ton club de strip-tease ?

Elle – Ah non, mais je ne travaille pas dans un club. Je fais ça en amateur. À la maison…

Lui – Ah oui…

Elle – Et toi ?

Lui – Non, non, moi je… Je suis plombier professionnel. Je veux dire… Je fais ça chez les autres. Enfin, je crois…

Elle – Je vois.

Lui – Et donc… tu as fait venir un plombier chez toi, récemment ?

Elle – Non… mais il me semble avoir eu un dégât… des eaux il n’y a pas très longtemps.

Lui – Un des gars des eaux… Tu veux dire un employé de la compagnie des eaux ?

Elle – Non… Un dégât des eaux. Une fuite.

Lui – Ah oui, pardon, je… Une fuite, évidemment, un délit de fuite… Enfin, je veux dire… Je vais peut-être y aller, non…?

Elle – Y aller ? Où ça?

Lui – Je… Je ne sais pas… Chez moi ?

Elle – Tu n’habites pas ici ?

Lui – Tu crois que j’habite ici ?

Elle – Je ne sais pas. Tu habites ailleurs ?

Lui – Ça ne me revient pas, non. Et toi, tu es sûre d’habiter ici ?

Elle regarde autour d’elle.

Elle – Ça ne me dit rien non plus.

Il regarde également autour de lui, et ramasse un carton, par terre.

Lui – Tiens…

Elle – Qu’est-ce que c’est ?

Lui – Un carton.

Elle – Il y a marqué quoi ?

Lui – Ne pas déranger.

Elle – Et de l’autre côté ?

Lui – Merci de faire la chambre.

Elle – Ah oui.

Elle se met en mouvement comme pour faire quelque chose.

Lui – Qu’est-ce que tu fais ?

Elle – Ben je vais faire la chambre. Ce n’est pas ce que tu viens de me dire ?

Lui – Si… Enfin, oui, mais… C’est ce qu’il y a marqué sur le carton.

Elle – Tout ça est vraiment très bizarre.

Lui – Oui… Je me demande si on ne ferait pas mieux de se recoucher.

Elle – Se recoucher ? Tu veux dire… ensemble.

Lui – Je ne sais pas… Non ?

Elle – Si, si…

Lui – On y verra peut-être plus clair en se réveillant.

Elle – Oui, j’espère…

Lui – Je vais mettre le carton ne pas déranger.

Elle – Oui, je crois que c’est mieux.

Noir.

3 – Antipathie

Ils sont debout chacun d’un côté de la scène. Ils se lancent des regards à la dérobée. Il finit par s’approcher d’elle.

Lui – Excusez-moi, ça fait un moment que je vous regarde et… Ne prenez surtout pas ça pour un mauvais plan drague… Je vous rassure, vous n’êtes pas du tout mon genre…

Elle – Merci…

Lui – Non, ce que je veux dire c’est que… j’ai l’impression de vous avoir déjà vue quelque part. Enfin… pas seulement de vous avoir déjà croisée, vous voyez ? J’ai l’impression… de vous connaître.

Elle – Ah oui…?

Lui – Excusez-moi, je suis complètement ridicule…

Elle – Non, non, pas du tout… Enfin si, vous êtes complètement ridicule, mais… moi aussi, j’ai l’impression de vous connaître. De très bien vous connaître même.

Lui – Ah bon… Alors je ne suis pas fou.

Elle – Ça dépend.

Lui – Ça dépend ?

Elle – On s’est peut-être rencontrés dans un asile de fous. Ce qui expliquerait qu’on préfère ne pas s’en souvenir…

Lui – Ah oui… Donc vous aussi, vous…

Elle – Tout à fait… votre tête me dit quelque chose, mais… je ne sais pas du tout quoi.

Ils se dévisagent encore un instant.

Lui – Non, ce qui est bizarre c’est que… votre visage m’est vraiment familier. Comme si… Je suis désolé… Ce serait très embarrassant évidemment, mais… Vous ne seriez pas une de mes ex, par hasard ?

Elle – Ah oui, là… Comme plan drague, ce serait vraiment très original… Mais comme je ne suis pas du tout votre genre… A priori, je ne peux pas avoir été…

Lui – Ça expliquerait qu’on ne soit pas restés ensemble, mais bon… Excusez-moi, je deviens vraiment…

Elle – Non, non, ne vous excusez pas. D’ailleurs, vous non plus, vous n’êtes pas du tout mon genre…

Lui – Bon…

Elle – Sans vouloir vous vexer, j’irais même jusqu’à dire que… votre tête ne me revient pas du tout.

Lui – Non, moi non plus…

Elle – Non mais ce n’est pas seulement votre nom que ne me revient pas. Ce que je veux dire c’est que votre tête ne m’est pas du tout sympathique.

Lui – Bien sûr… C’est drôle que vous disiez ça parce que… Je ne savais pas comment vous le dire sans être blessant mais… Vous aussi. Votre tête… m’est tout à fait antipathique.

Elle – Ça nous fait au moins quelque chose en commun.

Lui – Oui… Mais ça ne nous dit pas comment on se connaît, et où on aurait bien pu se rencontrer.

Elle – Remarquez, vu les bases sur lesquelles on est partis… et la profondeur à laquelle vous vous êtes déjà enfoncé… je me demande si c’est absolument nécessaire de creuser davantage.

Lui – Vous avez raison… Mieux vaut en rester là… Imaginez qu’on se souvienne tout d’un coup que…

Elle – Oui, ce serait vraiment…

Lui – Après tout… Il y a des choses qu’il vaut mieux oublier.

Elle – C’est vrai… Imaginez que tout à coup je me souvienne que… (Elle le regarde bizarrement.) Attendez un instant… Ça y est, ça me revient maintenant…

Lui – Non…? Quoi ?

Elle (outrée) – Tu ne te souviens vraiment pas ?

Lui – Euh… non, mais… Et donc, maintenant, on se tutoie ?

Elle le dévisage à nouveau, mais cette fois avec un rictus haineux sur les lèvres.

Elle – Espèce de salopard !

Lui – C’est si grave que ça ?

Elle – Et tu oses me demander si c’est grave ?

Lui – Désolé, je… Je ne me souviens pas du tout…

Elle – Tu ne te souviens pas de moi ? Après ce que tu m’as fait ?

Lui – Je ne sais pas quoi vous dire… Je ne me vois pas faire du mal à quelqu’un. Encore moins à une femme. Mais en même temps, j’avoue que… Vous m’êtes tellement antipathique… Dans des circonstances exceptionnelles, je dois reconnaître que j’aurais sans doute pu…

Elle – Espèce d’ordure… Donc, tu n’essaies même de nier ?

Lui – Si… Si, si… Enfin, non mais… Dites-moi, je vous en prie ! Il faut que je sache, maintenant… Je suis prêt à tout entendre, je vous assure.

Elle s’avance vers lui, menaçante.

Elle – Je ne sais pas ce qui me retient de…

Lui – Non mais allez-y… Si vous pensez que je l’ai mérité…

Elle reprend soudain un air détaché, avec un léger sourire sur les lèvres.

Elle – Mais non, je déconne. Je ne me souviens de rien du tout.

Lui – Ah d’accord…

Elle – Ceci dit, moi aussi, je crois que dans une vie antérieure, j’aurais pu vous tuer. Vous avez vraiment une tête à claques. On ne vous l’a jamais dit ?

Lui – Non… Enfin, jamais d’une façon aussi directe, en tout cas.

Elle – Franchement ça m’étonne, mais bon…

Lui – Oui… Je crois qu’on ferait mieux d’en rester là, non ?

Elle – Ça me paraît plus raisonnable, en effet.

Lui – Bon alors… au revoir.

Elle – Au revoir ?

Lui – Il n’est pas impossible qu’on ait l’occasion de se recroiser, non ?

Elle – Au moins, si on se revoit un jour, on saura pourquoi on a l’impression de s’être déjà vus.

Lui – Tout à fait… (Elle s’apprête à partir.) Non, mais vous pouvez rester…

Elle – J’allais partir, de toute façon.

Lui – Je partais aussi.

Elle – Bon… Alors allons-y…

Lui – OK. J’allais par là. Vous aussi ?

Elle – Oui…

Lui – Faisons un bout de chemin ensemble, ça nous reviendra peut-être.

Elle – Si on ne s’entretue pas avant…

Lui – C’est un risque, en effet… Vous m’êtes de plus en plus antipathique.

Elle – Oui, moi aussi.

Ils partent.

Noir

4 – Trompe-l’œil

Debout face au public, ils regardent vers le mur du fond.

Lui – Il fait beau, hein ?

Elle – Mais il y a beaucoup de vent.

Lui – Oui. C’est le vent qui a chassé les nuages…

Un temps.

Elle – Tu vois la fenêtre d’en face ?

Lui – Quelle fenêtre ?

Elle – Là-bas, légèrement cachée par le feuillage de cet arbre.

Lui – Ah oui, celle-là… C’est curieux, on ne voit jamais de lumière la nuit.

Elle – Je ne sais pas qui peut bien habiter là.

Lui – Personne, peut-être. Le logement doit être inoccupé. Ça arrive…

Elle – Je ne sais pas… Pendant la journée, il me semble apercevoir des silhouettes derrière ces vitres. À travers ces branches.

Lui – Ah oui ?

Elle – Un homme et une femme, je crois.

Lui – Ça me rappelle un film…

Elle – Quel film ?

Lui – Fenêtre sur cour ! Ne me dis pas qu’en plus, tu as cru voir cet homme assassiner sa femme…

Elle – Non, mais tout de même… J’ai l’impression qu’il se passe quelque chose de bizarre derrière cette fenêtre.

Lui – Tu n’as rien d’autre à faire que d’épier ce qui se passe dans l’immeuble d’en face ?

Elle sourit et regarde à nouveau avec plus d’attention.

Elle – Attends un peu… C’est dingue. On dirait que…

Lui – Quoi ?

Elle – Il y a un vent terrible aujourd’hui, et les feuilles de cet arbre ne bougent absolument pas.

Il regarde lui aussi.

Lui – Ah oui, c’est curieux en effet…

Elle – Tu vas rire mais…

Lui – Oui ?

Elle – L’arbre… C’est un trompe-l’œil.

Lui – Un trompe-l’œil ?

Elle – Je t’assure. Regarde.

Il regarde plus attentivement.

Lui – Ah oui. Je n’avais jamais remarqué.

Elle – Je me disais aussi…

Lui – Mais alors… si l’arbre est un trompe-l’oeil, c’est que la fenêtre en est un aussi.

Elle – Tu crois ?

Lui – Comment veux-tu qu’un faux arbre puisse cacher une vraie fenêtre ?

Elle – Oui, ce n’est pas faux.

Elle – Si l’arbre est un trompe-l’œil peint sur le mur d’en face, c’est que la fenêtre aussi est peinte sur le mur.

Lui – Un arbre qui n’existe pas, cachant une fenêtre qui n’existe pas.

Elle – C’est pour ça que ça que l’illusion marche aussi bien. On se dit que quelque chose qui est caché, c’est forcément quelque chose de réel. Pourquoi cacher quelque chose qui n’existe pas ?

Lui – Un peu comme Dieu, finalement. Les gens y croient d’autant plus qu’on ne le voit jamais.

Elle – Si Dieu se trimbalait dans les supermarchés avec une fausse barbe et un costume élimé, comme le Père Noël au moment des fêtes, c’est sûr que les gens n’y croiraient pas longtemps.

Lui – Oui…

Un temps.

Elle – Et si on était des trompe-l’œil, nous aussi ?

Lui – Quoi ?

Elle – Peut-être que les gens qui nous regardent nous voient comme des illusions d’optique. Des peintures ou des photos de nous-mêmes.

Lui – Mais nous on est là, on bouge, on parle.

Elle – Les vidéos, ça bouge aussi.

Lui – On est en trois dimensions.

Elle – Les hologrammes, c’est aussi en relief. On est peut-être des trompe-l’œil en trois D.

Lui – Il faudrait demander à ceux d’en face.

Elle – En même temps, quel crédit accorder aux voisins… si ce ne sont que des trompe-l’œil eux-aussi…

Lui – Je crois qu’on commence à devenir fous.

Elle – Tu as raison, je vais refermer la fenêtre.

Elle hésite.

Lui – Ne me dis pas qu’elle est peinte contre le mur…

Ils échangent un regard inquiet.

Noir.

5 – Noir et blanc

Elle est là. Il arrive, un gros cahier à la main.

Elle – Bonjour, bonjour… Entrez, entrez…

Lui – Merci, merci…

Elle – Vous n’avez pas eu trop de mal pour venir ? Avec ces grèves…

Lui – J’habite juste en face.

Elle – En face ? Vous voulez dire…

Lui – L’immeuble en face.

Elle – D’accord, d’accord… Je ne savais pas que… C’est curieux, j’étais persuadée que cette fenêtre-là, sur le mur d’en face, c’était un trompe-l’œil.

Lui – Un trompe-l’œil ?

Elle – Oui. Que la fenêtre était peinte sur le mur. Je n’ai jamais rien vu bouger derrière cette fenêtre.

Lui – Et pourtant, je suis là, vous voyez…

Elle – Je vois… Et donc, de votre salon, vous voyez tout ce qui se passe ici.

Lui – Absolument tout…

Elle rit nerveusement, comme pour se rassurer.

Elle – Remarquez… qu’est-ce qui pourrait bien se passer d’intéressant dans le bureau d’un agent littéraire ?

Lui – Ça, c’est à vous de me le dire.

Elle – Bien sûr, bien sûr… Alors, ce nouveau roman, ça avance ?

Lui – J’ai presque terminé.

Elle – Très bien, très bien… J’espère que c’est original, parce que vous savez, en ce moment… La rentrée littéraire est de plus en plus encombrée… Des tas de gens qui racontent leur petite vie, et leurs petits malheurs, persuadés que ça va passionner la Terre entière.

Lui – Rassurez-vous, ce n’est pas une autofiction.

Elle – Tant mieux, tant mieux… Non, ce dont on aurait besoin aujourd’hui, c’est d’un nouveau Robbe-Grillet. D’un nouveau Pérec. D’un nouveau Butor. Quelqu’un qui soit encore capable de renouveler les codes du roman classique.

Lui – Vous allez voir. Ça va vous étonner. Et je ne serais pas surpris qu’en sortant d’ici, vous me traitiez de butor.

Elle – Mais bien sûr ! Il faut tout faire péter. Comme en mai 68. On sait que ça ne durera pas, que six mois après on votera pour De Gaulle, et que soixante ans après c’est Cohn-Bendit qui se prendra pour De Gaulle, mais sur le moment, ça soulage…

Lui – C’est drôle que vous disiez « soulage » parce que justement… Vous comprendrez pourquoi quand vous aurez jeté un coup d’œil à mon manuscrit…

Elle – Là… vous commencez à m’intriguer, cher ami. J’ai hâte de voir ça. Vous m’avez apporté quelques bonnes feuilles ?

Lui – J’ai presque terminé. Tenez, si vous voulez y jeter un coup d’œil…

Il lui tend le gros cahier.

Elle – Très bien, très bien… Ah oui, c’est du lourd, on dirait… Ce n’est pas trop long quand même ? Vous savez, maintenant, au-delà de 200 pages… Que voulez-vous ? C’est la génération SMS. Les gens ont perdu l’habitude de tourner les pages…

Elle sort ses lunettes de presbyte.

Lui – Ça fera dans les 900 pages. Mais vous verrez, ça se lit très facilement.

Elle – Bon, bon… Et c’est quoi, le titre ?

LuiLe blanc et le noir.

ElleLe blanc et le noir… Un hommage à Stendhal, peut-être ?

Lui – À Soulages, plutôt… C’est pour ça que tout à l’heure, je vous disais que…

Elle – Soulages ? Tiens donc… J’adore Soulages.

Lui – D’ailleurs, pour le titre, j’avais d’abord pensé à… Les mémoires d’outrenoir.

Elle – Ah oui… Un clin d’œil à Chateaubriand, donc… Mais dites-moi, Stendhal, Chateaubriand… Vous êtes sûr qu’avec tout ça, vous allez vraiment révolutionner l’histoire de la littérature ?

Lui – Vous allez voir, c’est très étonnant.

Elle – Très bien, très bien… alors voyons ça.

Elle ouvre le cahier et commence à regarder. Elle tourne quelques pages.

Lui – Je vous laisse le temps de vous faire une idée…

Elle – Oui… mais dites-moi. Apparemment, vous avez laissé quelques pages blanches au début. Ça commence à quelle page, exactement ?

Lui – C’est déjà commencé.

Elle – Pardon ?

Lui – Ces pages blanches, ça fait partie du roman.

Elle – Je ne suis pas sûre de vous suivre…

Lui – Je vous avais dit que ça vous surprendrait. Alors voilà. J’ai calculé que sur une page de roman, en moyenne, les caractères d’imprimerie, en noir donc, occupent huit pour cent de la surface de la page blanche.

Elle – Huit pour cent ?

Lui – En moyenne. Ça dépend du type de caractères employés par l’imprimeur, évidemment. Pour un caractère plus gros et plus gras, ça peut monter jusqu’à neuf ou même dix pour cent.

Elle – Vraiment…? Et donc…

Lui – Donc, j’ai eu l’idée de séparer le blanc du noir.

Elle – Voyez-vous ça.

Lui – Après, je me suis demandé si je devais mettre le blanc d’abord et ensuite le noir, ou bien l’inverse…

Elle – Ah oui…

Lui – Finalement, j’ai décidé de commencer par le blanc… Pour créer… une attente de la part du lecteur, vous voyez ?

Elle – Je vois, je vois…

Lui – Une sorte de suspense, si vous préférez.

Elle – Je ne suis pas sûre de savoir ce que je préfère… (Tournant les pages) Et donc, toutes les pages sont blanches.

Lui – Pas du tout. Et c’est là où ça devient intéressant. Pour simplifier, je suis parti sur une moyenne de dix pour cent. Donc, systématiquement, après neuf pages blanches vient une page noire.

Elle – Noire ?

Lui – Totalement noire.

Elle – Pourquoi noire ?

Lui – Je savais que ça vous déstabiliserait un peu. Mais c’est ce que vous vouliez, non ? Du nouveau ?

Elle – Oui, enfin…

Lui – Cette page noire, qui vient après neuf pages blanches, rassemble toute l’encre qu’on aurait normalement dû utiliser pour noircir, comme on dit, les neuf pages précédentes, qui en l’occurrence, dans mon roman, resteront vierges. Vous comprenez ?

Elle – Je comprends, je comprends…

Lui – Je vois que ça vous laisse un peu perplexe, c’est normal. Comme tout ce qui est nouveau, ça peut surprendre un peu au début, alors vous me permettrez d’utiliser une métaphore, pour vous aider à mieux appréhender le caractère révolutionnaire de ce roman.

Elle – Une métaphore ?

Lui – Un roman, c’est comme une omelette. Mais des omelettes comme ça, on en a fait le tour. On a beau rajouter des oignons, des pommes de terre, des herbes de Provence… Une omelette, ça reste une omelette. Là, je fais un choix radical, et je reviens aux fondamentaux. Je sépare le blanc du jaune. Ou le blanc du noir, en l’occurrence. D’où le titre…

Elle – Vous vous foutez de moi, c’est ça ?

Lui – Je savais que vous alliez dire ça… Mais non… Pas plus que tous ces peintres qui vous vendent des tableaux complètement blancs ou complètement noirs, en baptisant pompeusement ça monochrome !

Elle – Évidemment…

Lui – Ce premier roman du genre est un geste fondateur. Par la suite, bien sûr, je pourrais en écrire d’autres, dans lesquels le blanc ne sera plus tout à fait blanc, et le noir plus tout à fait noir. Mais attention ! Toujours en respectant cette proportion sacrée de dix pour cent !

Elle – Dix pour cent.

Lui – Les peintres ont bien leur nombre d’or, pourquoi pas nous, les auteurs ? Et la preuve que ce chiffre est sacré, dix pour cent, c’est ce que vous me prenez en tant qu’agent sur tous mes droits d’auteur !

Elle – Et vous croyez vraiment que je vais vous verser une avance pour cette fumisterie ?

Lui – Je vous l’ai dit, j’habite juste en face… et de chez moi, je vois tout ce qui se passe dans ce bureau.

Elle – Tout ?

Lui – Tout. J’ai même des vidéos…

Elle – Je vois… Et… vous voulez combien, pour oublier tout ce que vous avez vu ?

Noir.

6 – Retour vers le futur

Elle est là, en blouse blanche. Il arrive en tenue de ville.

Elle – Bonjour Monsieur. Je vous remercie d’avoir accepté de participer à cette expérimentation, qui je vous le rappelle s’inscrit dans un programme de recherche strictement confidentiel, et d’ailleurs classé secret défense.

Lui – Si j’ai accepté votre proposition, sachez-le, ce n’est pas en raison de la généreuse indemnisation que vous offrez pour prendre part à ce protocole d’essai thérapeutique, mais par pur civisme. Je suis catholique pratiquant, mais aussi membre de la CFDT. Si ma modeste contribution permet de guérir l’Humanité d’un des nombreux maux dont elle souffre encore.

Elle – Oui… À ce propos, j’en arrive à l’objet de ce programme de recherche, que nous n’avons pas jugé utile de révéler aux participants avant qu’ils n’aient été définitivement sélectionnés. Mais maintenant que vous faites partie de l’aventure, nous nous devons d’être clairs sur le but que nous poursuivons, et sur les raisons qui nous ont poussés à entreprendre ce programme, baptisé « Retour vers le futur ».

Lui – « Retour vers le futur » ?

Elle – Vous allez bientôt comprendre pourquoi.

Lui – Mais il s’agit bien de tester un nouveau médicament, n’est-ce pas ?

Elle – En réalité… pas tout à fait.

Lui – Vous m’intriguez, Docteur.

Elle – À vrai dire, cher Monsieur, c’est votre sperme qui nous intéresse.

Lui – Là vous ne m’intriguez plus, vous me faites peur.

Elle – Vous évoquiez tout à l’heure les nombreux maux dont souffre encore l’Humanité.

Lui – Je pensais à la fièvre Ebola, au Coronavirus, au SIDA…

Elle – Des maladies bien réelles, contre lesquelles aucun vaccin efficace n’a encore été trouvé à ce jour, hélas.

Lui – Mais…?

Elle – Mais pour être honnête, cher Monsieur, si l’on examine les choses de façon tout à fait objective, est-ce que ce sont vraiment ces virus qui menacent l’existence même de l’Humanité ?

Lui – Non, probablement pas.

Elle – Et à votre avis, quel est ce mal, qui conduit notre planète à sa fin ?

Lui – Je… Je ne sais pas…

Elle – Ce fléau, cher Monsieur, c’est l’Homme.

Lui – L’homme ?

Elle – Enfin, la femme aussi, bien sûr. Je veux dire l’être humain en général.

Lui – Ah oui…

Elle – Surpopulation, déforestation, épuisement des ressources, réchauffement climatique, guerre nucléaire…

Lui – Oui, en effet, mais… en quoi mon sperme pourrait-il vous aider à lutter contre de tels fléaux ?

Elle – Cher Monsieur, la situation, telle que nous pouvons l’appréhender à l’aide des outils qui sont les nôtres, est encore plus désespérée que vous ne pouvez l’imaginer.

Lui – Vraiment…?

Elle – C’est en partant de ce tragique constat que nous en sommes arrivés à la seule solution possible pour éviter la catastrophe finale, en d’autres termes la fin du monde.

Lui – Je vous écoute…

Elle – Vous est-il arrivé, en prenant la mesure de toutes les horreurs dont l’homme est capable, de vous poser cette question toute simple : Quand tout ça a-t-il commencé à merder ?

Lui – Oui, enfin… Et quand à votre avis ?

Elle – La réponse est évidente hélas : quand le singe est devenu un homo sapiens.

Lui – Ah oui…

Elle – Ou selon vos critères à vous, puisque vous êtes catholique, quand Dieu a créé l’Homme.

Lui – Vous pensez qu’il a eu tort ?

Elle – Il suffit pour s’en convaincre de constater les résultats aujourd’hui. C’était une véritable bombe à retardement.

Lui – Bon… Et qu’est-ce que vous proposez, exactement ?

Elle – On a bien pensé d’abord à créer un surhomme. Mais ça a déjà été tenté par le passé, avec les conséquences fâcheuses que l’on connaît. Avec l’homme, on va à la catastrophe. Avec un surhomme on y court.

Lui – Ah oui…

Elle – Ce n’est donc pas du côté de la marche avant qu’il faut chercher la solution, mais plutôt du côté de la marche arrière.

Lui – La marche arrière ?

Elle – Les plus grands scientifiques du monde, ainsi que les meilleures spécialistes des sciences humaines, y compris les plus éminents philosophes, se sont réunis secrètement il y a quelques mois sous l’égide de l’ONU. Ils sont formels : la seule véritable solution à long terme pour sauver la Terre, c’est de ramener l’homme au stade du singe.

Lui – Comment ça ramener ?

Elle – Pas d’un seul coup, évidemment. Mais en modifiant peu à peu par une sélection naturelle les caractéristiques génétiques de nos descendants. Et c’est là où nous avons besoin de vous.

Lui – De moi ?

Elle – Enfin de votre sperme, en tout cas.

Lui – Expliquez-moi ça…

Elle – Des études scientifiques montrent que, parmi toutes les catégories de la population mondiale, les catholiques pratiquants sont les plus proches génétiquement du singe.

Lui – Vraiment ?

Elle – En réalité, la règle vaut pour les croyants en général. Mais nous avons contacté un échantillon d’extrémistes d’autres confessions, et ils ont refusé de collaborer…

Lui – Je vois…

Elle – Et puis on n’allait pas non plus faire surgir une nouvelle espèce humaine, plus proche du primate, à partir des seuls gènes de fanatiques religieux. Car il y a aussi des singes très agressifs, vous savez…

Lui – Bien sûr…

Elle – C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons aussi opéré une sélection parmi les catholiques pratiquants.

Lui – Et pourquoi moi ?

Elle – C’est là où dans nos études statistiques, le côté syndicaliste semble jouer en votre faveur. À condition qu’il s’agisse d’un syndicat réformiste, évidemment. Parmi les catholiques pratiquants, ceux qui sont aussi membres de la CFDT semblent les moins agressifs et les plus aptes à collaborer.

Lui – Je vois.

Elle – Maintenant que vous êtes au courant de tout, je vous repose donc solennellement la question, cher Monsieur : Êtes-vous prêt, en faisant don de votre sperme, à participer à la régénération de la race humaine en la faisant rétrograder au stade du singe ?

Lui – J’avoue que cette proposition… me prend un peu de court.

Elle – Vous comprenez mieux maintenant le nom que nous avons donné à cette mission de la dernière chance : « Retour vers le futur ». En ramenant l’Homme à l’état de primate, nous espérons que dans son développement à venir, il choisira une voie plus raisonnable…

Lui – Je suis sensible à l’honneur que vous me faites, et j’ai conscience de ma responsabilité. C’est pourquoi je vous confirme mon accord pour participer à cette opération de sauvetage de l’Humanité.

Elle – Merci, cher Monsieur, votre réponse ne m’étonne pas, au regard de ce que nous savons de vous. Je vous recontacterai donc très prochainement pour commencer le protocole.

Lui – Je me tiens à votre disposition.

Elle – Grâce à vous, dans deux ou trois générations, l’Homme aura oublié jusqu’au souvenir d’avoir été un Homme.

Il sort. Elle prend son portable et compose un numéro.

Elle – Tu ne vas pas le croire, mais il a accepté…

Noir.

7 – Confession

Il est là, assis face au public. Elle arrive, et s’assied, également face au public.

Lui – Je vous écoute, mon enfant…

Elle – Ce n’est pas facile, mon Père.

Lui – À travers moi, c’est à notre Seigneur que vous confesserez vos péchés. N’oubliez pas que pour lui, faute avouée est à moitié pardonnée. Si en plus vous vous repentez avec sincérité, quoi que vous ayez fait, vous serez absoute.

Elle – C’est-à-dire que… Il ne s’agit pas exactement d’un péché.

Lui – Si vous pensez ne pas avoir commis de péché, pourquoi venir vous confesser ? Mais vous savez, nous commettons tous des péchés, hélas.

Elle – Même vous ?

Lui – Bien sûr, même moi. Je ne suis qu’un homme.

Elle – Mais alors, à qui est-ce que vous vous confessez ? C’est vrai, c’est une question que je me suis toujours posée. Pour les coiffeurs, par exemple. Qui est-ce qui leur coupe les cheveux. Ou pour les médecins. On n’imagine jamais qu’un médecin puisse être malade. Et pourtant, ce ne sont que des hommes eux aussi…

Lui – Je crois que nous nous égarons, ma fille. Depuis combien de temps ne vous êtes-vous pas confessée ?

Elle – Je ne me suis jamais confessée.

Lui – Dans ce cas, comment pouvez-vous prétendre ne jamais avoir péché ? Quand bien même vous seriez une Sainte…

Elle – Je ne suis pas une Sainte, mais ce que j’ai à vous dire est tout à fait extraordinaire.

Lui – Bon… Si cela peut vous aider, je vous écoute. Et nous examinerons ensemble si ce que vous avez fait est ou non un péché.

Elle – Eh bien mon Père, en toute modestie, je pense avoir percé le mystère de l’univers.

Lui – Le mystère de… Si c’est une plaisanterie, sachez que c’est en tout cas un péché de bafouer ainsi la confession, qui est un de nos sacrements les plus précieux.

Elle – Je savais que vous me prendriez pour une folle… Mais c’est bien pour cela que je suis venue vous voir. Si vous, vous refusez de m’écouter, qui le fera ?

Lui – Très bien, alors je vous écoute…

Elle – Eh bien voilà, Docteur…

Lui – Mon Père.

Elle – Pardon… Eh bien voilà, mon Père… je pense avoir compris comment marche tout ça. Comment ça fonctionne. Et surtout pourquoi.

Lui – Tout ça ?

Elle – Le monde ! La vie, la mort, le bien, le mal…

Lui – Rien que ça ?

Elle – L’univers, les galaxies, les trous noirs, les extra-terrestres…

Lui – Je vois… Et comment prétendez-vous être parvenue à une telle connaissance universelle ? Vous êtes scientifique, sans doute ? Si c’est le cas, entendons-nous bien. Mon domaine est celui du doute, de la croyance et de la foi. Pas celui de la certitude, de la vérité et du savoir.

Elle – C’est là où ça va vous surprendre. Je ne suis absolument pas scientifique. D’ailleurs, j’ai toujours été nulle en maths. Mais depuis que je suis toute petite, je me pose des questions sur tout ça. Pas vous ?

Lui – Si… À ma façon…

Elle – Et vous aussi, à votre façon, vous pensez avoir trouvé la vérité.

Lui – Parlons plutôt de ce qui vous amène…

Elle – Bien entendu, assez vite, j’ai compris que je ne trouverai jamais les réponses aux questions que tout le monde se pose sans aucun résultat depuis des millénaires.

Lui – Et…?

Elle – Et pourtant, alors que je n’y croyais plus, la nuit dernière, tout s’est éclairé d’un coup.

Lui – Vraiment ?

Elle – Je dormais à poing fermés. Je me suis réveillée en sueur. Et la solution m’est apparue comme un flash.

Lui – Ne me dites pas que vous avez eu une apparition miraculeuse… Que vous avez vu la vierge…

Elle – Non, bien sûr. Et d’ailleurs, pour ce qui est du secret de l’univers, autant vous dire tout de suite que Dieu n’a pas grand chose à voir là-dedans. C’est aussi pour ça que je voulais vous prévenir en premier. Pour que vous puissiez en parler avec… votre patron.

Lui – C’est très aimable de votre part mais… par curiosité, pourriez-vous me dire en gros ce que vous pensez avoir découvert ?

Elle – Vous allez voir, en fait, c’est d’une simplicité…

Lui – Biblique ?

Elle – Je m’attendais bien sûr à un truc extrêmement compliqué. Puisque les scientifiques d’un côté, et les philosophes de l’autre, n’ont jamais réussi à trouver le début du commencement de la moindre explication.

Lui – Et ?

Elle – Eh bien finalement non… C’est très simple. Même si évidemment, c’est tout à fait étonnant. Sinon vous pensez bien que quelqu’un y aurait déjà pensé avant moi…

Lui – Je vous avoue que vous avez piqué ma curiosité. Je vous écoute…

Elle – Comme cette explication m’est apparue en rêve, je me suis empressée de noter tout ça sur un papier. Ça a beau être simple. Les rêves, vous savez ce que c’est… Le plus souvent, à peine réveillé, on les oublie.

Lui – Alors je vous prie de ne pas me faire attendre davantage. D’autant que j’ai encore plusieurs paroissiens à prendre en confession après vous…

Elle – Eh bien voilà…

Lui – Oui ?

Elle – Attendez, je vous dis ça tout de suite…

Lui – J’attends.

Elle cherche en vain dans son sac le papier en question.

Elle – Et merde !

Lui – Quoi encore ?

Elle – Je ne sais pas ce que j’ai fichu de ce papier. J’étais pourtant sûre de l’avoir mis dans mon sac…

Lui – Mais vous vous souvenez sans doute de quoi il retourne ? En gros, en tout cas…

Elle – Eh bien je vous dis… C’est comme les rêves… C’est parfaitement clair quand on dort. Tout paraît simple et évident mais…

Lui – Oui ?

Elle – Ah, ce n’est pas possible… Je l’ai sur le bout de la langue…

Lui – Je vois…

Elle – Oh, non, c’est trop bête… Le secret de l’univers ! Je l’avais, là… et… ça m’est sorti de l’esprit.

Lui – Vraiment ?

Elle – Non mais attendez, ça va sûrement me revenir… Ça avait un rapport avec… Oh merde, je ne sais plus…

Lui – Bien… Et sinon, vous n’avez rien d’autre à me confesser ?

Elle – Non…

Lui – Dans ce cas, je vais vous demander de partir. Parmi mes paroissiens, d’autres plus malheureux que vous attendent le réconfort de la religion.

Elle – Bien sûr, excusez-moi. Mais je vais y repenser, et si ça me revient…

Lui – Voilà, repensez-y, et revenez me voir si ça vous revient, d’accord ?

Elle – Merci. Je vous dois combien, Docteur ?

Lui – Vous pouvez toujours laisser une offrande dans le tronc en sortant.

Elle – Ça va me revenir, j’en suis sûre… Et puis je vais peut-être retrouver ce fichu papier… C’est moins gros qu’une bible, évidemment, mais bon… Ça tenait en une phrase.

Lui – En une phrase ?

Elle – Malheureusement, je l’ai oubliée…

Noir.

8 – Hommage

Ils sont debout l’un à côté de l’autre face au public, lui un peu en avant, elle légèrement en retrait. Ils affichent un sourire crispé et une mine de circonstance. Il se racle la gorge et sort un papier de sa poche, auquel il jettera un regard de temps.

Lui – Chers amis, chers collègues… Nous sommes ici rassemblés pour célébrer la mémoire de Jean-Claude, qui hélas nous a brusquement quittés il y a quelques jours. Pour nous tous, Jean-Claude était bien plus qu’un collègue, c’était un ami, je dirais même plus, presque un membre de la famille… Jean-Claude était un homme…

Elle essaie discrètement d’attirer son attention en toussant, et devant l’incompréhension de l’autre, elle lui glisse quelque chose à l’oreille.

Lui – Pardonnez-moi d’avoir écorché le prénom de notre cher défunt. L’émotion sans doute… Jean-Jacques était un homme… discret, mais apprécié de tous. Tout au long de sa carrière au Service de la Voirie. (Elle lui lance à nouveau un regard embarrassé et toussote, il jette un regard à son papier et se reprend.) Tout au long de sa carrière au Service du Cadastre, j’ajouterai au service de ses concitoyens et donc au service de la France, Jean-Paul ne s’est jamais fait remarquer pour un mauvais comportement, un geste d’humeur ou un mot plus haut que l’autre. Non, Jean-Paul n’était pas homme à se mettre en avant. Toujours prêt à la cantine, à céder sa place dans la file à quelqu’un de plus pressé que lui. Toujours disposé à remplacer un collègue en arrêt maladie. Toujours volontaire pour prendre ses congés d’été au mois de janvier pour permettre aux autres de partir au soleil en famille. Oui, plus qu’un homme discret, on peut dire que Jean-Jacques, de son vivant déjà, avait choisi de s’effacer. Mais c’était pour mieux laisser à ceux qu’il aimait la possibilité de s’épanouir. Oui, Jean-Charles, vu le peu de place que tu occupais en ce bas monde, on peut vraiment dire que ta disparition laisse un grand vide derrière toi. À la veille de la retraite, tu t’en vas comme tu as vécu. Sans vouloir déranger. Au moins tu seras mort paisiblement. C’est le cœur qui a lâché, sans doute parce que tu l’avais trop grand… (Elle lui glisse à nouveau un mot à l’oreille.) Le cœur… et aussi me dit-on le tramway qui t’a renversé juste au sortir de chez toi. Ce tram qui devait te conduire ici pour ce qui aurait dû être ton dernier jour de travail, et qui finalement t’aura conduit directement au terminus. Tu pars malgré tout entouré de l’amour des tiens, de celui de ta fidèle épouse surtout… (Elle lui fait un signe, et il se reprend.) Cette épouse dont hélas tu avais divorcé il y a de cela bien des années… Le plus dur, dit-on, c’est pour ceux qui restent. Fort heureusement, tu ne laisses derrière toi aucune veuve et aucun enfant. Mais ta famille te pleure malgré tout, Jean-Philippe. Car ta famille, c’était nous… Merci à vous tous d’avoir été présents pour honorer une dernière fois la mémoire de notre regretté Jean-Bernard. Paix à son âme. Et qu’il profite enfin après ce dernier voyage, lui qui n’en avait fait aucun de son vivant, de cette éternelle retraite bien méritée. Et qui celle-là ne coûtera rien à sa caisse de retraite. Adieu Jean-Christophe, tes collègues ne t’oublieront jamais….

Moment de transition pendant que l’assistance est supposée se disperser. Ils restent donc seuls.

Lui (rangeant son papier) – Oh putain, quel calvaire. Qui est-ce qui m’a rédigé ce torchon ? C’est vous ?

Elle – C’est votre premier adjoint. En effet, il n’avait pas l’air très intime avec le défunt.

Lui – Moi non plus… Vous le connaissiez, vous, ce type ?

Elle – Non, pas personnellement. C’était quelqu’un de très discret.

Lui – Vous êtes sûre qu’il est mort, au moins ?

Elle – Oh oui, je crois quand même… Je vais vérifier.

Noir.

9 – Code confidentiel

Ils sont debout face au public.

Lui – Alors ?

Elle – Non, ça ne me revient vraiment pas…

Lui – Tu es sûre que tu ne l’as pas noté quelque part ?

Elle – Si ! Si, évidemment, que je l’ai noté quelque part.

Lui – Eh ben alors ?

Elle – Le problème, c’est que je ne sais plus où je l’ai noté.

Lui – D’accord…

Elle – Le principe des codes secrets, ce n’est pas de les marquer en gros sur la porte du frigo… ou sur sa valise quand on part en voyage.

Lui – Le principe, c’est surtout de se souvenir où on les a planqués.

Elle – Eh ben voilà, il faut croire que je l’ai bien planqué, parce que même moi, je n’arrive pas à le retrouver.

Lui – Et ton mot de passe, tu ne sais plus du tout ce que c’était ?

Elle – Je ne suis plus très sûre. Je n’ai droit qu’à trois essais, et j’en ai déjà fait deux.

Lui – J’ai l’impression qu’on parle d’un génie sorti d’une bouteille et à qui on ne peut demander que trois choses.

Elle – J’essaie de me souvenir… Des mots de passe, on en a tellement.

Lui – Moi je prends le même pour tout, comme ça je suis sûr de m’en souvenir.

Elle – Et surtout, comme ça si on te le pirate, on peut tout te pirater.

Lui – Mais au moins, je peux accéder à mon compte !

Elle – Eh ben vas-y, accède à ton compte !

Lui – J’ai perdu ma carte bleue, tu le sais bien.

Elle – Tu te souviens de ton mot de passe, mais tu as perdu ta carte, moi je n’ai pas perdu ma carte mais je ne me souviens plus de mon mot de passe.

Lui – Ce n’était pas ta date de naissance ?

Elle – Je ne révèle jamais ma date de naissance à personne. Même pas à ma banque.

Lui – Ton numéro de sécurité sociale ?

Elle – Figure-toi que je choisis des mots de passe un peu plus difficiles à pirater.

Lui – Même par toi…

Elle – Il me semble quand même que cette fois, ce n’était pas juste une série de chiffres au hasard, comme je le fais pour ma grille de loto.

Lui – Bon, mais tu ne te souviens pas du numéro gagnant ?

Elle – On n’a plus droit qu’à un essai. Si ce n’est pas le bon code, la carte sera avalée, et on va mourir de faim.

Lui – Comme tous les habitants de ce pays de merde, d’ailleurs. Qu’est-ce qui nous a pris de venir passer nos vacances ici…

Elle – Ça en revanche, c’est une idée de toi, je te rappelle. Moi je voulais aller en Bretagne. En Bretagne, on ne risquait pas de mourir de faim.

Lui – Bon. Ne dramatisons pas. On peut toujours aller au consulat…

Elle – Le premier consulat est à deux cents kilomètres d’ici. On ne sait même pas où dormir ce soir…

Lui – Alors qu’est-ce que tu proposes ?

Elle – On n’a pas le choix, il faut essayer.

Lui – Comment ça, essayer ?

Elle – Je vais faire un code au hasard, en me fiant à ma mémoire gestuelle. Je l’ai fait des milliers de fois, ce code, mes doigts s’en souviennent sûrement.

Lui – Tu crois ?

Elle – Plus j’y pense, moins je m’en souviens, alors je ne vais penser à rien, et je vais faire le code.

Lui – Je ne sais pas si c’est une bonne idée…

Elle – Tu as une autre solution ?

Lui – Non…

Elle – Alors j’y vais.

Lui – OK… Mais concentre-toi bien.

Elle – Surtout pas ! Je te dis, il faut que je ne pense à rien.

Lui – OK, alors ne pense à rien.

Elle – J’essaie…

Lui – Je suis sûr que tu vas y arriver…

Elle – J’ai l’impression de sauter à l’élastique… Allez je me lance…

Elle ferme les yeux et compose un code. Ils retiennent leur respiration.

Lui – Alors ?

Elle – Ça a marché !

Lui – Alléluia !

Elle – Du coup, on a un peu d’argent, mais à l’étranger c’est limité à cent euros à chaque retrait.

Lui – On ne va pas aller loin avec ça. Enfin, on pourra toujours en reprendre, maintenant que tu as retrouvé ton code…

Elle – C’est-à-dire que…

Elle semble perturbée.

LuiQuoi ?

Elle – Ben j’ai tapé mon code sans réfléchir…

Lui – Et alors ?

Elle – Je ne sais pas du tout ce que j’ai tapé…

Lui – Tu n’as pas vu ?

Elle – J’ai fermé les yeux fermés, pour être sûre de ne penser à rien…

Un temps.

Lui – Je sens que ces vacances, ça va être une expérience inoubliable…

Noir.

10 – Amants d’enfance

Il est là, elle arrive.

Elle – Tu me reconnais ?

Lui – Non… Je devrais ?

Elle – Marie !

Lui – Marie… Et on se connaît ?

Elle – On était ensemble à la maternelle.

Lui – À la maternelle ?

Elle – Je crois même que tu étais un peu amoureux de moi.

Lui – Ah oui, c’est…

Elle – Tu ne te souviens pas ?

Lui – Non… En même temps, la maternelle… Mais toi ? Comment tu peux me reconnaître après tout ce temps ? Ne me dis pas que je n’ai pas changé…

Elle – Oui, évidemment, on a beaucoup changé… Tous les deux.

Lui – Mais alors comment…? Si on ne s’est pas vus depuis la maternelle…

Elle – Ah mais parce que moi, je t’ai revu depuis. Pas tous les jours. Par intervalle. Mais je t’ai revu régulièrement.

Lui – Comment ça ?

Elle – J’habitais juste en face, à l’époque. J’y habite toujours. Quand mes parents sont décédés, il y a une dizaine d’années, j’ai repris la maison. Toi aussi, apparemment, tu es revenu habiter chez tes parents…

Lui – Oui, enfin… moi ça ne fait pas très longtemps.

Elle – Trois mois.

Lui – À peu près, oui.

Elle – Mais tu venais les voir régulièrement. Donc… je t’apercevais de loin, de temps en temps.

Lui – Et c’est seulement maintenant que tu m’adresses la parole.

Elle – Je n’osais pas… J’avais peur de te déranger…

Lui – Pourquoi aujourd’hui ?

Elle – Je ne sais pas… J’ai divorcé il y a six mois…

Lui – Ah oui…

Elle – Et toi ?

Lui – Il y a trois mois… (Un temps) Tu le savais ?

Elle – Oui.

Lui – Tu connaissais ma femme ?

Elle – De vue.

Lui – De vue ?

Elle – On était au lycée ensemble.

Lui – D’accord.

Elle – C’est une petite ville.

Lui – Oui.

Elle – Évidemment, ça doit te faire un choc.

Lui – Tu veux dire… mon divorce ?

Elle – De me revoir comme ça, des années après.

Lui – Ah oui… Marie…

Moment d’embarras. Ils ne savent plus trop quoi dire.

Elle – Ferme les yeux.

Lui – Pardon ?

Elle – Ferme les yeux et écoute ma voix.

Il ferme les yeux.

Lui – OK…

Elle lui susurre à l’oreille d’un voix qui se veut envoûtante.

Elle – Marie. Marie Desfossés. On était ensemble en moyenne section. J’avais un manteau rouge, un duffle-coat. J’avais des couettes, et un jour à la récréation… (Elle dépose un baiser sur ses lèvres.) Tu m’as embrassée sur la bouche. Tu ne te souviens vraiment pas ?

Lui (troublé) – Marie… Ah oui, peut-être.

Il rouvre les yeux.

Elle – Évidemment, de me revoir comme ça… Après autant d’années… Je sais bien que j’ai beaucoup changé…

Lui – Ben oui, forcément.

Elle – Moi, du coup… Je t’ai vu grandir…

Lui – Oui. Et même vieillir un peu. Alors évidemment… Ça ne fait pas le même choc.

Un temps.

Elle – On pourrait se revoir…

Lui – Si tu habites en face… On va forcément se revoir…

Elle – D’accord… Je vais y aller alors…

Elle s’apprête à repartir.

Lui – C’est vrai, cette histoire ?

Elle – Quoi ?

Lui – Qu’on était à la maternelle ensemble… et tout le reste.

Elle – À ton avis ?

Lui – Je ne sais pas…

Elle – Qu’est-ce que tu préfères ?

Lui – C’est une belle histoire.

Elle – Alors on n’a qu’à dire qu’elle est vraie…

Elle s’en va.

Noir.

11 – L’oubliée

Il est là. Elle arrive.

Lui – Bonjour. Alors qu’est-ce que je lui mets à la petite dame ?

Elle – Je ne sais pas.

Lui – Oh vous, ça n’a pas l’air d’aller fort ? Vous ne voulez pas un petit remontant ?

Elle – Je vous dirais bien ce que je veux, mais dans une minute, vous aurez oublié.

Lui – Ah ça, ça m’étonnerait. Je n’oublie jamais une commande, Mademoiselle.

Elle – Vous oublierez la mienne, vous verrez.

Lui – Ah oui ? Et pourquoi ça ?

Elle – Parce que je suis celle qu’on oublie.

Lui – Pardon ?

Elle – Je suis l’oubliée. Depuis que je suis née, c’est comme ça.

Lui – Comme ça ? Comment ça, comme ça ?

Elle – Pendant sa grossesse déjà, ma mère oubliait souvent qu’elle était enceinte.

Lui – Ah oui…

Elle – Quand je suis née, mon père a oublié de me déclarer à l’état civil. Et quand ma mère a quitté la maternité, elle a oublié de me ramener à la maison avec elle en partant.

Lui – Sans blague ?

Elle – Ce n’est pas qu’ils ne m’aimaient pas. Ils m’oubliaient, c’est tout. Régulièrement, ils oubliaient d’aller me chercher à la sortie de l’école. Et je ne vous raconte pas le nombre de stations-service et de chambres d’hôtel où ils m’ont oubliée quand on partait en vacances.

Lui – Ah merde…

Elle – C’est comme ça. Enfin pas tout le temps. Il y a des périodes d’accalmie, parfois. Et puis ça recommence. Le jour de mon mariage, je pensais que j’étais enfin tirée d’affaire. Que quelqu’un, enfin, allait se souvenir de moi. Mais mon fiancé a oublié de se présenter à la mairie le jour de la cérémonie. Même le maire avait oublié de venir. Mes parents aussi, d’ailleurs…

Lui – Pourtant, vous avez l’air bien mignonne. Pas le genre de fille qu’on a envie d’oublier.

Elle – C’est vrai. J’ai toujours eu beaucoup de succès auprès des garçons. Et pourtant, je n’ai jamais brisé le cœur d’aucun d’entre eux, je vous assure. Pour ça il aurait fallu qu’ils se souviennent de moi. Mais la plupart de mes amoureux oubliaient de venir au deuxième rendez-vous.

Lui – Ah oui…

Elle – Vous connaissez la formule « jamais le premier soir » ?

Lui – Oui…

Elle – Eh bien pour moi, si ce n’était pas le premier soir, le deuxième on m’avait déjà oubliée.

Lui – Ça n’a pas dû être facile tous les jours.

Elle – Ça vous pouvez le dire. Pour trouver un travail, par exemple. Mes entretiens d’embauche, j’étais toujours toute seule. On m’avait oubliée. J’ai quand même réussi à me faire embaucher deux ou trois fois, mais tout le monde finissait par oublier qu’il y avait quelqu’un dans le bureau où je travaillais. Et évidemment, on oubliait de me payer aussi…

Lui – Et alors ?

Elle – Comme je ne pouvais jamais garder un travail, j’ai fini par basculer dans la délinquance.

Lui – La délinquance ? Pourtant, à vous voir, comme ça… Mais comment vous faites pour vivre.

Elle – Dans les magasins, je prends ce que je veux et je sors sans payer.

Lui – Vous allez finir en prison.

Elle – Pensez-vous ! Au bout d’une minute, les vigiles oublient d’appeler la police. Ou bien la police oublie de venir. Ou bien le gardien de prison oublie de fermer la cellule à clef, parce qu’il a oublié qu’il y avait quelqu’un dedans.

Lui – Ah oui, remarquez… Vu comme ça, ça n’a pas que des inconvénients.

Elle – Quand vous m’aurez servi ma consommation, si vous n’oubliez pas de le faire, je partirai sans payer, et vous ne vous souviendrez même pas de m’avoir servie.

Lui – Vraiment ?

Elle – Je n’ai jamais payé une seule note de restaurant, et pourtant, j’y mange tous les jours.

Lui – Mince… Et ça dure depuis longtemps, tout ça ?

Elle – Depuis 1902. C’est mon année de naissance.

Lui – 1902 ? Mais enfin, ce n’est pas possible.

Elle – La mort a dû oublier de venir me chercher, elle aussi.

Lui – Ah oui…

Elle – Je vous le dis… Vous m’oublierez vous aussi.

Un temps.

Lui – Bonjour. Alors qu’est-ce que je lui mets à la petite dame ?

Noir.

12 – Trou de mémoire

Il est là. Elle arrive.

Lui – Bonjour, ça va ?

Elle – Ça va. Et vous ?

Lui – Ça va, ça va.

Elle – Il ne fait pas chaud, hein ?

Lui – Non, ça on ne peut pas dire qu’il fait chaud. On peut même dire qu’il fait froid.

Elle – Oui, c’est ce que je disais. En employant une litote.

Lui – Pardon ?

Elle – Une litote ! Dire moins pour insinuer plus, si vous préférez. Par exemple… « Je ne te hais point » pour dire « je t’aime ».

Lui – Il ne fait pas chaud, c’est une litote ?

Elle – Ça peut.

Lui – Et ça peut vouloir dire je t’aime ?

L’autre semble un peu déstabilisée, et met un temps pour relancer la conversation comme elle peut.

Elle – Je me demande même s’il ne fait pas plus froid cette année que l’année dernière.

Lui – Ah oui, c’est bien possible.

Elle – Je me souviens, il y a un an, à la même époque, j’étais en maillot de bain sur ma terrasse.

Lui – En maillot de bain ? Vous êtes sûre ? En plein mois de janvier ?

Elle se rapproche de lui.

Elle – Excusez-moi, j’ai dit n’importe quoi, pour meubler. Je ne me souviens plus du tout de mon texte.

Lui – Votre texte ?

Elle – Le trou de mémoire, mais alors là… Je dirais même le trou noir.

Lui – Comment ça, le trou noir…?

Elle – Le blanc, si vous préférez. J’espérais que ça revienne, mais non. Alors j’ai improvisé. Je suis vraiment désolée.

Lui – Désolée ? Mais de quoi ?

Elle – D’avoir oublié mon texte !

Lui – Mais enfin… on n’a pas de texte !

Elle – On n’a pas de texte ?

Lui – Non. Enfin, moi, je n’ai pas de texte.

Elle – Vous êtes sûr ? Alors vous aussi, vous improvisez ?

Lui – Oui, enfin…

Elle – Ça alors… Ça m’étonnait aussi. Balancer de telles platitudes. Donc vous dites n’importe quoi… Ah oui, je comprends mieux.

Lui – Comment ça je dis n’importe quoi ?

Elle – Ce qui vous passe par la tête.

Lui – Ah non, pas tout ce qui me passe par la tête. Je trie un peu quand même.

Elle – Si ce que vous dites, c’est le plus intéressant parmi tout ce qui vous passe par la tête, je n’ose même pas imaginer le reste…

Lui – Et donc vous, vous auriez un texte.

Elle – Ben oui.

Lui – Un texte que vous auriez oublié, donc.

Elle – C’est ce que je pensais, en tout cas. Mais vous êtes sûr que vous ne seriez pas en train de dire un texte, vous aussi.

Lui – Je ne sais pas… Vous croyez ?

Elle – Il y a tout de même quelque chose qui ne colle pas.

Lui – Quoi donc ?

Elle – Si vous, vous êtes en train de dire un texte, ce n’est pas possible que moi je sois en train d’improviser.

Lui – Et pourquoi ça ?

Elle – Ça ne collerait pas.

Elle – Ah oui, c’est sûr.

Elle – Ou alors c’est qu’on est en train d’improviser tous les deux.

Lui – Ou bien qu’on est en train de dire un texte tous les deux.

Elle – Mais qui aurait bien pu écrire des inepties pareilles ?

Lui – Vous savez, le théâtre contemporain… Peut-être que l’auteur improvisait, lui aussi.

Elle – Je vois, l’écriture automatique, tout ça.

Lui – Je pensais que c’était démodé.

Elle – Ce qui est sûr, c’est que l’auteur, lui, il n’avait pas de texte. Au départ…

Lui – Donc, quelque part, il improvisait…

Elle – Oui, on peut dire ça comme ça…

Lui – Alors pourquoi on improviserait pas un peu, nous aussi.

Elle – En fait, je me demande si…

Lui – Quoi ?

Elle – On ne serait pas en train d’écrire le texte à la place de l’auteur.

Lui – Je vois… Les personnages improvisent, et lui il n’a plus qu’à recopier.

Elle – Et c’est lui qui empoche les droits d’auteur.

Lui – Auteur… C’est vraiment un métier de feignant.

Elle – Je dirais même plus : de plagiaire.

Lui – De plagiaire ?

Elle – Si l’auteur plagie ses propres personnages…

Lui – En même temps, vous l’avez dit vous-même. On ne peut pas dire que ce qu’on raconte soit d’une très haute tenue littéraire.

Elle – Non, il faut bien le reconnaître.

Lui – Bon on a peut-être assez improvisé comme ça, non ?

Elle – Oui, ça ira bien.

Lui – Alors ?

Elle – Quoi ?

Lui – Qu’est-ce qu’on disait avant de parler ?

Noir

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Toute contrefaçon est passible d’une condamnation

allant jusqu’à 300 000 euros et 3 ans de prison.

Paris – Janvier 2020

© La Comédi@thèque – ISBN 978-2-37705-394-0


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Cendrillon et la Reine Margaux

N’oubliez pas les paroles, un vrai conte de fées

Analyse sémiologique d’un succès médiatique

À l’antenne depuis plus de douze ans, le jeu télévisé « N’oubliez pas les paroles » permet encore aujourd’hui à France 2 de dépasser régulièrement sa concurrente TF1 en termes d’audience sur cette case de l’access prime time. Quelles sont les raisons d’un tel succès populaire, aussi large et aussi pérenne ?

L’explication est en fait assez simple : N’oubliez pas les paroles est un vrai conte de fées. Cette émission en effet, rendez-vous quotidien avec le public, n’est pas un simple jeu, comme peut l’être Des Chiffres et des Lettres, mettant aux prises deux candidats plus ou moins insignifiants, rivalisant entre eux sur la base de leurs capacités cérébrales, les téléspectateurs étant indirectement invités à se mesurer également à ces deux compétiteurs.

Pour reprendre un concept à la mode, NPLP est un storytelling. Le storytelling est un mode de communication consistant à mettre en œuvre de façon sous-jacente à travers ce que l’on raconte, pour susciter l’empathie de son auditoire, un récit dont la structure est basée sur un schéma narratif similaire à celui des contes populaires. Cette structure commune à tous les contes, et au-delà à tous les discours comportant une dimension narrative (romans, films, pièces de théâtre), a été formalisée par le sémiologue Algirdas Julien Greimas. Le schéma narratif comporte quatre épisodes qui s’enchaînent pour constituer un récit.

Contrat : présentation et caractérisation du héros par la définition de ses valeurs et de sa mission. Quel défi s’apprête-t-il à relever et dans quel but ? Dans un conte de fées, par exemple, un chevalier (digne de porter ce nom pour son courage physique et sa noblesse d’âme) se voit confier la mission de délivrer une princesse enlevée à ses parents par un être maléfique (ou un animal fantastique comme un dragon) qui la retient dans son château (ou dans son antre).

Compétence : épreuve qualifiante, sorte d’examen de passage auquel le héros est soumis afin de prouver sa capacité et sa légitimité à concourir pour l’épreuve principale. Dans un conte populaire, ce chevalier est confronté en chemin à plusieurs épreuves (trois, en général), consistant par exemple à résoudre des énigmes ou à combattre les alliés de son adversaire qui protègent son refuge.

Performance : épreuve principale, à savoir la grande confrontation pour laquelle le héros s’est préparé. Dans les contes populaires, il s’agit du combat épique contre un adversaire malfaisant, dangereux et parfois même doté de super-pouvoirs.

Sanction : épreuve glorifiante à travers laquelle le héros, s’il est sorti vainqueur de l’épreuve principale, se verra reconnu, honoré et récompensé. Dans les contes populaires, par exemple, il s’agira de la reconnaissance officielle par le roi de la prouesse du chevalier, qui reçoit en récompense de sa bravoure la main de la princesse ainsi que la bonne fortune qui va avec. Le héros peut aussi recevoir un insigne matériel, une marque distinctive comme une médaille, qui lui permettra d’afficher aux yeux de tous son statut d’être exceptionnel reconnu comme tel. A minima, il se contentera de la gloire que lui vaudra sa prouesse.

Dans NPLP, ce schéma narratif s’applique triplement :

EN AMONT DU JEU

Contrat : présélection des candidats principalement sur la base de leur « profil ». Tout candidat admis à passer les épreuves de sélection doit se montrer digne de concourir. Il s’agit en quelque sorte d’un examen de moralité. Les candidats potentiels doivent faire montre de valeurs positives et consensuelles. De fait, on a rarement vu un candidat très antipathique, même doté d’une mémoire exceptionnelle, accéder au statut de candidat officiel. En revanche, les candidats potentiels sont soigneusement sélectionnés pour n’exclure aucune catégorie sociale, en veillant à ce que les classes populaires et aussi les « minorités » soient très bien représentées.

Compétence : les différentes épreuves de sélection constitutives du casting à proprement parler, destinées à choisir parmi tous les candidats dignes de l’être ceux qui sont le plus à même par leurs capacités (en l’occurrence mémorielles) à jouer le rôle de challenger pour conquérir le titre de Maestro (symbolisé par le « micro d’argent »).

Performance : la succès du candidat à la dernière épreuve de sélection.

Sanction : la qualification du candidat comme challenger officiellement reconnu pour participer au jeu.

PENDANT LE JEU

Contrat : l’entretien préliminaire du candidat avec l’animateur, pendant lequel ce dernier interroge le challenger sur son identité, ses valeurs, ses projets, tout en lui rappelant sa mission et éventuellement les règles du jeu. Avant cela, au début de chaque émission, l’animateur rappelle l’identité, les valeurs et les projets du champion en titre.

Compétence : la première partie du jeu, consistant en une première épreuve destinée à déterminer qui des deux candidats concourra en premier pour l’épreuve principale : « la même chanson ».

Performance : l’épreuve principale consistant pour chacun des candidats à compléter les paroles de « la même chanson ». À moins que la victoire de l’un ou l’autre ne soit obtenu par KO, en se rendant d’entrée « irrattrapable ».

Sanction : confirmation par l’animateur du champion en titre dans son statut de héros ou destitution du champion et passation de pouvoir au challenger victorieux avec l’octroi du « micro d’argent ». La dernière partie du jeu relève aussi de la sanction par l’octroi au vainqueur d’une somme d’argent proportionnelle aux capacités mémorielles dont il fera montre lors de cette dernière épreuve glorifiante.

APRÈS LE JEU

Contrat : dans le meilleur des cas, à sa sortie du jeu, le champion destitué après un parcours particulièrement long et brillant sera néanmoins reconnu comme digne d’être membre, au moins provisoirement, des masters, le panthéon des plus grands ex-champions.

Compétence : lors de chaque cession ultérieure du jeu, l’appartenance des ex-champions au club très fermé des masters est potentiellement remise en cause par l’accession possible d’autres candidats à ce club, l’entrée de l’un provoquant automatiquement la sortie d’un autre, le moins bien placé.

Performance : occasionnellement, organisation de confrontations exceptionnelles lors d’émissions spéciales entre membres des masters.

Sanction : les vainqueurs de ces confrontations titanesques se voient confirmés dans leur statut de champion parmi les champions, et en cela pratiquement divinisés.

Le jeu NPLP est donc exactement et triplement structuré comme un conte de fées. Sauf qu’il s’agit bien en l’occurrence d’un « vrai » conte de fées, et pas du simple récit d’une histoire imaginaire, symbolique et édifiante. NPLP n’est pas une fiction. C’est, si ce n’est une réalité, du moins une télé-réalité, c’est à dire une réalité scénarisée. Mais les destins des participants sont bien réels. C’est une histoire vraie qui se déroule en direct sous nos yeux, dont on ne connaît donc pas la fin. Certes, les émissions sont enregistrées, mais elles sont diffusées sur le mode du direct, et les spectateurs ignorent par conséquent au début de chaque diffusion quelle sera l’issue de la confrontation.

C’est ainsi que nous en arrivons à ce qui fait le succès de ce jeu auprès du public, au-delà de ce mode de narration extrêmement efficace, du phénomène d’identification très fort lié à la réalité de ces personnages non fictionnels, et du suspense découlant de l’effet de direct.

Tout est mis en œuvre dans ce jeu pour faire émerger des champions, et plus encore peut-être des championnes, avec lesquelles le public puisse développer émission après émission une empathie maximale et toujours plus forte à mesure que l’enjeu, notamment financier mais surtout symbolique, augmente. Ces champions, en effet, sont toujours des héros ordinaires, dotés de capacités extraordinaires, et surtout des gens qui ont fait pour en arriver là un parcours extraordinaire, lui-même structuré d’ailleurs comme un schéma narratif :

Contrat : décision de concourir pour le casting.

Compétence : préparation intense au prix de sacrifices personnels importants.

Performance : réussite au casting après souvent plusieurs échecs.

Sanction : même en cas de défaite, la participation au jeu étant en soi un aboutissement, une reconnaissance, et un quart d’heure de célébrité.

Penchons-nous plus particulièrement un instant sur le cas de Margaux. Margaux est, il faut bien le dire, l’archétype même de la chic fille cependant parfaitement ordinaire : naturellement belle sans être outrageusement provocante et sexy, dotée de capacités mémorielles hors norme sans apparaître pour autant comme une surdouée, ouverte sur le monde sans être particulièrement cultivée, non dépourvue d’humour sans être cassante, généreuse tout en restant réaliste, battante sans être agressive, joueuse sans être tricheuse… Bref, Margaux, c’est « juste quelqu’un de bien », comme dit la chanson. Margaux, c’est quelqu’un comme nous. Ou comme on aimerait être. Quelqu’un qu’on aimerait avoir pour copine, ou pour femme, ou pour fille, ou pour belle-fille… Et c’est donc la fille qu’on voudrait voir gagner, pour lui permettre de réaliser ses rêves. Et nous de réaliser les nôtres par procuration. Margaux, c’est « Juste quelqu’un de bien, sans grand destin », à qui NPLP offre la possibilité de se forger malgré tout un destin exceptionnel.

Margaux, c’est une Cendrillon des temps modernes, dont NPLP, sous les yeux du public et avec son concours, va faire une reine : la reine Margaux. Certes, cette charmante jeune femme est loin d’être aussi miséreuse au départ que Cendrillon. Mais la vie n’a pas su reconnaître en elle un talent qu’elle cachait. Margaux fait partie, comme beaucoup d’entre nous, et plus particulièrement les femmes sans doute, de ces gens dont le système scolaire et la société en général n’ont pas su reconnaître à la fois les capacités intellectuelles et la grandeur d’âme. Et NPLP est là pour réparer cette injustice. Car NPLP, c’est l’anti-loto. Les gagnants ne le sont pas hasard. L’animateur ne manque pas une occasion de rappeler qu’ils doivent leur succès à leur travail acharné : « le travail paie ». Certes, il ne s’agit pas d’un discours révolutionnaire. Le contraire serait très étonnant sur une chaîne de télévision. Mais il s’agit néanmoins d’un discours acceptable par tous : la célébration de la réussite au mérite. Et qui plus est un mérite que personne n’avait décelé jusque-là, dans la mesure où il n’entrait pas dans les critères de l’éducation nationale ou du dressage professionnel.

Nous avons tous en nous un talent méconnu, y compris de nous-mêmes parfois. Voilà le message de NPLP. C’est ce talent-là qu’il faut découvrir et cultiver avec courage, obstination voire même abnégation. Et alors nos mérites seront un jour reconnus, et nous pourrons réaliser nos rêves. Un discours très « service public », donc. La réussite de Margaux, c’est potentiellement la nôtre. Et au-delà, la réussite de « N’oubliez pas les paroles », c’est encore la nôtre puisque c’est nous qui en regardant cette émission en faisons le succès, et contribuons à la célébrité des vainqueurs. Finalement c’est nous, téléspectateurs, qui sommes les maîtres du jeu. Comme dans un jeu vidéo, c’est nous-mêmes qui choisissons notre « champion par procuration », qui l’accompagnons dans ses épreuves, qui partageons ses victoires, et qui nous en réjouissons avec lui et pour lui. Et à la fin de chacune de ces émissions, chaque téléspectateur peut se dire : Cendrillon, c’est moi. Et si je le veux assez fort, moi aussi je peux devenir la Reine Margaux.

Jean-Pierre Martinez, scénariste, dramaturge et sémiologue

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Freitag, der 13.

Zum Autor

Jean-Pierre Martinez, geboren 1955 in Auvers-sur-Oise bei Paris, hat seine ersten Bühnenerfahrungen als Schlagzeuger verschiedener Rockgruppen gemacht. Nach Studium und eigener Lehre von Text- und Bildsemiotik an sozial- und theaterwissenschaftlichen Hochschulen (Ecole Pratique des Hautes Etudes en Sciences Sociales, EHESS; Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle, CEEA) wurde er in der Werbebranche tätig, verfasste nebenher schon bald Drehbücher für das Fernsehen und kehrte schließlich als Theater-Autor und Dramaturg an die Bühne zurück.

Martinez zählt zu den produktivsten und meistgespielten der heutigen Theater- und TV-Drehbuchautoren Frankreichs und des französisch-sprachigen Auslands. Bis dato hat er an die 100 TV-Drehbücher und mehr als 85 Komödien verfasst, von denen einige zu Klassikern geworden sind (Vendredi 13 oder Strip Poker). In englischer und spanischer Übersetzung werden seine Theaterstücke regelmäßig auf Bühnen in Nord- und Lateinamerika gespielt. Für den Erfolg der Theaterstücke von Jean-Pierre Martinez steht die Zahl von jährlich über 2.000 Aufführungen seiner Stücke, die inzwischen in 12 Sprachen übersetzt vorliegen – jetzt auch auf Deutsch.

Um seine Komödien interessierten Theatergruppen nahezubringen, hat Martinez sie zum freien Download auf einer eigenen Internet-Plattform eingestellt: La Comédiathèque, comediatheque.net. In Papierform (zum Preis der entsprechenden Fotokopien) können die Texte über die Webseite The Book Edition bestellt werden. Die Rechte für die Bühnenaufführung können / müssen über die Verwertungsgesellschaft SACD erworben werden.


Alle Stücke von Jean-Pierre Martinez können gratis von seiner Webseite heruntergeladen werden.


In deutscher Übersetzung liegen folgende Theaterstücke von Jean-Pierre Martinez vor:

Das Werk einschließlich aller seiner Teile ist nach den Bestimmungen über geistiges Eigentum urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung des Werks außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes und ohne Einwilligung von Autor und Übersetzer ist unzulässig und strafbar und kann zu hohen Schadensersatzansprüchen führen.

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Wenn Sie ihn öffentlich darbieten möchten – gleich ob auf einer etablierten Bühne oder in einem Laientheater – müssen Sie die Aufführungsrechte beim Autor einholen:

Kontakt: comediatheque.net


Freitag, der 13.

Wenn man im Lauf eines Abends erfährt, dass die beste Freundin mit dem Flugzeug abgestürzt ist und man selbst den Jackpot im Lotto geknackt hat – wie soll man da sein Glück vor dem potentiellen Witwer zurückhalten ?

Jérôme und Christelle haben ein befreundetes Pärchen zum Abendessen eingeladen. Aber nur er taucht auf, allein, vollkommen aufgelöst: eben hat er aus dem Radio erfahren, dass das Flugzeug mit seiner Frau auf dem Flug nach Paris über dem Ärmelkanal abgestürzt ist. Die Gastgeber verfolgen mit dem potentiellen Witwer die Nachrichten – ist seine Frau unter den Überlebenden oder nicht? Zwischendurch stellt sich bei der Bekanntgabe der Lottozahlen heraus, dass Jérôme und Christelle an diesem Freitag, den 13. den Jackpot im Lotto geknackt haben. Fortan müssen sie mit ihrer Freude „hinterm Berg halten“ – verständlich, dass es an diesem bewegten Abend stimmungsmäßig auf und ab geht …

Personen

Jérôme – Christelle – Patrick

Von diesem Stück liegen (französische) Fassungen für die Besetzung 1 Mann und 2 Frauen, 3 Männer oder 3 Frauen vor: https://comediatheque.net

© La Comédi@thèque

Wohnzimmer im Öko-Schick, wovon allerdings nur noch Spuren sichtbar sind. An der hinteren Wand ist ein abstraktes Gemälde auf dem Boden abgestellt, andere Sachen sind schon in Umzugskartons verpackt. Geschmückter Weihnachtsbaum in einer Ecke. Niemand auf der Bühne. Das Telefon klingelt, der Anrufbeantworter schaltet sich ein:

Jérôme (Stimme aus dem Off): Hallo! Richtig, wir sind’s, Jérôme und Christelle. Wir sind gerade in Untersuchungshaft wegen Steuerbetrug, aber ihr könnt uns nach dem Piep eine Nachricht hinterlassen. Wir rufen zurück, sobald wir nicht mehr in Polizeigewahrsam sind. Jetzt seid ihr dran!

Man hört den Piep, danach die vom AB aufgenommene Nachricht:

Nathalie (Off-Stimme): Ähm… Hallo, ihr beiden, ich bin’s, Nathalie. Alles klar bei euch? Ach Quatsch, ihr könnt ja nicht antworten… Also, wir sehen uns wie geplant heute Abend, nur

Jérôme tritt auf. In jeder Hand eine Einkaufstüte, von verschiedenen Supermärkten. Unter dem Arm ein Baguette. Er ist zu bepackt, um das Gespräch noch anzunehmen und hört einfach den Rest der Nachricht ab:

Nathalie (Off-Stimme): … wir kommen eher so gegen halb neun. Mein Flug landet in Beauvais, von dort mit dem Bus rein nach Paris, meinen Koffer zu Hause abstellen und dann mit Patrick zu euch fahren, das kann dauern… Ach, übrigens, vielen Dank für den Koffer. Den bring ich euch bei der Gelegenheit auch gleich zurück. Also, bis dann! Und macht euch bloß keinen Kopf wegen dem Abendessen – alles ganz locker, wie unter guten Freunden, ja?

Jérôme verschwindet mit seinen Tüten in der Küche und kommt mit einem Kanister billigem Wein zurück. Er zieht seine Regenjacke aus und holt eine Karaffe aus einem Schrank. Er macht den Kanister auf, setzt einen Trichter auf die Karaffe und füllt den Wein in die Karaffe ab. Christelle tritt auf.

Christelle: Hallo! Auch schon da? Alles klar?

Jérôme: Nathalie hat angerufen, sie kommen etwas später.

Christelle: Umso besser, wir sind auch nicht grade früh dran… Sie zieht ihren Mantel aus. Ganz schön kalt hier drinnen, findest du nicht? Noch kälter als draußen…

Jérôme: Ich hab die Heizung ausgedreht. Wir wollten doch sparen, oder?

Christelle sieht, was er gerade macht.

Christelle (erstaunt): Was soll das werden?

Jérôme: Na, ich füll den Wein in eine Karaffe, damit er ein bisschen atmet, bevor wir ihn trinken. Ist scheinbar besser.

Christelle: In so einen Spitzen-Wein hättest du aber auch nicht zu investieren brauchen… Wenn es nach mir ginge, würde ich eher am Wein als an der Heizung sparen…

Jérôme: Ist nur Landwein. Frag mich nicht, aus welchem Land. Auf jeden Fall nicht aus der Europäischen Gemeinschaft. Ein Euro 24 Cent der Liter, beim Discounter. Sonderangebot zu Weihnachten…

Christelle: Und warum füllst du ihn ab?

Jérôme (ironisch): Den Tipp hat mir der Sommelier dort gegeben. Damit dieser kostbare Nektar an der Nase alle Fruchtaromen von roten Beeren und Vanille zeigen kann. Ohne im Abgang eine leichte Traubenbetonung zu verleugnen… (Wieder ernsthaft) Aber im Ernst – würdest du den Kanister auf den Tisch stellen?

Christelle: Stimmt natürlich …

Jérôme: Außerdem kann es diesem Pennerglück nicht schaden, wenn man ihn etwas lüftet. Landwein ist wie Leitungswasser: besser, man dekantiert ihn, bevor man ihn trinkt. Damit die giftigen Dämpfe noch schnell abziehen und die Schwermetalle sich am Boden absetzen können…

Christelle: Hast du alles besorgt?

Jérôme: Ich hab eine Artischockenpastete von Frosta gekauft, muss man nur noch auffrosta, ähm, auftauen und fertig.

Christelle: Eine Artischockenpastete?

Jérôme: War auch im Angebot… Zusammen mit einem Salat…

Christelle: Aha… Na, ich bereite dann schon mal den Aperitif vor.

Christelle holt Gläser.

Christelle: Warst du beim Jobcenter?

Jérôme: Jep.

Christelle: Und?

Jérôme: Die haben mir ein Praktikum angeboten…

Christelle: Ein Praktikum?

Jérôme: Bei einem Restaurator.

Christelle: Restaurateur? Das ist ja super… Das ist doch genau das, was du wolltest.

Jérôme: Ein Restaurator… von Bildern!

Christelle: Bilder restaurieren? Aber du hast doch auf der Hotelfachschule gelernt!

Jérôme: Willkommen beim Jobcenter die bringen dich weiter. Nur leider ganz woanders hin. Die müssen da was verwechselt haben…

Christelle: Aber du hast ihnen doch gesagt, dass du Chefkoch warst. Ist ihnen nichts Besseres dazu eingefallen?

Jérôme: Die haben nur gemeint: „Heutzutage müssen Sie vielseitig einsetzbar sein.“

Christelle: So was von bescheuert! Erst Rahmschnitzel, dann Rahmen schnitzen. Erst in der Nobelbleibe, dann am Hobel bleiben…

Jérôme: Keine Sorge, zuhause werde ich immer dein Meisterkoch bleiben.

Christelle: Meisterkoch… von wegen. Zuhause kriegst du’s ja nicht mal fertig, etwas aufzutauen.

Jérôme: Das ist jetzt aber fast so was wie ein versteckter Vorwurf…

Christelle: Schon gut. Bist du hingegangen?

Jérôme (mit Blick auf das an die Wand gelehnte Bild): Naja, ich hab bei der Gelegenheit gleich mal unser Gemälde schätzen lassen…

Christelle: Ach, diesen Ölschinken, den du vor zehn Jahren von deinem Freund gekauft hast – diesem Studenten der Schönen Künste, dem du für seine Schöpfung auch noch ein Vermögen gezahlt hast…

Jérôme: Das war kurz nach seinem ersten Selbstmordversuch. Ich wollte ihm auf die Beine helfen. Und dann habe ich mir gesagt, dass das Bild mit der Zeit an Wert gewinnt…

Christelle: Wenn wir damit wenigstens die Heizkosten bezahlen können… Ja, und auf wieviel hat er dieses Meisterwerk geschätzt, dein Restaurator?

Jérôme: Gute hundert Euro.

Christelle: Und du hast es für 1.500 gekauft!

Jérôme: Warte mal ab. Du weißt doch, was für einen Run es nach Van Goghs Tod auf seine Bilder gegeben hat.

Christelle: Dann brauchen wir ja nur noch zu hoffen, dass dein genialer Freund seinen Selbstmord doch noch hinkriegt, bevor wir hier erfroren sind… (seufzt) Wir können nicht einmal davon träumen, dass der Rahmen an Wert gewinnt – ist ja keiner dran!

Jérôme: Tja, das ist so eines von den Problemen bei moderner Malerei…

Christelle: Ich hoffe ja, dass Patrick uns wenigstens die 1.000 Euro zurückzahlt, die du ihm so großzügig geliehen hast. Dann könnten wir das Unterstellen von unseren Möbeln bezahlen, solange wir auf die Sozialwohnung warten, die uns dein sozialdemokratischer Cousin im Rathaus versprochen hat… Übrigens: hast du ihn mal daran erinnert?

Jérôme: An unsere Wohnung?

Christelle: Ach was – an die 1.000 Euro!

Jérôme: Ich frage mich, ob das jetzt der richtige Augenblick ist… Die haben es auch nicht leicht, weißt du. Wo die Telekom Nathalie in dieses Call-Center nach Straßburg versetzt hat – das musst du dir mal vorstellen! Straßburg! Die war doch immerhin Chefin der Personalabteilung, mit Büro am Pariser Seine-Ufer. Da kann Patrick mit seinem Gehalt als Grundschullehrer in Teilzeit nicht mithalten…

Christelle: Na und ich? Ich hab drei halbe Stellen! Und das reicht nicht mal, um die Nebenkosten zu bezahlen!

Jérôme: Okee, ich rede mit ihm, heute Abend!

Das Telefon klingelt.

Christelle: Ach, das sind sie bestimmt… (Sie nimmt den Hörer ab) Hallo…? Alles klar bei dir, Patrick! Ach so… Nee, überhaupt kein Problem, Patrick… Ok, wir warten solange… Bis gleich, Patrick… (Sie legt auf) Das war Patrick…

Jérôme: Das hab ich mir irgendwie gedacht, als du gleich als Erstes gesagt hast: „Ach, Patrick.“ Das musste er einfach sein…

Christelle: Nathalies Flug hat Verspätung. Er kommt allein, mit dem Wagen…

Jérôme: Und sie?

Christelle: Er hat ihr auf ihre Sprachbox gesprochen, dass sie direkt hierher kommen soll. Den Aperitif trinken wir dann ohne sie.

Jérôme: Was für eine Schnapsidee, von Straßburg nach Paris zurück zu fliegen!

Christelle: Wo sie auch noch 60 km vor Paris landet. Aber klar, mit Ryan Air kostet der Hin- und Rückflug weniger als ne Metro-Fahrkarte…

Jérôme geht zu ihr und nimmt sie in die Arme.

Jérôme: Hey, wir kommen schon wieder klar.

Christelle: Ja, sicher. …. Und solange wir zusammen sind, kann uns eh nichts Schlimmes passieren, hab ich recht?

Jérôme: Ich trinke lieber Landwein mit dir als Edel-Schampus mit wem auch immer.

Christelle: Ich hab so ein Gefühl, dass sich das Glück wenden wird. Zu Weihnachten. Und heute ist doch auch Freitag, der 13., stimmt’s?

Jérôme: Vielleicht gewinnen wir im Lotto.

Christelle: Wir spielen doch gar nicht…

Jérôme: Ich hab neulich, als wir deine Mutter in Lille besucht haben, in einem Kiosk Lotto gespielt. Hab meine Bewerber-Nummer vom Job-Center getippt.

Christelle: Da geht’s mir ja gleich besser…

Sie küssen sich.

Jérôme: Und Patrick? Ist der schon auf dem Weg?

Christelle: Der fährt seit ner Viertelstunde um unseren Häuserblock, auf der Suche nach einem Parkplatz.

Jérôme: Ein Parkplatz, in diesem Viertel, um diese Zeit…

Christelle: Eins steht fest: wenn die sich einen Smart zugelegt hätten wie wir, statt diesem fetten Mercedes mit 4-Rad-Antrieb, dann wäre das Einparken leichter…

Jérôme: Aber wie sollen sie das mit ihren zwei Kindern anstellen… Der Smart hat doch nur zwei Sitze.

Christelle: Die Kids sind noch klein, da hätte ein Twingo auch schon gereicht! Wo sie angeblich Geldprobleme haben…

Jérôme: Zuerst sollte er mal lernen, wie man einen Laster einparkt…

Christelle fängt an, die Flaschen auf den Tisch zu stellen. Es läutet an der Tür.

Jérôme: Na, so schlecht fährt er ja gar nicht… Jetzt hat er seinen 5-Tonner doch noch untergebracht. Bleib sitzen, ich mach ihm auf…

Jérôme geht die Türe aufmachen.

Jérôme: Hallo, Patrick! Na, was ist n los mit dir? Du bist ja leichenblass? Man könnte glauben, du hast einen Wiedergänger gesehen…

Patrick kommt mit Jérôme rein. Er hält eine Flasche Champagner in der Hand und sieht tatsächlich wie das heulende Elend aus.

Patrick (tränenerstickt): Du weißt nicht, wie recht du hast.

Christelle kommt näher, verstört.

Christelle: Was ist denn passiert, Patrick?

Patrick: Ich wollte gerade das Autoradio ausmachen und aussteigen… da kam es in den Nachrichten… (stockt) Das Flugzeug mit Nathalie ist über dem Meer abgestürzt…

Jérôme: Über dem Meer?

Christelle: Bist du sicher, dass es ihr Flug ist?

Jérôme: Der Flug aus Straßburg?

Patrick: Es war ein Billigflug mit Zwischen-Stopp in Brüssel und London. Sie haben die Flugnummer und den Namen der Fluggesellschaft genannt. Es gibt keinen Zweifel. Die Maschine ist über dem Ärmelkanal von den Bildschirmen verschwunden…

Patrick bricht in Schluchzen aus. Jérôme und Christelle schauen sich hilflos an, sie wissen nicht, was sie sagen sollen.

Christelle: Hör mal, die finden sie vielleicht noch…

Jérôme: So groß ist der Ärmelkanal auch nicht…

Christelle: Der Pilot hat vielleicht eine Wasserlandung hingekriegt.

Jérôme: Zwischen zwei Öltankern…

Christelle: So was hat es schon gegeben…

Jérôme: Kommt nicht jeden Tag vor, aber ist schon mal da gewesen

Patrick (mit schwacher Stimme): Meint ihr wirklich…

Christelle: Was haben sie gesagt, im Radio? Haben sie gesagt, dass es keine Überlebenden gibt?

Patrick: Das wissen sie noch nicht…

Christelle: Na, siehst du!

Jérôme: Und außerdem sind Flugzeuge immer noch das sicherste Verkehrsmittel! Laut Statistik liegt deine Chance draufzugehen bei eins zu einer Million. Ungefähr die gleiche Chance wie auf einen Sechser beim Lotto, also…

Christelle schaut ihn fassungslos an.

Patrick (verzweifelt): Und dass es ausgerechnet Nathalie treffen musste… Ich hab ihr noch gesagt, sie soll nicht an einem Freitag, den 13. fliegen…

Jérôme: Na, es ist nur der Ärmelkanal… die Black Box fischen sie bestimmt raus…

Patrick zuckt zusammen.

Patrick: Mein Gott, was soll aus mir werden, ohne sie? Mit den zwei Kindern. Und dem Darlehen auf dem Haus…

Jérôme und Christelle blicken sich an und wissen nicht, was sie tun sollen.

Patrick (pathetisch): Und euch schulden wir auch noch 1000 Euro…

Christelle: Ach, was redest du da? Das ist doch jetzt nicht dringend.

Patrick reicht Jérôme die Flasche Champagner.

Patrick: Hier, ich hab euch als Dankeschön eine Flasche Champagner mitgebracht. Wenn ich geahnt hätte…

Patrick hält Jérôme seine Flasche Champagner hin.

Jérôme: Veuve CliquotVoll der Luxuschampagner! Mann! Du hast dich nicht lumpen lassen!

Patrick: Es ist ein Alptraum… Sagt mir, dass es nicht wahr ist!

Jérôme (plötzlich zweifelnd): Aber das ist jetzt alles nicht nur ein übler Scherz?

Christelle sieht ihn missbilligend an.

Christelle: Komm, Patrick, setz dich erst mal her. Wir machen den Fernseher an, da kommen gleich Nachrichten. Geht das für dich?

Christelle schaltet das Fernsehen ein, wo gerade Werbeeinblendungen laufen.

Stimme (aus dem Off): Und der Unterschied zwischen den zwei Särgen? Der Preis! Leclerc – weil das Leben schon teuer genug ist… Jipijeijei.

Christelle wechselt hastig den Sender.

Stimme (aus dem Off): Sternzeichen Löwe – heute ist ein rabenschwarzer Tag für Sie…

Patrick: Ich bin Löwe…

Stimme (aus dem Off): Sie sollten besser nicht verreisen…

Christelle: Aber das warst doch nicht du im Flieger…

Stimme (aus dem Off): Wenn es sich gar nicht vermeiden lässt, nehmen Sie lieber den Zug als das Flugzeug…

Patrick: Nathalie ist auch Löwe.

Christelle: Ich glaub, wir schalten besser das Radio ein.

Stimme (aus dem Off): … An diesem Freitag, den 13. warten im Jackpot 60 Millionen Euro auf die glücklichen Gewinner. Und hier ist auch schon die Ziehung der Lottozahlen…

Christelle wechselt den Sender.

Stimme (aus dem Off): Noch gibt es keine neuen Nachrichten von Flug Nummer 32 der Fluggesellschaft Discount Airways auf ihrem Flug von Straßburg nach Paris-Beauvais, mit Zwischen-Stopp in Brüssel und London.

Patrick: Seht ihr, das ist ihr Flug…

Stimme (aus dem Off): Nach derzeitigem Kenntnisstand hat der Pilot ein Notsignal gesendet, kurz bevor die Maschine von den Radarschirmen verschwand. Wir werden Sie selbstverständlich über den Stand der Dinge informieren, sobald uns nähere Einzelheiten vorliegen…

Christelle macht das Radio aus.

Christelle: Wir müssen abwarten… etwas Anderes können wir jetzt eh nicht tun… Ich schenk dir mal einen Schluck ein, das wird dich ein bisschen ablenken.

Jérôme: Wir werden doch jetzt nicht den Champagner aufmachen …?

Patrick (bemerkt die Karaffe): Ich nehme einen Schluck Wein, der ist eh schon offen.

Christelle: Bist du sicher? Willst du nicht lieber was Anderes?

Patrick: Nee, schon in Ordnung, ehrlich…

Jérôme schenkt ein Glas Wein ein und reicht es Patrick, der es auf einen Zug leertrinkt. Die anderen beiden sehen beunruhigt zu.

Patrick (zu Jérôme): Bei dem, was ich durchmache, habe ich keine Freude mehr, nicht mal mehr an so einem Spitzenwein…

Jérôme: Mach dir nicht so viele Sorgen, Kumpel…

Patrick (plötzlich in Panik): Oh Gott, meine Mutter!

Christelle: War die auch in der Maschine?

Patrick: Nee, die ist zu Hause und die Kinder sind bei ihr. Ich hoffe nur, die sitzen nicht vorm Fernseher!

Patrick holt hastig sein Handy heraus und tippt die Nummer seiner Mutter.

Patrick: Hallo Mama? Ja, ich weiß, ich hab’s gehört… Sag mal, die Kinder sind nicht vorm Fernseher, oder? Die schlafen schon? (seufzt vor Erleichterung) Gut. Du, ich hab jetzt wirklich keine Lust, darüber zu sprechen… Ich ruf dich später nochmal an, ok? … Bitte, Mama, erspar mir dein Beileid… Nur zur Erinnerung: sie ist noch nicht tot… Ja, wahrscheinlich, aber sicher ist es noch nicht, also, komm mir jetzt nicht damit… Du hast sowieso nie ein gutes Haar an ihr gelassen und mir schon tausend Mal gesagt, dass sie nicht die richtige Frau für mich ist und ich eine bessere hätte finden können… Ach, weißt du was, Mama, ich scheiß auf deine Meinung!

Patrick legt wütend auf. Jérôme und Christelle sehen ihn an, etwas unangenehm berührt und doch mitfühlend.

Patrick: Sie hat Nathalie noch nie leiden können… Innerlich jubelt sie wahrscheinlich…

Christelle: Sag doch so was nicht…

Patrick: An unserem Hochzeitstag hat sie vorgegeben, dass mein Vater krank sei – nur damit sie nicht zur Trauung kommen musste.

Jérôme: Aber er war doch wirklich krank und ist ein paar Monate später gestorben…

Patrick: Ja, genau an dem Tag, als Maxime auf die Welt gekommen ist… auch extra, um mir eins auszuwischen…

Christelle: Pat, willst du ein Beruhigungsmittel? Oder einen Schnaps?

Patrick: Tut mir leid, dass ich euch mit diesen Familiengeschichten auf die Nerven gehe… Ich will euch nicht den Abend verderben. (Er steht auf und will gehen). Ich mach mich mal lieber auf den Weg …

Christelle: Ach, komm jetzt, Patrick! Wir sind doch Freunde? Wozu hat man Freunde, wenn sie einem in solchen Momenten nicht beistehen?

Patrick (setzt sich wieder hin): Ich hab gewusst, dass ich mich auf euch verlassen kann… Und, ehrlich gesagt, habe ich keine große Lust, allein zu Hause vor dem Weihnachtsbaum zu hocken, mir die Nachrichten reinzuziehen und jedes Mal mit dem Schlimmsten zu rechnen…

Jérôme: Mal hören, ob’s schon Neues gibt…

Patrick: Ich weiß nicht, ob ich das wissen will. (Pause) Na, gut, geh schon, schalt ein…

Christelle: Ok. (Christelle schaltet das Radio wieder ein.)

Stimme (aus dem Off): Die in die Nähe der vermeintlichen Unfallstelle entsandten Suchflugzeuge haben einen größeren Kerosin-Teppich gesichtet. Noch kann nicht mit Sicherheit gesagt werden, ob es sich dabei um Treibstoff der Maschine der Fluggesellschaft Discount Airways handelt, die, wie gemeldet, vor etwa einer Stunde über dem Ärmelkanal abgestürzt ist. Wir erwarten in Kürze einen Bericht unseres Sonderkorrespondenten, der sich an Bord eines der Rettungshubschrauber befindet… In der Zwischenzeit geben wir noch einmal die Lottozahlen bekannt…

Patrick: Einen Kerosin-Teppich… Das heißt doch nichts anderes, als dass die Maschine abgestürzt ist… Wie soll es da noch Überlebende geben…?

Jérôme und Christelle wissen nicht, wie sie seine Stimmung aufhellen sollen.

Stimme (aus dem Off): … Die Gewinnzahl lautet: 1-5-2-7-9-6, Zusatzzahl 10…

Jérôme erstarrt.

Christelle: Wenn der Pilot eine Wasserlandung fertiggebracht hat, sind bestimmt ein paar Passagiere aus der Maschine rausgekommen, bevor sie untergegangen ist…

Stimme (aus dem Off): Der glücklichen Gewinnerin, dem glücklichen Gewinner winkt das hübsche Sümmchen von 60 Millionen Euro. Damit lässt sich gelassen in die Zukunft blicken… (Christelle macht das Radio aus.)

Jérôme: Das ist ja…

Patrick: Was?

Jérôme: Ach, nichts, nichts…

Christelle: Du bist doch auch schon geflogen und kennst die Sicherheitsanweisungen, die von den Stewardessen vor dem Start demonstriert werden… die Sauerstoffmasken, die automatisch herunterfallen, die Schwimmwesten unter den Sitzen, die Notausgänge vorne und hinten, die Notrutschen etc. Da gibt es doch ein typisches Vorgehen bei Gefahr, da ist für alles vorgesorgt…

Jérôme holt mehr oder weniger unauffällig seinen Ausweis vom Jobcenter aus der Tasche und sieht nach.

Patrick: Das Flugpersonal – denen hört doch sowieso niemand zu…

Jérôme (zu Christelle, die ihm aber nicht zuhört): Ey, ich fass es nicht!

Patrick: Sag mal, Jérôme, hast du schon mal aufgepasst, was die Stewardessen da immer runterleiern?

Jérôme (vollkommen geistesabwesend): Hä? Was? Wer?

Patrick (zu Christelle): Siehst du? Hab ich’s dir nicht gesagt?

Christelle (zu Jérôme): Die Stewardess – was demonstriert die vor dem Start? Bei… Druckabfall in der Maschine?

Jérôme (flippt aus): Die… Die Fallschirme unter den Sitzen… der Schnorchel, der von der Decke fällt… die Schwimmflossen im Handschuhfach, meinst du das?

Christelle wirft Jérôme einen vorwurfsvollen Blick zu.

Christelle (zu Patrick): Und angerufen hat dich niemand?

Patrick: Nathalie liegt bestimmt schon auf dem Meeresgrund – wie soll sie mich da anrufen?

Jérôme hat völlig geistesabwesend den Fernseher wieder eingeschaltet.

Stimme (aus dem Off): … Hier noch einmal die Gewinnzahlen der heutigen Lotto-Ziehung Freitag, den 13.: 1-5-2-7-9-6. Zusatzzahl: 10. Gewinnsumme 60 Millionen Euro.

Jérôme sieht noch einmal genau auf seinem Ausweis vom Jobcenter nach.

Jérôme: Boah. Ich krieg mich nicht mehr…

Christelle macht den Fernseher wieder aus.

Christelle: Nee, ich wollte sagen… Die haben doch bestimmt ein psychologisches Beratungs-Team, so was wird doch immer gleich eingesetzt… um die Angehörigen zu verständigen… und sie zu betreuen und so…

Jérôme (zu Christelle): Du, kann ich dir was sagen?

Christelle: Was denn?

Jérôme: Nicht hier…

Das Handy von Nathalie schnarrt.

Christelle: Siehst du, das sind die bestimmt…

Patrick: Ich weiß nicht, ob ich das wissen will…

Das Handy schnarrt weiter.

Christelle: Soll ich für dich rangehen?

Patrick: Ja, sei so gut…

Christelle nimmt das Gespräch an.

Christelle: Hallo… Ja… Nein… Ach so, klar … Wirklich?… Nein, nicht nötig… Doch, doch, wir sind natürlich überglücklich. Ok, danke…

Christelle legt auf.

Patrick: Und?

Christelle (wie in Trance): Das war der Frauenarzt von Nathalie… Wegen der Untersuchungsergebnisse…

Patrick: Und…?

Christelle: Na, sie ist wirklich schwanger…

Patrick (dem Zusammenbruch nahe): Das ist jetzt nicht wahr…

Christelle: Soll ich dir noch ein Glas Wein einschenken?

Patrick: Ja, gerne…

Christelle füllt Patricks Glas nach.

Jérôme (zu Christelle): Du … ich muss dir unbedingt was sagen…

Christelle (zu Jérôme): Muss das wirklich jetzt sein?

Jérôme: Ehrlich, es ist total wichtig…

Patricks Blick fällt auf das Ölgemälde.

Patrick: Schon merkwürdig, dieses Bild, findet ihr nicht auch?

Christelle: Tja… Doch, schon ein wenig, ja…

Christelle reicht ihm das Glas rüber.

Patrick: Der Typ, der das gemalt hat, muss echt depressiv gewesen sein. (Zu Jérôme) Ist das ein Freund von dir?

Jérôme: Ja, naja… Er kommt aus Ungarn, glaub ich.

Patrick: Das sieht man. (Zu Jérôme) Hat er sich umgebracht?

Christelle: Nee, noch nicht, leider…

Patrick leert sein Glas in einem Zug.

Patrick (zu Christelle): Schenkst du mir noch ein Glas ein?

Christelle: Du solltest vielleicht nicht so viel trinken, weißt du… Wo Leben entsteht, gibt es doch auch Hoffnung … Vergiss nicht, du wirst noch mal Vater…

Jérôme (weiß nicht, was er sagen soll): Unverhofft kommt oft.

Christelle durchbohrt ihn mit Blicken.

Jérôme (zu Christelle): Ich muss jetzt wirklich mit dir reden…

Patrick: Du hast recht, mir dreht sich alles. Ich geh mal raus auf euern Balkon, ein bisschen frische Luft schnappen.

Christelle: Soll ich mitkommen?

Patrick: Ist lieb von dir. Aber ich brauche einen Moment für mich.

Christelle: Ok.

Patrick geht auf den Balkon. Jérôme wartet ungeduldig darauf, dass er endlich draußen ist.

Jérôme: Du wirst nie draufkommen, was uns bevorsteht…!

Christelle (mit den Gedanken anderswo): Schwanger… Das kann doch nicht wahr sein?

Jérôme: Du bist schwanger? Das ist doch toll! Vor einer Viertelstunde wär das für mich noch eine Naturkatastrophe gewesen, ehrlich gesagt. Aber jetzt sehe ich alles durch die rosarote Brille. Und weißt du auch, warum ?

Christelle: Aber das bin doch nicht ich, die schwanger ist!

Jérôme: Ach, so. Aber was mich betrifft…

Christelle: Wieso hört ihr Männer nie zu, wenn man mit euch redet…

Jérôme: Also, wer ist denn jetzt schwanger?

Christelle: Nathalie! Begreifst du nichts? Da erfährt Patrick, dass seine Frau mit dem Flugzeug abgestürzt ist und dann im selben Atemzug, dass Nathalie ein Kind von ihm erwartet hat…

Jérôme: Woher willst du wissen, dass es seins ist?

Christelle (verdrossen): Weiß ich auch nicht… Weibliche Intuition…? Die ersten zwei waren von ihm und er ist ihr Mann – da ist mir sein Name irgendwie als erstes eingefallen. Ist bescheuert, oder?

Jérôme: Egal, darum geht’s jetzt gar nicht… Weißt du, was?

Christelle: Was denn?

Jérôme: Wir haben gewonnen!

Christelle (mit Blick zum Balkon): Mein Gott!

Jérôme: Da ist man erst mal baff, was?

Christelle: Der Patrick! Der klettert übers Balkongeländer.

Jérôme dreht sich um und sieht, was los ist.

Jérôme: Booah, auch das noch! Wie lange will er uns noch nerven!… Soll er doch springen – dann haben wir unsere Ruhe. Wobei… wir sind ja nur im ersten Stock, da holt er sich höchstens ein paar Kratzer…

Christelle geht zum Fenster, ohne auf ihn zu hören.

Christelle: Patrick, ich flehe dich an! Tu’s nicht! Denk an deine Kinder! Es ist Weihnachten…

Patrick: Versprich mir: wenn ich springe, dann kümmerst du dich um sie. Nicht, dass das Jugendamt sie in die Hände kriegt, versprochen?

Christelle: Ja, ich verspreche es dir…

Jérôme: Das hat uns gerade noch gefehlt.

Christelle: Ich meine: nein, spring nicht! (zu Jérôme) Sag doch du auch mal was!

Jérôme: Um die Kinder kann sich doch deine Mutter kümmern, oder?

Patrick: Dann lieber das Jugendamt!

Christelle: Ich glaub, wir rufen besser die Feuerwehr…

Jérôme: Nee, schon gut, es brennt doch nirgends. Ich krieg ihn schon von da runter…

Patrick: Bleibt, wo ihr seid, sonst springe ich.

Christelle: Was machen wir jetzt?

Jérôme: Warte, ich komm gleich wieder…

Christelle: Lass mich jetzt bloß nicht allein!

Jérôme verschwindet im Flur.

Patrick (pathetisch): Ich stürze mich auch in die Tiefe. Wie ein Flugzeug ohne Tragfläche. Bald sind Nathalie und ich wieder vereint.

Christelle: Glaubst du wirklich, dass sie das von dir erwartet? Ich meine, ihr wäre es bestimmt lieber, dass du am Leben bleibst und dich um eure Kinder kümmerst. Und dann stell dir mal vor: wenn sie überhaupt nicht tot ist: sie klingelt unten und du liegst zerschellt unter unserem Balkon.

Es klingelt. Nicht an der Wohnungstür, sondern auf Patricks Handy.

Christelle: Ah, siehst du? Vielleicht ist sie’s ja… Worauf wartest du noch, geh ran…

Patrick (zögernd): Soll ich…?

Christelle (in die Richtung, in die Jérôme gegangen ist): Hoffentlich ist das nicht noch mal die Frauenärztin, die jetzt damit kommt, dass es Zwillinge sind…

Patrick: Ja, am Apparat… Und da gibt es wirklich keinen Zweifel?… Gut. Nein, keine Sorge… Ok, danke, ich hab das Handy immer bei mir.

Christelle: Und? Neuigkeiten?

Patrick: Das waren sie, die Leute vom psychologischen Beratungs-Team.

Christelle: Und? Was sagen sie!

Patrick: Sie haben Überlebende gefunden… Vielleicht ist Nathalie dabei…

Christelle: Das ist ja super! Siehst du? Stell dir vor, du wärst ausgerechnet jetzt gesprungen, in deiner Verzweiflung…

Jérôme kommt wieder.

Jérôme: Dann hätte er sich wenigstens den Knöchel verstaucht…

Christelle: So! Jetzt komm schon runter… (zu Jérôme) Das psychologische Beratungsteam hat ihn gerade angerufen. Sie haben Überlebende gefunden.

Jérôme : Ich weiß…

Christelle: Ach, hast du’s mitbekommen?

Jérôme: Das war ich, der angerufen hat.

Christelle: Wie bitte?

Jérôme: Irgendwie musste man ihn ja von da runterkriegen.

Patrick kommt wieder ins Wohnzimmer.

Patrick: Du hast recht… Ich muss einfach dran glauben. Ich spüre, dass Nathalie noch am Leben ist. Ich weiß es einfach.

Christelle blickt Jérôme strafend an.

Christelle: Du darfst jetzt aber nichts überstürzen. Woran wollen sie Nathalie unter den Überlebenden erkennen?

Patrick: Sie konnten eine Frau lokalisieren, die sich an einem Koffer festgehalten und „Patrick, Patrick“ geschrien hat.

Christelle sieht noch einmal böse zu Jérôme.

Patrick: Woher wissen die eigentlich, dass ich Patrick heiße?

Christelle: Frag ich mich auch.

Jérôme: Also, ich mach jetzt die Balkontür zu, ok? Lass ihn bloß nicht wieder in die Nähe!

Christelle: Und was sagen wir ihm, wenn das echte Beratungs-Team anruft?

Jérôme: Dass an Bord der Maschine bestimmt mehrere weibliche Passagiere waren, deren Ehemann Patrick heißt…

Patrick: Ich hab komplett vergessen, die Telefonnummer zu speichern… Ich wollte die nämlich noch fragen, ob ich vor Ort bei der Suche helfen kann. Na, ich drücke einfach auf Wahlwiederholung…

Christelle (sehr bestimmt): Das würde ich nicht machen, an deiner Stelle …

Erstaunter Gesichtsausdruck von Patrick.

Christelle: Weißt du, die sind sicher vollkommen überlastet. Die rufen garantiert an, sobald sie was Genaueres wissen…

Jérôme: Ich muss mit dir reden.

Christelle: Na, sag schon.

Jérôme: Nicht hier.

Christelle: Wir können ihn nicht allein lassen. Stell dir nur vor, die Polizei ruft an, um ihm zu eröffnen, dass Nathalie umgekommen ist – dann wird er noch mal versuchen, vom Balkon zu springen.

Jérôme: Dann gehen eben wir auf den Balkon!

Christelle: Ich bin enttäuscht von dir, Jérôme … Echt enttäuscht… Ich dachte, dass du mehr für deine Freunde übrig hast…. Es geht um Patrick! Deinen Schulkamerad! Und um Nathalie, meine beste Freundin! Sie waren unsere Trauzeugen. Da kann man doch mal einen Abend opfern, um ihm bei so einem Unglück beizustehen.

Jérôme: Wir haben im Lotto gewonnen.

Christelle: Wie viel?

Jérôme: 60 Millionen.

Patrick: Ich könnte doch noch ein Glas Wein vertragen. Das ist alles zu viel für mich…

Christelle (schroff): Du hast ja allmählich mitgekriegt, wo die Karaffe steht! Oder sollen wir den ganzen Kanister servieren, samt Strohhalm?

Patrick ist betroffen.

Patrick: Na gut, ich verzieh mich dann wohl besser. Ich bin euch schon genug auf die Nerven gegangen.

Christelle reißt sich zusammen.

Christelle: Tut mir leid. Ich hab’s nicht so gemeint. (Sie schenkt ihm noch ein Glas Wein ein) Das geht uns allen an die Nieren… Aber du musst auch was essen, sonst kriegst du’s noch mit dem Magen… (Leise zu Jérôme, während Patrick sein Glas hinunterkippt) Ich glaube, das ist jetzt der richtige Moment, um ihm deine Artischocken-Pastete zu verabreichen…

Jérôme geht kurz in die Küche.

Christelle: Sie war uns ja auch sehr nahe gestanden. Deswegen sind wir von Nathalies Tod so erschüttert. (Korrigiert sich) Ähm,… ich meine, von der entfernten Möglichkeit, von ihr Abschied nehmen zu müssen… Andererseits … man muss loslassen können? Man lebt nur einmal.

Jérôme kommt mit einem Stück Artischocken-Pastete zurück, das er Christelle gibt.

Christelle (gibt die Pastete an Patrick weiter): Die guten Dinge im Leben muss man sich einfach gönnen… (Patrick beißt in das Stück hinein)

Patrick: Nicht übel. Was ist das?

Christelle (schwindelt): Ums Essen hat sich diesmal Jérôme gekümmert. Was war das nochmal, Jérôme?

Patrick (mit vollem Mund): Schon gut. Solange es nichts mit Artischocken ist. Das ist das einzige Zeug, gegen das ich allergisch bin. Ich weiß nicht mal mehr, wie das schmeckt. Ich hab’s nur ein einziges Mal gegessen, bei meiner Großmutter in der Bretagne – und bin dann in der Notaufnahme aufgewacht…

Die beiden anderen sehen sich bestürzt an.

Patrick: Der Vorteil bei Artischocken ist, dass man es gleich merkt, wenn man eine isst…

Christelle reißt ihm das Pasteten-Stück aus der Hand.

Christelle: Zeit fürs Dessert, nicht?

Patrick ist verdutzt und kämpft gleichzeitig mit Magenschmerzen.

Patrick: Ich glaub, ich muss kotzen… Normalerweise esse ich alles. Vor allem so etwas Leckeres… Das muss der Stress sein…

Er entfernt sich Richtung Toilette. Kaum sind sie alleine, platzt Christelle vor Aufregung.

Christelle: Bist du sicher?

Jérôme (zeigt seinen Ausweis): Hier, die Nummer vom Jobcenter! Genau die ist drangekommen! Haben sie eben im Radio durchgegeben! Hast du’s nicht gehört? 60 Millionen… stell dir vor, was wir alles damit machen können! Davon können wir uns einen Airbus kaufen, zumindest einen gebrauchten, gut erhaltenen…

Christelle: Das ist der absolute Wahnsinn!

Jérôme schenkt zwei Gläser Wein ein und gibt eins Christelle, um mit ihr anzustoßen.

Jérôme: Hier, trink ein letztes Mal Pennerglück vom Discounter, nur damit du dich erinnerst, wie das schmeckt. So bald wirst du so was nämlich nicht mehr trinken wollen… (Sie stoßen an)

Christelle: Der Wahnsinn! Und das ist auch kein Witz?

Jérôme: Ich kann’s ja selber nicht glauben. Aber ich hab die Nummer drei Mal nachgeprüft. Ich schwör dir, wir haben gewonnen. Den Jackpot, an einem Freitag, den 13.

Patrick kommt zurück.

Christelle: Du errätst nie, was wir gerade erfahren haben!

Patrick: Haben sie nochmal angerufen? Ist sie’s? Ist sie noch am Leben?

Jérôme (verlegen): Ähm, nein… Die sind sich noch nicht sicher…

Christelle: Aber sie haben einen Koffer gesichtet, der so ähnlich aussieht wie ihrer. Ein Koffer Marke Vuitton. Er treibt auf dem Wasser…

Patrick: Und was ist daran erfreulich?

Christelle: Naja… (aufgeregt, fast hysterisch) Wir kriegen den Koffer wieder!

Jérôme macht eine Geste, um Christelle zu beruhigen.

Jérôme: Ihre Nerven gehen mit ihr durch.

Patrick: Ihr habt Recht. Diese Warterei ist unerträglich… Selbst wenn sie noch lebt… allein die Vorstellung: Nathalie ganz alleine, wie sie sich an ihren Koffer klammert, mitten im Ärmelkanal, und das auch noch im Winter… Und wir sitzen hier schön im Warmen… bei der Vorstellung gefriert mir das Blut in den Adern… (Pause) Bei euch ist es aber auch nicht besonders warm? Oder liegt das nur an mir?

Jérôme (in Anspielung): Jetzt können wir die Heizung ja wieder anmachen, oder, Christelle? Ich dreh sie gleich mal voll auf…

Er geht kurz raus, um die Heizung anzumachen.

Patrick: Was meinst du – wie lange hält man im Ärmelkanal durch, bei diesen eisigen Dezember-Temperaturen?

Christelle: Kommt drauf an… Sie war schon immer eher der kälteempfindliche Typ, oder?

Patrick: Ja… Furchtbar…

Jérôme kommt zurück.

Jérôme: Ich hab das Thermostat auf 25 gestellt. (Zwinkert Christelle zu) Damit wir nicht gleich einen Hitze-Schock kriegen, wenn wir unvorhergesehen in die Karibik verreisen sollten.

Patrick: Ihr fahrt in Urlaub?

Jérôme: Nee… naja… warum eigentlich nicht?

Patrick: Nehmt bloß kein Flugzeug…

Christelle: Ist vielleicht klüger. Das Gesetz der Serie… Und eine gute Meerwasserkur mit 5-Sterne-Hotel in der Bretagne ist auch nicht zu verachten… Wenn’s drum geht, in ein neues Leben zu starten…

Patrick: Ihr habt Recht, wenn ihr euer Leben genießen wollt … Ihr sehr ja, was für ein Spiel das Schicksal mit einem treibt! Gerade verbringt man noch einen ruhigen Freitagabend mit Freunden – und eh man sich’s versieht, ist man Witwer…

Christelle: Tja… (Es bricht aus ihr heraus) Oder Multimillionär!

Patrick: Ach… wir haben uns ja nicht mal eine Lebensversicherung leisten können… Es ist schon komisch: sie hat erst vor kurzem davon gesprochen… Damit wir wenigstens Geld für das Studium von den Kindern ansparen, wenn es mal ganz eng wird… Sie muss etwas gespürt haben… so was wie eine schlimme Vorahnung…

Jérôme: Tja… Na, wir haben nicht damit gerechnet, kann ich dir nur sagen. Ist einfach passiert…

Christelle (zu Patrick): Es muss ja nicht zum Schlimmsten kommen…

Jérôme: Da ist man baff… Das müssen wir auch erstmal verdauen.

Patrick: Habt ihr eine?

Christelle: Eine was?

Patrick: Eine Lebensversicherung! Oder eine Sterbeversicherung…

Jérôme: Wir haben was Besseres, kannst du mir glauben.

Patrick: Wenn sie da lebend herauskommt, werde ich mein Leben umkrempeln…

Christelle: Wir auch, da kannst du Gift drauf nehmen.

Patrick: Alle diese kleinen Opfer, die man jeden Tag bringt und sich dabei sagt, dass man alles später nachholt… Von wegen… Besser, man lebt in den Tag hinein … und denkt nicht an Morgen…

Jérôme: Genau. Ich, ich höre morgen auf zu arbeiten.

Patrick: Ich dachte, du bist arbeitslos?

Jérôme: Jaja, dann höre ich eben auf, mich nach Arbeit umzusehen.

Patrick: Aber irgendwie muss man ja die Kohle einfahren. Und ein bisschen was auf die Seite legen. Weil – bei unserer Rente… Aber für Nathalie wird die Rentenkasse nicht viel rausrücken müssen, so wie es aussieht…

Christelle: Sag doch so was nicht!

Patrick: Wie soll ich die beiden Kleinen allein durchbringen?

Christelle: Wir sind doch auch noch da… Nicht, Jérôme? Wir können dir ja einen abnehmen, um dich etwas zu entlasten!

Jérôme (wenig begeistert): Naja, wenn‘s sein muss…

Patrick: Ist lieb von euch… Aber wir schulden euch ja schon 1000 Euro…

Christelle: Ach, weißt du was? Die schenken wir euch, die 1000 Euro. Auf die kommt’s uns nicht mehr an, nicht, Jérôme?

Jérôme: Ja, ja, nee… Klar…

Patrick (gerührt): Das ist für mich wirklich eine große Unterstützung, dass ich auf Freunde wie euch zählen kann. … Ich weiß, was 1000 Euro für euch bedeuten… Gerade jetzt, wo Jérôme keine Arbeit hat. Wenn ich meine Bank bitten würde, mir die 1000 Euro zu leihen – ich weiß nicht, ob die das machen würden. Bei dem ganzen Geld, das sie verdienen, indem sie auf unsere Kosten spekulieren.… Und ihr habt nicht mal genug Geld, um mitten im Dezember die Heizung aufzudrehen… Außer wenn ihr jemanden eingeladen habt … Übrigens, ist jetzt ganz schön warm hier drin, findet ihr nicht? Ich will eure Heizkostenrechnung nicht in die Höhe treiben…

Jérôme: Ich dreh sie wieder ein wenig runter…

Jérôme geht wieder kurz raus.

Patrick: Wie soll ich das bloß den Kindern beibringen?

Christelle: Im Moment schlafen sie, oder?

Patrick: Aber die werden wohl eines Tages wieder aufwachen…

Christelle: Hör mal, auch wenn ich das vielleicht für mich behalten sollte: ich kann es immer noch nicht fassen, dass sie tot ist. Nicht heute Abend…

Patrick: Wieso: nicht heute Abend?

Christelle: Ich weiß nicht, irgendwie… nach dem, was du vorhin über deinen Vater erzählt hast. Dass der ausgerechnet bei der Geburt von deinem Sohn gestorben ist. Als ob er dir eins auswischen wollte.

Patrick: Du meinst, dass Nathalie sich gerade heute entschlossen hat, mit dem Flieger abzustürzen, um uns den Abend zu verderben?

Jérôme kommt zurück.

Christelle (wechselt lieber das Thema): Wie wär’s, wenn wir den Fernseher wieder einschalten, um die Gewissheit zu haben… Jetzt kommen gleich die Lotto-Zahlen… ich meine, gleich danach kommen die Nachrichten…

Das Handy von Patrick klingelt, gerade als Christelle den Fernseher einschalten will. Patrick ist wie gelähmt und zögert abzunehmen, aber greift dann doch nach dem Handy.

Patrick: Ja…? Ja, das bin ich(Zu Christelle und Jérôme) Das sind sie! Das psychologische Beratungsteam… Ja…? Ja, ich bin noch dran…

Den beiden anderen ist das sehr peinlich.

Patrick: Aber sie hatten uns gesagt, dass… Ja, gut… Ok… Danke…

Er legt auf.

Patrick: Sie haben fünf Überlebende gesichtet, die sich an Trümmern des Flugzeugs festklammern… Eventuell auch sechs…

Jérôme: Die Zusatzzahl.

Patrick: Jetzt versuchen sie, die in einen Hubschrauber zu hieven, aber das Wetter über dem Ärmelkanal ist ganz übel… Die Identität ist noch ungeklärt.

Christelle: Sie werden dich sicher gleich benachrichtigen, wenn die Ziehung zu Ende ist… Äh, ich meine natürlich die Rettung.

Patrick: Nee, ihr habt ganz recht… Das ist wie beim Lotto. Schrecklich, diese Warterei… Als ob ich Lotto gespielt hätte und darauf warten müsste, dass die Gewinnzahlen bekannt gegeben werden.

Christelle: Genau… Als ich Jérôme geheiratet habe, war’s dasselbe… Wie viele Passagiere waren eigentlich in der Maschine?

Patrick: Keine Ahnung… Bei so einem Kurzstreckenflug…

Jérôme: Na, nehmen wir mal an: 100 Passagiere. Bei 5 Überlebenden macht das eine Chance von 1 zu 20. Eindeutig besser als beim Lotto.

Patrick: Ich hab noch nie Glück im Spiel gehabt.

Christelle: Ach, weißt du: „Das Glück ist ein Rindvieh – und sucht seinesgleichen.“

Patrick: Ein Glück, dass ihr da seid, sonst…

Christelle: Willst du dich nicht ein bisschen hinlegen, im Schlafzimmer?

Patrick: Und wenn sie wieder anrufen…?

Jérôme: Das kann doch noch Stunden dauern… Bei dem Sturm… So eine Bergung auf hoher See, bei diesen Bedingungen, das ist Feinarbeit… Ist nicht ausgemacht, dass sie die lebend herausfischen… Bei einer Wassertemperatur von zwei, drei Grad, überleg mal…

Patrick: Ich werd sowieso nicht schlafen können.

Christelle: Ich kann dir ein Schlafmittel geben, wenn du willst.

Patrick: Das bringt nichts, in meinem Zustand..

Christelle: Du kannst auch zwei oder drei davon nehmen. Die sind nicht so stark…

Patrick: Das ist echt lieb, aber ich werde jetzt nicht auch noch euer Schlafzimmer belegen…

Christelle: Ach, weißt du, wir werden auch nicht schlafen können, also…

Patrick: Danke… Ehrlich, ich hab nicht geglaubt, dass euch das alles genauso mitnimmt wie mich… (Schaut auf sein Handy) Scheiße, ich hab auf Anrufbeantworter gestellt, im Reflex… Ich schau noch mal nach, ob Nachrichten reingekommen sind…

Er geht ein paar Schritte zur Seite, um seine Sprachbox abzuhören.

Jérôme (zu Christelle): Wir werden ihn nicht mehr los… (Patrick kommt zurück)

Patrick: Nein, noch immer nichts…

Christelle: Naja, es ist ja auch erst fünf Minuten her, dass sie angerufen haben…

Jérôme: Und dann, weißt du, unter uns gesagt… Bei einer Chance von 1 zu 20… Da machst du dich besser auf das Schlimmste gefasst.

Patrick: Aber vorhin hast du doch noch gesagt..

Christelle: Wir wollen nur nicht, dass du dir falsche Hoffnungen machst… Oder, Jérôme?

Jérôme: Ehrlich gesagt: gut sieht’s nicht aus…

Christelle: Jérôme will damit sagen, mit seinen Worten, dass du es noch früh genug erfährst, wenn Nathalie umgekommen ist… Aber jetzt brauchst du vor allem etwas Schlaf… Soll ich dir ein Taxi rufen…?

Patrick: Nicht nötig, ich bin mit dem SUV gekommen.

Christelle: Ach, stimmt ja.

Patrick: Dabei… ich weiß nicht, ob ich in meinem Zustand fahren kann.

Jérôme und Christelle tauschen einen gereizten Blick aus.

Patrick: Aber du hast recht, ich werde mich ein bisschen in eurem Schlafzimmer ausruhen. Ich werde zwar nicht schlafen können, aber… ich glaub, es wird mir gut tun, ein bisschen für mich zu sein…

Jérôme: Ja, uns auch… Das verstehen wir sehr gut. Nicht, Christelle?

Patrick: Also, ich bin dann mal nebenan…

Christelle: Mach mal…

Patrick geht aus dem Wohnzimmer, unter den erleichterten Blicken von Jérôme und Christelle, die ihrer Freude freien Lauf lassen, als er verschwunden ist.

Jérôme: Der Wahnsinn! 60 Millionen!

Patrick kommt zurück. Jérôme und Christelle halten den Atem an.

Patrick: Ich hab nur mein Handy vergessen… (Patrick nimmt es und geht wieder raus.)

Christelle: Solange ich deinen Lottoschein nicht gesehen habe, glaub ich nicht daran. Zeig ihn mal her…

Jérôme: Wart mal, ich hol ihn… (Steht auf und macht einen Schritt) Scheiße, der ist im Schlafzimmer… Na, wenn wir Glück haben, schläft er ein und geht uns nicht die ganze Zeit auf den Keks. Also, besser, wir wecken ihn nicht auf… Wir können uns ja in der Zwischenzeit den Schampus einflößen? Zur Feier des Tages…

Christelle: Im Schlafzimmer? Da hab ich aber nichts rumliegen sehen… Du hast ihn doch hoffentlich nicht verloren, den Lottoschein? Wenn er vom Nachttisch runtergefallen ist… dann hat ihn der Staubsauger geschluckt. Und da hab ich gestern einen neuen Staubbeutel reingemacht. Und den Mülleiner mit dem alten habe ich heute früh geleert…

Jérôme: Keine Sorge… Der ist gut aufgeräumt. (Macht sich daran, die Flasche Champagner aufzumachen) Ich versuch, den Korken nicht zu sehr knallen zu lassen… damit er nicht gleich wieder aufwacht.

Christelle: Gut aufgeräumt…? Wo denn…?

Jérôme: In meinem Vuitton-Koffer. Oben auf dem Schrank… In der Innentasche… Ich hab ihn nicht einmal rausgenommen, als ich aus der Normandie zurückgekommen bin… Ich hatte ja sogar vergessen, dass ich Lotto gespielt habe, echt unglaublich…

Christelle (bestürzt): Meinst du wirklich deinen Koffer von Vuitton?

Jérôme: Ja doch … Meinen Koffer halt.. Sag bloß nicht, dass du auch den Inhalt aufgesaugt hast… (Jérôme merkt, wie verlegen Christelle ist) Was ist?

Christelle: Nathalie hatte keinen Koffer für den Flug nach Straßburg… Und hat mich gefragt, ob ich ihr einen leihen kann.

Jérôme lässt den Korken los, der mit einem kräftigen Knall durch den Raum fliegt.

Jérôme: Du hast ihr meinen Koffer geliehen? Du hast sie mit meinem Vuitton-Koffer in diesen verrotteten Billigflieger einsteigen lassen?

Christelle: Also, nur zur Erinnerung, der Vuitton-Koffer war kein echter… Nur ein nachgemachter, den wir in Triest gekauft haben, auf dem Rückweg aus dem FUI-Club in Korsika.

Jérôme: Mit unserem 60-Millionen-Gutschein drin! Damit hätten wir die Fabrik aufkaufen können, in der sie die echten Koffer herstellen…

Patrick erscheint wieder.

Patrick: Ich hab was knallen hören und bin aufgewacht… (sieht die mitgenommenen Gesichter der beiden) Ihr seht elend aus… Habt ihr Neuigkeiten?… Schlechte Nachrichten, ist es das? Und ihr traut euch nicht, damit rauszurücken?

Jérôme (zerknittert): Kann man so sagen…

Patrick: Herrgott nochmal…!

Christelle: Nee, du… Es geht gar nicht um Nathalie…

Jérôme: Ein bisschen schon…

Christelle: Jérôme hat nicht gewusst, dass ich Nathalie seinen Koffer geliehen habe… Das hat ihn natürlich getroffen… Also… emotional getroffen, meine ich… Dass seine beste Freundin sich an seinen Koffer klammert, mitten im Ärmelkanal… Völlig den Haien ausgeliefert…

Patrick: Was, da gibt’s Haie, im Ärmelkanal?

Christelle: Keine Ahnung, hab ich mir nur so vorgestellt…

Patrick: Auch das noch, der Koffer… Wir schulden euch schon 1000 Euro, die wir euch nicht so bald zurückzahlen können. Und jetzt kommt auch noch euer Vuitton-Koffer dazu – den werdet ihr auch nicht wiedersehen. Gut, dass es kein echter war…

Christelle: Noch ist nicht alles verloren. (Sie sieht zu Jérôme) Ich meine, wir können noch hoffen, dass sie Nathalie finden… und den Koffer.

Jérôme: Meinst du das wirklich?

Christelle: Ein Koffer schwimmt besser als eine Leiche! Wenn du an die Bilder denkst, die man nach einem Flugzeugabsturz im Fernsehen sieht. Was treibt auf dem Wasser? Die Koffer!

Jérôme: Tja… Vorausgesetzt, sie sind nicht zu schwer…

Christelle (zu Patrick): Hat sie viel Zeug dabei gehabt, in ihrem Koffer?

Patrick: Sie war nur eine Nacht im Hotel Ibis, in Straßburg, viel hat sie nicht mitgenommen.

Jérôme und Christelle schöpfen Hoffnung.

Patrick: Außer natürlich ihre Ansichtskataloge. Papier wiegt ja gleich eine Tonne. Ich hab den Koffer kaum in den Wagen heben können, als sie losgefahren ist. Aber wenigstens hatte er Rollen. Sind gar nicht so schlecht gemacht, diese nachgemachten Koffer. Ist nur vernünftig, sich keinen echten für teures Geld zuzulegen… Aber wieso wollt ihr wissen, was in dem Koffer drin war?

Christelle: Naja, wenn er schwimmt, kann sich Nathalie dran festklammern. Wie an einer Boje…

Patrick: Hmm. Aber bei dem Koffer nicht… Da hätte sie sich gleich an einen Amboss klammern können. Und außerdem sind die Koffer eh im Frachtraum, oder? Säuft alles mit der Maschine ab, Richtung Meeresboden…

Christelle ist untröstlich. Jérôme wirft ihr einen finsteren Blick zu.

Christelle: Manchmal orten sie doch so ein Flugzeugwrack und bergen es. Dann haben sie die Black Box und können die Absturzursache klären. Und vor allem alles rausholen, was drin ist, die Koffer – ähm, ich meine: die Körper… damit die Familien ihre Trauerarbeit aufnehmen können…

Jérôme: Glaubst du?

Christelle: Ach, bestimmt! Ich weiß nicht warum, aber ich bin guter Hoffnung. Oder, Patrick?

Patrick: Hmm. Ja, wenn du das sagst…

Christelle: Wir haben doch Freitag, den 13.?

Patrick: Ich hab nie durchschaut, ob das Glück oder Unglück bringt…

Christelle: Na… ein bisschen von beidem!

Jérôme: Bist du Hundert Prozent sicher, dass sie mit dem Koffer gereist ist?

Patrick: Ja, leider! Und mit der Discount Airways! … Ich hab ihr ja noch selber den Flug im Internet gebucht…

Jérôme (hysterisch): Mit meinem Koffer, verdammt noch mal! Mit meinem Scheißkoffer!

Patrick ist einigermaßen verwirrt.. Christelle gibt Jérôme zu verstehen, dass er sich beruhigen soll.

Patrick: Gut, ich glaub, ich verzieh mich jetzt wirklich… Ich werde bei meiner Mutter übernachten. Dann bin ich wenigstens bei den Kindern, wenn sie aufwachen. Und wenn ich Neuigkeiten habe, egal ob gute oder schlechte, gebe ich euch Bescheid. Versprochen.

Jérôme: 60 Millionen… 60 Millionen, fuck, fuck! Sagt mir, dass das ein Albtraum ist…

Christelle (zu Patrick): Ja, ist vielleicht vernünftiger…

Patrick: Mhm. Und ihr könnt schlafen.

Jérôme: Du glaubst doch nicht im Ernst, dass wir jetzt schlafen können?

Patrick: Ich ruf euch morgen früh an… Ihr werdet es sowieso früh genug erfahren… Ich natürlich auch. Du hast recht, Christelle. Es kann noch Stunden dauern. Ich nehm gleich ein Schlafmittel, wenn ich bei Mama bin…

Jérôme: Nee… wir wollen’s sofort wissen, wenn was rauskommt, oder, Christelle? Wir werden doch nicht rumsitzen wie auf glühenden Kohlen!

Patrick: Ich bin ehrlich gerührt, wie sehr dich das mitnimmt… Ich weiß, dass Nathalie für dich wie eine Freundin war… aber ich hätte nicht gedacht, dass dir ihr Tod so nahegeht.

Jérôme: Ich schalte noch mal den Fernseher an.

Stimme (aus dem Off): Die Gewinnzahl des Lotto ist, wie schon bekanntgegeben, die…

Jérôme: Wissen wir schon, es langt…

Patrick (beunruhigt, zu Christelle): Gib ihm besser auch ein Beruhigungsmittel, oder?

Jérôme zappt zu einem anderen Sender.

Stimme (aus dem Off): Es ist zur Gewissheit geworden: Beim Absturz einer Maschine der Discount Airways über dem Ärmelkanal hat es keine Überlebenden gegeben. Was man bisher für Überlebende hielt, hat sich als eine Gruppe von Flüchtlingen herausgestellt, die versuchten, auf einem Floß zur englischen Küste zu gelangen. Sie wurden geborgen und werden derzeit in einer Charter-Maschine der selben Fluggesellschaft zurück in ihre Heimatländer geflogen. Ihnen sei an dieser Stelle eine gute Reise gewünscht… Wir schalten zurück in die Lotto-Zentrale, wo man noch immer nicht den oder die glückliche Gewinnerin der heutigen Ziehung ermitteln konnte…

Jérôme schaltet aus, dem Zusammenbruch nahe.

Jérôme: Mist nochmal… Keine Überlebenden..

Das Handy von Patrick klingelt. Er sieht nach, welche Nummer angezeigt wird.

Patrick: Wenn es meine Mutter ist, geh ich nicht ran…

Jérôme: Mein Vuitton-Koffer…

Patrick: Das ist sie

Christelle: Wer – sie?

Patrick: Nathalie… Das ist ihre Nummer, auf dem Display.

Christelle: Nein…

Jérôme (beeindruckt): Du musst mir mal die Nummer von deiner Telefongesellschaft geben. Die sind echt gut drauf, was die Reichweite angeht…

Christelle: Los, geh schon ran!

Patrick (bleich, nimmt ab): Hallo?

Jérôme und Christelle hängen an seinen Lippen.

Patrick: Nathalie? Von wo rufst du n an? Du, ich kann dich kaum verstehen… Es ist, als ob du von ganz, ganz weit weg anrufst…

Jérôme: Na, das ist ja erstaunlich… Wo es keine Überlebenden gegeben hat…

Patrick: Und du, kannst du mich hören…? Nathalie…? Hallo…? Hallo…? (Er dreht sich zu den beiden anderen um, mit dramatischer Miene) Die Verbindung ist unterbrochen…

Totenstille.

Christelle: Bist du dir wirklich sicher, dass sie‘s war?

Patrick: Ich weiß nicht… Die Verbindung war sehr schlecht,,,

Jérôme: Isss nich wahr…!

Patrick: Auf jeden Fall kam der Anruf eindeutig von ihrem Handy. Es war ihre Nummer…

Jérôme: Die Gewinnzahl…

Christelle: Vielleicht ist sie aus der Maschine geschleudert worden… Und hat es geschafft, sich an etwas festzuklammern…

Jérôme: An ihrem Koffer…

Christelle: Und hat dich gerade noch mit dem letzten bisschen aus ihrem Akku angerufen.

Patrick: Puh… Die haben doch gesagt, dass es keine Überlebenden gibt… Ich hab gerade erst angefangen, mich damit abzufinden…

Christelle: Wunder werden wahr.

Jérôme: Ein Wunder… Jetzt müssen sie sie erst noch rechtzeitig orten, bevor die Haie sich über sie hermachen…

Patrick: Könnt ihr euch Nathalie vorstellen, allein, bei diesem Sturm, mitten im Atlantik…

Jérôme: Du meinst: im Ärmelkanal…

Christelle: So groß ist der nicht, der Ärmelkanal…

Patrick: Mitten in der Nacht, festgeklammert an deinen Koffer, mutterseelenallein im Ozean…

Jérôme: Im Ärmelkanal, hab ich gesagt!

Patrick: Vielleicht ist sie abgetrieben… Wie sollen sie sie da finden…?

Jérôme: Das ist wie ein Koffer in einem Heuhaufen…

Patrick: Ich versuch sie zurückzurufen… Auch wenn ihr Akku fast leer ist, kann sie uns vielleicht noch die Stelle beschreiben, wo sie ist. Das würde die Suche nach ihr erleichtern…

Christelle: Ja, aber wenn sie irgendwo mitten im Pazifik treibt…

Jérôme: Hey! Im Ärmelkanal!

Patrick wählt ihre Nummer und wartet angstvoll.

Patrick: Es klingelt… Oh, Gott, ihre Sprachbox. Es ist gerade so, als ob ich eine Stimme aus dem Jenseits höre… Hallo, Nathalie? Wenn du diese Nachricht abhörst, dann sollst du wissen, wie sehr ich dich liebe. Und die Kinder auch. Ich bitte dich, Nathalie, versuche durchzuhalten. Für mich. Für die Kinder. Und für dich selbst natürlich. Bis die Einsatzkräfte dich gefunden haben. Ich umarme dich ganz fest, Liebling… Ach, und bevor ich’s vergesse: dein Frauenarzt hat angerufen! Du bist schwanger, mein Schatz! Siehst du, du musst durchhalten!

Jérôme und Christelle sehen sich an, gerührt. Aber Patrick hat noch nicht aufgelegt.

Patrick: Noch eines wollte ich dir sagen, Nathalie, um mein Gewissen zu erleichtern… falls ich nicht mehr die Gelegenheit dazu habe. Ich hab dich mal betrogen. Nur ein einziges Mal. Aber es war ohne Bedeutung, ehrlich… Es war mit unserer Putzhilfe. Aber jetzt, wo ich weiß, dass ich Vater werde … Ich umarme dich ganz fest, Liebling…

Patrick legt auf, völlig durcheinander. Die anderen sehen sich betroffen an.

Christelle: Also, wenn sie jetzt nicht durchhält..

Beklommenes Schweigen.

Jérôme: Du heiliger Strohsack, das Handy!

Christelle: Ich höre nichts…

Jérôme: Nee, ich meine das Handy von Nathalie – das können sie doch orten! Das müssen wir den Rettungskräften gleich sagen. Vielleicht gibt’s ja noch Hoffnung, den Koffer wiederzufinden… Ich meine, Nathalie wiederzufinden… Was war denen ihre Nummer?

Patrick hält ihm sein Handy hin.

Patrick: Da, die Nummer ist drauf gespeichert.

Jérôme nimmt das Handy von Patrick und klickt auf Wahlwiederholung.

Jérôme: Mist, kein Netz. Ich versuch’s nochmal, auf dem Balkon.

Jérôme geht raus.

Patrick: Ich weiß nicht, ob’s richtig war, ihr das gerade jetzt zu gestehen.

Christelle: Wieso denn…?

Patrick: Das war so vor drei Monaten. Mit Maria, unserer Putzfrau. Wir waren allein zu Hause. Ich weiß nicht, was in mich gefahren ist. Es war, als sie auf den Knien die Kloschüssel gescheuert hat, in ihrer kleinen weißen Schürze…

Christelle: Erzähl’s Nathalie genau so… Dass diese Schlampe dich unverschämt scharf gemacht hat…

Patrick: Und du, hast du Jérôme nie betrogen?

Christelle: Nach der Hochzeit nicht mehr…

Patrick: Naja… Ihr seid ja erst ein halbes Jahr verheiratet. Aber vorher wart ihr immerhin schon 15 Jahre zusammen…

Christelle: Naja, also nein…

Jérôme kommt zurück, was Christelle sehr gelegen kommt, weil es ihr ausführliche Erklärungen erspart.

Jérôme: Alles ok, sie leiten sofort die notwendigen Schritte ein. Und rufen uns an, sobald es was Neues gibt.

Christelle: Ich hab schon mal in einem Krimi im Fernsehen gesehen, wie sie das machen. Ist ganz leicht, jemanden über sein Handy zu orten. Und geht im Prinzip auch ganz schnell. Obwohl… mitten im Atlantik… muss man sehen!

Jérôme: Im Ärmelkanal.

Patrick: Leute, ich glaube, mir bleibt gleich das Herz stehen, bei diesem Hin und Her…

Das Handy klingelt.

Patrick: So schnell?

Christelle: Na, siehst du…

Jérôme: Jetzt geh schon ran!

Patrick: Hallo? Nein, Mama, sie haben ihren Tod noch nicht bestätigt. Tut mir leid, dich enttäuschen zu müssen… Nein, die neue Adresse von Tante Adele hab ich auch nicht. Aber es ist doch wohl ein bisschen früh, die Todesanzeige zu verschicken…? Es reicht, ich kann jetzt nicht weiterreden, ich muss die Leitung freimachen. Ich erwarte einen dringenden Anruf… Ja, genau… Die Kränze? Hör mal, mach was du willst, das ist mir jetzt egal, kapiert? (Er legt auf, fuchsteufelswild) Manchmal geht es schon ungerecht zu… Wenn wenigstens meine Mutter in dem Flieger gesessen hätte…!

Das Telefon klingelt wieder. Patrick nimmt ab, noch immer außer sich vor Wut.

Patrick: Kannst du uns nicht endlich in Ruhe lassen, verdammt nochmal…? Oh, tut mir leid, ich hab geglaubt, dass es jemand anderes ist… Ja, klar, reden Sie nur weiter… Nein, nein, ich mach keine Witze, kann ich Ihnen versichern… Meine Frau war wirklich an Bord dieser Maschine und… Gut, in Ordnung, vielen Dank… Und rufen Sie bitte zurück, wenn Sie Neuigkeiten haben…?

Er legt auf, verunsichert.

Patrick: Das waren sie nochmal… Sie haben Nathalies Handy orten können…

Christelle: Und?

Patrick: Sie hat vom Bahnhof in Straßburg angerufen…

Das Festnetz-Telefon von Jérôme und Christelle klingelt. Christelle hebt mechanisch ab.

Christelle: Ja? (fassungslos, übergibt Patrick den Hörer) Nathalie

Patrick nimmt den Hörer.

Patrick: Nathalie? Wo bist du? Der ganze Atlantik wird nach dir abgesucht…! Das kann nicht wahr sein…! (zu den beiden anderen) Sie hat den Flug verpasst! Sie sitzt im Zug von Straßburg nach Paris!

Jérôme: Gott ist nicht tot…

Patrick: Weißt du’s noch gar nicht? (zu den beiden anderen) Sie weiß es nicht… Die Maschine von Discount Airways, mit der du fliegen solltest, ist über dem Mittelmeer abgestürzt… Alle Passagiere sind umgekommen … Boh, das ist echt ein Wunder…! (zu den beiden anderen) Sie ist zwei Stunden im Terminal am Flughafen festgesessen. In den Waschräumen. Sie hat die Tür nicht aufgekriegt… War vom Terminal dieser Flohmarkt-Fluggesellschaft auch nicht anders zu erwarten. Ok… Ruf mich an, wenn du kurz vor Paris bist, ja? Kuss, Kuss, Liebling… (er will schon auflegen, aber redet dann doch weiter) Ähm, Nathalie…? Hast du meine Nachricht bekommen?… Nein, es war nichts Wichtiges… Du kannst sie löschen, am besten sofort… Jetzt, wo ich weiß, dass du nicht tot bist…

Patrick legt auf.

Patrick (strahlend): Also jetzt können wir glaub ich den Champagner aufmachen!

Jérôme und Christelle sind leicht verlegen, weil sie die Flasche ja schon ohne ihn aufgemacht haben. Aber gleichzeitig sind sie auch furchtbar erleichtert.

Christelle: Das ist ja so was von unglaublich! Findest du nicht auch, Jérôme?

Jérôme: Du bekommst deine Frau wieder und wir…

Christelle: … einen Freund!

Jérôme: Um wieviel Uhr kommt sie an der Gare de l’Est an?

Patrick: In knapp einer Stunde… Dann ist dieser Albtraum endlich zu Ende… Ich bin euch so dankbar… Ich weiß nicht, ob ich das ohne euch durchgestanden hätte… (Er macht Anstalten aufzubrechen) Ich glaube, den Champagner trinken wir ein anderes Mal… Ich hole sie jetzt vom Bahnhof ab und dann fahren wir gleich nach Hause… nach dieser Bewährungsprobe haben wir uns eine Menge zu erzählen, das versteht ihr sicher…

Christelle: Klar… Vor allem, wenn sie doch noch deine Nachricht abhört…

Jérôme: Kommt nicht in Frage! Wir feiern das alle zusammen. Oder, Christelle?

Patrick: Wenn ich nur daran denke, dass sie die einzige Überlebende ist… Ich kann mir lebhaft vorstellen, wie sich die anderen Familien fühlen, die weniger Glück als ich gehabt haben…

Jérôme : Das Leben ist eine Lotterie! Hauptsache die richtigen Zahlen werden gezogen! Schlimm für die anderen, aber so ist es nun mal. The show must go on! Jetzt im Ernst, in deinem Zustand kannst du nicht Auto fahren. So mit den Nerven fertig, wie du bist, kriegst du deine Edelkutsche an einem Freitagabend am Bahnhof nicht geparkt. Ich rufe sie nochmal an und sag ihr, sie soll sich ein Taxi nehmen und direkt zu uns kommen. Mit ihrem Koffer.

Patrick: Ein Taxi…? Das wird aber ziemlich teuer und wir haben es doch gerade nicht so dicke…

Jérôme : Aber wir schon, nicht wahr, Christelle?

Christelle: Wir haben auch gute Neuigkeiten… Jetzt können wir’s euch ja verraten… Sag du’s ihm!

Jérôme will gerade loslegen, da klingelt das Festnetz-Telefon. Christelle nimmt ab.

Christelle: Hallo… Ach, Nathalie… Wir wollten dich gerade nochmal anrufen, um… (Ihr Lächeln erstarrt) Ok, ich geb ihn dir… (Zu Patrick) Nathalie… Sie hat deine Nachricht bekommen…

Patrick ist entsetzt, nimmt den Hörer und geht langsam Richtung Balkon.

Patrick: Hör mal, Nathalie, ich werde dir alles erklären, ok? Mach’s nicht gleich zur Staatsaffäre! Nach allem, was wir in den letzten Stunden durchgemacht haben, solltest du das vielleicht relativieren. Ich erinnere dich daran, dass du dem Tod ins Auge gesehen hast! Wichtig ist jetzt, dass wir beide am Leben sind! Du bist eine Überlebende, Nathalie!

Er geht auf den Balkon, um das Telefongespräch weiterzuführen.

Jérôme: Scheiße, das hat uns gerade noch gefehlt…

Christelle: Das wird jetzt überhaupt nicht einfach, sie dazu zu bringen, dass sie herkommt und mit uns eine Flasche Champagner köpft.

Jérôme: Stell dir vor, sie beschließt, jetzt, wo sie erfährt, dass Patrick ihr Hörner aufgesetzt hat, ihrem Leben ein Ende zu setzen und sich in die Seine zu stürzen. Samt Koffer…

Patrick kommt zurück, mit versteinerter Miene.

Christelle: Und…?

Patrick: Sie will nicht mehr mit mir unter einem Dach schlafen … Und spricht von Scheidung…

Jérôme: Solange kann sie ja hier übernachten, nicht, Christelle? Den Koffer hat sie ja schon gepackt…

Patrick: Ach, der Koffer, genau… Aber wenn’s nur das wäre…

Verständnislosigkeit bei den beiden.

Jérôme: Was denn?

Patrick: Also: Nathalie hat ihren Flug verpasst, aber den Koffer, den hatte sie schon aufgegeben… Den müsst ihr jetzt leider abschreiben… Der war im Laderaum…

Jérôme: So was Bescheuertes! (Zu Christelle) Sag mir, dass er fantasiert!

Patrick: Glücklicherweise – wenn man so will – war es ja kein echter, … Eigentlich ist es ja nicht ganz legal, die nachzumachen… Ich hab da mal eine Doku drüber gesehen… Nathalie hätte Schwierigkeiten bekommen können, an der Grenze…

Christelle: Auf dem Weg nach Straßburg?

Patrick: Wenn man über London fliegt…

Jérôme: Wenn er nicht gleich abhaut, prügle ich ihm das Hirn aus der Birne…

Patrick ist etwas überrascht von Jérômes Reaktion.

Patrick: Keine Panik, ich kauf euch einen echten nach, wie versprochen… Das bin ich euch schon schuldig…

Jérôme: Gute Idee! Von den 1000 Euro, die du uns schuldest…

Patrick: Also, jetzt mache ich mich wirklich auf den Weg, nicht, Christelle? Genug Emotionen für einen Tag…

Christelle schiebt Patrick sanft zur Türe, um ihn vor dem anstehenden Wutausbruch von Jérôme zu schützen.

Christelle: Mach dir keine Sorgen, der beruhigt sich wieder… Ruf mich morgen an, ok?

Patrick: Mach ich, ich halte dich auf dem Laufenden…

Patrick ist gerade dabei, raus zu gehen, dreht sich aber noch ein letztes Mal um.

Patrick: Ach übrigens, was war denn das für eine gute Nachricht, von der ihr mir erzählen wolltet…?

Christelle drängt ihn nach draußen.

Christelle: Ich ruf dich morgen an.

Patrick geht ab. Jérôme und Christelle bleiben allein zurück. Sie sinken auf die Couch. Bleierne Stille macht sich breit.

Jérôme: 60 Millionen Euro…

Christelle nähert sich Patrick zärtlich an.

Christelle: Komm schon, ist doch alles nicht so schlimm… Hauptsache, wir sind noch am Leben, oder? Und noch immer zusammen …

Jérôme entspannt sich ein wenig.

Jérôme: Stimmt auch irgendwie…

Christelle: Und überhaupt, was hätten wir mit 60 Millionen angestellt?

Jérôme: Das frag ich mich auch…

Christelle: Hätte unsere Beziehung dieser Belastung überhaupt standgehalten?

Jérôme: Gute Frage. Ganz zu schweigen: unsere Freunde… Schau mal, wir hätten uns fast mit Patrick und Nathalie zerstritten…

Schweigen.

Jérôme: Meinst du, wir hätten uns scheiden lassen, wenn wir die 60 Millionen kassiert hätten?

Christelle: Das kann einem schon zu Kopf steigen… Wenn man auf einen Schlag erfährt, dass man sich alle unterdrückten Wünsche erfüllen kann…

Jérôme: Du hast recht, der Dauerfrust ist Zement für eine Beziehung… Wenn ich daran denke, dass wir fast Multimillionäre geworden wären, läuft es mir kalt über den Rücken.

Christelle: Egal, für einen gemütlichen Abend vorm Fernseher, nur wir zwei, reicht es immer…

Jérôme: Weißt du, was mich wirklich entspannen würde…?

Christelle (erwartungsvoll): Lass es raus… Als kleine Entschädigung für dein verlorenes Vuitton-Imitat bin ich bereit, dir jeden Wunsch zu erfüllen.

Jérôme: Ein Tierfilm… Über das Liebesleben der Warane zum Beispiel…

Christelles Begeisterung ebbt etwas ab.

Jérôme: Hast du gewusst, dass die es mit jedem treiben, die Warane… Die weiblichen Warane lassen sich nacheinander von mehreren Männchen bespringen und die Eier, die sie später legen, enthalten dann das Erbgut von ihren sämtlichen Liebhabern.

Christelle (deprimiert): Da ist noch ein bisschen von dem Landwein… Zumindest das, was Patrick übrig gelassen hat… Willst du noch was davon? Besser, wir gewöhnen uns daran…

Sie schenkt zwei Gläser ein, während Jérôme den Fernseher wieder einschaltet.

Stimme (aus dem Off): Soeben erreicht uns die Nachricht, dass der Flug Nummer 32 a der Discount Airways nicht, wie bisher gemeldet, über dem Ärmelkanal abgestürzt ist. Nach neuesten Berichten hatte der Pilot auf Autopilot geschaltet und dann eine Ruhepause eingelegt. Statt der Zwischenlandung in London ist die Maschine bis Alaska weitergeflogen, wo sie an der Küste wegen Treibstoffmangel zu einer Notlandung gezwungen war.

Jérôme: Komisch, weißt du, ich hab das Gefühl, das ist ganz weit weg von mir.

Das Telefon klingelt. Christelle steht wie ein Zombie auf und hebt ab, während Jérôme gebannt in den Fernseher schaut.

Stimme (aus dem Off): Noch liegt uns keine Nachricht über das Schicksal der Passagiere im Flugzeugwrack vor. Auf diesen Bildern von einwandfreier Qualität sind jedoch zwei Pinguine zu erkennen, die mit einem Koffer spielen…

Christelle: Das ist jetzt nicht wahr…!

Christelle ist wie betäubt. Sie legt auf und kommt zu Jérôme zurück.

Jérôme: Wer war das?

Christelle: Nathalies Frauenarzt… Beziehungsweise meiner… Wir sind ja beim selben…

Jérôme: Und?

Christelle: Der hat unsere Krankenakten verwechselt…

Jérôme (verständnislos): Ja, und?

Christelle: Sie ist gar nicht schwanger. Ich bin’s, die schwanger ist!

Jérôme: Du, ich bin jetzt wirklich nicht zu schwachen Scherzen aufgelegt…

Christelle (frohlockend): Ich bin schwanger von dir, Jérôme! Wir kriegen ein Baby!

Jérôme (nicht wirklich begeistert): Aber… ich hab gedacht, wir können keines kriegen… Dein Frauenarzt hat doch gesagt, dass mein Sperma eine so schlechte Kondition hat, dass die Chancen bei eins zu einer Million liegen!

Christelle: Heute ist eben Freitag, der 13.!

Licht aus. Zu sehen ist nur noch die Lichterkette vom Weihnachtsbaum. Weihnachtslied, danach das Heulen von Flugzeugturbinen beim Absturz und eventuell eine Explosion.

Ende

Zum Autor

Jean-Pierre Martinez, geboren 1955 in Auvers-sur-Oise bei Paris, hat seine ersten Bühnenerfahrungen als Schlagzeuger verschiedener Rockgruppen gemacht. Nach Studium und eigener Lehre von Text- und Bildsemiotik an sozial- und theaterwissenschaftlichen Hochschulen (Ecole Pratique des Hautes Etudes en Sciences Sociales, EHESS; Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle, CEEA) wurde er in der Werbebranche tätig, verfasste nebenher schon bald Drehbücher für das Fernsehen und kehrte schließlich als Theater-Autor und Dramaturg an die Bühne zurück.

Martinez zählt zu den produktivsten und meistgespielten der heutigen Theater- und TV-Drehbuchautoren Frankreichs und des französisch-sprachigen Auslands. Bis dato hat er an die 100 TV-Drehbücher und mehr als 70 Komödien verfasst, von denen einige zu Klassikern geworden sind (Vendredi 13 oder Strip Poker). In englischer und spanischer Übersetzung werden seine Theaterstücke regelmäßig auf Bühnen in Nord- und Lateinamerika gespielt.

Um seine Komödien interessierten Theatergruppen nahezubringen, hat Martinez sie zum freien Download auf einer eigenen Internet-Plattform eingestellt: La Comédiathèque, comediatheque.net. In Papierform können die Texte über die Webseite The Book Edition bestellt werden (zum Preis der entsprechenden Fotokopien).

Zum Übersetzer

Dr. phil. Hans-Joachim Bopst, Studium von Romanistik, Germanistik und Deutsch als Fremdsprache; nach über 10 Jahren Lehre an französischen Universitäten seit 1992 in der Übersetzerausbildung an der Universität Mainz / Germersheim tätig; Lehre, Forschung, Veröffentlichungen und Übersetzungen zu Tourismus, Sprachwissenschaft, Didaktik; zahlreiche Gastdozenturen, Vorträge und Workshops an in- und ausländischen Universitäten; seit 2016 Übersetzung der Komödien von Jean-Pierre Martinez.

Was ist eigentlich gemeint, wenn man vom „übersetzten Text“ spricht ? – Beide Texte: der Original-Text und der Text, in dem er sich spiegelt…

Grundlage für die deutsche Übersetzung der Stücke von Jean Pierre Martinez waren Übersetzungsübungen, die unter meiner Leitung am Fachbereich Translations-, Sprach und Kulturwissenschaft (FTSK) der Universität Mainz / Germersheim zwischen 2018 und 2020 stattfanden.

Mein Dank für Kreativität, Korrekturen und Tipps an alle beitragenden Studierenden und Kolleg*innen !

Hans-Joachim Bopst

In deutscher Übersetzung liegen folgende Theaterstücke von Jean-Pierre Martinez vor:

Die Touristen

Vier Sterne

Freitag, der 13

Strip Poker

Alle Stücke von Jean-Pierre Martinez einschließlich der Übersetzungen können gratis von seiner Webseite heruntergeladen werden:
comediatheque.net

Das Werk einschließlich aller seiner Teile ist nach den Bestimmungen über geistiges Eigentum urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung des Werks – insbesondere die Bühnenaufführung – außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes und ohne Einwilligung von Autor und Übersetzer ist unzulässig und strafbar

und kann zu hohen Schadensersatzansprüchen führen.

Text-Download: kostenlos

Paris / Heidelberg / Germersheim – März 2020

© La Comédi@thèque – ISBN 978-2-37705-401-5

Alle Stücke von Jean-Pierre Martinez einschließlich der Übersetzungen können als pdf-Datei gratis von seiner Webseite heruntergeladen werden oder von ihm als Buch bezogen werden : LA COMÉDIATHÈQUE

Freitag, der 13. Lire la suite »

Vier Sterne

Zum Autor

Jean-Pierre Martinez, geboren 1955 in Auvers-sur-Oise bei Paris, hat seine ersten Bühnenerfahrungen als Schlagzeuger verschiedener Rockgruppen gemacht. Nach Studium und eigener Lehre von Text- und Bildsemiotik an sozial- und theaterwissenschaftlichen Hochschulen (EHESS, Ecole Pratique des Hautes Etudes en Sciences Sociales; Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle, CEEA) wurde er in der Werbebranche tätig, verfasste nebenher schon bald Drehbücher für das Fernsehen und kehrte schließlich als Theater-Autor und Dramaturg an die Bühne zurück.

Martinez zählt zu den produktivsten und meistgespielten der heutigen Theater- und TV-Drehbuchautoren Frankreichs und des französisch-sprachigen Auslands. Bis dato hat er an die 100 TV-Drehbücher und mehr als 70 Komödien verfasst, von denen einige zu Klassikern geworden sind (Vendredi 13 oder Strip Poker). In englischer und spanischer Übersetzung werden seine Theaterstücke regelmäßig auf Bühnen in Nord- und Lateinamerika gespielt.

Um seine Komödien interessierten Theatergruppen nahezubringen, hat Martinez sie zum freien Download auf einer eigenen Internet-Plattform eingestellt: La Comédiathèque, comediatheque.net. In Papierform (zum Preis der entsprechenden Fotokopien) können die Texte über die Webseite The Book Edition bestellt werden. Die Rechte für die Bühnenaufführung können / müssen über die Verwertungsgesellschaft SACD erworben werden.


Alle Stücke von Jean-Pierre Martinez können gratis von seiner Webseite heruntergeladen werden.


In deutscher Übersetzung liegen folgende Theaterstücke von Jean-Pierre Martinez vor:

Das Werk einschließlich aller seiner Teile ist nach den Bestimmungen über geistiges Eigentum urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung des Werks außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes und ohne Einwilligung von Autor und Übersetzer ist unzulässig und strafbar und kann zu hohen Schadensersatzansprüchen führen.

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Wenn Sie ihn öffentlich darbieten möchten – gleich ob auf einer etablierten Bühne oder in einem Laientheater – müssen Sie die Aufführungsrechte beim Autor einholen:

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Vier Sterne

Sie haben nichts gemeinsam – vier Reisende, die eine Reise ins All gebucht haben. Das Zusammenleben im Raumschiff verläuft mehr oder weniger gut – bis zu dem Moment, als der Kontrollturm ihnen eröffnet, dass sie wegen eines Lecks in der Sauerstoffversorgung zurückgeholt werden müssen. Das Problem: es ist nicht mehr genug Luft für alle da. Einer von ihnen muss sich opfern, sonst kommen sie alle um. Sie haben eine Stunde Zeit, um denjenigen zu finden, der das „Zeug zum Helden“ hat…

Personen : Edouard – Kimberley – Natacha – Igor

© La Comédi@thèque

ERSTER AKT

Leitzentrale eines Raumschiffs. Bei so einer Komödie sollte man auf einen kitschigen Futurismus Marke Science-Fiction-Filme nicht verzichten. Die Bühnenrückwand kann mit einer bemalten Leinwand abgehängt sein, sie zeigt den Sternenhimmel, wie er von der Aussichtsplattform zu sehen ist. An einer der Seitenwände hängt ein telefonförmiges Funkgerät mit rot blinkendem Lämpchen, an der anderen ein Glaskasten mit einer kleinen roten Feueraxt, wie in Zügen üblich (mit der Aufschrift „Nur im Notfall zu benutzen“). Nach vorne hat man sich eine weitere Glasfront vorzustellen, von der aus sich den Raumfahrern je nach Drehung des Raumschiffs eine unverstellte Sicht auf Erde, Mond und Sterne bietet. Rechts führt eine Tür zur Pilotenkanzel und zum Labor, links geht es zu den Unterkünften. Eduard steht den Zuschauern zugewandt und bestaunt die Szene.

Edouard: Einfach unglaublich, schauen Sie nur, Kimberley! Da unten ist Frankreich!

Kimberley scheint gerade nach etwas zu suchen und wirft nur einen zerstreuten Blick in seine Richtung.

Kimberley: Ja, ja, ganz klein…

Edouard: Von hier erkennt man gut die Küste der Bretagne, die Gironde-Mündung und das Bassin d’Arcachon… wo übrigens meine Jacht liegt, die müsste man eigentlich auch sehen…

Kimberley: Mit Google Earth sehen Sie sie bestimmt. Wenn ich mein Handy finde…

Edouard: Ist schon verrückt… Jeder weiß, dass die Weltkarten von heute absolut wirklichkeitsgetreu sind, anders als die mittelalterlichen Karten, auf denen Amerika noch gar nicht verzeichnet war… Und jetzt haben wir den sichtbaren Beweis!

Kimberley: Erzählen Sie mir bloß nicht, dass Sie ein Heidengeld für diesen Flug hingelegt haben, nur um nachzuprüfen, ob es Amerika wirklich gibt?

Edouard: Aber schauen Sie nur, man kann sogar Korsika sehen! (Er geht zur Aussichtsplattform) Ach, nee… Das ist nur Fliegendreck… (Er tritt zurück und nimmt seine Beobachtung wieder auf) Da, der Stiefel, das ist Italien…

Kimberley (wirft jetzt einen kurzen Blick in die Richtung) – Ist schon komisch, von hier sieht man keine einzige Grenze…

Edouard: Haben Sie etwa gedacht, dass man die Grenzen gestrichelt eingezeichnet sieht, wie auf einer Michelin-Karte? Aber stimmt schon, früher hat man ja sogar die Berliner Mauer aus dem All erkennen können.

Kimberley: Schon schade, dass die weg ist.

Edouard: Die Chinesische Mauer, die bleibt, die kann man ja auch nur schwer kaputt machen…

Kimberley: Mhm…

Edouard: Und Sie? Wie sind Sie zu dieser Reise gekommen?

Kimberley: Das war der erste Preis bei einem Ratespiel auf Kanal TF 1.

Edouard: Und den haben Sie gewonnen? Chapeau!

Kimberley: Man musste den Namen von der Kandidatin wissen, die am Abend zuvor bei einer Reality-Show rausgefallen war.

Edouard: Mich hat dieser nette Ausflug ins All die Kleinigkeit von einer Million Dollar gekostet…

Kimberley: Ja, aber dann gab’s noch einen Losentscheid…, weil über eine Million richtige Einsendungen eingegangen waren. Ehrlich gesagt wär mir ja der zweite Preis lieber gewesen.

Edouard: Nämlich?

Kimberley: Ein Twingo.

Edouard: Auch nicht schlecht.

Kimberley: Nigelnagelneu! Mit allem Drum und Dran: elektrische Fensterheber, Autoradio, Klimaanlage… Ist ganz schön warm hier drin, nicht?

Edouard wendet sich wieder der Aussicht durch die Panoramascheibe zu.

Edouard: Ist wirklich un-glaub-lich, hier braucht man keinen Wetterbericht mehr. Ich kann Ihnen auf einen Blick sagen, dass Nicaragua in der nächsten Stunde einen satten Wirbelsturm abbekommt, der alles zu Kleinholz macht. Das ist schon toll…

Kimberley sucht noch immer überall, außer am Panoramafenster.

Kimberley: Ich hab’s vorhin noch in der Hand gehabt, es kann doch nicht einfach weggeflogen sein…

Sie stößt mit Igor, dem Chefpiloten, zusammen, der in diesem Moment von der Pilotenkanzel hereinkommt.

Kimberley (kokett): Ah, Igor!

Igor: Haben Sie was verloren, Kimberley?

Kimberley: Ja, mein iPhone.

Igor (hält ihr ihr iPhone hin): Ich hab’s in der Toilette gefunden, hat an der Decke geschwebt. In dem Teil vom Raumschiff haben wir Probleme mit der künstlichen Schwerkraft. Ich werd versuchen, das in Ordnung zu bringen…

Kimberley: Danke, das ist nett von Ihnen, Herr Kommandant.

Igor: Leider schweben da noch ganz andere UFOs… Was wollen Sie denn mit dem Handy anfangen?

Kimberley: Naja, mal anrufen!

Igor: Hm… Ich glaub, das wird nicht gehen, Kimberley.

Kimberley: Im Flugzeug muss man sein Handy doch nur beim Start ausschalten, oder?

Igor: Ja, aber hier sind wir in einer Raumfähre. Sie können Ihr Handy anlassen. Aber es würde mich wundern, wenn Sie in 180 km Höhe ein Netz bekommen. Und wenn doch, dann geben Sie mir bitte gleich den Namen von Ihrem Anbieter.

Kimberley: Das kann doch nicht wahr sein, dass wir nicht telefonieren können, den ganzen… Das ist ja schlimmer als im Theater!

Igor: Ich bin untröstlich…

Kimberley: Sagen Sie mir jetzt bloß nicht, dass wir ganz abgeschnitten sind vom Rest der Welt!

Igor: Nicht unbedingt abgeschnitten… Sagen wir mal so: sollte Ihr iPhone im Weltraum tatsächlich klingeln, dann wär das am anderen Ende der Leitung kein Erdbewohner…

In diesem Augenblick klingelt das Handy von Kimberley. Sie nimmt ab, ungläubig.

Kimberley: Hallo? (Wieder gefasster) Das ist nur die Weckfunktion, ich hab vergessen, die Uhr umzustellen.

Igor: In der Umlaufbahn kommt man zugegebenermaßen mit den Tageszeiten ganz schön durcheinander.

Kimberley: Aber was, wenn wir zum Beispiel einen Notfall haben? Kann man dann nicht einmal mehr das Rote Kreuz anrufen?

Igor zeigt zum Sprechfunk an der Wand.

Igor: Im Notfall sind wir per Funk mit der Erde verbunden. Aber wenn Sie Ihren Friseurtermin verschieben wollen, werden Sie noch bis zu unserer Rückkehr warten müssen, fürchte ich…

Kimberley gibt einen Seufzer von sich.

Kimberley: Ich hab überhaupt nichts zum Anziehen heute Abend – was soll ich bloß machen?

Igor: Ich persönlich hab schon was zum Anziehen. Aber Sie können das natürlich ganz frei entscheiden…

Kimberley (schnurrt wieder): Aber, Herr Kommandant…

Natacha tritt auf und kreuzt gerade noch Kimberley beim Rausgehen.

Natacha (kühl-distanziert): Hallo, Kimberley. Alles nach Wunsch?

Kimberley (imitiert E.T.): E.T. nach Hause telefonieren…

Kimberley geht ab.

Edouard: Da, von hier kann man den Mond sehen!

Igor schaut Kimberley hinterher, vor allem auf ihren verlängerten Rücken, was Natacha genau mitbekommt.

Natacha: Von hier auch… (Zu Igor) Was wollte’n die Dauergewellte?

Igor: Die Adresse von Ihrem Friseur. Aber keine Sorge, von mir erfährt sie die nicht, nur über meine Leiche…

(Natacha kommt nicht mehr dazu zu antworten)

Edouard: Na, Igor, heute Kapitänsgala? Was steht denn so auf dem Speiseplan? Ist ja immerhin Silvester, kaum zu glauben! Sie werden uns doch nicht schon wieder Ihre dehydrierten Fertiggerichte in lauwarmer Tunke vorsetzen?

Igor: Keine Angst, Edouard, es ist alles für einen Jahreswechsel vorgesehen, der sich sehen lassen kann. Der Küchenchef schlägt Gänsebraten mit dehydrierten Maronen vor, dazu unseren besten russischen Champagner… lauwarm.

Edouard (seufzt): Wenn ich denke, was ich für meine 4-Sterne-Fahrkarte hingelegt habe – dafür hätten Sie schon französischen Kaviar auffahren können!

Igor: Warum haben Sie nicht ein paar von Ihren legendären Würsten mitgebracht, Edouard?

Edouard: Sie werden’s nicht glauben, ich hatte einen Wurst-Koffer dabei. Aber dann hieß es, ich hätte Übergepäck … und ich musste entweder die Würste oder meinen DVD-Player und die komplette Simpsons-Serie zurücklassen.

Natacha: Und als Mann von Welt…

Edouard: Schon gut. In der Zwischenzeit gehe ich mal wieder in die Schwerelosigkeitskammer, kann gar nicht genug davon kriegen, vielleicht bekomme ich da mehr Appetit.

Igor: Das leuchtet ein. (Zu Natascha gewandt) Ist auch der einzige Ort, an dem er nicht wie ein Trampel daherkommt…

Edouard (Edouard geht ab, trällert dabei die Erkennungsmelodie aus dem Film ‚Die Simpsons‘): « Spider-Schwein, Spider-Schwein », macht, was immer ein Spider-Schwein macht… ! Und, Natacha? Was macht die Forschung?

Natacha: Der liebe Gott hat die Erde nicht an einem Tag erschaffen… Geben Sie mir den Rest der Woche Zeit und ich finde raus, wie er’s angestellt hat.

Edouard: An was arbeiten Sie gleich nochmal?

Natacha: Am Urknall.

Edouard (skeptisch) Wenn es nobelpreisverdächtig wird – lassen Sie‘s mich auf jeden Fall wissen. (Trällert weiter) « Spider-Schwein, Spider-Schwein, macht, was immer ein Spider-Schwein macht… »

Igor: Er hat sich mit Wurstwaren eine goldene Nase verdient.

Natacha: Er ist aber gut drauf.

Igor: Vor allem auf der Waage.

Natacha: Er ist eine Milliarde Dollar schwer. Und ohne diese Neureichen, die astronomische Summen zahlen, um die Erde von oben zu sehen, könnte ich nicht mehr weiterforschen…

Igor: Schon komisch, dass das Geheimnis der Schöpfung vielleicht dank Sponsoring eines Wurstfabrikanten aufgeklärt wird…

Natacha: Und Sie? Ohne die Finanzierung durch das Fernsehen würden Sie doch keine Raumfähren fliegen, sondern nur Chartermaschinen auf die Balearen … Was soll denn diesmal draus werden?

Igor: Bei RTL denken sie über ein neues Format für eine Reality-Show nach. Eine Art Big Brother mit Schwerelosigkeit… Oder so etwas wie Dschungelcamp, aber auf dem Mond.

Natacha: Ach, deswegen haben wir Kimberley an Bord?

Igor: Sie wollen herausfinden, wie das menschliche Gehirn bei einem IQ unter 60 mit der Schwerelosigkeit zurechtkommt. Und das natürlich, bevor sie zukünftige Kandidaten ins Rennen schicken …

Natacha: Das hätten sie auch gleich an einer echten Gans ausprobieren können.

Igor: Und die hätten wir uns jetzt an Silvester einverleibt.

Natacha: Sie können das ja noch.

Igor: Sie ist nicht so ganz mein Typ…

Natacha: So wie Sie hinter ihr her gegafft haben, könnte man dran zweifeln…

Igor (ironisch): Eifersüchtig…?

Natacha: Sie glauben doch nicht etwa, dass Sie mein Typ sind?

Igor: Zumindest jetzt an Silvester hab ich keinen Konkurrenten. Außer wenn Herr Spiderschwein Ihr Typ ist…

Natacha (lächelt): Sind wir jetzt etwa schon in der ersten Folge vom Luna-Dschungelcamp?

Igor will gerade antworten, da fängt die rote Kontroll-Lampe der Bordsprechanlage an zu blinken.

Igor: ‚Tschuldigen Sie n Moment… (Er nimmt den Hörer ab) Kommandant Spock … (Natacha will gerade rausgehen, da bemerkt sie den besorgten Gesichtsausdruck von Igor und bleibt stehen) Ja… Ja… Ok. Nein, nein… Halten Sie mich auf dem Laufenden.

Igor hängt auf.

Natacha: Gibt’s ein Problem?

Igor: Das Kontrollzentrum hat gerade ein Leck in der Sauerstoffversorgung entdeckt…

Natacha: Schlimm?

Igor: Können die noch nicht sagen. Sie rufen durch, sobald sie mehr wissen… Bis dahin müssen wir das Notaggregat in Betrieb nehmen…

Kimberley kommt wieder. Sie trägt ein sehr durchscheinendes Abendkleid.

Kimberley: Meinen Sie, das wäre etwas für heute Abend?

Igor hat andere Sorgen und beachtet sie kaum.

Igor (zu Kimberley): Kleinen Moment, ich muss gerade was regeln… (Zu Natacha gewandt) Kein Grund, die beiden Touristen jetzt damit zu beunruhigen…

Igor geht ab. Kimberley ist offensichtlich enttäuscht.

Kimberley: Er hat mich nicht mal angeschaut… Gerade so, als wäre ich durchsichtig… Finden Sie mich durchsichtig?

Natacha: Ihr Kleid schon…

Kimberley: Vielleicht ein wenig…?

Natacha: Mehr als das, aber… Weihnachten und Silvester ist nur einmal im Jahr! Und es ist die einzige Woche im Jahr, wo eine Frau sich nacheinander als Tannenbaum und als Schlampe anziehen kann. Das muss sie doch ausnutzen.

Kimberley: Sie finden’s nicht so umwerfend…

Natacha: Das hab ich nicht gesagt.

Edouard kommt wieder, trällert.

Edouard: « Spider-Schwein, Spider-Schwein, macht, was immer ein Spider-Schwein macht… » Wow, das ist einfach der Wahnsinn! Aber lieber, bevor ich mir die Gans genehmige.

Kimberley wendet sich ihm zu.

Kimberley: Gefällt Ihnen das, was Sie sehen, Edouard?

Edouard: Ich hab nicht Sie gemeint. Das hätte ich mir nie erlaubt.

Kimberley: Mein Kleid!

Edouard: Ja, es ist… Wie wär’s, wenn Sie mal mit mir unter die Decke gehen? Zu zweit macht das bestimmt noch mehr Spaß…

Igor kommt wieder, was Kimberley eine Antwort erspart. Natacha merkt, dass er noch etwas besorgter aussieht.

Natacha: Alles Roger, Käptn Spock?

Kimberley (zu Edouard): Ich dachte, er ist Kommandant und heißt Igor…

Igor: Alles Roger. Ich habe das Notaggregat eingeschaltet…

Edouard: Das Notaggregat…?

Igor (beschwichtigt) Wir haben ein kleines technisches Problem, aber das bekommen wir gleich wieder hin … Keine Sorge, wir werden ein atemberaubendes Silvester feiern, wie vorgesehen.

Edouard: Dann ist ja alles gut… Ach übrigens, Kommandant, wo wir doch fast genauso schnell wie die Sonne um die Erde kreisen… ähm… Sie wissen schon, was ich meine… Wann genau können wir davon ausgehen, dass es Mitternacht ist?

Igor (zweideutig): Sie können mir glauben, Edouard, bis dahin wird es die längste Silvesternacht Ihres Lebens…

Edouard: Ist schon der Wahnsinn, diese Reise… So was macht man nur einmal in seinem Leben.

Natacha: Sie wissen gar nicht, wie richtig Sie da liegen.

Edouard: Stimmt, es ist ganz schön heiß hier, finden Sie nicht? (Zu Kimberley) Sie hatten recht, Sie hätten den Twingo nehmen sollen, der hat wenigstens eine Klimaanlage…

Es blinkt wieder an der Bordsprechanlage. Igor tauscht einen Blick mit Natacha und nimmt den Hörer ab, während sie versucht, die anderen abzulenken, indem sie in Richtung Glasfront / Zuschauerraum zeigt.

Natacha: Schauen Sie nur, wir fliegen gerade über China!

Igor (spricht in den Hörer) Ja…?

Natacha: Man kann sogar die Große Mauer sehen!

Edouard: Wo denn?

Kimberley: Ich sehe nichts…

Natacha: Doch, doch, da!

Edouard: Ah ja, das könnte sie sein…

Igor (spricht in den Hörer): Nicht…?

Edouard: Ah ja, da, ich kann sie sehen!

Kimberley: Ich kann noch immer nichts erkennen. Allmählich frage ich mich, wozu ich überhaupt hierher gekommen bin.

Igor (spricht in den Hörer): Verstanden…

Igor hängt auf und wechselt einen besorgten Blick mit Natacha.

Edouard: Das ist der schönste Tag in meinem Leben!

Natacha: Ja… Und vielleicht auch der letzte!

Igor (zu Kimberley): Na, Kimberley, ich möchte sie daran erinnern, dass Sie heute noch keine Gymnastik in der Schwerelosigkeitskammer gemacht haben. Sie wissen doch, das gehört zu unserem täglichen Programm

Kimberley (mit einem Seufzer): Mir wird immer ganz übel davon, wenn ich wie eine Fliege kopfüber an der Decke krabbeln soll! Wozu soll das gut sein?

Edouard: Ich komme mit. Sie werden sehen, das macht wirklich Spaß! (Er geht mit Kimberley ab und trällert wieder) « Spider-Schwein, Spider-Schwein, sie macht, was sie immer macht… »

Igor und Natacha bleiben allein zurück.

Natacha: Und?

Igor: Es ist etwas unerfreulicher als erwartet…

Natacha: Jetzt rücken Sie schon raus mit der Wahrheit, Kommandant. Ich brauche Sie wohl nicht daran zu erinnern, dass ich als Co-Pilotin in dieser Raumfähre eingesetzt bin.

Igor: Das Hauptbelüftungssystem ist definitiv ausgefallen. Wir müssen mit der Notversorgung auskommen.

Natacha: Wie viele Stunden Funktionsfähigkeit?

Igor: Vier Stunden.

Natacha: Genug für die Rückkehr zur Erde – wenn wir gleich starten. Aber nicht genug für die Silvester-Party. Die beiden Touristen werden enttäuscht sein, naja, aber das ist das Geringste. Edouard bekommt sein Geld zurück und Kimberley ihren Twingo.

Igor: Ganz so einfach ist es leider nicht…

Natacha: Das habe ich fast geahnt. Sonst würden Sie nicht diesen Cocker-Blick aufsetzen. Welche Mängel gibt’s noch in diesem Schrotthaufen? Und erzählen Sie mir bloß nichts von diesen UFOs, die in der Toilette schweben – ich bin schon auf dem Laufenden…

Igor: Die Notbelüftung ist nur für drei Personen vorgesehen…

Natacha (fassungslos): Soll das ein Witz sein?

Igor: Warum würde ich diesen Cocker-Blick aufsetzen, wenn’s einer wäre?

Natacha: Aber… wieso?

Igor: Sie haben’s ja selber gesagt, diese Raumfähre ist ein Schrotthaufen. Das Antriebssystem stammt von dem Shuttle, den die Amerikaner vor nicht langer Zeit ausgesondert haben, die Kommandokapsel von der Internationalen Raumstation, die die Europäer gerade aufgegeben haben… und das Notsystem, in dem wir hier stecken, haben sie aus einer alten russischen Sojus-Kapsel zusammengebastelt…

Natacha (fix und fertig): Für 3 Personen ausgelegt… Aber wie konnten sie uns dann zu viert starten lassen?

Igor: Spider Schwein hat eine Million Dollar für sein Ticket bezahlt. Und ohne ihn wäre der Start aus Geldmangel abgeblasen worden. Und Sie hätten Ihre Experimente nicht durchführen können.

Natacha: Und Sie haben das alles gewusst!

Igor: Wie gesagt: es war die einzige Chance zu diesem Start. Und hätten Sie auf diese einmalige Gelegenheit verzichtet, ihre Urknall-Theorien zu beweisen, wenn Sie es gewusst hätten?

Natacha: Nein.

Igor: Nein. Weil Ihnen das im günstigen Fall wahrscheinlich den Nobelpreis einbringt. Wozu wäre dann diese kleine Information gut gewesen?

Natacha: Ja, schon, aber unsere beiden Hochbegabten sind kaum nobelpreisverdächtig. Die hatten das Recht, es zu erfahren.

Igor: Die – die wären doch gar nicht mitgekommen, wenn sie’s gewusst hätten…

Natacha: Spider Schwein hätte stattdessen bestimmt den Club Med von Bora Bora gebucht…

Igor: Und die Lady hätte den Twingo mit Klimaanlage gewählt…

Natacha: Toll! Und was hat die werte Reiseleitung am Boden zu bieten?

Igor: Nichts… Wie es aussieht, sind wir für uns selbst verantwortlich. Aber die Rechnung ist einfach: wir haben für vier Stunden Sauerstoff, aber nur für drei Leute. Entweder sind wir bis zur Landung alle erstickt. Oder einer von uns muss eine Stunde lang die Luft anhalten…

Natacha: Und wie soll das gehen?

Igor: Zum Beispiel mit einer Kapsel Zyankali.

Natacha: Wie bitte??

Igor: Wir haben auch die Erste-Hilfe-Ausstattung der Sojus-Kapsel übernommen. Das war der Plan B für den Notfall.

Natacha: Na, super… Dann müssen wir nur noch den Freiwilligen finden, der Philosoph genug ist, den Schierlingsbecher zu leeren.

Igor: Ich hab da so eine Idee, aber die wird Ihnen nicht gefallen…

Natacha: Und die wäre?

Igor: Ein wenig Zyankali als Beilage zur gefriergetrockneten Gans, das wird sie nicht merken.

Natacha: Sie?

Igor: Die Gans.

Natacha: Das ist nicht Ihr Ernst, oder?

Igor: Oder lieber Spider Schwein?

Natacha: Das läuft auf Mord hinaus, Kommandant! Egal, wie wir unser Gewissen beruhigen, können Sie nicht abstreiten, dass es gesetzeswidrig ist.

Igor: Aber vier Leute in einen fliegenden Schrotthaufen mit nur drei Fallschirmen steigen zu lassen – das ist legal…

Natacha: Klar, wir wollen unsere Haut retten. Aber nicht, wenn wir dafür ins Gefängnis gehen… oder das bis an unser Lebensende auf dem Gewissen haben.

Igor: Na schön, was schlagen Sie vor?

Edouard und Kimberley kommen sichtlich gut gelaunt zurück. Sie trällern das Lied von Peter Schilling ‚Major Tom / Völlig losgelöst‘

Kimberley: „Die Erdanziehungskraft ist überwunden / Alles läuft perfekt, schon seit Stunden.“

Edouard: „Im Kontrollzentrum, da wird man panisch / Der Kurs der Kapsel, der stimmt ja gar nicht.“

Kimberley: „Völlig losgelöst / Von der Erde / Schwebt das Raumschiff / Völlig schwerelos.“

Edouard: Na, Kommandant? Zeit für einen Aperitif, nicht? Mir knurrt der Magen!

Kimberley: Ich hab auch schon einen Bärenhunger.

Natacha (zu Igor): Auf jeden Fall werden wir ihnen nicht länger die Wahrheit verschweigen können… ohne sie natürlich unnötig in Panik zu versetzen…

Igor: Diesen beiden schrägen Vögeln eröffnen, dass sie oder er ein Übergepäck ist, ohne sie unnötig in Panik zu versetzen, wie Sie so schön sagen – ich bin mal gespannt, wie Sie das anstellen…

Natacha (verlegen): Ich kann’s ja immerhin versuchen…

Igor: Wenn Sie das hinkriegen, haben Sie sich auch den Nobelpreis für Psychologie verdient…

Licht aus.

ZWEITER AKT

Von der noch dunklen Bühne ertönt ein schriller Schrei, ein Glas geht zu Bruch. Das Licht geht an. Natacha und Igor machen sich an der bewusstlosen jungen Frau zu schaffen, um sie wachzubekommen. Edouard steht daneben, die Augen weit geöffnet. Er umklammert die kleine Feueraxt aus dem Glaskasten, den er eben eingeschlagen hat.

Igor (zu Natacha): Ich glaube, Sie geben sich besser mit dem Physik-Nobelpreis zufrieden…

Edouard (schwingt die Feueraxt bedrohlich): Ich weiß nicht, was mich davon zurückhält, Ihnen beiden den Schädel zu spalten!

Igor: Vielleicht der Umstand, dass nur wir beide dieses Raumschiff zur Erde zurückbringen können…

Edouard: Ich könnte ja nur einen von Ihnen ausschalten… Sie zum Beispiel…

Igor: Wären Sie dazu überhaupt fähig?

Edouard: Ich hab’s als Chef in einem Schlachthof weit gebracht…

Igor: Ich bin kein Kalb. Aber versuchen Sie’s nur! Ich kann mich ja immer auf Notwehr berufen…

Natacha: Glauben Sie wirklich, dass das jetzt der richtige Moment ist?

Edouard: Wann soll denn der richtige Moment sein? Wenn wir alle am Ersticken sind?

Igor: Ihr Anfall verbraucht Luft. Ich schlage vor, Sie hören auf zu atmen. Das würde auch gleich unser Problem lösen.

Natacha: Ah, sie kommt wieder zu sich.

Igor: Schade. Das hätte unser Problem auch gelöst…

Kimberley: Sagen Sie mir, dass das nur ein Albtraum ist… Und dass ich den Twingo gewonnen habe…

Natacha: Leider nicht, Kimberley. Sie haben wirklich das große Los gezogen

Edouard: Sie sind nicht in einem voll klimatisierten Twingo, sondern in einem fliegenden Sarg mit rationiertem Sauerstoff.

Kimberley: Dann stimmt es, dass wir alle sterben werden?

Natacha: Nicht alle, das garantiere ich Ihnen.

Igor: Sie haben sich wenigstens Ihren Optimismus bewahrt…

Kimberley: Also gibt’s doch noch eine Lösung?

Edouard: Ja. (ironisch) Die Kapsel…

Kimberley: Haben wir eine Rettungskapsel? Dann sind wir ja doch gerettet!

Edouard: Die Kapsel mit dem Zyankali! Haben Sie’s noch immer nicht begriffen? Einer von uns ist zu viel an Bord. Und uns bleibt eine knappe Stunde, um zu entscheiden, wer.

Kimberley: Oh, mein Gott, ich hab’s geahnt, dass ich besser auf der Erde geblieben wäre. Ich hätte auf meine Mutter hören sollen: eine Frau von Welt gehört nicht ins All. Das ist bestimmt eine Strafe des Himmels. Denken Sie nur an den Fall des Ikarus.

Edouard: Wer ist jetzt das schon wieder?

Kimberley: Eine Figur aus der griechischen Mythologie! Er bildet sich ein, dass er wie ein Vogel zum Himmel fliegen kann. Zur Strafe lassen die Götter seine Flügel in der Sonne schmelzen…

Igor (zu Natacha): Sagen Sie denen, dass Gott tot ist. Sie arbeiten doch an der Urknall-Theorie. Gerade Sie sollten wissen, dass die Erde nicht von diesem alten Mann mit Bart erschaffen worden ist…

Natacha: Bleibt nur herauszufinden, wer die Lunte für den Urknall angesteckt hat…

Igor: Gut, wir haben leider keine Zeit zum Philosophieren. Also, was machen wir jetzt? Streichhölzer ziehen?

Edouard: Auf gar keinen Fall, das wäre zu einfach!

Igor: Sie könnten damit anfangen, dass Sie die Axt weglegen.

Widerwillig legt Edouard die Axt beiseite.

Edouard: Sie sind doch der Pilot, oder? Sie haben uns in diese Scheiße reingeritten. Sie waren der Einzige, der Bescheid wusste – und haben uns nichts gesagt! Jetzt müssen Sie auch die Verantwortung übernehmen! Auf Schiffen geht der Kapitän mit seinem Kahn unter. Nachdem er alle Passagiere in Rettungsbooten untergebracht hat!

Igor: Mensch, Spider Schwein, komm wieder runter auf den Boden der Vernunft!

Edouard: Würde ich ja gern, glauben Sie mir. Und ich verbitte mir, dass Sie mich duzen.

Igor: He Kumpel, wir sind nicht im Kino!

Kimberley: Aber schon wie auf der Titanic…

Igor: Ich bin nur Untergebener. Ich habe nur Anweisungen ausgeführt.

Edouard: Das haben die SS-Leute in den KZs auch gesagt.

Die beiden Männer sind kurz davor, aufeinander loszugehen. Natacha greift ein.

Natacha: Leute, das bringt doch nichts, jetzt die Nerven zu verlieren. Außer, dass wir unseren bisschen verbleibenden Sauerstoff vergeuden… Aber Igor hat Recht. Es wäre ungerecht, einen Schuldigen zu suchen. Und selbst wenn wir einen ausmachen könnten – ich brauche Sie nicht daran zu erinnern, dass die Todesstrafe in den meisten Demokratien abgeschafft ist.

Edouard (zeigt in Richtung Glasfront / Zuschauerraum): Dann brauchen wir ja nur zu warten, bis wir China oder die USA überfliegen.

Natacha: Die wahren Schuldigen sind da unten, das steht fest. Und als wir uns auf diese Reise gemacht haben, haben wir alle gewusst, dass es gefährlicher wird als eine Woche im Club-Hotel in Tunesien.

Kimberley: Ich war letztes Jahr in Djerba, da habe ich mir Montezumas Rache eingefangen…

Die drei anderen sehen sie etwas verständnislos an.

Edouard: Ok, wir vergessen mal das Volksgericht. Also, wie machen wir das jetzt? (Totenstille) Wir könnten versuchen, den oder die auszumachen, die für die Menschheit der geringste Verlust wäre.

Igor (ironisch): Irgendetwas sagt mir, dass Sie sich aus bestimmten Gründen für unersetzlich halten.

Edouard: Ich stehe an der Spitze eines Unternehmens, das mehr als 200.000 Mitarbeiter weltweit beschäftigt.

Igor: Und Sie glauben wirklich, dass Ihre Wurstfabrik ohne Sie nicht überleben würde? Pff – die Aktionäre wählen einen neuen Vorstandsvorsitzenden und das wär’s.

Edouard: Und Sie? Halten Sie sich für unersetzlicher als mich?

Igor: Na, erstens kann ich diese Raumfähre fliegen.

Natacha: Ich auch…

Edouard: Na, da sehen Sie‘s, einer von Ihnen beiden reicht als Chauffeur und Room Service. Der andere kann verschwinden. (Zu Natacha) Wie wär’s mit Ihnen?

Igor: Halten Sie sich für wichtiger als eine zukünftige Nobelpreisträgerin?

Edouard: Wieso denn nicht?

Igor: Sie haben Recht. Wenn es einen Nobelpreis für Würste gäbe, dann würde er bestimmt Ihnen verliehen.

Edouard: Meine Würste ernähren fast ein Drittel der Menschheit. (Zu Natacha) Woran forschen Sie gleich wieder?

Natacha: An der Schöpfung.

Edouard: Und wozu soll das gut sein?

Natacha: Zu nichts.

Edouard: Und haben Sie eine Antwort auf Ihre Fragen?

Natacha: Nein.

Igor: In diesem Fall weiß ich nicht – egal wie nobelpreisverdächtig Sie sind – was Ihnen das Recht gibt, sich für unersetzlicher als uns zu halten.

Natacha: Das habe ich nie behauptet.

Erneutes Schweigen.

Edouard (zu Kimberley): Und Sie?

Kimberley: Was, ich?

Edouard: Geben Sie uns einen Grund, warum das Schicksal der Erde besiegelt wäre, wenn Sie nicht lebendig zurückkämen…

Kimberley (mit Pathos) Auf mich warten zwei Katzen und ein Kanarienvogel… ganz zu schweigen von meiner Mutter…

Natacha: Jetzt reicht’s! So kommen wir auch nicht weiter! Es ist doch monströs, den Wert eines Menschenlebens über ein anderes zu stellen! Ich mag vielleicht nichts Großartiges entdeckt haben, aber eines weiß ich: kein Leben ist weniger wertvoll als ein anderes.

Edouard: Großartig. Dann stimmen wir eben ab.

Kimberley: Worüber?

Edouard: Eben haben Sie mir die Demokratie vorgehalten. Und dass es ein Zeichen von Größe sein kann, sich für andere zu opfern. Also, lassen Sie uns abstimmen, wen wir dafür als den Würdigsten ansehen.

Natacha: Auf gar keinen Fall!

Edouard: Sie brauchen ja nicht mit abzustimmen. Wir leben in einer Demokratie. Aber es hält uns nichts davon ab, für Sie zu stimmen, sonst ist es zu einfach…

Edouard greift nach einem Notizblock und einem Stift.

Edouard: Jeder schreibt einen Namen auf ein Blatt, faltet es und Natacha übernimmt dann die Auszählung. Igor?

Igor: Und Sie schwören, dass Sie das Ergebnis anerkennen?

Edouard: Das schwöre ich.

Edouard schreibt einen Namen auf ein Blatt, reißt es heraus, faltet es und legt es auf den Tisch. Dann reicht er Block und Stift weiter an Igor.

Edouard: Sie sind dran.

Igor: Sind Sie wirklich so von sich überzeugt?

Edouard: Und Sie?

Igor macht dasselbe wie Edouard und gibt dann Block und Stift an Kimberley weiter.

Edouard: Auf jeden Fall verspreche ich Ihnen eines, Kimberley: wenn wir beide heil hier rauskommen, kriegen Sie Ihren Twingo. Ich kümmere mich höchstpersönlich darum…

Igor wirft ihm einen vernichtenden Blick zu. Kimberley zögert, dann schreibt sie einen Namen auf ein Blatt, reißt das Blatt heraus, faltet es und legt es auf den Tisch.

Edouard: Natacha… Sie haben die ehrenvolle Aufgabe, das Ergebnis der Abstimmung zu verkünden.

Widerwillig greift Natacha nach einem Blatt und liest vor.

Natacha: Igor… (greift spürbar angespannt nach einem anderen Papier) Edouard … (Sie nimmt das dritte Blatt) Kimberley… (erleichtert) Aus der Abstimmung geht kein Märtyrer hervor.

Igor (zu Edouard): Ich habe gegen Sie gestimmt… Und Sie gegen mich… Wer hat dann gegen Kimberley gestimmt?

Kimberley: Ich selbst…

Natacha: Sie opfern sich freiwillig?

Kimberley: Ich hab mich geirrt… Ich hab gedacht, dass jeder für denjenigen stimmt, der gerettet werden soll…

Mitfühlende Blicke der anderen.

Edouard: Tja, so kommen wir nie zu einer Entscheidung!

Igor: Und gehen alle drauf. (Er schaut auf seine Uhr) In ungefähr zwei Stunden.

Edouard: Na, wie wär’s denn, wenn wir, statt zu diskutieren, so schnell wie möglich den Heimflug antreten?

Igor: Wir kommen erst in ungefähr einer halben Stunde wieder in eine Position, aus der wir in die Erdatmosphäre eintreten können.

Natacha: Andernfalls treiben wir ab in eine entfernte Umlaufbahn und müssen ewig um die Erde kreisen.

Edouard: Und die haben mir diese Reise ohne Heimkehr als Vergnügungsreise verkauft…

Igor: Wir haben noch eine knappe halbe Stunde Zeit, um herauszufinden, wer von uns vier das Zeug zum Helden hat.

Natacha: Die Dichter antiker griechischer Tragödien würden uns um diese Konstellation beneiden. Wenn keiner von uns in den Freitod geht, sterben wir alle. Jeder von uns hat also die Wahl, als Einziger zu sterben und die drei anderen zu retten oder ehrlos mit den drei Anderen zu sterben…

Kimberley: Oder im Stillen zu hoffen, dass ein anderer sich für ihn opfert…

Natacha: Egal, ob wir einen oder eine Auserwählte finden, das bringt uns hier nicht lebend raus. Wer sich opfert, um die anderen zu retten, muss es freiwillig tun.

Edouard: Perfekt… Freiwillige vor…

Stille.

Natacha: Ich mach’s.

Die drei anderen sind versteinert. Edouard reagiert als Erster.

Edouard: Ausgezeichnet. Das wäre geregelt. Wir sind Ihnen natürlich dankbar. Auch wenn es nur darum ging, wie Sie selber gesagt haben, dass entweder einer oder wir alle vier sterben…

Igor (zu Natacha): Wieso wollen Sie das tun? Wollen Sie die erste Menschheitserlöserin werden? Sie glauben ja noch nicht mal an Gott …

Edouard: Hat Sie jemand gefragt? Wenn sie sich dazu bereit erklärt… Ich übernehme auf jeden Fall die Kosten für die Beerdigung. Haben Sie diesbezüglich besondere Wünsche?

Igor: Schnauze. Natacha, Sie werden doch nicht für einen Wurstfabrikanten Ihr Leben hergeben… für dieses Würstchen.

Kimberley: Welches Würstchen?

Natacha: Wer sagt Ihnen, dass ich nicht für Sie mein Leben hergebe?

Igor: Ich bin’s nicht wert, das können Sie mir glauben.

Natacha: Ich tu’s aus Stolz. Wenn wir schon draufgehen, dann mit wehender Fahne. Da bin ich ganz Freigeist wie Cyrano…

Igor: Das werde ich nicht zulassen.

Natacha: Und wie wollen Sie mich davon abhalten?

Igor: Den Schlüssel zum Ersten-Hilfe-Schrank habe ich. Und wenn sich hier einer opfern muss, dann ich.

Edouard: Geht’s vielleicht, ohne dass Sie sich deswegen in die Haare kriegen?

Natacha: Sie wären wirklich bereit, sich für mich zu opfern? Wieso denn?

Igor: Weil Sie es wert sind.

Edouard: Eins steht fest: Sie dürfen nicht beide sterben, einer muss ja das Raumschiff zurück zur Erde bringen. (Mit Seitenblick auf Kimberley) Ich habe nämlich nur einen Lkw-Führerschein. Und diese reizende junge Frau wäre wohl nicht mal im Stande, ihren Twingo in der Garage zu parken.

Kimberley: Da bin ich anderer Meinung.

Edouard: Na gut, ich nehme das mit dem Twingo zurück.

Kimberley: Nein, ich bin der Meinung, dass sich weder Natacha noch Igor für uns opfern sollen.

Edouard: Fangen Sie jetzt nicht auch damit an. Wir waren fast durch.

Kimberley: Wie sollen wir denn damit weiterleben?

Edouard: Ach bestens, glauben Sie mir. (Schaut auf seine Uhr) Wir haben nur noch eine Viertelstunde, um uns zu entscheiden.

Igor: Na gut, was schlagen Sie vor?

Kimberley: Den Zufall entscheiden lassen… Das scheint mir die einzige gerechte Lösung zu sein.

Edouard: Gerecht, aber riskant…

Natacha: Ich frage mich, ob Kimberley nicht letzten Endes recht hat. Sofern alle einverstanden sind…

Edouard: Hab ich die Wahl?

Igor: Nicht wirklich…

Kimberley: Wenn wir’s nicht per Strohhalm entscheiden, wie dann?

Igor: Ich würde zwar gern Russisches Roulette vorschlagen, was in einer Sojus-Kapsel auch stilecht wäre. Aber Schusswaffen sind an Bord leider verboten. Außerdem: wenn die Kugel auf der anderen Schädelseite wieder austritt und in eine Kabinenwand einschlägt, käme es höchstwahrscheinlich zu einem Druckabfall. Das würde uns gerade noch fehlen…

Kimberley: Wir haben noch die Axt.

Natacha: Ach so… Und wie spielt man Russisches Roulette mit einer Axt?

Schweigen. Allgemeines Nachdenken.

Edouard: Wir könnten’s durch Pokern entscheiden. Ich habe Karten dabei… Jedes Streichholz steht für einen Liter Luft. Und der Verlierer muss aufhören zu atmen…

Kimberley: Ich weiß nicht, wie man Poker spielt.

Natacha: Ich auch nicht.

Edouard: Dann bringe ich’s Ihnen bei. Sie werden sehen, ist ein Kinderspiel.

Igor: Versuchen Sie bloß nicht, uns was vorzumachen. Poker ist ja gar kein Glücksspiel.

Edouard: Haben Sie eine bessere Idee…?

Igor: Vielleicht…

Igor geht Richtung Tür. Edouard verstellt ihm den Weg.

Edouard: Wo wollen Sie hin?

Igor: Ich hole uns was zum Trinken: Sie haben doch selber gesagt, dass ich für den Zimmerservice zuständig bin, oder?

Edouard: Ich bin dafür, dass wir zusammen bleiben. Sie wollen uns ja vielleicht nur reinlegen.

Igor: Sie haben mein Wort. Das muss Ihnen genügen. Außer, Sie wollen mich vom Rausgehen abhalten, mit Gewalt…

Sie starren sich herausfordernd an, bis sich Edouard letzten Endes abwendet.

Edouard: Schon gut. Wir sind ja hier schließlich unter zivilisierten Menschen…

Igor geht ab. Erneutes Schweigen. Natacha sieht durch das Panoramafenster zu den Sternen.

Natacha: Es mag für eine Astrophysikerin komisch klingen – aber ich habe mir bisher nie die Zeit genommen, die Sterne auf diese Weise zu betrachten, gewissermaßen interesselos…

Edouard (gleichgültig): Aha.

Natacha: Ich frage mich, ob das nicht die eigentliche Antwort ist…

Kimberley: Was für eine Antwort?

Edouard: Auf welche Frage?

Natacha: Nach dem Ursprung der Erde! Vielleicht ist die Antwort ja keine wissenschaftliche, sondern eine rein ästhetische, nach dem Motto: Wenn Gott ein Künstler wäre…?

Edouard zuckt mit den Achseln. Kimberley schaut auch zu den Sternen.

Kimberley: Es ist wahr, es ist wirklich schön.

Natacha (zu Edouard): Sie sind doch auch auf diese Reise gegangen, um die Sterne aus der Nähe zu sehen, oder?

Edouard: Hm…ja.

Natacha: Ich glaube, wir haben doch alle gewusst, dass wir auf dieser Reise so etwas wie den halben Weg zum Himmel zurücklegen.

Kimberley: Es wird Ihnen vielleicht komisch vorkommen, aber inzwischen bedauere ich das mit dem Twingo gar nicht mehr. Mir könnte jetzt gleich die Luft wegbleiben, aber das hätte ich wenigstens vorher noch gesehen… So lebendig habe ich mich noch nie in meinem Leben gefühlt…

Natacha: Wir werden uns alle eines Tages in Luft auflösen, das sollte uns doch jeden Morgen beim Aufwachen bewusst sein. Das macht das Leben leichter. Und nicht einmal die Sterne bleiben davon verschont. Genau wie auch die Sonne eines Tages nicht mehr aufgehen wird.

Kimberley: Dann sind wir nichts anderes als Stars unter vielen anderen?

Natacha: Vier Sternchen, ja. Und eines zu viel…

Edouard: Vier Sterne in diesem Wrack? Kein Wunder, dass hier einer zu viel ist…

Natacha (sieht wieder zu den Sternen): Ein Stern zu viel, aber welcher? Hmm… vielleicht ist das ja das Geheimnis des Universums. Und seiner unablässigen Bewegung. Ein unermessliches Puzzle, das man nicht zusammenbekommt…, weil am Ende immer ein Teil übrig bleibt.

Edouard: Geht’s noch? Bei diesem Vollidioten sind wohl schon die Lichter im Hirn ausgegangen?!

Igor ist mit einem Tablett hereingekommen, auf dem vier Schalen mit Champagner stehen.

Igor: Wie wär’s, wenn wir auf das Neue Jahr anstoßen?

Edouard: Halten Sie das für den geeigneten Augenblick?

Igor: In einer von den Schalen ist das Zyankali.

Totenstille.

Edouard: Und Sie wissen, in welcher! Sie haben’s ja eingeschenkt!

Igor: Deswegen nehme ich auch die letzte Schale. Sie sind der Ehrengast, Sie dürfen sich als Erster bedienen…

Er hält Edouard das Tablett hin. Edouard zögert.

Edouard: Sie wissen wirklich, welche es ist?

Igor: Nein. Sonst wär’s ja witzlos.

Edouard ringt sich durch und greift nach einem Glas. Igor hält das Tablett Kimberley hin, die auch zögert.

Kimberley: Ich vertrag keinen Champagner, ich muss da immer aufstoßen.

Igor: Geht jetzt nicht anders …

Kimberley entschließt sich und nimmt ein Glas. Igor reicht das Tablett Natacha, die ohne zu zögern ein Glas nimmt. Danach bleibt für Igor das letzte Glas. Die vier rücken zusammen und heben ihre Gläser.

Igor: Auf das Wohl der Überlebenden

Alle vier leeren ihr Glas in einem Zug.

Kimberley: Schön kühl… Haben wir keine Erdnüsse?

Licht aus.

DRITTER AKT

Die Vier sitzen um einen Tisch. Gedämpfte Stimmung.

Kimberley: Ich hab gedacht, dass es viel lauter ist, in den Raketen. Hören Sie diese Stille? Wenn man das nicht gewohnt ist… tut es fast weh in den Ohren…

Edouard: Der Beweis, dass wir noch am Leben sind.

Kimberley: Es ist noch leiser als bei meiner Oma. Die wohnt in Limoges…

Natacha: Im luftleeren Raum kann sich Schall nicht ausbreiten – deswegen hört man nichts.

Kimberley: In Limoges?

Natacha: Im All!

Igor: Dabei ist der Kosmos alles andere als leise. Die meisten Sterne, die Sie am Himmel leuchten sehen, sind schon seit Jahrtausenden verglüht, in einem nuklearen Feuerwerk. Wenn Gott existiert, dann ist er eher so ein Dr. Strangelove à la Stanley Kubrick, kein Georges Moustaki.

Kimberley: Also müssen Sterne auch sterben…

Igor: Ja. Und sie sterben, ohne einen Laut von sich zu geben.

Schweigen.

Edouard: Können wir nicht mal ein bisschen Musik anmachen… Hier kriegt man ja einen Koller.

Natacha: „Die ewige Stille dieser unendlichen Weltenräume flößt mir schreckliche Angst ein.“

Edouard: Ja, so hab ich’s gemeint.

Natacha: Das ist von Blaise Pascal, dem Philosophen.

Edouard: Pascal?

Igor: Ein Philosoph, der das ungefähr so wie Sie ausgedrückt hat…

Kimberley isst von ihrem Teller.

Kimberley: Schmeckt eigentlich gar nicht so übel, der dehydrierte Gänsebraten…

Edouard: Apropos dehydriert… Das bringt mich auf eine Idee: wie wär’s, wenn ich meine Produktion auf dehydrierte Würste verlege? Viel praktischer zu transportieren, vor allem ins Ausland. (Deutet mit den Fingern die Wurstlänge an) So eine geschrumpfte Wurst, nicht länger als mein kleiner Finger. Kurz vor dem Essen ins Wasser getaucht und hopp! – verwandelt sie sich in eine stattliche Knackwurst.

Kimberley: Frisch schmecken aber Rosskastanien besser.

Igor: Wie sehen frische Rosskastanien eigentlich aus?

Kimberley: Wie kandierte Rosskastanien?

Edouard: Eher wie gebratene Esskastanien, oder?

Natacha: Ich spüre noch kein Symptom. Und Sie?

Kimberley: Ich auch nicht…

Igor: Es dauert, bis das Gift wirkt.

Edouard: Wie lange?

Igor: Eine knappe Viertelstunde, schätze ich.

Kimberley: Ist Zyankali schmerzhaft?

Igor: Ich weiß nicht. Ich hab noch nie welches eingenommen. Ich meine: bis heute…

Natacha: Wieso sollte es Sie treffen? Sie haben gesagt, dass Sie nicht wissen, in welchem Glas das Gift ist.

Igor: Sagen wir mal … nach meinem Bauchgefühl.

Natacha: So viel ich weiß, verursacht Zyankali zuerst Krämpfe, dann verliert man das Bewusstsein und zuletzt fällt man in ein tiefes Koma…

Edouard: Na, das ist ja allerhand… vor diesen ganzen Nebenwirkungen hatten Sie uns gar nicht gewarnt …

Natacha: Da es sich um eine hochgiftige Substanz handelt, besteht die vorrangige Nebenwirkung im Tod, der im Allgemeinen durch Herzstillstand eintritt.

Alle schlucken.

Igor: Es war das Lieblingsgift der Nazi-Aristokratie. Auf die Weise hat Göring Selbstmord begangen, um sich seiner Hinrichtung nach den Nürnberger Prozessen zu entziehen.

Edouard: Selbstmord begehen, um einer Hinrichtung zu entgehen… Bringt ja auch nichts…

Natacha: Wie auch immer, einer von uns wird in den nächsten Minuten sterben. Wie wär’s, wenn jeder sagt, was er in seinem nächsten Leben anders machen würde, wenn er eines hätte. Wir können nicht so weitermachen wie bisher, oder?

Igor: Sehr gut… Fangen Sie gleich damit an…

Natacha: Hmm… ich glaube, ich würde noch einmal in dieses super-teure Geschäft gehen, wo ich ein paar zum Sterben schöne Schuhe gesehen habe…

Edouard: Ist das alles?

Natacha: Damals habe ich den Preis so was von unverschämt gefunden. Aber nach unserem Abenteuer begreife ich, wie wichtig es ist, sich etwas so ausgefallen Oberflächliches, Frivoles zu gönnen… Und Sie, Edouard?

Edouard: Zuerst mal würde ich nie wieder gestampften Stallboden unter meinen Füßen aufgeben… Schließlich sind die Sterne auch von unten schön. Wenn man ihnen zu nahe kommen will, dann verbrennt man sich die Flügel, wie dieser Typ da… (die anderen blicken verständnislos) Na, dieser Ikarus!

Natacha: Ach so. … Und was noch?

Edouard: Ich werde eine Stiftung gründen…

Igor: Sie?

Edouard: Warum denn nicht? Wie Bill Gates!

Natacha: Und was wäre der Zweck dieser Stiftung?

Edouard: Was weiß denn ich… Mit dem Hunger in der Welt Schluss machen, zum Beispiel…

Igor: Das ist… das ist gut.

Edouard: Ich war nicht immer so reich, wissen Sie. Ich bin nicht mit einem goldenen Löffel im Mund zur Welt gekommen, wie man so schön sagt.

Kimberley: Heißt es nicht: mit einem silbernen Löffel?

Edouard: Wie auch immer…. Bei mir war’s sowieso eher ein silberner Löffel. Mein Vater gehörte zum jüngeren Zweig unserer Familie. Deswegen habe ich beim Tod meines Großvaters nur ungefähr ein Fünftel von seinem Vermögen geerbt. War auch schon eine schöne Stange Geld, aber… Zu dem Fleisch-Imperium bin ich erst gekommen, als mein Onkel gestorben ist…

Igor: Da haben Sie ja weiß Gott eine unglückliche Kindheit gehabt…

Edouard: Weiß Gott. Wenn ich’s zum Wurstkönig gebracht habe, dann genau genommen, weil’s mir darum ging, allen Menschen etwas zum Essen zu verschaffen… Auf meine Weise bin ich nämlich auch ein Idealist…

Igor: Wie hat man nur den Revolutionär verkennen können, der in Ihnen schlummert!… Wenn es hier mit Ihnen zu Ende geht, dann werden wir ein Denkmal für Sie errichten lassen – versprochen! Und was ist mit Ihnen, Kimberley?

Kimberley: Ich nehme mein Studium fernöstlicher Sprachen wieder auf.

Natacha: Sie haben studiert?

Kimberley: Überrascht Sie das?

Natacha: Ich meine nur… ein Studium fernöstlicher Sprachen?

Kimberley: Ja, ich wollte Dolmetscherin werden. Aber ich hab’s abgebrochen, als ich bei der Miss-Wahl mitgemacht habe…

Edouard: Sind Sie zur Miss Frankreich gewählt worden?

Kimberley: Ich hätte’s schaffen können! Aber ich habe vor dem Finale aufgeben müssen… Einer von meinen früheren Lovern hat einen Film ins Internet gestellt, den ich vor Langem gedreht habe, nichts Großartiges… Nur eine Jugendsünde…

Edouard (gespannt): Echt?

Igor: Dann sprechen Sie mehrere Sprachen?

Kimberley: Japanisch und Mandarin fließend. Und mit Russisch komme ich auch ganz gut zurecht.

Igor: Das hätte ich vorhin wissen müssen, als ich in diesem Erste-Hilfe-Arsenal rumgestöbert habe. Ich hab einfach das Zyankali nicht finden können. Es war alles auf Koreanisch beschriftet… glaube ich zumindest…

Kimberley: Mit Koreanisch kenne ich mich auch etwas aus. Eine sehr schöne Sprache, sehr musikalisch.

Edouard: Vor allem das Südkoreanische, schätze ich mal.

Kimberley: Ach ja? Wieso?

Edouard: Im Süden spricht man doch immer etwas melodischer, nicht?

Kimberley: Naja…

Natacha: Und Sie, Igor?

Igor (sichtbar mit Anderem beschäftigt): Ich glaube, das ist jetzt kein guter Zeitpunkt für mich, um Zukunftspläne zu schmieden…

Kimberley: Mein Gott! Spüren Sie schon die ersten Wehen? Ich meine: Krämpfe?

Igor: Ich lasse Sie noch weiter ins Neue Jahr feiern… (Er steht mit Mühe auf und reicht Natacha einen Brief) Hier. Ich habe Ihnen ein paar Zeilen geschrieben, für den Fall… (Natascha nimmt den Brief geistesabwesend entgegen) Lesen Sie ihn, sobald ich nicht mehr da bin. Ich mag keine Abschiede…

Natacha (betroffen): Ich begleite Sie.

Igor: Nein, nicht nötig. Ich gehe lieber allein… Ich wünsche Ihnen allen einen guten Flug…

Kimberley: Ebenso…

Er verlässt die Szene, die anderen drei bleiben versteinert zurück.

Edouard: Die Besten erwischt es immer zuerst.

Natacha steht auf, nimmt das leere Glas von Igor, prüft den Bodensatz und riecht daran.

Natacha: Da war gar kein Zyankali in seinem Glas.

Edouard: Woher wissen Sie das?

Natacha: Zyankali verbreitet immer einen leichten Geruch nach bitteren Mandeln. Es ist mir manchmal im Labor untergekommen. Und ich hab eine feine Nase…

Kimberley greift ebenfalls nach dem Glas und riecht daran.

Kimberley: Ich auch. Ich habe eine Anti-Allergie-Seife, die riecht genau so.

Edouard (besorgt): Also ist es nur die Gans, die ihm schlecht bekommen ist und sterben wird einer von uns dreien?

Natacha riecht auch an den anderen drei Gläsern.

Natacha: In keinem der vier Gläser war Zyankali.

Kimberley: Aber er hat gar nicht gut ausgesehen.

Edouard: Was soll das heißen?

Natacha: Das heißt, dass er das Gift zu sich genommen hat, noch bevor er die Gläser eingeschenkt hat. In voller Absicht. Sie haben ja auch gesehen, dass er genau wusste, dass er sterben wird. Warum hätte er sonst diesen Brief geschrieben…?

Kimberley: Aber… warum?

Natacha: Er hat sich für uns geopfert. Freiwillig. Aber er wollte nicht, dass wir es erfahren…

Edouard: Warum denn? Das ist doch sinnlos!

Natacha: Bestimmt, um unser Gewissen zu beruhigen. Wir sollten glauben, dass das Schicksal gewollt hat, dass wir gerettet werden – und nicht sein Freitod. Außerdem geht es den wahren Helden nicht um die Ehre…

Kimberley: Mein Gott…

Edouard: Was für ein Mann…

Natacha: Ja…

Edouard: Und was steht in dem Brief?

Natacha: Den lese ich lieber erst später, wenn Sie erlauben…

Edouard: Ja klar, aber… vielleicht ist es wichtig… Er war doch der Pilot… Ich weiß nicht… Vielleicht sind das die Anweisungen für die Landung.

Natacha gibt nach, öffnet den Umschlag und beginnt, den Brief leise zu lesen. Die anderen sehen ihr gespannt zu.

Kimberley: Und?

Natacha: Es ist eine Art Testament…

Edouard: Hat er uns etwas hinterlassen? Das ist wirklich großzügig von ihm…

Kimberley wirft ihm einen vorwurfsvollen Blick zu.

Natacha: Es ist eher so etwas wie ein moralischer Nachlass…

Edouard: Moralisch… Inwiefern?

Natacha: Er möchte, dass Ihre Stiftung seinen Namen trägt…

Edouard: Welche Stiftung? (Die beiden anderen werfen ihm einen ungläubigen Blick zu.) Ach ja … die Stiftung.

Kimberley: Um Himmels willen…

Natacha: Und Sie, Kimberley, Sie sollen auch Ihr Versprechen halten…

Kimberley: Mein Versprechen?

Natacha: Ja, das Versprechen, Ihr Studium wieder aufzunehmen… Er hinterlässt Ihnen sein Sparbuch, damit Sie das auch verwirklichen können…

Edouard: Mit wie viel drauf?

Natacha: Fünfzehntausend Euro.

Edouard: Ah… Immerhin.

Kimberley: Für Sie wird er doch auch ein paar Worte übrig gehabt haben…

Natacha: Ja, da sind ein paar Empfehlungen für die Landung. Das zweite Triebwerk hat etwas Schub verloren …

Edouard: Und…?

Natacha (bewegt): Der Rest ist sehr persönlich…

Edouard und Kimberley tauschen einen verlegenen Blick aus, als sie sehen, dass Natacha kurz davor ist, in Tränen auszubrechen. Plötzlich beginnt das Funkgerät an der Wand, wieder rot zu blinken. Natacha nimmt mechanisch ab.

Natacha: Ja…? (fassungslos) Nein? Und das sagen Sie uns erst jetzt? Ok, ich melde mich wieder…

Edouard und Kimberley sehen sie fragend an.

Edouard: Was ist jetzt wieder los?

Natacha: Sie haben es hinbekommen, das Leck in der Hauptbelüftungsanlage wieder abzudichten…

Edouard: Und das heißt?

Natacha: Wir haben wieder für alle genug Sauerstoff bis zur Landung.

Kimberley: Großartig! (begreift) Oh, mein Gott! Igor…

Natacha (läuft überstürzt raus) Ich sehe nach, ob es noch nicht zu spät ist…

Edouard und Kimberley bleiben allein zurück.

Edouard: Solche Versager… Die bekommen was von mir zu hören, da unten. Präsentiert haben sie‘s uns wie einen Luxuszug à la Orient Express… Zusammengestückelt, ja. Das Triebwerk vom amerikanischen Shuttle, das Cockpit von der Europäischen Raumstation, die Sauerstoffversorgung von den Russen…

Kimberley: Und der Erste-Hilfe-Schrank von den Nordkoreanern.

Edouard: Das ist der Turm von Baby Bel, diese Rakete! Ich werde mein Geld zurückverlangen. Aber Hauptsache, wir sind am Leben! Wir haben’s geschafft, wir sind aus dem Schneider, Kimberley! Ist Ihnen das klar? Sie sehen nicht besonders zufrieden aus…

Kimberley: Armer Igor…

Edouard: Tja… Das kommt dabei heraus, wenn man den Helden spielt… Es war schon gut, keinen vorauseilenden Gehorsam zu leisten…

Kimberley: Immerhin… Was für eine Courage… Und gut ausgesehen hat er auch, ehrlich gesagt…

Edouard: Und wie steht’s mit mir? Knackig frisch! (Munter) Und Sie, Sie haben als junges Mädchen in einem Pornofilm mitgemacht? Das sind ja ganz neue Seiten, die ich an Ihnen entdecke, Kimberley. Und polyglott sind Sie auch noch!

Kimberley: Danke!

Edouard: Sagen Sie mal, Kimberley, dieses ganze Abenteuer hat mich nachdenklich gemacht. Oder reifer, würde ich sogar sagen… Ich habe einen Vorschlag für Sie. Ich bräuchte jemanden, dem ich vertrauen kann, für die Leitung…-

Kimberley (begeistert): … Ihrer Stiftung?

Edouard: Welche Stiftung?

Kimberley: Ihre Welthungerhilfe!

Edouard: Ach die… Nein, ich habe eher daran gedacht… kommt auf das Gleiche heraus… Ich suche jemand für die Vertriebsleitung, der den asiatischen Markt erobert…

Kimberley: Den asiatischen Markt?

Edouard: Ich bin sicher, dass Sie in diesem Teil der Welt eine großartige Botschafterin für Wurst wären.

Kimberley: Glauben Sie wirklich…?

Edouard: Sie sprechen fast so viele Sprachen wie der Papst, aber mit Ihrem Aussehen… Das spielt heutzutage eine große Rolle, das Aussehen! Wie soll der Vatikan mit so einem zerknitterten Vertreter, der wie eine dehydrierte Wurst aussieht, nach China expandieren?

Kimberley: Eine dehydrierte Wurst?

Edouard: Eine Milliarde Chinesen, die heute nichts als Nems und Frühlingsrollen zum Beißen haben! Stellen Sie sich nur vor: wenn Sie die alle zur Wurst bekehren könnten? Das wär ein Gemetzel!

Kimberley: Mhm…

Edouard: Und was die Werbung angeht, unter uns, mir ist da eine geniale Idee gekommen, als ich mit Ihnen vorhin den Himmel bewundert habe…

Kimberley: Ach ja…?

Edouard mach eine theatralische Geste in Richtung Mond, die seine tolle Idee unterstreichen soll.

Edouard: Ich projiziere mit einem Laser von einem Satelliten aus ein Bild von meiner Wurst auf die Mondoberfläche, mit meinem Namen drauf in Großbuchstaben! Können Sie sich die Wirkung vorstellen? Das wäre von überall auf der Erde sichtbar! Und das im Zeitalter der Globalisierung!

Kimberley ist ganz betäubt, aber kommt nicht mehr zu einer Antwort. Natacha ist hereingekommen, vollkommen aufgelöst.

Natacha: Er liegt bewusstlos in seiner Koje… Nicht wach zu bekommen… Ich werde ihm folgen…

Edouard: Wie: ihm folgen?

Kimberley nimmt Natacha Tablettenröhrchen aus den Händen.

Kimberley: Oh, mein Gott… Sie hat auch eine von den Zyankali-Kapseln geschluckt…

Edouard: Bloß das nicht! Dann gehen wir alle drauf! (Kimberley sieht erstaunt zu ihm) Wer soll denn jetzt die Raumfähre zur Erde zurückbringen?

Natacha: Ach, das hab ich ganz vergessen… Lebt wohl und werdet glücklich miteinander. Ich folge dem geliebten Mann nach. Für alle Ewigkeit… Aber erst mache ich noch einen Umweg über die Toilette…

Natacha geht ab.

Edouard (außer sich): Die haben uns aber auch nichts erspart…

Kimberley: Ist das nicht erschütternd?

Edouard: Was?

Kimberley: Erst Igor, dann Natacha… Er beschließt zu sterben, um sie zu retten und sie folgt ihm in den Tod nach. Das ist wahnsinnig romantisch!

Edouard: Das ist vor allem echt bescheuert.

Kimberley: Das ist echt Shakespeare! Was für ein Liebesbeweis! Würden Sie für mich in den Tod gehen?

Edouard: Ich hab jetzt sowieso keine andere Wahl mehr. Wir werden alle umkommen.

In diesem Augenblick erscheint Igor wieder. Er taumelt. Auch er hält eine Tablettenröhrchen in den Händen.

Kimberley (verwundert): Das ist jetzt aber echt wie bei Romeo und Julia…

Igor: Ich versteh nicht, ich hab zwei Zyankali-Kapseln geschluckt und fühl mich nur leicht schläfrig…

Kimberley untersucht neugierig das Röhrchen, das Igor in der Hand hatte.

Kimberley: Das ist kein Nordkoreanisch, das ist Südvietnamesisch. (Sie schaut noch einmal nach) Und das ist kein Zyankali – das ist ein Schlafmittel, mit Haltbarkeitsdatum bis 1973.

Edouard: Kein Wunder, dass es nicht mehr wirkt. Aber dann sind wir gerettet. Er kann die Raumfähre zurück zur Erde steuern. Wenn wir’s schaffen, ihn noch eine knappe Stunde wachzuhalten…

Igor: Wo ist Natacha?

Kimberley (verlegen): Jaa… es ist so, dass… –

Edouard: Fühlen Sie sich wieder flugtüchtig? Sonst – zeigen Sie mir schnell, wie alles funktioniert, bevor Sie wieder einschlafen. Es kann ja nicht so kompliziert sein, eine Rakete zu steuern… Wie gesagt, ich hab bei der Armee den LKW-Führerschein gemacht.

Igor: Was ist passiert?

Kimberley: Wir sind gerettet, Herr Kommandant. Die haben’s geschafft das Hauptbelüftungssystem zu reparieren. Wir können wieder nach Hause…

Igor: Und Natacha? Was ist mit ihr, sagen Sie schon!

Kimberley: Es ist so, dass… –

Edouard: Na, kommen Sie schon, es laufen doch auch noch andere schöne Frauen rum…

Kimberley: Sie hat Sie für tot gehalten…

Igor sieht das Röhrchen, das Natacha auf dem Tisch gelassen hat und nimmt es auf.

Igor: Sie hat doch nicht… –

Kimberley: Leider doch, Igor… Aber Sie können sicher sein: sie hat Sie auch geliebt…

Igor: Oh, mein Gott… Dann wäre ich auch lieber tot…

Edouard: Ach neee! Nicht schon wieder! Es nervt langsam!

Kimberley nimmt Igor das Röhrchen aus der Hand und liest, was drauf steht.

Kimberley: Edouard hat Recht. Das würde ich an Ihrer Stelle sein lassen… Igor und Edouard sehen sie fragend an) Das ist auch kein Nordkoreanisch, das ist Tibetisch… (Sie schaut noch einmal nach) Und das ist auch kein Zyankali, sondern ein starkes Abführmittel auf pflanzlicher Basis…

Edouard: Mit abgelaufener Haltbarkeit?

Kimberley: Leider nein…

Edouard: Und das bei diesen Toiletten mit Schwerelosigkeit…

Kimberley: Das wird ein echter Tsunami…

Natacha kommt hereingelaufen.

Natacha: Weiß vielleicht einer, wo in dieser Raumfähre noch Reserve-Klopapier ist… (Sie sieht Igor) Igor? Sie leben ja noch?!

Igor: Ja, Natacha! Wie durch ein Wunder! Wir sind gerettet! Es war nur ein Schlafmittel! Und Sie, Sie werden mit Montezumas Rache davonkommen!

Natacha: Das ist echt …wunderbar!

Igor: Ich liebe Sie, Natacha. Vom ersten Augenblick an, als ich Sie gesehen habe. Wollen Sie meine Frau werden?

Natacha: Ja, Igor… (Sie umarmt ihn unter den gerührten Blicken der anderen Beiden) Aber entschuldigen Sie mich einen Moment, ich komme gleich wieder…

Sie läuft raus und hält sich dabei den Bauch. Igor fällt derweil wieder in tiefen Schlaf.

Edouard: Das sind die zwei Richtigen, um diese Müllkutsche heimzubringen…

Kimberley ist den Tränen nahe und flüchtet sich in die Arme von Edouard.

Kimberley: Mein Gott! Diese ganzen Emotionen… Ich glaube, mein armes Herz wird gleich aufhören zu schlagen…

Edouard (etwas durcheinander): Sie haben Recht… Mir wird auch allmählich bewusst, wie kurz das Leben ist… Und nach allem, was wir gerade gemeinsam durchgemacht haben… Wollen Sie mich heiraten, Kimberley?

Kimberley: Wären Sie wirklich bereit, mich zu heiraten, Edouard? Trotz meiner Jugendsünden?

Edouard: Das Schlimmste liegt hinter uns. Das Beste kommt erst. Ich verspreche Ihnen den Mond, Kimberley!

Kimberley: Den Mond?

Edouard: Wenn ich Sie heirate, tragen Sie meinen Namen! Sie wissen doch: der Laser! Der Name des Wurstkönigs, in Großbuchstaben auf den Mond projiziert. Wollen Sie meine Königin werden, Kimberley?

Kimberley: Bekomme ich dann auch meinen Twingo?

Edouard: Das wird Ihr Hochzeitsgeschenk! Mit allem Zubehör! Einschließlich Zigarettenanzünder und eingebautem Wurstgrill!

Kimberley: Oh, Edouard… also, ja… Ich nehme Ihren Antrag an…

Sie wollen sich gerade umarmen, als das Funkgerät wieder rot blinkt. Sie tauschen einen besorgten Blick aus. Schließlich nimmt Edouard ab.

Edouard: Ja…? (Er hört einen Moment mit ernster Miene zu, dann dreht er sich zu Kimberley, mit breitem Lächeln) Sie haben es sogar geschafft, das verstopfte Klo in Ordnung zu bringen!

Kimberley: Na dann: Ende gut, alles gut…

Ende

Zum Autor

Jean-Pierre Martinez, geboren 1955 in Auvers-sur-Oise bei Paris, hat seine ersten Bühnenerfahrungen als Schlagzeuger verschiedener Rockgruppen gemacht. Nach Studium und eigener Lehre von Text- und Bildsemiotik an sozial- und theaterwissenschaftlichen Hochschulen (Ecole Pratique des Hautes Etudes en Sciences Sociales, EHESS; Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle, CEEA) wurde er in der Werbebranche tätig, verfasste nebenher schon bald Drehbücher für das Fernsehen und kehrte schließlich als Theater-Autor und Dramaturg an die Bühne zurück.

Martinez zählt zu den produktivsten und meistgespielten der heutigen Theater- und TV-Drehbuchautoren Frankreichs und des französisch-sprachigen Auslands. Bis dato hat er an die 100 TV-Drehbücher und mehr als 80 Komödien verfasst, von denen einige zu Klassikern geworden sind (Vendredi 13 oder Strip Poker). In englischer und spanischer Übersetzung werden seine Theaterstücke regelmäßig auf Bühnen in Nord- und Lateinamerika gespielt.

Um seine Komödien interessierten Theatergruppen nahezubringen, hat Martinez sie zum freien Download auf einer eigenen Internet-Plattform eingestellt: La Comédiathèque, comediatheque.net. In Papierform können die Texte über die Webseite The Book Edition bestellt werden (zum Preis der entsprechenden Fotokopien).

Zum Übersetzer

Dr. phil. Hans-Joachim Bopst, Studium von Romanistik, Germanistik und Deutsch als Fremdsprache; nach über 10 Jahren Lehre an französischen Universitäten seit 1992 in der Übersetzerausbildung an der Universität Mainz / Germersheim tätig; Lehre, Forschung, Veröffentlichungen und Übersetzungen zu Tourismus, Sprachwissenschaft, Didaktik; zahlreiche Gastdozenturen, Vorträge und Workshops an in- und ausländischen Universitäten; seit 2016 Übersetzung der Komödien von Jean-Pierre Martinez.

Grundlage für die deutsche Übersetzung der Stücke von Jean Pierre Martinez waren Übersetzungsübungen, die unter meiner Leitung am Fachbereich Translations-, Sprach und Kulturwissenschaft (FTSK) der Universität Mainz / Germersheim zwischen 2018 und 2020 stattfanden.

Mein Dank für Kreativität, Korrekturen und Tipps an alle beitragenden Studierenden und Kolleg*innen !

Hans-Joachim Bopst

In deutscher Übersetzung liegen folgende Theaterstücke von Jean-Pierre Martinez vor:

Die Touristen

Vier Sterne

Freitag, der 13.

Strip Poker

Alle Stücke von Jean-Pierre Martinez einschließlich der Übersetzungen können gratis von seiner Webseite heruntergeladen werden:

comediatheque.net

Das Werk einschließlich aller seiner Teile ist nach den Bestimmungen über geistiges Eigentum urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung des Werks – insbesondere die Bühnenaufführung – außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes und ohne Einwilligung von Autor und Übersetzer ist unzulässig und strafbar und kann zu hohen Schadensersatzansprüchen führen.

Text-Download: kostenlos

Paris / Heidelberg / Germersheim – März 2020

© La Comédi@thèque – ISBN 978-2-37705-418-3

Alle Stücke von Jean-Pierre Martinez einschließlich der Übersetzungen können als pdf-Datei gratis von seiner Webseite heruntergeladen werden oder von ihm als Buch bezogen werden : LA COMÉDIATHÈQUE

Vier Sterne Lire la suite »